Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Schuldbetreibungs- und Konkurskammer 7B.241/2003
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7B.241/2003 /frs

Arrêt du 8 janvier 2004
Chambre des poursuites et des faillites

Mmes et M. les Juges Escher, Présidente, Meyer et Hohl.
Greffier: M. Fellay.

L'Association X.________,
recourante, représentée par Me Christiane de Senarclens, avocate,

contre

Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du
canton de Genève, rue Ami-Lullin 4, case postale 3840, 1211 Genève 3.

saisie, for de la poursuite,

recours LP contre la décision de la Commission de surveillance des offices
des poursuites et des faillites du canton de Genève du 30 octobre 2003.

Faits:

A.
Le 10 avril 2003, dans le cadre de la poursuite n° xxxxx dirigée contre
Y.________ à la requête de l'Association X.________, l'Office des poursuites
de Genève a exécuté une saisie des gains du débiteur à concurrence de 1'000
fr. par mois.
Par acte du 20 juin 2003, la créancière a déposé plainte contre le
procès-verbal de saisie au motif que le montant de la saisie fixé par
l'office était insuffisant. Elle a notamment contesté le revenu net et le
loyer du débiteur pris en considération. A propos du loyer, elle a relevé que
dès lors que le débiteur était "légalement, et peut-être aussi effectivement"
domicilié au Boulevard Z.________, à Genève, soit dans l'immeuble où il
exerçait sa profession (physiothérapeute indépendant), il paraissait douteux
de prendre en compte dans ses charges un loyer de 3'000 fr. pour la location
d'une villa en France.
Interpellé par la Commission cantonale de surveillance, le débiteur a
notamment confirmé qu'il ne disposait d'aucun logement dans son cabinet, bien
qu'il fût "légalement domicilié à Genève pour des raisons administratives".
Dans son rapport, l'office a déclaré avoir constaté, lors de sa visite au
cabinet du débiteur le 7 octobre 2003, que ce dernier n'y vivait pas et que
les seuls biens qui s'y trouvaient étaient des biens usagés, indispensables à
l'exercice de sa profession. En outre, le débiteur  avait expliqué que ses
biens personnels se trouvaient en France, qu'il travaillait deux jours et
demi par semaine et avait déposé une demande AI. L'office a confirmé, le 16
octobre 2003, que le débiteur habitait en France et que le Boulevard
Z.________, à Genève, était son adresse professionnelle. Selon les
renseignements fournis par l'Office cantonal de la population, le débiteur
était domicilié à cette dernière adresse.

B.
Par décision du 30 octobre 2003, communiquée le lendemain aux parties, la
Commission cantonale de surveillance a rejeté la plainte, constaté d'office
qu'il n'existait pas de for de la poursuite à Genève, constaté la nullité de
la saisie exécutée à l'encontre du débiteur ainsi que de toutes opérations de
poursuite ultérieures et invité l'office à restituer les gains saisis en
mains du débiteur. Elle a tenu pour établi que le débiteur résidait en France
dans une villa de location et que son adresse à Genève était son adresse
professionnelle.

C.
Par acte du 13 novembre 2003, la créancière a recouru à la Chambre des
poursuites et des faillites du Tribunal fédéral afin de faire constater que
le for de la poursuite est à Genève, de faire annuler la décision de la
Commission cantonale de surveillance et d'obtenir que suite soit donnée à sa
plainte; subsidiairement, elle demande que l'affaire soit renvoyée à
l'autorité cantonale pour complément des constatations de fait et nouvelle
décision (art. 64 al. 1 OJ) ou que le Tribunal fédéral procède lui-même à ce
complément et statue sur le litige (art. 64 al. 2 OJ). La recourante invoque
la violation des art. 23 CC, 8 CC et 20a al. 2 ch. 3 LP. Elle se prévaut de
faits et moyens de preuve nouveaux.
Invitée à se déterminer sur le recours en tant que partie à la procédure
cantonale, l'Administration fiscale cantonale dit avoir été entièrement
désintéressée dans le cadre de la saisie litigieuse, de sorte que le résultat
de la présente procédure n'a plus d'effet sur sa créance. Elle ajoute que,
selon ses registres et ceux de l'Office cantonal de la population, le
débiteur est domicilié sur le territoire du canton de Genève.
Dans sa réponse, le débiteur constate que "la recourante a parfaitement
raison lorsqu'elle affirme que je suis domicilié à Genève. Ceci dans la
mesure où j'y ai mes centres d'intérêts; j'y paie mes impôts cantonaux,
fédéraux, communaux; j'y vote; mes véhicules sont immatriculés à Genève, mes
contrats de leasing sont enregistrés à Genève". Le débiteur affirme par
ailleurs avoir réglé intégralement le montant en poursuite, y compris les
intérêts et les frais.

L'office conclut au rejet du recours.

La recourante a présenté spontanément une nouvelle écriture le 1er décembre
2003.

La Chambre considère en droit:

1.
La plainte avait pour objet le montant de la saisie de gains opérée par
l'office. La Commission cantonale de surveillance n'a pas statué sur cet
objet mais, d'office, sur la question du for de la poursuite. La recourante,
qui n'a pas eu l'occasion en instance cantonale de se déterminer sur cette
question, est habilitée à invoquer de nouveaux faits et à produire de
nouvelles pièces (art. 79 al. 1 OJ; P.-R. Gilliéron, Commentaire de la loi
fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 41 ad art. 19 LP et
la jurisprudence citée; Flavio Cometta, Kommentar zum Bundesgesetz über
Schuldbetreibung und Konkurs, n. 38 ad art. 19 LP).

En revanche, faute d'avoir été requise par la présidente de la Chambre de
céans, la nouvelle écriture de la recourante du 1er décembre 2003 ne peut pas
être prise en considération.

2.
La question de l'intérêt actuel et concret au recours (ATF 120 III 107
consid. 2 et les références) se pose en l'espèce, dès lors que la poursuite
litigieuse a été intégralement réglée, l'affirmation du débiteur à ce sujet
étant corroborée par une pièce du dossier cantonal (cote 5). La recourante
produit toutefois la copie d'un nouveau commandement de payer qu'elle a fait
notifier le 10 octobre 2003 au débiteur à son même domicile genevois
(poursuite n° xxxxx) et auquel celui-ci a fait opposition. Il se justifie,
dans ces conditions, de renoncer à l'exigence de l'intérêt actuel et concret
au recours (cf. ATF 128 III 465 consid. 1 in fine p. 467).

3.
3.1 Dans la mesure où, à l'appui de son grief de violation de l'art. 20a al. 2
ch. 3 LP, la recourante reproche à l'autorité cantonale non pas d'avoir violé
le principe de la libre appréciation des preuves, mais d'avoir apprécié de
façon arbitraire les preuves disponibles, son grief est irrecevable. En
effet, l'appréciation des preuves ne relève pas de l'application du droit
fédéral, seule susceptible de faire l'objet du recours prévu à l'art. 19 LP,
mais du droit cantonal de procédure (art. 20a al. 3 LP; ATF 105 III 107
consid. 5b p. 116), dont la violation ne peut être alléguée que dans un
recours de droit public fondé sur l'art. 9 Cst. (ATF 120 III 114 consid. 3a;
110 III 115 consid. 2 p. 117; cf. Gilliéron, op. cit., n. 30 ad art. 19 LP;
Cometta, loc. cit., n. 37 ad art. 20a LP).

3.2 L'appréciation des preuves ayant convaincu la Commission cantonale de
surveillance de l'existence d'un domicile en France, la question de
l'application de l'art. 8 CC ne se pose plus; seul le moyen tiré d'une
appréciation arbitraire des preuves, à invoquer impérativement dans un
recours de droit public, est alors recevable (ATF 127 III 248 consid. 3a p.
253, 519 consid. 2a; 119 II 114 consid. 4c p. 117).

4.
Le domicile du débiteur au sens de l'art. 46 al. 1 LP est déterminé selon les
critères prévus par l'art. 23 al. 1 CC et, le cas échéant, par l'art. 20 LDIP
qui contient la même notion du domicile: une personne physique a son domicile
au lieu ou dans l'Etat où elle réside avec l'intention de s'y établir, ce qui
suppose qu'elle fasse du lieu en question le centre de ses intérêts
personnels et professionnels (Andreas Bucher, Droit international privé
suisse, t. II, p. 60 ss n. 115 ss).

4.1 Le lieu où la personne réside et son intention de s'établir constituent
des questions de fait dont la solution lie le Tribunal fédéral, étant rappelé
que la jurisprudence actuelle (ATF 119 II 64 consid. 2b/bb) ne se fonde pas
sur la volonté intime de l'intéressé, mais sur l'intention manifestée
objectivement et reconnaissable pour les tiers. Si ces manifestations
relèvent du fait, les conclusions à en tirer quant à l'intention de s'établir
au sens des art. 23 CC et 20 LDIP constituent une question de droit que le
Tribunal fédéral examine librement (ATF 120 III 7 consid. 2a et les
références).

4.2 Lorsqu'il s'agit de déterminer le domicile d'une personne, le lieu
indiqué par celle-ci n'est pas toujours décisif. Il faut, au contraire, se
fonder sur l'endroit que sa conduite effective désigne comme le centre de ses
intérêts personnels et professionnels. Une personne qui séjourne à l'étranger
peut avoir un domicile en Suisse lorsqu'elle a en Suisse le centre de son
existence, de ses relations, de ses intérêts idéaux et matériels, et de sa
vie domestique, l'établissement de la famille jouant à cet égard un rôle
important. En revanche, les permis d'établissement ou de séjour, le dépôt des
papiers et l'exercice des droits politiques ne sont pas déterminants à eux
seuls. Lorsqu'une personne séjourne en deux endroits différents et qu'elle a
des relations avec ces deux endroits, le domicile se trouve au lieu avec
lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des
circonstances (ATF 125 III 100 consid. 3 p. 102; 120 III 7 consid. 2b et les
références; arrêt non publié du 28 janvier 2000 dans la cause 2A.393/1999,
consid. 3; arrêt du 13 février 1995 dans la cause 2A.118/1993, publié in
Archives 64 p. 401 consid. 3 p. 405 s.). Dans ce dernier arrêt, le Tribunal
fédéral a qualifié de secondaire la location d'un appartement à l'étranger,
même associée à un dépôt des papiers, au vu de la poursuite de l'activité
professionnelle de l'intéressé en Suisse, telle qu'elle ressortait du
dossier.

4.3 La Commission cantonale de surveillance a tenu pour établie l'existence
d'une résidence matérielle et durable en France, partant celle d'un domicile
dans ce pays, sur la base des seules déclarations de l'office et du débiteur,
aux termes desquelles ce dernier résidait en France dans une villa de
location et n'était légalement domicilié à Genève, à son adresse
professionnelle, que pour des raisons administratives. Elle n'articule
toutefois aucun nom de localité en France, pas plus qu'elle n'indique de
quelle façon cette localité  constituerait le centre d'existence du débiteur,
soit le lieu où se focaliseraient un maximum d'éléments concernant sa vie
personnelle, sociale et professionnelle.
Non seulement la Commission cantonale de surveillance conclut de la sorte à
l'existence d'un domicile français en méconnaissance des critères posés en la
matière par le droit fédéral, elle se contente aussi  d'exclure le domicile
suisse par simple déduction de l'admission d'une résidence en France, violant
ainsi la règle qui veut qu'en présence de différents lieux de séjour, il faut
procéder à un examen de l'ensemble des circonstances pour déterminer avec
quel lieu l'intéressé a les relations les plus étroites. A ce propos, la
recourante se prévaut d'un certain nombre de circonstances objectives
propres, selon elle, à corroborer l'existence d'un centre de vie du débiteur
à Genève: celui-ci a déposé ses papiers dans cette ville et déclaré aux
autorités cantonales s'y être constitué un domicile effectif; il y travaille
en qualité d'indépendant depuis plusieurs années; il roule avec des voitures
assurées en Suisse au bénéfice de plaques d'immatriculation genevoises et
acquises, pour certaines, en leasing auprès d'une société de leasing
genevoise; il consulte un médecin genevois; il est assuré auprès d'une
caisse-maladie suisse; il a déposé une demande AI à Genève, sur la foi d'un
domicile genevois allégué, condition pour l'octroi de rentes correspondant à
un taux d'invalidité inférieure à 50 % (art. 28 al. 1ter LAI); ses banques
sont des établissements suisses; en outre, le débiteur possède une maison sur
le territoire de la commune de Vernier (cf. dossier cantonal, cote 2, pièce
n° 2: procès-verbal d'une saisie précédente, n° xxxxx de mars 1998); de
surcroît, il ne s'est pas prévalu de la prétendue existence d'un domicile
effectif en France pour tenter d'échapper à la saisie de gains dont il
faisait l'objet.
Il s'agit là d'un faisceau d'indices permettant de présumer l'existence d'un
domicile plutôt à Genève qu'en France, domicile genevois que le débiteur
revendique d'ailleurs expressément dans sa réponse au recours; mais cette
présomption peut être renversée par des preuves contraires (ATF 125 III 100
consid. 3 p. 101), dont cependant ni la décision attaquée ni le dossier ne
font état. Certes, la Commission cantonale de surveillance relève, en se
référant à la doctrine (Georges Brosset, Domicile, FJS 1007 p. 2 ch. 4b), que
l'exercice d'une activité en un lieu donné ne suffit pas à lui seul pour
créer un domicile lorsque l'intéressé habite ailleurs et rentre chaque jour
chez lui, son travail terminé. On cherche toutefois vainement dans la
décision attaquée une constatation à ce propos et, de façon plus générale,
quant au lieu où le débiteur passe son temps lorsqu'il ne travaille pas dans
son cabinet de physiothérapie, constatation pourtant essentielle pour
déterminer lequel des deux lieux entrant en ligne de compte doit être
considéré comme domicile au sens des art. 23 CC et 20 LDIP.

4.4 Faute de pouvoir apporter elle-même les compléments nécessaires sur ce
point au vu du dossier, la Chambre de céans ne peut qu'annuler la décision
attaquée, pour violation des dispositions précitées, et renvoyer la cause à
l'autorité cantonale pour complément d'instruction et nouvelle décision (art.
64 et 81 OJ). Dans le cas où, contrairement à ce qu'elle a précédemment jugé,
la Commission cantonale de surveillance admettrait l'existence d'un domicile
genevois, il lui appartiendrait de donner suite à la plainte de la recourante
du 20 juin 2003.

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
Admet le recours dans la mesure où il est recevable, annule la décision
attaquée et renvoie la cause à la Commission cantonale de surveillance pour
complément d'instruction et nouvelle décision.

2.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au
débiteur, à l'Office des poursuites de Genève et à la Commission de
surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève.

Lausanne, le 8 janvier 2004

Au nom de la Chambre des poursuites et des faillites
du Tribunal fédéral suisse

La présidente:  Le greffier: