Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Schuldbetreibungs- und Konkurskammer 7B.200/2003
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7B.200/2003 /frs

Arrêt du 11 novembre 2003
Chambre des poursuites et des faillites

Mmes et M. les Juges Escher, Présidente, Meyer et Hohl.
Greffier: M. Fellay.

X. ________,
recourant, représenté par Me François Logoz, avocat, avenue des Mousquines
20, case postale 31, 1000 Lausanne 5,

contre

Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois, en qualité
d'autorité supérieure de surveillance, route du Signal 8, 1014 Lausanne.

avis de saisie de salaire,

recours LP contre l'arrêt de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal
cantonal vaudois, en qualité d'autorité supérieure de surveillance, du 25
août 2003.

Faits:

A.
Dans la poursuite n° xxx'xxx exercée par Y.________ contre X.________,
l'Office des poursuites de Lavaux a adressé au débiteur, le 27 septembre
2002, un avis de saisie pour une créance de 948'504 fr., intérêts et frais
compris. Il a demandé et réuni toutes pièces justificatives des ressources et
dépenses du débiteur et de sa famille.
Le débiteur a produit en particulier une convention de mesures protectrices
de l'union conjugale signée le 11 février 2002 par lui-même et son épouse, et
ratifiée le 12 mars 2002 par le Président du Tribunal d'arrondissement de
l'Est vaudois. Cette convention, passée entre époux séparés de biens et
continuant la vie commune, avait pour but d'éviter que l'harmonie conjugale
ne soit perturbée par les tensions nées des difficultés financières du
débiteur. Elle prévoyait notamment que celui-ci, dès le 1er février 2002,
verserait chaque mois à son épouse la somme de 4'050 fr. à titre de
contribution pour les frais d'entretien de ses enfants et pour ses propres
frais inclus dans le ménage commun.
Le 25 novembre 2002, l'office a informé le débiteur qu'il ne pouvait tenir
compte du montant mentionné dans la convention que si la bénéficiaire en
avait réellement besoin pour subvenir à son entretien. Le 23 décembre
suivant, il a ordonné la saisie de son salaire à concurrence de 1'700 fr. par
mois dès janvier 2003, montant arrêté sur la base du calcul suivant:

"Charges mensuelles
base légale pour un couple                           fr. 1550
base légale 3 enfants nés en 87, 88 et 91     fr. 1500.
intérêts hypothécaires et amortissement       fr. 5656
charges de l'immeuble                                  fr.   600.
assurance-maladie du couple + 2 enfants    fr. 1140.35

Total                                                          fr. 10446.35

Débiteur                             Conjoint
Revenus           fr. 4736.05, soit 26,70 %     fr. 13000.00, soit  73,30 %
Revenu couple            fr. 17736.05
Charges totales          fr. 10446.35
Participation aux charges
(débiteur)                     10446.35 x 26,70 % = fr. 2789.20
épouse                        10446.35 x 73.30 % = fr. 7657.15
Quotité saisissable (du débiteur)
Revenu                                 fr. 4736.05
./. participation aux charges  fr. 2789.20

Quotité disponible                 fr. 1946.85 ".

B.
Sur plainte du débiteur, le président du tribunal d'arrondissement a, par
décision du 27 février 2003 rendue en sa qualité d'autorité cantonale
inférieure de surveillance, réduit le montant de la saisie mensuelle de
salaire à 215 fr. Il a considéré en substance que la convention de mesures
protectrices de l'union conjugale passée par les époux avait acquis force
obligatoire et que l'office ne pouvait pas l'ignorer dans son calcul de la
quotité disponible. En outre, cette situation n'était pas dommageable pour
les créanciers, car l'application de ladite convention était la condition
sine qua non pour que les époux continuent à faire ménage commun; or, s'ils
devaient vivre séparés, le débiteur aurait à verser une contribution
d'entretien pour ses trois enfants et à assumer le paiement d'un loyer et
d'autres frais, ce qui laissait penser que la quotité disponible ne serait
guère supérieure à l'actuel montant saisissable.
Sur recours de la créancière, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal
cantonal vaudois a, par arrêt du 25 août 2003, réformé la décision de
l'autorité inférieure de surveillance en ce sens que la plainte du débiteur
était rejetée.

C.
Par acte du 5 septembre 2003, le débiteur a recouru à la Chambre des
poursuites et des faillites du Tribunal fédéral en concluant à la réforme de
l'arrêt cantonal dans le sens d'un rejet du recours de la créancière,
subsidiairement au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle
décision dans le sens des considérants. Il soutient en substance que le refus
de prendre en considération la convention des époux, ratifiée pour valoir
prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale, consacre une
méconnaissance de l'art. 93 LP (calcul du minimum vital) et de diverses
dispositions du droit de la famille, en particulier de l'art. 173 CC
(fixation des contributions d'entretien par le juge), ainsi qu'une violation
de l'autorité de chose jugée attachée audit prononcé.
L'office a déposé des observations allant dans le sens d'une confirmation de
l'arrêt attaqué. La créancière a conclu au rejet du recours.
L'effet suspensif a été attribué au recours par ordonnance du 11 septembre
2003.

La Chambre considère en droit:

1.
Le recourant dit adhérer aux constatations de fait de l'arrêt attaqué, sous
réserve toutefois de l'inadvertance suivante: l'état de fait établi par la
cour cantonale ne retient pas que la pension alimentaire mensuelle de 4'050
fr. est régulièrement acquittée, comme en attesterait la pièce 102 produite
en première et seconde instances.
Il y a inadvertance au sens de l'art. 63 al. 2 OJ lorsque l'autorité
cantonale a ignoré, mal lu, transcrit inexactement ou incomplètement une
pièce versée au dossier (ATF 118 III 1 consid. 1 p. 2, 115 II 399/400, 109 II
159 consid. 2b p. 162 et les arrêts cités).
La pièce 102 invoquée concerne bien un ordre permanent de paiement, mais
n'indique ni montant ni bénéficiaire. On ne saurait dans ces conditions
reprocher à la cour cantonale une quelconque inadvertance. L'état de fait de
l'arrêt attaqué n'a dès lors pas à être complété en application de l'art. 64
al. 2 OJ, comme le requiert le recourant.
Au demeurant, le fait en question n'est pas pertinent pour la solution du
présent litige (cf. Poudret, COJ II, n. 5.1 ad art. 63 OJ).

2.
La question de savoir si et dans quelle mesure une dette d'aliments fait
échec à l'exécution d'une saisie de salaire doit être tranchée à la lumière
de l'art. 93 LP, disposition qu'appliquent souverainement les autorités de
poursuite. En vertu de cette disposition, le salaire du débiteur ne peut être
saisi au profit d'un créancier ordinaire que déduction faite de ce qui est
indispensable à son entretien et à celui de sa famille. A cet effet, les
autorités de poursuite fixent librement - en suivant les Lignes directrices
pour le calcul du minimum d'existence en matière de poursuite de la
Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse - la part des
ressources du débiteur qu'elles estiment indispensable à son entretien et à
celui de sa famille. Elles ne sont donc en principe pas liées par la décision
qu'aurait pu prendre le juge ou telle autre autorité compétente quant au
montant des aliments dus par le débiteur à tel ou tel membres de sa famille.
Elles s'en tiennent toutefois, en général, au chiffre fixé par le juge, à
moins qu'il n'y ait des motifs précis de croire que le créancier d'aliments
n'a nullement besoin, pour s'assurer le minimum qui lui est indispensable, de
toute la contribution mise à la charge du débiteur (ATF 68 III 26 et 97; 71
III 174 consid. 3; 105 III 50 consid. 5). La liberté d'appréciation des
autorités de poursuite en la matière est en tous les cas entière lorsque le
juge ne fixe pas lui-même les contributions d'entretien (art. 173 al. 1 CC),
mais se contente, comme en l'espèce, de ratifier une convention des époux,
arrangement interne qui n'oblige que ceux-ci et ne peut avoir pour effet de
modifier le minimum vital de l'époux poursuivi au détriment de ses créanciers
(ATF 116 III 75 consid. 2b et les références). En effet, bien que les
conjoints puissent convenir de la façon dont chacun apporte sa contribution à
l'entretien de la famille (art. 163 al. 2 CC), il n'est pas possible, dans le
cadre d'une poursuite exercée par un tiers contre un époux, de tenir compte
de leurs conventions internes (arrêt non publié du Tribunal fédéral du 29
octobre 1990, cité par Gilliéron dans son commentaire de la loi fédérale sur
la poursuite pour dettes et la faillite [n. 114 ad art. 93 LP]). Comme le
relève un autre auteur, le juge des mesures protectrices de l'union conjugale
est d'ailleurs lié par les déclarations des parties et n'a pas à prendre en
considération les intérêts des créanciers saisissants (Georges Vonder Mühll,
Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, n. 34 ad art.
93 LP; cf. en outre Hausheer /Reusser/Geiser, Kommentar zum Eherecht, n. 67
ad art. 163 CC; Amonn/Walther, Grundriss des Schuldbetreibungs- und
Konkursrechts, 7e éd., Berne 2003, § 23 n. 66).

3.
A la lumière de ce qui précède, les griefs soulevés par le recourant ne
peuvent qu'être écartés.
Au demeurant, il ne ressort pas du procès-verbal d'audience du 12 mars 2002
que le juge des mesures protectrices de l'union conjugale ait, comme le
recourant le prétend, fait porter son instruction sur "la situation
financière respective des époux" ... "notamment [leurs] revenus et charges"
et qu'il ait examiné "au regard des droits des autres créanciers [...] que la
convention de mesures protectrices de l'union conjugale, une fois ratifiée,
leur serait opposable". Ledit procès-verbal constate simplement que "le
président [a interrogé] les parties sur leur convention", que "les parties
[ont confirmé] être entièrement d'accord avec les termes de leur convention"
et que "le président [a ratifié] la convention [...]".

4.
C'est en vain, comme le souligne la créancière, que le recourant évoque le
risque de séparation d'avec son épouse, partant de plus grand préjudice pour
les créanciers faute de pouvoir appliquer la convention litigieuse,
considérée comme condition pour la continuation de la vie commune des époux.
En effet, l'office des poursuites devant déterminer la quotité saisissable en
se plaçant au moment de l'exécution de la saisie (ATF 108 III 10 consid. 4 p.
12/13), il ne saurait prendre en considération une situation future et
hypothétique.

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à Me
Diego Bischof, avocat à Lausanne, pour Y.________, à l'Office des poursuites
de l'arrondissement de Lavaux et à la Cour des poursuites et faillites du
Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 11 novembre 2003

Au nom de la Chambre des poursuites et des faillites
du Tribunal fédéral suisse

La présidente:  Le greffier: