Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Schuldbetreibungs- und Konkurskammer 7B.137/2003
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7B.137/2003 /frs

Arrêt du 19 septembre 2003
Chambre des poursuites et des faillites

Mmes et M. les Juges Escher, Présidente, Meyer et Hohl.
Greffier: M. Fellay.

M.________,
recourant, représenté par Me Yves Jeanrenaud, avocat, cours de Rive 10, case
postale 3054, 1211 Genève 3,

contre

Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du
canton de Genève, rue Ami-Lullin 4, case postale 3840, 1211 Genève 3.

caducité du séquestre,

recours LP contre la décision de la Commission de surveillance des offices
des poursuites et des faillites du canton de Genève du 22 mai 2003.

Faits:

A.
Le 13 décembre 2001, les héritiers de feu A.B.________, B.B.________ et la
Société A.________ & B.B.________ Limited (ci-après: les créanciers) ont
obtenu de la Présidente du Tribunal de première instance de Genève le
séquestre des avoirs de M.________ (ci-après: le débiteur) en mains de la
banque X.________ et Cie (séquestre n° xx xxx xxx x / y/yyyyy/yy). Ce
séquestre a été exécuté le lendemain par l'Office des poursuites de Genève.
L'ordonnance et le procès-verbal de séquestre ont été adressés aux parties le
28 mars 2002. Le débiteur les a reçus le 2 avril 2002.

A.a Le débiteur a fait opposition au séquestre le 12 avril 2002. Son
opposition ayant été rejetée par le Tribunal de première instance le 22
juillet 2002, puis par la Cour de justice du canton de Genève le 9 janvier
2003, il a formé devant le Tribunal fédéral, le 13 février 2003, un recours
de droit public, lequel est toujours pendant.

A.b De leur côté, les créanciers ont introduit une poursuite en validation de
séquestre le 10 avril 2002 (poursuite n° zz zzzzzz z), poursuite à laquelle
le débiteur a également fait opposition. Les créanciers ont requis la
mainlevée définitive de cette opposition, mais ont été déboutés de leur
requête par jugement du Tribunal de première instance du 18 novembre 2002. Ce
jugement n'a pas fait l'objet d'un appel et, à la date du 28 janvier 2003,
aucune action en reconnaissance de dette n'avait été déposée.

B.
Le 31 janvier 2003, le débiteur a requis l'office des poursuites de lever le
séquestre. Invités à se déterminer sur cette requête, les créanciers ont fait
savoir qu'ils avaient introduit une seconde poursuite en validation de
séquestre le 15 janvier 2003. Par décision du 10 février 2003, l'office a
refusé de lever le séquestre au motif que les délais fixés à l'art. 279 LP ne
couraient pas pendant la procédure d'opposition et de recours conformément à
l'art. 278 al. 5 LP.
Le débiteur a déposé plainte contre cette décision auprès de la Commission
cantonale de surveillance en demandant la levée immédiate du séquestre qui,
selon lui, était caduc de plein droit du fait que les créanciers n'avaient
pas introduit d'action en reconnaissance de dette dans le délai de 10 jours
dès notification de l'arrêt de la Cour de justice du 9 janvier 2003. Il
estimait en outre inadmissible la seconde poursuite en validation de
séquestre.
Par décision du 22 mai 2003, la Commission cantonale de surveillance a rejeté
la plainte. Elle a considéré que les conditions de l'art. 280 ch. 1 LP
n'étaient pas réalisées, le délai pour valider le séquestre, suspendu ipso
jure par l'opposition judiciaire, n'étant pas encore échu en raison du
recours de droit public pendant devant le Tribunal fédéral.  Elle a par
ailleurs admis que les créanciers pouvaient engager une nouvelle poursuite en
validation du séquestre le 15 janvier 2003.

C.
Contre cette décision qui lui a été notifiée le 27 mai 2003, le débiteur a
recouru le 6 juin 2003 à la Chambre des poursuites et des faillites du
Tribunal fédéral en lui demandant de l'annuler et d'ordonner à l'office de
lever immédiatement le séquestre litigieux.
Bien qu'invités à le faire jusqu'au 1er septembre 2003 (délai prolongé à deux
reprises), les créanciers n'ont pas déposé de réponse au recours. L'office
s'en est remis à justice.
Le 4 septembre 2003, le recourant a déposé des pièces faisant état de la
liquidation et de la radiation, en 2000, d'une des parties adverses, fait
dont il n'aurait eu connaissance que tout récemment.

La Chambre considère en droit:

1.
Les pièces déposées par le recourant le 4 septembre 2003 n'ont pas à être
prises en considération, dès lors que les productions nouvelles
exceptionnellement recevables au sens de l'art. 79 al. 1 OJ ne sont
admissibles que si elles interviennent dans le délai de recours (ATF 103 III
112 consid. 2 p. 116).
Au demeurant, elles ne sont pas pertinentes pour la solution du présent
litige.

2.
2.1 En vertu de l'art. 278 al. 5 LP, les délais fixés à l'art. 279 LP pour la
validation du séquestre ne courent pas pendant la procédure d'opposition et
de recours relative à l'ordonnance de séquestre.
L'opposition au séquestre et la validation de celui-ci sont soumis au même
délai de dix jours, délai qui bien souvent n'arrive pas à échéance en même
temps pour les deux moyens parce que son point de départ est différent dans
l'un et l'autre cas (la connaissance du séquestre dans le premier cas, la
réception du procès-verbal dans le second). Le créancier séquestrant, qui ne
peut s'assurer au préalable que le débiteur a ou non formé opposition, doit
donc, par précaution, entreprendre une première démarche de validation dans
ledit délai s'il ne veut pas que le séquestre devienne caduc en vertu de
l'art. 280 LP (ATF 126 III 293 consid. 1 et les références).
C'est ce qui s'est produit en l'espèce: l'ordonnance et le procès-verbal de
séquestre ayant été adressés aux parties le 28 mars 2002, les créanciers ont
introduit une poursuite en validation de séquestre le 10 avril 2002,
vraisemblablement à l'échéance du délai à eux imparti pour agir, et le
débiteur a formé opposition le 12 avril 2002, dix jours après réception par
lui desdits documents (2 avril 2002). La procédure d'opposition ayant été
introduite le dixième et dernier jour du délai légal (art. 278 al. 1 LP), une
suspension selon l'art. 278 al. 5 LP du délai de l'art. 279 al. 1 LP, échu
lui aussi et d'ailleurs utilisé, ne pouvait plus entrer en ligne de compte;
seuls pouvaient l'être les délais prévus aux alinéas 2 à 4 de l'art. 279 LP
pour les démarches ultérieures (cf. Walter Stoffel, Le séquestre, in La LP
révisée, Publication Cedidac 35, Lausanne 1997, p. 291).

2.2 Dans la poursuite en validation de séquestre, les créanciers ont été
déboutés de leur requête de mainlevée d'opposition par jugement du 18
novembre 2002, lequel n'a pas fait l'objet d'un appel. Conformément à l'art.
279 al. 2 LP, ils devaient intenter action en reconnaissance de dette dans le
délai de dix jours. Toutefois, ce délai ne commençait à courir, en vertu de
l'art. 278 al. 5 LP, qu'à partir du moment où le jugement statuant
définitivement au terme de la procédure d'opposition judiciaire et de recours
entrerait en force (P.-R. Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la
poursuite pour dettes et la faillite, n. 85 ad art. 278 LP; Vincent
Jeanneret, Aperçu de la validation du séquestre, sous l'angle de la nouvelle
LPDF, in Le séquestre selon la nouvelle LP, Zurich 1997, p. 95).
Le jugement définitif visé ici ne peut être que le jugement cantonal, rendu
soit par le juge du séquestre (art. 278 al. 2 LP), soit - en cas d'appel -
par l'autorité judiciaire supérieure (art. 278 al. 3 LP), bien que le
jugement de cette dernière puisse faire l'objet d'un recours de droit public
(Gilliéron, op. cit., n. 58 ad art. 278 LP; Jeanneret, loc. cit., p. 96). En
effet, ce recours n'est pas la simple continuation de la procédure
(cantonale) d'opposition; il ouvre en tant que moyen de droit indépendant et
extraordinaire une procédure nouvelle dont l'objet est d'examiner si la
décision cantonale, en soi définitive et exécutoire, viole les droits
constitutionnels des citoyens (ATF 118 III 37 consid. 2a et les références;
Marc Forster, in Geiser/Münch, Prozessieren vor Bundesgericht, n. 2.1).
Le dies a quo pour le calcul du délai dans lequel les créanciers devaient
ouvrir action en reconnaissance de dette était donc celui de l'entrée en
force de l'arrêt de la Cour de justice du 9 janvier 2003, notifié aux parties
le 14 du même mois. Selon les constatations de la décision attaquée, une
action en reconnaissance de dette n'a pas été déposée dans les dix jours
suivant cette notification, soit dans le délai de forclusion prévu par l'art.
279 al. 2 LP (Gilliéron, op. cit,. n. 40 ad art. 279 LP). Le séquestre est
donc devenu caduc en vertu de l'art. 280 ch. 1 LP.

2.3 Pour remédier à l'inconvénient résultant du fait que le recours de droit
public n'est pas la continuation de la procédure cantonale d'opposition, le
créancier séquestrant dispose de deux moyens.
Il peut tout d'abord, s'il y a intérêt - hypothèse qui n'était pas réalisée
en l'espèce - saisir immédiatement le Tribunal fédéral d'un recours de droit
public assorti d'une requête d'effet suspensif et contenant une motivation
permettant au Tribunal fédéral d'apprécier les chances de succès du recours
(Birchmeier, Bundesrechtspflege, p. 404 n. 2c ad art. 94 OJ; Forster, loc.
cit., n. 2.56), quitte à ce que le recourant complète ensuite son mémoire
dans le délai légal de trente jours (art. 89 al. 1 OJ). Si l'effet suspensif
est accordé, le dies a quo du délai pour agir en reconnaissance de dette
partira du jour où le Tribunal fédéral rendra son arrêt (cf. Jeanneret, loc.
cit., p. 96).
Le créancier séquestrant peut aussi - et c'est ce qu'auraient dû faire les
créanciers en l'occurrence - ouvrir action en reconnaissance de dette dans
les dix jours dès l'entrée en force du jugement cantonal sur l'opposition au
séquestre et demander la suspension de cette procédure en cas de dépôt par le
débiteur d'un recours de droit public.
Cette façon de procéder est la seule qui permette de tenir compte à la fois
des particularités du recours de droit public et de l'exigence de rapidité
posée par le législateur pour la validation du séquestre (Message concernant
la révision de la LP du 8 mai 1991, FF 1991 III 200 s.; Bertrand Reeb, Les
mesures provisoires dans la procédure de poursuite, in RDS 116/1997 II, p.
421 ss, 484).

3.
La jurisprudence reconnaît au créancier, à certaines conditions, la faculté
d'exercer une seconde poursuite pour la même créance (ATF 128 III 383 consid.
1 et les références). Contrairement à ce que retient la Commission cantonale
de surveillance, cette faculté ne saurait être admise pour la poursuite en
validation de séquestre, vu l'impératif de rapidité dont il vient d'être
question. De fait, l'art. 279 LP, en liaison avec l'art. 280 ch. 1 LP, ne
laisse aucune place pour une seconde poursuite en validation de séquestre.
Au demeurant, ainsi qu'on l'a vu plus haut (consid. 2.1), le délai prévu par
l'art. 279 al. 1 LP pour requérir la poursuite avait complètement couru et
été utilisé au moment où, à l'ouverture de la procédure d'opposition le 12
avril 2002, une suspension de délai aurait pu être envisagée. On ne saurait
donc considérer, comme l'a fait l'autorité cantonale, que le délai en
question n'était pas échu le 15 janvier 2003, date de l'introduction de la
seconde poursuite.

4.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis, la décision
attaquée annulée et, partant, l'office invité à lever le séquestre litigieux.

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
Le recours est admis et la décision attaquée est annulée.

2.
L'Office des poursuites de Genève est invité à lever immédiatement le
séquestre n° xx xxx xxx x / y/yyyyy/yy auprès de la Banque X.________ SA.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à Me
Michel A. Bosshard, avocat à Genève, pour les consorts B.________, à l'Office
des poursuites de Genève et à la Commission de surveillance des offices des
poursuites et des faillites du canton de Genève.

Lausanne, le 19 septembre 2003

Au nom de la Chambre des poursuites et des faillites
du Tribunal fédéral suisse

La présidente:  Le greffier: