Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Kassationshof in Strafsachen 6S.80/2003
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6S.80/2003 /mks

Arrêt du 5 mai 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Kolly et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffière: Mme Kistler.

X. ________,
recourant, représenté par Me Gilles Monnier, avocat, place St-François 5,
case postale 3860, 1002 Lausanne,

contre

Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case postale,
1014 Lausanne.

refus du sursis,

pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois, Cour de
cassation pénale, du 9 août 2002.

Faits:

A.
Par jugement du 21 mars 2002, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement
de Lausanne a condamné X.________, né en 1973, pour vol, recel et faux dans
les certificats, à une peine ferme de cinq mois d'emprisonnement, sous
déduction de trente-neuf jours de détention préventive. Il a en outre révoqué
le sursis accordé à X.________ le 5 mars 1999 et ordonné l'exécution de trois
mois d'emprisonnement, sous déduction de vingt-huit jours de détention
préventive.

B.
Statuant le 9 août 2002, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois (ci-après: la Cour de cassation cantonale) a confirmé ce jugement.
Elle a retenu principalement les faits suivants:
B.aX.________ a dérobé un logiciel Microsoft Office 2000 pro (mise à jour) et
a aidé à revendre onze logiciels de marque Microsoft qu'il savait avoir été
volés par son ami Y.________. En outre, il a complété de sa main des
ordonnances médicales vierges, reçues d'un complice, en indiquant un nom
fictif de patient ainsi que la prescription de Dormicum; son ami Y.________ a
présenté ces ordonnances dans plusieurs pharmacies de la région lausannoise
et a ainsi obtenu quelque 150 pastilles de Dormicum, qu'ils se sont ensuite
partagées. Par la suite, il a confectionné lui-même les fausses ordonnances
médicales; il a ainsi obtenu, avec son ami Y.________, entre 750 et 1'050
comprimés de Dormicum. Pour ces faits, il a été reconnu coupable de vol, de
recel et de faux dans les certificats.

B.b La Cour de cassation cantonale a refusé d'accorder le sursis à
X.________, estimant qu'un pronostic favorable ne pouvait être prononcé:
- Après avoir relevé que X.________ était intelligent, vivait en harmonie
avec son entourage et n'avait jamais manqué de rien, elle a souligné qu'il
n'avait pas seulement menti lors de l'instruction - ce qu'il était en droit
de faire -, mais qu'il avait nié l'évidence, cherchant à tromper les juges et
même à rejeter la faute sur autrui, comportement qui devait être qualifié de
détestable et qui montrait un défaut de conscience de l'illicéité de l'acte.
- La Cour de cassation cantonale reproche en outre à X.________ d'être sans
activité lucrative depuis le 27 novembre 2001, de dépendre des Services
sociaux et de ne pouvoir se prévaloir que d'une modeste recherche d'emploi,
alors qu'il aurait dû tout mettre en oeuvre pour se présenter devant ses
juges sous un jour favorable en ayant par exemple retrouvé un emploi et en
citant comme témoins de moralité ses parents ou son amie afin d'établir qu'il
avait changé du tout au tout et qu'il était prêt à faire face à ses
obligations.
- Admettant partiellement le recours en nullité, la Cour de cassation
cantonale a complété l'état de fait du jugement de première instance en y
intégrant le certificat médical, produit à l'audience de jugement, du médecin
traitant de X.________, qui attestait que celui-ci avait stopper sa
consommation de Dormicum, recherchait activement du travail à 100 % et
présentait une évolution favorable sur le plan personnel avec prise de
conscience de ses responsabilités et resocialisation. Les juges cantonaux ont
cependant considéré que ces éléments ne devaient pas conduire à remettre en
cause l'appréciation menée par les juges de première instance, notamment pour
le motif que, s'agissant du vol et du recel, "on ne saurait dire que le fait
d'être dépendant ou non d'un somnifère va changer grand chose dans l'émission
du pronostic".
- Enfin, les juges cantonaux relèvent à propos de l'effet choc produit par la
révocation du sursis antérieur, que c'est "sans arbitraire que le Tribunal a
implicitement estimé que seule l'exécution de deux peines fermes était
adéquate en l'espèce. Aucun élément ne permet en effet de considérer que
l'exécution d'une seule peine privative de liberté aurait l'effet de choc et
d'avertissement dont, selon la jurisprudence, il faut tenir compte avant de
prononcer une peine ferme ou de révoquer un sursis".

C.
X.________ forme un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral contre cet arrêt.
Invoquant une violation de l'art. 41 ch. 1 al. 1 CP, il conclut à son
annulation. En outre, il requiert l'assistance judiciaire et la suspension de
la décision attaquée.

Le Ministère public du canton de Vaud conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application du
droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base exclusive de l'état de fait
définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1
let. b PPF). Le raisonnement juridique doit se fonder sur les faits retenus
dans la décision attaquée, dont le recourant ne peut s'écarter.

Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne peut
aller au-delà des conclusions du recourant (art. 277bis PPF). Celles-ci, qui
doivent être interprétées à la lumière de leur motivation, circonscrivent les
points litigieux (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66).

2.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 41 ch. 1 al. 1 CP. Il
reproche, pour l'essentiel, à la Cour cantonale d'avoir attribué une
importance excessive aux éléments négatifs (en particulier à son manque de
collaboration lors de l'enquête et du jugement) et d'en avoir négligé
d'autres plus positifs (effet choc de la nouvelle peine à exécuter; arrêt de
la toxicomanie; recherches d'emploi; bonne évolution personnelle et
resocialisation; bon ancrage familial; projets personnels avec son amie).

2.1 Selon l'art. 41 ch. 1 al. 1 CP, le sursis à l'exécution d'une peine
privative de liberté peut être octroyé si la durée de la peine n'excède pas
dix-huit mois et si les antécédents et le caractère du condamné font prévoir
que cette mesure le détournera de commettre d'autres crimes ou délits. Selon
l'al. 2, le sursis ne peut pas être accordé lorsque le condamné a subi, à
raison d'un crime ou d'un délit intentionnel, plus de trois mois de réclusion
ou d'emprisonnement dans les cinq ans qui ont précédé la commission de
l'infraction.

En l'espèce, le recourant a été condamné à cinq mois d'emprisonnement et n'a
pas exécuté préalablement de peine privative de liberté de plus de trois
mois. Les conditions objectives du sursis sont donc réunies. La seule
question litigieuse est de savoir si la condition dite subjective est
réalisée, c'est-à-dire si l'on peut prévoir, en fonction des antécédents et
du caractère du condamné, que cette mesure sera de nature à le détourner de
commettre d'autres crimes ou délits. Il s'agit en d'autres termes de faire un
pronostic quant au comportement futur du condamné.

2.2 La peine est conditionnellement remise lorsqu'on peut espérer que cette
mesure aura une meilleure influence sur l'amendement du coupable que
l'exécution de la condamnation (art. 41 ch. 1 al. 1 CP; ATF 105 IV 291
consid. 2a p. 292; 98 IV 159 consid. 1 p. 160; 91 IV 57 p. 60). Le juge
posera son pronostic, quant aux chances d'amendement et, partant, quant à
l'efficacité du sursis, sur la base des éléments propres à éclairer
l'ensemble du caractère du délinquant. Il tiendra compte de sa conduite
antérieure, de la nature des mobiles qui l'ont déterminé à agir, des
particularités de l'infraction elle-même, de la réputation et de la situation
personnelle du prévenu au moment du jugement, et notamment de son état
d'esprit, ainsi que des connaissances personnelles de l'accusé que lui
procurent les débats (ATF 118 IV 97 consid. 2b p. 100 s.). En cas de
révocation d'un sursis pendant, le juge devra également rechercher si
l'exécution de la peine privative de liberté qui en résulte aura un effet de
réinsertion suffisant et tenir compte de cet élément en statuant sur l'octroi
du sursis relatif à la nouvelle condamnation qu'il prononce (ATF 116 IV 97
consid. 2b p. 100; 177 consid. 3d p. 178). De vagues espoirs quant à la
conduite future du délinquant ne suffisent pas pour poser un pronostic
favorable (ATF 115 IV 81 consid. 2a p. 82).

2.3 La présomption d'innocence implique le droit, pour l'accusé, de se taire
ou de fournir uniquement des preuves à sa décharge (art. 32 al. 1 Cst.; 6 ch.
2 CEDH; art. 14 ch. 3 let. g du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques, RS 0.103.2). Le silence ou les dénégations de l'accusé peuvent
cependant être le signe d'une absence de repentir et faire obstacle à
l'octroi du sursis.

Le fait que l'accusé refuse de répondre ou nie l'acte ne permet toutefois pas
de conclure dans tous les cas qu'il n'en voit pas le caractère répréhensible
et ne le regrette pas. Un tel comportement peut en effet avoir divers motifs.
Le délinquant peut nier par honte, par peur du châtiment, par crainte de
perdre sa place ou par égard pour ses proches et offrir plus de garanties
quant à son comportement futur que celui qui avoue ouvertement l'infraction
qu'il a commise, mais qui ne la considère pas comme répréhensible ou qui se
montre indifférent aux conséquences de son acte (ATF 101 IV 257 consid. 2a p.
258 s.).

Il en va différemment lorsque l'accusé ne se borne pas à nier dans son
intérêt ou dans celui de tiers, mais s'efforce consciemment d'induire en
erreur les autorités pénales, rejette la faute sur autrui ou tente de
mauvaise foi de charger les témoins ou la victime, voire de les faire passer
pour des menteurs. Celui qui use de tels moyens pour se soustraire à une
condamnation ou en atténuer la rigueur manifeste par là un manque particulier
de scrupules. Dans la règle, cette attitude ne permet pas d'espérer qu'une
peine avec sursis suffira de détourner l'accusé durablement de la délinquance
(ATF 101 IV 257 consid. 2a p. 259).
Des conclusions valables sur le caractère du condamné et sur le pronostic
quant à son comportement futur ne doivent dès lors pas se déduire seulement
des simples dénégations de l'accusé, mais des motifs qui l'ont poussé à nier.
Le juge doit rechercher si les dénégations du prévenu reposent sur un défaut
de prise de conscience du caractère répréhensible de l'acte ou sur un autre
motif. En outre, il doit examiner les résultats ainsi obtenus à la lumière de
l'ensemble du comportement de l'accusé. Ce n'est qu'ensuite qu'il peut dire
si celui-ci a manifesté par ses dénégations un défaut de repentir qui
justifie un pronostic défavorable (ATF 101 IV 257 consid. 2a p. 259; voir
aussi arrêt non publié du 12 mars 2003 du Tribunal fédéral, 6S.477/2002).

2.4 Pour effectuer le pronostic, le juge de répression dispose d'un large
pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral n'annulera la décision rendue -
en considérant le droit comme violé - que si celle-ci repose sur des
considérations étrangères à la disposition applicable, si elle ne prend pas
en compte les critères découlant de celle-ci ou si le juge s'est montré à ce
point sévère ou clément que l'on doive parler d'un abus du pouvoir
d'appréciation (ATF 119 IV 195 consid. 3b p. 198). En particulier, il n'est
pas admissible d'attribuer de l'importance à certains facteurs négatifs et
d'en négliger d'autres plus positifs (ATF 123 IV 107 consid. 4a p. 112).

3.
3.1 En l'espèce, la Cour de cassation cantonale fonde essentiellement son
refus d'accorder le sursis sur l'attitude du recourant durant l'enquête et
lors de l'audience. Elle lui reproche de ne pas avoir hésité à mettre en
cause Y.________ en fournissant des précisions sur l'activité délictueuse de
celui-ci et de s'être empressé de se retrancher derrière l'absence de
souvenirs lorsqu'il était interrogé sur ses propres infractions, comportement
qui révèle, selon elle, un défaut de conscience de l'illicéité de l'acte.
S'il est vrai que le manque de scrupules ou l'absence de prise de conscience
de l'illicéité de l'acte commis constituent un élément défavorable dans
l'examen du pronostic, le juge ne saurait se fonder sur ce seul élément pour
refuser le sursis, mais doit procéder à une appréciation d'ensemble et
examiner tous les critères pertinents pour déterminer l'adéquation d'une
peine assortie du sursis (cf. ci-dessus consid. 2.3 dernier §), appréciation
globale qui fait en l'espèce défaut:
3.2 En premier lieu, les premiers juges n'ont pas du tout examiné si la
révocation du sursis pouvait suffire à détourner le recourant de la
délinquance comme l'exige la jurisprudence. La Cour de cassation cantonale a
tenté de suppléer à cette lacune en précisant: "On relèvera par surabondance
que c'est également sans arbitraire que le Tribunal a implicitement estimé
que seule l'exécution de deux peines fermes était adéquate en l'espèce". Or,
cette simple affirmation de la Cour de cassation cantonale, qui repose sur la
seule analyse du dossier, ne saurait remplacer un examen complet et détaillé
de la question.

3.3 La Cour de cassation cantonale a intégré dans son arrêt le certificat
médical du médecin du recourant dont elle ne conteste pas le bien-fondé et
qui atteste que le recourant avait stoppé sa consommation de Dormicum,
recherchait activement du travail et présentait des perspectives favorables
sur le plan personnel, mais a estimé que ce document ne modifiait en rien
l'appréciation du Tribunal, notamment pour le motif que, s'agissant du vol et
du recel, le fait d'être dépendant ou non d'un somnifère ne saurait changer
grand chose dans l'émission du pronostic.

Il appartenait à la Cour de cassation cantonale d'apprécier si et dans quelle
mesure ces nouveaux éléments pouvaient influencer le pronostic. Dans ce
contexte, il n'était pas possible de méconnaître purement et simplement le
fait que le recourant avait cessé de consommer des médicaments, d'autant plus
que les juges de première instance avaient déclaré que l'accusé avait agi
principalement pour se procurer de l'argent et qu'il avait utilisé celui-ci
pour satisfaire sa consommation de drogue ou de médicaments. Il n'était pas
non plus possible d'ignorer sans autres l'évolution positive du recourant et
le fait qu'il recherchait activement du travail alors que les premiers juges
lui reprochaient justement d'être sans emploi et de ne pas avoir assigné
comme témoin ses parents ou son amie pour établir qu'il avait changé du tout
au tout et qu'il était prêt à faire face à ses obligations.

4.
En définitive, il apparaît que la Cour de cassation cantonale ne s'est pas
fondée sur tous les éléments juridiquement déterminants pour établir le
pronostic quant au comportement futur du recourant. Le pourvoi doit dès lors
être admis et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle
décision.
Vu l'issue du pourvoi, il ne sera pas perçu de frais et une indemnité de
dépens sera allouée au mandataire du recourant pour la procédure devant le
Tribunal fédéral (art. 278 al. 3 PPF).
La cause étant ainsi tranché, la requête d'effet suspensif est devenue sans
objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
l'autorité cantonale.

2.
Il n'est pas perçu de frais.

3.
La Caisse du Tribunal fédéral versera une indemnité de 3'000 francs au
mandataire du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au Ministère public du
canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale.

Lausanne, le 5 mai 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: