Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6S.419/2003
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6S.419/2003 /rod

Arrêt du 8 janvier 2004
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffière: Mme Kistler.

X. ________,
recourant, représenté par Me Filippo Ryter, avocat,

contre

Ministère public du canton de Vaud, rue de
l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne.

Gestion déloyale (art. 158 CP); prescription
(art. 70 ss aCP),

pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud,
Cour de cassation pénale, du 19 mai 2003.

Faits:

A.
Par jugement du 14 mars 2003, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement
de Lausanne a, notamment, condamné X.________, pour abus de confiance
qualifié et gestion déloyale, à la peine de seize mois d'emprisonnement avec
sursis durant trois ans.

Statuant le 19 mai 2003, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois a confirmé ce jugement.

B.
La condamnation pour gestion déloyale, qui est seule contestée, repose sur
les faits suivants:

Dès l'automne 1995, Y.________ a entrepris de promouvoir dans la région
lausannoise plusieurs programmes d'investissement à haut rendement. Moyennant
un capital de plusieurs centaines de milliers de dollars, il était possible
d'acheter ou de louer, puis de négocier des instruments financiers qui
devaient s'échanger jusqu'à quarante fois par année, entraînant pour les
investisseurs un taux de rendement très élevé à court terme, variant de 60 à
1200 % du capital investi, ce qui correspondait à des taux de rendements
annuels de 360 à plusieurs milliers de pour cent.

X. ________, notaire à la retraite, signait les conventions avec les
investisseurs. En juillet 1996, il a obtenu, avec Y.________, que les
investisseurs versent US$ 360'000 sur son compte bancaire personnel. Sur
ordre de Y.________, il a ordonné à la Banque cantonale vaudoise, le 29
juillet 1996, de virer depuis son compte personnel US$ 125'000 en faveur d'un
compte de Z.________ ouvert dans une banque à Pittsburgh/USA. Cet argent
était censé servir à la location de 25 Gold Bonds destinés à être investis
dans un programme financier à haut rendement. Y.________ et X.________ ont
fait transférer cet argent sans avoir reçu la moindre garantie bancaire,
contrairement à ce que prévoyaient les contrats signés avec les
investisseurs, et sans prendre aucune précaution sur la faisabilité des
opérations financières.

En droit, l'autorité cantonale a estimé que X.________ devait être condamné
pour gestion déloyale. Selon les obligations qu'il assumait par les
conventions d'investissement, il ne pouvait en effet transférer les fonds
qu'après le dépôt de la garantie prévue auprès de lui. Les juges ne
retiennent en revanche pas la circonstance aggravante de l'alinéa 3 faute de
dessein d'enrichissement. Ils précisent que cette infraction n'est pas
prescrite, mais qu'elle le sera en juillet 2003 en application de l'art. 70
nCP.

C.
X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Invoquant une
violation des règles sur la prescription, il conclut à la réforme du jugement
attaqué en ce sens qu'il soit libéré de l'accusation de gestion déloyale et
que la peine soit réduite en conséquence.

Le Ministère public vaudois conclut, principalement, à l'irrecevabilité du
pourvoi et, subsidiairement, à son rejet.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application
du droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base exclusive de l'état de fait
définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1
let. b PPF). Le raisonnement juridique doit se fonder sur les faits retenus
dans la décision attaquée, dont le recourant ne peut s'écarter.

1.2 Le pourvoi n'a qu'un caractère cassatoire (art. 277ter al. 1 PPF), de
sorte que les conclusions du recourant sont irrecevables dans la mesure où
elles tendent à la libération de certaines des infractions retenues ou à une
réduction de la peine (ATF 123 IV 252 consid. 1 p. 252).

1.3 Le mémoire de recours doit mentionner les motifs à l'appui des
conclusions prises; il doit succinctement indiquer quelles sont les règles de
droit fédéral violées et en quoi consiste cette violation (art. 273 al. 1
let. b PPF); un renvoi à d'autres écritures ou à des pièces du dossier n'est
pas admissible (ATF 123 IV 42 consid. 3a p. 46). Les griefs dont la
motivation ne correspond pas aux exigences légales ne sont pas examinés (ATF
123 IV 42 consid. 3a p. 46; 118 IV 293 consid. 2b p. 295; 106 IV 338 consid.
1 p. 340).

1.4 Le recourant soulève en l'espèce, pour la première fois, dans son
pourvoi, le moyen de la prescription. Le Ministère public soutient dès lors
que le grief du recourant serait irrecevable.

Selon la jurisprudence, il découle du principe de l'épuisement préalable des
instances et voies de droit cantonales découlant de l'art. 268 ch. 1 PPF que,
si la cour cantonale avait la possibilité ou le devoir, selon le droit
cantonal de procédure, d'examiner aussi des questions de droit qui ne lui
étaient pas expressément soumises, ces questions peuvent, sous réserve d'une
exception non réalisée en l'espèce, être soulevées pour la première fois dans
le cadre du pourvoi en nullité, même si le recourant ne les a pas fait valoir
devant l'autorité cantonale de dernière instance. En revanche, si la cour
cantonale, selon la loi de procédure applicable, ne pouvait examiner que les
griefs valablement soulevés, il n'y a pas d'épuisement des instances
cantonales, si la question, déjà connue, n'a pas été régulièrement invoquée,
de sorte que la cour cantonale n'a pas pu se prononcer à son sujet (ATF 122
IV 285 consid. 1c p. 287; 120 IV 98 consid. 2b p. 105; 104 IV 270 consid. 3
p. 272 et les arrêts cités).

Sur le plan cantonal, le recourant a formé un recours en réforme. Selon
l'art. 447 al. 1 CPP/VD, la Cour de cassation pénale vaudoise "examine
librement les questions de droit sans être limitée aux moyens que les parties
invoquent". L'alinéa 2 de cette disposition précise qu'elle "ne peut
cependant aller au-delà des conclusions du recourant (...)". Les conclusions
du recourant déterminent donc l'objet et l'étendue de la question de droit
soumise à la Cour de cassation pénale vaudoise (cf. l'arrêt rendu par
celle-ci le 13 juin 1983, publié in JdT 1984 III 56 consid. 2b p. 58; cf.
également, Roland Bersier, Le recours à la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal en procédure vaudoise, in JdT 1996 III p. 66 ss, 72 s.).
Dans le cadre de son recours en réforme, le recourant a conclu à ce qu'il
soit acquitté. Dans son mémoire adressé à la cour cantonale, il a remis en
cause sa condamnation pour gestion déloyale, prétendant que l'art. 138 CP
avait été appliqué à tort, mais il n'a pas invoqué la prescription.
Conformément à l'art. 447 al. 2 CPP/VD, il appartenait  à la cour cantonale
d'examiner aussi la question de la prescription. En conséquence,
contrairement à ce que soutient le Ministère public, le grief du recourant ne
saurait être considéré comme irrecevable.

2.
Le recourant fait de longs développements sur la prescription et le droit
transitoire pour conclure que l'autorité cantonale aurait dû appliquer le
droit ancien et considérer le délit de gestion déloyale comme prescrit. Il ne
donne cependant guère d'explication concernant le cas concret, de sorte que
l'on peut douter de la recevabilité du grief. Cette question peut cependant
rester indécise, dès lors que de toute façon le pourvoi est infondé.

2.1 Les nouvelles dispositions sur la prescription sont entrées en vigueur le
1er octobre 2002. Conformément à l'art. 337 CP, la nouvelle réglementation
déploie ses effets pour les infractions commises après la date de son entrée
en vigueur. Les infractions perpétrées sous l'empire de l'ancien droit seront
en revanche jugées selon l'ancien droit, sous réserve de l'application de la
lex mitior. En l'espèce, le recourant a été condamné pour gestion déloyale
pour des faits commis en 1996. Le recourant a donc raison: l'ancien droit
sera en principe applicable, à moins que la nouvelle loi soit plus favorable.

2.2 L'ancien droit fixe, pour une infraction punissable comme en l'espèce de
l'emprisonnement, la prescription ordinaire à cinq ans (art. 70 al. 3 aCP) et
la prescription absolue à sept ans et demi (art. 72 ch. 2 CP).

Conformément à l'art. 71 aCP, la prescription court du jour où le délinquant
a exercé son activité coupable, du jour du dernier acte si cette activité
s'est exercée à plusieurs reprises et du jour où les agissements coupables
ont cessé s'ils ont eu une certaine durée. En l'occurrence, le comportement
délictueux consiste à avoir ordonné de virer le 29 juillet 1996 US$ 125'000.-
depuis son compte personnel en faveur d'un compte de Z.________ ouvert dans
une banque à Pittsburgh/USA. La prescription a donc commencé à courir dès le
29 juillet 1996.

L'enquête a été ouverte en 1996, et n'a pas été interrompue pendant une
période supérieure à cinq ans. La prescription relative ne paraît donc pas
acquise; le recourant ne le prétend du reste pas.

Selon la jurisprudence constante, la prescription absolue de l'action pénale
cesse de courir avec le prononcé (Ausfällung) d'un jugement de condamnation
exécutoire, qui ne peut plus faire l'objet que d'un recours extraordinaire
analogue au pourvoi en nullité fédéral. La date déterminante est celle où le
jugement a été rendu et non celle où il a été notifié (ATF 121 IV 64 consid.
2 p. 65). L'arrêt cantonal a été rendu le 19 mai 2003, et non le 17 octobre
2003 comme le recourant l'indique dans la première page de son écriture. Le
19 mai 2003, seuls 6 ans, 9 mois et vingt jours s'étaient écoulés, de sorte
qu'il faut admettre que la prescription absolue n'est pas non plus atteinte.
Selon la jurisprudence, l'action pénale ne peut pas se prescrire dans le
cadre du pourvoi en nullité au Tribunal fédéral (ATF 127 IV 220 consid. 2 p.
224). L'affirmation du recourant selon laquelle la prescription absolue, qui
n'aurait pas été atteinte au moment de l'arrêt cantonal, devrait l'être
aujourd'hui est donc erronée.

En conclusion, l'infraction de gestion déloyale reprochée au recourant n'est
pas prescrite au regard de l'ancien droit. Il convient encore d'examiner si,
éventuellement, le droit nouveau ne serait pas plus favorable dans le cas
concret.

2.3 Entrées en vigueur le 1er octobre 2002, les nouvelles dispositions sur la
prescription ne prévoient plus de suspension, ni d'interruption des délais de
prescription et suppriment ainsi la notion de prescription absolue. En
contrepartie, elles fixent des délais plus longs. S'agissant d'un délit
frappé comme en l'espèce d'une peine d'emprisonnement, elles fixent le délai
de prescription à sept ans (art. 70 al. 1 let. c nCP). S'écartant de la
jurisprudence rendue sous l'ancien droit, l'art. 70 al. 3 nCP prévoit que la
prescription ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première
instance a été rendu.

Le délit de gestion déloyale imputé au recourant n'est pas non plus prescrit
au regard de ces nouvelles règles. Les faits reprochés ont eu lieu le 29
juillet 1996, et un délai de sept ans n'était pas écoulé au moment du
jugement de première instance, à savoir le 14 mars 2003. Que ce soit sous le
régime de l'ancienne prescription absolue de sept ans et demi ou sous celui
du nouveau délai de prescription de sept ans, l'infraction de gestion
déloyale n'est donc pas prescrite. Mal fondé, le grief du recourant doit
être écarté.

3.
Au vu de ce qui précède, le pourvoi doit être rejeté.

Le recourant, qui succombe, doit être condamné aux frais (art. 278 al. 1
PPF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 francs est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois, Cour de
cassation pénale.

Lausanne, le 8 janvier 2004

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: