Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6S.394/2003
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6S.394/2003 /rod

Séance du 18 mars 2004
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président, Wiprächtiger, Kolly, Karlen et
Brahier Franchetti,
Juge suppléante.
Greffière: Mme Angéloz.

A. ________, actuellement détenu ....
recourant, représenté par Me Yanis Callandret, avocat,

contre

Ministère public du canton de Neuchâtel, rue du Pommier 3, case postale 2672,
2001 Neuchâtel 1.

Mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP),

pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal du canton de Neuchâtel
du 1er octobre 2003.

Faits:

A.
Par jugement du 3 septembre 2002, la Cour d'assises du canton de Neuchâtel a
condamné A.________, ressortissant marocain né en 1971, pour meurtre (art.
111 CP), assassinat (art. 112 CP), mise en danger de la vie d'autrui (art.
129 CP), recel par métier (art. 160 ch. 1 et 2 CP), infractions aux art. 19
ch. 1 et 19a LStup et à l'art. 23 LSEE, à la réclusion à vie, prononçant en
outre son expulsion pour 15 ans, sans sursis.

Statuant sur le pourvoi en cassation interjeté par le condamné contre ce
jugement, la Cour de cassation pénale du Tribunal neuchâtelois l'a écarté par
arrêt du 1er octobre 2003.

B.
S'agissant des faits pertinents pour le jugement de la présente cause, cet
arrêt retient, en résumé, ce qui suit.

B.a  Dans la nuit du 29 au 30 mars 2001, A.________ s'est rendu au domicile
de
B.________, avec laquelle il entretenait une relation intime intermittente
qui se dégradait depuis le début de l'année 2000. Il est arrivé sur les lieux
suite à un téléphone houleux avec celle-ci, probablement pour la convaincre
de ne pas lui causer d'ennuis avec la police des étrangers. B.________ s'est
d'emblée montrée agressive envers A.________. En colère, ce dernier s'est
emparé d'un couteau à viande qu'il avait vu par hasard, avec lequel il a
frappé B.________ à au moins dix reprises, notamment au thorax et dans le
dos, la blessant ainsi mortellement.

B.b  Peu auparavant, C.________ était intervenue brièvement dans la
discussion, à la demande de A.________, qui l'avait appelée pour calmer son
amie. Elle s'était toutefois rangée du côté de cette dernière, avant de
quitter le salon, où elle est cependant revenue lorsque B.________ est tombée
sur le sol. Ayant vu le corps, elle est repartie sans mot dire en direction
de la chambre où se trouvaient les deux enfants D.________ et E.________.

A. ________, voulant éliminer un témoin gênant, a alors également frappé
C.________ avec le couteau, lui assénant au moins vingt coups, notamment au
thorax et dans le dos, et causant ainsi sa mort.

B.c  Après avoir frappé mortellement les deux femmes, A.________ a quitté
l'appartement, peu après 2 heures du matin, en fermant la porte à clef, alors
qu'il savait que s'y trouvaient les deux enfants D.________ et E.________,
âgés respectivement de 8 mois et 4 mois. Ceux-ci n'ont été découverts par la
police que le samedi 31 mars 2001 vers 17 heures, soit environ 39 heures
après les homicides, pendant lesquelles ils sont ainsi restés sans manger ni
boire. Selon les rapports médicaux, ils présentaient une déshydratation
modérée à leur arrivée à l'hôpital.

Il a été retenu que les deux enfants avaient été découverts par la police
suite à un appel téléphonique de la concierge de l'immeuble, alertée par des
amies de B.________, qui s'étaient inquiétées de son sort, et qu'ils auraient
fort bien pu n'être retrouvés que de nombreuses heures, voire plusieurs
jours, plus tard. Il a également été retenu que A.________, en abandonnant
les deux nourrissons livrés à eux-mêmes, de surcroît, après avoir fermé à
clef la porte de l'appartement, ne pouvait être que conscient du risque qu'il
leur faisait courir, et que, contrairement à ce qu'il alléguait, il n'avait
rien entrepris pour sauvegarder leur vie, mais les avait abandonnés au péril
résultant pour eux de la mise à mort de leurs mères.

B.d  Les faits décrits sous lettre B.a ci-dessus ont été considérés comme
constitutifs de meurtre au sens de l'art. 111 CP et ceux décrits sous let.

B.b  comme constitutifs d'assassinat au sens de l'art. 112 CP. Quant aux
faits
décrits sous lettre B.c, ils ont été qualifiés de mise en danger de la vie
d'autrui au sens de l'art. 129 CP.

C.
A. ________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Contestant sa
condamnation pour mise en danger de la vie d'autrui, il conclut à
l'annulation de l'arrêt attaqué, en sollicitant l'assistance judiciaire.

L'autorité cantonale relève que l'argumentation du recourant selon laquelle
une personne peut rester de plusieurs jours à plusieurs semaines sans boire
est valable pour des adultes, de sorte qu'elle est sans pertinence pour des
enfants de huit et quatre mois. Pour le surplus, elle ne formule pas
d'observations.

Le Ministère public a renoncé à se déterminer.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisie d'un pourvoi en nullité, la Cour de cassation contrôle l'application
du droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base d'un état de fait définitivement
arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1 let. b PPF).
Elle ne peut donc pas revoir les faits retenus dans la décision attaquée ni
la manière dont ils ont été établis, de sorte que ces points, sous peine
d'irrecevabilité, ne peuvent être remis en cause dans le pourvoi (ATF 126 IV
65 consid. 1 p. 66/67; 124 IV 53 consid. 1 p. 55, 81 consid. 2a p. 83 et les
arrêts cités).

2.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 129 CP. Il fait valoir qu'on
ne peut lui reprocher d'avoir créé un danger, mais seulement d'avoir omis de
remédier à celui qui pouvait survenir, de sorte que son comportement pourrait
tout au plus tomber sous le coup de l'art. 128 al. 1 CP. Il soutient en outre
qu'on ne peut parler d'un danger de mort imminent, au vu du laps de temps
pendant lequel les enfants sont restés dans l'appartement et, surtout, des
constatations médicales selon lesquelles ils présentaient une déshydratation
modérée. Il conteste au demeurant avoir été conscient de mettre la vie des
enfants en danger de mort imminent et avoir voulu le faire. Enfin, alléguant
avoir entrepris des démarches pour que les enfants puissent être découverts,
il conteste avoir agi sans scrupules.

2.1  L'art. 129 CP réprime le comportement de celui qui, sans scrupules, aura
mis autrui en danger de mort imminent.

Sur le plan objectif, cette infraction suppose que l'auteur ait causé un
danger de mort imminent pour autrui, c'est-à-dire qu'il ait adopté un
comportement propre à provoquer un tel effet. Le comportement incriminé, qui
n'est pas décrit par la loi, se caractérise par ses effets. Il s'agit de tout
comportement propre à mettre autrui en danger de mort imminent (Corboz, Les
infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2002, p. 183 n° 6;
Stratenwerth,Schweizerisches Strafrecht, Partie spéciale I, 5ème édition,
Berne 1995, § 4 n° 7; Rehberg/Schmid/Donatsch, Strafrecht III, 8ème éd.,
Zurich/Bâle/Genève 2003, p. 56; Schubarth, Kommentar zum schweizerischen
Strafrecht, vol. I, Berne 1982, art. 129 CP n° 11; Peter Aebersold, Basler
Kommentar, Strafgesetzbuch II, art. 129 CP n° 7).

La notion de danger de mort imminent implique d'abord un danger concret,
c'est-à-dire la probabilité sérieuse que, dans le cours ordinaire des choses,
le bien juridique protégé soit lésé, donc que le danger de mort se réalise,
au point qu'il faut être dénué de scrupules pour négliger sciemment d'en
tenir compte. Il faut en outre que ce danger ait été imminent, c'est-à-dire
qu'il ait présenté un caractère d'immédiateté non pas tant en raison de
l'enchaînement chronologique des circonstances que du lien de connexité
direct unissant ce danger et le comportement de l'auteur (ATF 121 IV 67
consid. 2b/aa p. 70 et la jurisprudence citée). La notion de mise en danger
de mort imminent de l'art. 129 CP doit être interprétée de manière plus large
que celle qui qualifie le degré le plus grave du brigandage (art. 139 ch. 3
aCP; art. 140 ch. 4 CP), notamment parce qu'il ne s'agit pas seulement d'un
élément aggravant mais d'un élément constitutif de l'infraction réprimée par
cette disposition et parce que la peine menace prévue est moins lourde que
celle sanctionnant le degré le plus grave du brigandage (ATF 121 IV 67
consid. 2b/bb et cc, 2c et 2d, p. 71 s.).

Du point de vue subjectif, il faut que l'acte ait été commis sans scrupules
et que l'auteur ait agi intentionnellement. Un acte est commis sans scrupules
au sens de l'art. 129 CP lorsque, compte tenu des moyens utilisés, des
mobiles de l'auteur et des autres circonstances, il apparaît comme contraire
aux principes généralement admis des bonnes moeurs et de la morale. Il suffit
que l'auteur ait connu les circonstances en raison desquelles son
comportement apparaît comme dénué de scrupules; sa conception personnelle des
valeurs éthiques importe peu (ATF 114 IV 103 consid. 2a p. 108 et les
références citées). Il y a également lieu de tenir compte de l'ampleur du
danger créé. Plus le danger connu de l'auteur est grand et moins ses mobiles
méritent attention, plus l'absence de scrupules apparaît comme évidente (ATF
107 IV 163 consid. 3 p. 164 et la jurisprudence citée). Pour le surplus,
l'infraction est réalisée sur le plan subjectif, lorsque l'auteur est
conscient de mettre autrui en danger de mort imminent et le fait sciemment
(ATF 121 IV 67 consid. 2d p. 75 in fine; 114 IV 103 consid. 2d et e p. 110).

2.2  A ce jour le Tribunal fédéral n'a pas été amené à trancher la question
de
savoir si le comportement réprimé par l'art. 129 CP peut consister en une
omission.

Plusieurs auteurs de doctrine ne se prononcent pas sur cette question précise
(cf. Rehberg/Schmid/Donatsch, op. cit., p. 55 ss; Stratenwerth, op. cit., § 4
n° 3 ss; Trechsel, Kurzkommentar, 2ème éd., Zurich 1997, art. 129 CP n° 1
ss), que d'autres abordent en revanche brièvement. Ainsi, alors qu'Aebersold
doute que l'infraction en cause puisse être réalisée par omission (Aebersold,
op. cit., art. 129 CP n° 39), Schubarth est d'avis que le comportement
réprimé par l'art. 129 CP ne peut en principe pas consister en une omission,
dont il ne voit pas qu'elle soit compatible avec une absence de scrupules
(Schubarth, op. cit., art. 129 CP n° 17). De son côté, Corboz relève que, si
le comportement de l'auteur est purement passif, on doit plutôt imaginer
qu'il ne crée pas de danger mais qu'il omet d'y remédier. Selon lui, il
paraît alors logique de retenir la disposition qui envisage précisément ce
cas de figure, à savoir l'art. 128 al. 1 CP (Corboz, op. cit., p. 183 s. n°
7).

Ainsi, les trois auteurs de doctrine qui se sont exprimés sur la question
tendent plutôt à admettre que le comportement réprimé par l'art. 129 CP ne
peut en principe pas consister en une omission, le second auteur cité
semblant même clairement être de cette opinion et le troisième suggérant
qu'en cas d'omission c'est logiquement l'art. 128 CP qui devrait trouver
application. En l'espèce, pour les motifs exposés ci-après, la question peut
cependant rester indécise.

2.3  Selon la jurisprudence, une omission, sauf si elle est réprimée comme
telle par la loi, ne peut être reprochée à l'auteur que si ce dernier avait
un devoir juridique d'agir découlant d'une position de garant (cf. ATF 129 IV
119 consid. 2.2 p. 121 s.; 122 IV 17 consid. 2b/aa p. 20, 61 consid. 2a/aa p.
63, 145 consid. 2 p. 146; 121 IV 10 consid. 2b p. 14; 117 IV 130 consid. 2a
p. 132). Or, contrairement, par exemple, à l'art. 128 al. 1 CP, l'art. 129 CP
ne réprime pas comme tel le défaut d'accomplissement d'un acte. Par
conséquent, une mise en danger de la vie d'autrui par omission, à supposer
qu'elle entre en considération, ne pourrait être reprochée à son auteur que
s'il avait un devoir juridique d'agir découlant d'une position de garant.

Le devoir juridique d'agir fondant la position de garant d'une personne peut
notamment découler de la loi ou d'un contrat, voire d'une situation de fait,
mais aussi du principe de l'intervention (Ingerenzprinzip), selon lequel
celui qui crée une situation dangereuse pour autrui doit prendre toutes les
mesures de protection commandées par les circonstances pour éviter la
survenance d'un dommage (ATF 127 IV 27 consid. 2b p. 32; 120 IV 98 consid. 2c
p. 106; 106 IV 278; cf. également Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht,
Partie générale I, 2ème édition, Berne 1996, § 14 n° 11 ss, notamment n° 18,
et les références citées).

Il est très généralement admis que le principe de l'intervention doit
recevoir une application restrictive et que le caractère causal d'un
comportement antérieur ne peut donc suffire à fonder la position de garant
découlant de ce principe (Claus Roxin, Ingerenz und objektive Zurechnung, in
Strafrecht, Strafprozessrecht und Menschenrechte, Festschrift für Stefan
Trechsel zum 65. Geburtstag, Zurich 2002, p. 556; Stratenwerth,
Schweizerisches Strafrecht, Partie générale I, 2ème édition, Berne 1996, § 14
n° 19; Jeschek/Weigend, Lehrbuch des Strafrechts, Allgemeiner Teil, 5ème éd.,
Berlin 1996, p. 625; Graven, L'infraction pénale punissable, 2ème éd., Berne
1995, p. 83 let. e). La manière de limiter la portée de ce principe est en
revanche controversée (Claus Roxin, op. cit., p. 556). Plusieurs auteurs
estiment notamment que, sous peine d'étendre à l'excès la position de garant
résultant du principe de l'intervention, la responsabilité de celui qui a
créé un danger doit au moins être limitée aux dangers que son comportement
antérieur était adéquat à provoquer, c'est-à-dire à ceux que, d'après le
cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, ce
comportement était propre à entraîner (Stratenwerth, Strafrecht, Partie
générale I, 2ème édition, Berne 1996, § 14 n° 19 et § 9 n° 24; Trechsel/Noll,
Schweizerisches Strafrecht, Allgemeiner Teil I, 4ème éd., Zurich 1994, p.
226; Jeschek/Weigend, op. cit., loc. cit.; Schönke/Schröder/Stree,
Strafgesetzbuch, 26ème éd., Münich 2001, § 13 n° 34). D'aucuns sont d'avis
qu'une position de garant est, entre autres, exclue lorsque la norme
sanctionnant le comportement antérieur vise à empêcher une atteinte à un bien
juridique qui ne se recouvre pas avec celle que tend à empêcher la norme
protégeant le bien menacé et que la position de garant suppose donc la
réalisation du risque que la norme sanctionnant le comportement antérieur
vise à prévenir. Ainsi, lorsque le propriétaire d'une maison, qui est
réveillé durant la nuit par le bruit occasionné par un cambrioleur et se
lance à la poursuite de ce dernier dans l'escalier, chute et se brise une
jambe, le cambrioleur ne saurait être condamné pour lésions corporelles par
négligence. Celui-ci a certes créé le risque qui s'est réalisé, mais la norme
sanctionnant le vol vise à empêcher une atteinte au patrimoine, non pas à
l'intégrité corporelle. Par conséquent, le cambrioleur ne revêt pas une
position de garant à l'égard du propriétaire en tant que ce dernier a subi
des lésions corporelles (Claus Roxin, op. cit., p. 561/562; Jeschek/Weigend,
op. cit., loc. cit.; Schönke/Schröder/Stree, op. cit., § 13 n° 35a).

2.4  L'arrêt attaqué reproche au recourant d'avoir abandonné les deux enfants
dans l'appartement après avoir tué leurs mères, les livrant ainsi à
eux-mêmes, et de n'avoir rien entrepris pour qu'ils puissent être découverts
rapidement. C'est ainsi clairement et exclusivement une omission qui a été
reprochée au recourant, auquel il n'a pas été fait grief d'avoir adopté un
comportement actif mettant les enfants en danger de mort imminent, mais
d'avoir omis d'accomplir un acte par lequel il eût pu éviter qu'ils ne soient
mis en danger de mort imminent. En effet, le comportement ayant consisté à
abandonner les enfants est constitutif d'une omission, non pas d'une action
(cf. ATF 125 IV 64 consid. 1a p. 69), et il en va manifestement de même de
celui qui a consisté à ne rien entreprendre pour qu'ils soient découverts
rapidement. Que le recourant ait fermé la porte à clef, plutôt que de la
laisser ouverte, ne suffit pas à transformer son omission en une action (cf.
ATF 129 IV 119 consid. 2.2 p. 122).

Le raisonnement de l'arrêt attaqué, selon lequel le recourant doit cependant
se voir reprocher une action, et non une omission, parce qu'il a créé un
danger imminent pour la vie des enfants en tuant leurs mères ne peut être
suivi. L'homicide des mères a certes joué un rôle causal, dans la mesure où,
sans cet homicide, les enfants ne se seraient pas retrouvés en danger de mort
imminent. Il n'est toutefois pas la cause directe et immédiate de cette mise
en danger et, à lui seul, n'aurait pas suffi à la provoquer si le recourant
n'avait ensuite abandonné les enfants à leur sort et quitté les lieux sans
entreprendre quoique ce soit pour qu'ils puissent être découverts et secourus
rapidement. C'est donc le comportement postérieur du recourant, ayant
consisté, après les homicides, à abandonner les enfants et à ne rien
entreprendre pour qu'ils soient découverts rapidement, qui a été la cause
directe et immédiate de cette mise en danger. Or, ce comportement est
manifestement constitutif d'une omission, non pas d'une action.

2.5  Comme seule une omission peut être reprochée au recourant, une mise en
danger de la vie d'autrui, autant qu'elle puisse être commise par omission,
ne pourrait lui être reprochée que s'il avait un devoir juridique d'agir
découlant d'une position de garant.

2.5.1  En l'occurrence, un tel devoir ne découle pas de la loi ou d'un
contrat. Il ne peut non plus être déduit d'une situation de fait, dès lors
que rien n'indique qu'il existait entre le recourant et les enfants une
relation particulière qui puisse fonder un devoir de celui-ci de veiller sur
eux ou de les protéger. Reste à examiner s'il peut être déduit du principe de
l'intervention.

2.5.2  Même s'il n'est pas la cause immédiate et directe de la mise en danger
de la vie des enfants, l'homicide des mères a créé une situation dangereuse
pour ces derniers, qui, du fait de cet homicide, se trouvaient exposés, s'ils
étaient laissés seuls et sans soins, à un danger pour leur vie. Dans cette
mesure, le comportement antérieur du recourant ayant consisté à tuer les
mères a donc joué un rôle causal, ce qui, selon la doctrine très largement
majoritaire si ce n'est unanime, ne suffit cependant pas à fonder une
position de garant (cf. supra, consid. 2.3).

D'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie,
l'homicide d'une mère n'est pas en soi et à lui seul propre à entraîner une
mise en danger de la vie de son enfant. En particulier, ce danger ne se
réalisera normalement pas si l'auteur de l'homicide prend ensuite des mesures
pour écarter ce danger, par exemple en avisant, fût-ce de manière anonyme,
des tiers susceptibles d'intervenir rapidement pour secourir l'enfant. Bien
qu'il puisse être causal de la mise en danger de l'enfant, l'homicide de sa
mère n'en est donc pas la cause adéquate.

Au demeurant, les art. 111 et 112 CP -  soit les normes sanctionnant le
comportement antérieur du recourant ayant consisté dans le meurtre,
respectivement l'assassinat, des mères - répriment la destruction de la vie
d'autrui, alors que la mise en danger de celle-ci est réprimée par l'art. 129
CP. Même si le bien juridique protégé, soit la vie d'autrui, est le même,
l'atteinte à ce bien juridique que les art. 111 et 112 CP visent à empêcher
ne se recouvre donc pas avec l'atteinte que l'art. 129 CP tend à prévenir.

Dans ces conditions, quand bien même le comportement antérieur du recourant,
soit l'homicide des mères, a joué un rôle causal, il ne suffit pas à fonder
une position de garant du recourant envers les enfants à raison de la mise en
danger de la vie de ces derniers.

2.6  Dès lors que seule une omission peut être retenue et que le recourant
n'avait pas un devoir juridique d'agir découlant d'une position de garant,
son comportement ne peut tomber sous le coup de l'art. 129 CP. Par
conséquent, l'arrêt attaqué viole le droit fédéral en tant qu'il condamne le
recourant pour mise en danger de la vie d'autrui.

3.
Qu'une mise en danger de la vie d'autrui ne puisse être retenue à la charge
du recourant ne signifie cependant pas qu'il puisse échapper à toute sanction
à raison du comportement qu'il a eu envers les deux enfants, autant que ce
comportement réalise les conditions d'une autre infraction et que sa
condamnation, le cas échéant, pour cette infraction n'aboutisse pas à une
aggravation de sa culpabilité. En particulier, au vu des faits retenus, il y
a lieu de rechercher si le comportement du recourant envers les deux enfants
réalise les conditions d'une omission de prêter secours au sens de l'art. 128
al. 1 CP, qui constitue un délit, punissable de l'emprisonnement ou de
l'amende, alors que l'infraction réprimée par l'art. 129 CP est un crime,
passible de la réclusion pour cinq ans au plus ou de l'emprisonnement.

3.1  L'art. 128 al. 1 CP sanctionne le comportement de celui qui n'aura pas
prêté secours à une personne qu'il a blessée ou à une personne en danger de
mort imminent, alors que l'on pouvait raisonnablement l'exiger de lui, étant
donné les circonstances.

Cette disposition réprime une mise en danger abstraite par omission. Elle met
à la charge de toute personne qui est en mesure de le faire l'obligation
générale de porter secours à autrui en cas d'urgence, sans créer une position
de garant. Le secours qui doit être prêté se limite aux actes possibles, que
l'on peut raisonnablement exiger de l'auteur et qui peuvent être utiles. Il
s'agit de prendre les mesures commandées par les circonstances et un résultat
n'est pas exigé (ATF 121 IV 18 consid. 2a p. 20 et les références citées).

Dans la deuxième hypothèse prévue à l'art. 128 al. 1 CP, l'obligation de
prêter secours suppose que la personne qui en a besoin se trouve en danger de
mort imminent, quelle que soit la cause de ce danger. La notion de danger de
mort imminent de l'art. 128 al. 1 CP correspond à celle de l'art. 129 CP. Il
faut donc qu'il existe la probabilité sérieuse d'une mort prochaine et que ce
risque soit en rapport de connexité direct avec le comportement de l'auteur
(ATF 121 IV 18 consid. 2a p. 21; cf. également supra, consid. 2.1). La
réalisation de cette condition a notamment été admise dans un cas où l'auteur
avait abandonné une personne prise d'un malaise à la suite d'une consommation
excessive de stupéfiants (ATF 121 IV 18 consid. 2a p. 21 et les références
citées).

Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle. Elle suppose une
conscience du danger de mort imminent ainsi que, plus généralement, des
conditions qui fondent l'obligation de porter secours, notamment de sa propre
capacité de le faire (ATF 121 IV 18 consid. 2a p. 21 et les références
citées). Le dol éventuel suffit (cf. ATF 121 IV 18 consid. 2b/bb p. 22/23;
voir également Corboz, op. cit., p. 174 n° 54; Schubarth, op. cit., art. 128
CP n° 20; Laurent Moreillon, Omission de porter secours, in RPS 1994 p. 233
ss, p. 248). A cet égard, il doit être rappelé que la détermination, à la
suite d'une appréciation des preuves, des représentations subjectives d'une
personne relève des constatations de fait, qui lient la Cour de cassation
saisie d'un pourvoi en nullité et ne peuvent donc être remises en cause dans
le cadre de cette voie de droit (ATF 121 IV 18 consid. 2b/bb p. 23; cf.
également ATF 125 IV 49 consid. 2d p. 56 et les arrêts cités; art. 277bis
PPF).

3.2  Des faits retenus, il résulte que le recourant, après avoir tué les
mères
des enfants, s'est retrouvé seul dans l'appartement avec ces derniers, alors
âgés respectivement de 8 et 4 mois, qu'il a quitté les lieux en fermant la
porte à clef, abandonnant ainsi les enfants à eux-mêmes, et qu'il n'a rien
entrepris pour que ceux-ci soient découverts rapidement, ne signalant
notamment à quiconque que des enfants en bas âge se trouvaient seuls dans
l'appartement. Il en résulte également que les deux enfants n'ont été
découverts que 39 heures plus tard par la police, à la suite d'un appel
téléphonique de la concierge de l'immeuble, alertée par des amies de l'une
des mères, qui s'étaient inquiétées de son sort, et que, selon les rapports
médicaux, ils présentaient une déshydratation modérée lors de leur arrivée à
l'hôpital.

Ces constatations relèvent du fait et lient donc la Cour de cassation saisie
d'un pourvoi en nullité, de sorte que le recourant n'est pas recevable à les
remettre en cause en rediscutant l'appréciation des preuves sur laquelle
elles reposent (cf. supra, consid. 1). Toute son argumentation visant à
contester qu'il n'a rien entrepris pour secourir les enfants, notamment pour
faire en sorte que ceux-ci soient découverts rapidement, est par conséquent
irrecevable.

Au vu des faits retenus, il n'est pas contestable que le recourant a omis de
prêter secours aux enfants.

3.3  Comme le relève l'arrêt attaqué, des nourrissons n'ont aucune
possibilité
de survie par leurs propres moyens s'ils sont livrés à eux-mêmes, sans soins,
notamment sans alimentation régulière. Le cas échéant, il existe la
probabilité sérieuse que, dans le cours ordinaire des choses, le risque
qu'ils ne survivent pas se réalise dans un laps de temps relativement court.
La réalisation de ce risque peut notamment résulter d'une déshydratation,
qui, s'agissant de nourrissons, peut devenir rapidement fatale, mais aussi
d'autres circonstances, telles qu'un étouffement, une chute, etc.

Par ailleurs, lorsque comme en l'espèce, l'auteur, après avoir tué leurs
mères, prend la fuite en abandonnant à eux-mêmes des bébés de quelques mois,
sans entreprendre quoi que ce soit pour qu'ils puissent être découverts
rapidement, plus est en fermant à clef la porte de l'appartement où ils sont
laissés seuls, il existe un rapport de connexité direct entre son
comportement et le risque que, totalement livrés à eux-mêmes, les nourrissons
ne survivent pas au-delà d'un certain laps de temps.

La condition que les victimes se soient trouvées en danger de mort imminent
est par conséquent réalisée en l'espèce. Que, dans le cas particulier, les
enfants aient finalement été découverts après 39 heures dans un état de
déshydratation modéré, n'est en définitive dû qu'à un heureux concours de
circonstances indépendant de la volonté du recourant et n'infirme pas la
réalisation de la condition d'un danger de mort imminent.

3.4  Le secours commandé par les circonstances consistait en l'espèce à faire
à tout le moins en sorte que les enfants puissent être découverts rapidement.
Pour cela, un simple appel téléphonique, fût-ce anonyme depuis une cabine
téléphonique, par exemple à des proches, à un organisme officiel ou à un
hôpital, suffisait et était de nature à remédier utilement à la situation.

Cette mesure pouvait au demeurant être raisonnablement exigée du recourant
compte tenu des circonstances. Cela ne saurait être nié au motif que le
recourant, après le double homicide des mères, était en fuite. Si l'on
voulait admettre le contraire, l'infraction réprimée par l'art. 128 al. 1 CP
ne pourrait plus être retenue à l'encontre de celui qui, pour échapper aux
conséquences de son acte, omet de secourir une personne qu'il a lui-même mise
en danger de mort imminent, ce qui reviendrait à le privilégier par rapport à
celui qui omet de secourir une personne qu'il n'a pas lui-même mise en danger
de mort imminent et qui porte donc une responsabilité moins lourde. Un tel
résultat serait d'ailleurs contraire à la volonté du législateur. En effet,
comme le relève le message du 26 juin 1985 concernant la modification du code
pénal relative aux infractions contre la vie et l'intégrité corporelle, celui
auquel la détresse de la victime est imputable à faute porte une double
responsabilité, qui dépasse l'obligation générale de porter secours et qui
fait que, dans de tels cas, ce secours pourra en principe être
raisonnablement exigé de lui (FF 1985 II 1021 ss, 1048).

3.5  L'arrêt attaqué retient que le recourant était conscient du risque
mortel
qu'il faisait courir aux enfants en les abandonnant livrés à eux-mêmes. Cette
constatation relève du fait, de sorte que le recourant est irrecevable à la
contester dans son pourvoi (cf. supra, consid. 1 et 3.1 in fine). Au reste,
celui-ci ne pouvait manifestement ignorer qu'il lui incombait d'éviter la
réalisation du risque de mort des enfants et qu'il lui était possible de le
faire. Or, il a quitté les lieux sans aucunement se soucier des enfants, de
surcroît en fermant à clef la porte de l'appartement, ce qui réduisait encore
les chances que ceux-ci soient découverts spontanément. Il a donc agi
intentionnellement, à tout le moins par dol éventuel.

3.6  Le comportement du recourant réalise ainsi les éléments constitutifs
d'une omission de prêter secours au sens de l'art. 128 al. 1 CP.

4.
Au vu de ce qui précède, le pourvoi doit être admis dans la mesure où il est
recevable, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale
pour nouvelle décision. Celle-ci devra statuer à nouveau sur le comportement
du recourant envers les deux enfants, conformément aux considérants du
présent arrêt et, par voie de conséquence, sur la peine. S'agissant de ce
dernier point, il appartiendra à l'autorité cantonale de faire usage de son
pouvoir d'appréciation. On peut toutefois observer que la modification du
verdict en ce qui concerne le comportement du recourant envers les deux
enfants ne peut diminuer que faiblement sa lourde culpabilité résultant de
l'ensemble des infractions commises, notamment du meurtre et de l'assassinat
des mères ainsi que de la gravité du cas d'omission de prêter secours, et ne
pourra donc avoir qu'une incidence réduite sur la quotité de la peine.

5.
Vu l'issue du pourvoi, il ne sera pas perçu de frais (art. 278 al. 2 PPF) et
une indemnité sera allouée au mandataire du recourant (art. 278 al. 3 PPF).
La requête d'assistance judiciaire devient ainsi sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est admis dans la mesure où il est recevable, l'arrêt attaqué est
annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais.

3.
La Caisse du Tribunal fédéral versera une indemnité de 3000 francs au
mandataire du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Ministère public du canton de Neuchâtel et à la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 18 mars 2004

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: