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Kassationshof in Strafsachen 6S.370/2003
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6S.370/2003 /ajp

Arrêt du 12 novembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président, Wiprächtiger et Karlen.
Greffière: Mme Angéloz.

X. ________,
recourant, représenté par Me Paul Marville,
avocat, case postale 234, 1001 Lausanne,

contre

Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale,
1014 Lausanne.

Infraction à la LCR,

pourvoi en nullité contre le jugement du Tribunal d'arrondissement de
Lausanne, Tribunal de police,
du 12 septembre 2003.

Faits:

A.
Le 1er avril 2001 vers 17 h 30, A.________ circulait au volant de sa VW
Passat au chemin du Beau-Rivage à Lausanne. Arrivé à l'intersection avec
l'avenue d'Ouchy, qu'il souhaitait traverser pour emprunter le chemin du
Liseron, il s'est arrêté au "cédez le passage" afin d'examiner le trafic.
Comme la visibilité n'était pas très bonne à cet endroit, notamment du fait
qu'une voiture était parquée en dehors des cases autorisées sur le côté droit
en montant l'avenue d'Ouchy, il s'est avancé au-delà de la marque "cédez le
passage" signalée au sol. Il a alors regardé à droite puis à gauche et, ne
voyant venir aucun véhicule, s'est encore avancé lentement sur l'avenue
d'Ouchy. Ce nonobstant, il n'a pas vu arriver le véhicule de marque Chevrolet
Corvette conduit par X.________, qui remontait l'avenue d'Ouchy.

X. ________ a aperçu le véhicule de A.________ alors qu'il avait accéléré
pour monter l'avenue d'Ouchy, après avoir ralenti environ 60 mètres avant
l'intersection pour vérifier au passage que le véhicule, parqué à cet
endroit, d'une personne qu'il venait de prendre à bord, était fermé à clef.
Il a eu l'impression que le véhicule de A.________ allait s'arrêter. Il a
alors accéléré une nouvelle fois et, s'apercevant que le véhicule de
A.________ poursuivait sa route, a essayé de l'éviter en donnant un violent
coup de volant à gauche, tout en accélérant encore. Il n'est toutefois pas
parvenu à éviter complètement le véhicule de A.________, dont l'avant gauche
a heurté l'arrière droit de son véhicule. X.________ a ensuite freiné
vigoureusement pour éviter que son véhicule ne s'encastre dans l'arbre
bordant le trottoir.

B.
Par prononcé du 15 juillet 2002, le Préfet du district de Lausanne a condamné
X.________, en application des art. 90 ch. 1 LCR et 96 OCR, à une amende de
300 francs, pour contravention aux art. 26 al. 1 et 27 al. 1 LCR, 3 al. 1, 4
al. 1, 4a al. 1 let. a et 33 OCR et 22 al. 1 OSR. Il a en outre condamné
A.________, également en application des art. 90 ch. 1 LCR et 96 OCR, à une
amende de 100 francs, pour contravention aux art. 27 al. 1 et 36 al. 2 LCR,
14 al. 1 OCR et 36 al. 2 OSR.

C.
Statuant sur appel des condamnés, le Tribunal de police de l'arrondissement
de Lausanne, par jugement du 12 septembre 2003, a rejeté celui de A.________
et partiellement admis celui de X.________.

S'agissant de ce dernier, le tribunal a retenu que l'instruction n'avait pas
établi qu'il roulait à une vitesse supérieure à celle autorisée ni qu'il
avait intentionnellement fait vrombir son moteur pour attirer l'attention ou
déranger le voisinage. En revanche, il devait se voir reprocher de n'avoir
pas fait preuve de la prudence requise lorsqu'il s'était aperçu que le
véhicule de A.________ s'engageait sur l'avenue d'Ouchy. Plutôt que de
freiner pour s'arrêter, il avait poursuivi sa route en accélérant et n'avait
ainsi pas adapté sa réaction aux circonsEURtances. En outre, il avait pris un
risque considérable en accélérant pour éviter le véhicule A.________ après
avoir donné un violent coup de volant à gauche et en se retrouvant de la
sorte sur la voie de circulation opposée.

Fondé sur ces considérations, le tribunal, a libéré X.________ des
contraventions aux art. 4a al. 1 let. a OCR et 33 OCR ainsi que 22EURal.EUR1
OSR retenues dans le prononcé préfectoral, qu'il a en revanche confirmé pour
le surplus. En conséquence, il l'a condamné, en application des art. 90 ch. 1
LCR et 96 OCR, à une amende dont il a réduit le montant à 200 francs.

D.
X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Invoquant une
violation des art. 90 ch. 1 LCR et 96 OCR, il conclut à l'annulation du
jugement attaqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Rappelant qu'il a été libéré des contraventions aux art. 4a al. 1 let. a et
33 OCR ainsi que 22 al. 1 OSR, le recourant soutient que pour le surplus le
jugement attaqué ne permet pas de discerner à raison de quelles
contraventions il a néanmoins été condamné en application des art. 90 ch. 1
LCR et 96 OCR. Subsidiairement, il fait valoir que même une "violation
hypothétique" de l'art. 26 al. 1 ou al. 2 LCR ne pourrait être retenue à son
encontre, dès lors qu'il n'est pas établi qu'il aurait eu le temps d'arrêter
son véhicule ni que, s'il n'avait donné un coup de volant en accélérant, il
aurait pu éviter le heurt avec le véhicule A.________, qui était beaucoup
trop proche.

2.
Il est vrai que le dispositif du jugement attaqué est formulé maladroitement
dans la mesure où il indique "vu pour X.________ les art. 4a et 33 OCR ainsi
que 22 al. 1 OSR", au lieu de mentionner clairement qu'il libère le recourant
de ces contraventions, et ajoute "appliquant à X.________ les art. 90 ch. 1
LCR et 96 OCR", sans préciser à quelles dispositions il a contrevenu. Il
résulte toutefois clairement de la motivation du jugement attaqué que ce
dernier libère le recourant des contraventions aux art. 4a al. 1 let. a OCR
et 33 OCR ainsi que 22 al. 1 OSR et confirme pour le surplus la décision
préfectorale, donc la condamnation du recourant pour les autres
contraventions retenues en première instance, lesquelles sont expressément
mentionnées dans cette décision. Le recourant, qui était assisté d'un avocat,
pouvait donc comprendre sans difficulté qu'il était condamné en application
des art. 90 ch. 1 LCR et 96 OCR pour avoir contrevenu aux art. 26 al. 1 et 27
al. 1 LCR ainsi que 3 al. 1 et 4 al. 1 OCR et cela à raison du comportement
décrit au considérant 3 du jugement attaqué. Preuve en est d'ailleurs que,
dans son argumentation subsidiaire, il est parfaitement à même de critiquer
la violation du devoir de prudence que lui reproche le jugement attaqué.

Le grief selon lequel le jugement attaqué ne permettrait pas de discerner
quelles contraventions ont en définitive été retenues à la charge du
recourant est donc infondé.

3.
L'art. 26 LCR dont le recourant conteste subsidiairement l'application énonce
une règle générale de prudence s'imposant à tout usager de la route, en
prescrivant à son alinéa 1 que chacun doit se comporter dans la circulation
de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route
conformément aux règles établies. Elle implique notamment que l'usager qui se
comporte de manière réglementaire est en droit d'attendre des autres usagers
qu'ils fassent de même. Ne peut donc se prévaloir du principe de la confiance
ainsi énoncé que celui qui circule lui-même de manière réglementaire. Au
demeurant, le principe de la confiance trouve ses limites à l'art. 26 al. 2
LCR (ATF 118 IV 277 consid. 4a p. 281 et les arrêts cités), qui impose de
faire preuve d'une prudence particulière à l'égard de certains usagers
(enfants, infirmes et personnes âgées) et de même "s'il apparaît qu'un usager
de la route va se comporter de manière incorrecte", c'est-à-dire lorsque des
indices concrets donnent à penser qu'un autre usager ne respectera pas les
règles de la circulation. De tels indices peuvent résulter non seulement d'un
comportement manifeste, mais aussi d'une situation confuse et incertaine qui,
selon l'expérience générale, cache la possibilité imminente qu'un tiers
commette une faute (ATF 125 IV 83 consid. 2b p. 87/88; 118 IV 277 consid. 4a
p. 281; 114 II 175 consid. 3b p. 179/180; 106 IV 391 consid. 1 p. 393).

Selon les constatations de fait cantonales, qui lient le Tribunal fédéral
saisi d'un pourvoi en nullité (art. 277bis PPF), le conducteur A.________
s'est arrêté au "cédez le passage" marquant la route qu'il empruntait. Comme
une voiture parquée en dehors des cases gênait sa visibilité à cet endroit,
il s'est avancé au-delà du "cédez le passage" signalé au sol, a regardé à
gauche puis à droite et, ne voyant venir aucun véhicule, s'est encore avancé
lentement sur l'avenue d'Ouchy. Toujours selon les constatations de fait
cantonales, le recourant, qui survenait sur cette avenue, a vu la voiture
A.________ qui s'y avançait. Dès lors, bien que bénéficiaire de la priorité
et même s'il avait l'impression que la voiture A.________ allait s'arrêter,
le recourant devait se rendre compte que la situation était à tout le moins
incertaine et devenait même dangereuse; en particulier, il ne pouvait exclure
que le véhicule A.________, bien que non prioritaire, poursuive sa route. Le
recourant devait par conséquent adapter son comportement aux circonstances,
en ralentissant de manière à pouvoir au besoin s'arrêter. Or, non seulement
il n'a ni freiné ni même ralenti, mais a au contraire accéléré, violant ainsi
le devoir de prudence découlant pour lui de l'art. 26 LCR.

Le recourant objecte vainement qu'il n'est pas établi qu'il aurait eu le
temps d'arrêter son véhicule, dès lors qu'il n'a même pas tenté de le faire,
mais a au contraire accéléré, ce qui n'était assurément pas le moyen d'y
parvenir. C'est en vain aussi qu'il fait valoir qu'on ne peut lui reprocher
d'avoir donné un coup de volant à gauche en accélérant, car le véhicule
A.________ était beaucoup trop proche pour éviter l'accident. Ce comportement
lui a été reproché, au demeurant avec raison, parce qu'il a eu pour effet que
son véhicule s'est ainsi retrouvé sur la voie de circulation opposée.

Au vu de ce qui précède, le jugement attaqué ne viole pas le droit fédéral
dans la mesure où il considère que, par son comportement, le recourant a
violé le devoir de prudence découlant de l'art. 26 LCR. Ayant ainsi lui-même
enfreint les règles de la circulation, le recourant ne saurait se prévaloir
du principe de la confiance, d'autant moins qu'il existait des indices
concrets qu'un autre usager pourrait ne pas les respecter, puisque le
recourant avait vu qu'un véhicule non prioritaire s'avançait sur la voie de
circulation qu'il empruntait.
Le grief subsidiaire de violation de l'art. 26 LCR est donc également
infondé.

4.
Le pourvoi doit ainsi être rejeté et le recourant, qui succombe, supportera
les frais (art. 278 al. 1 PPF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 francs est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal d'arrondissement de
Lausanne, Tribunal de police.

Lausanne, le 12 novembre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: