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Kassationshof in Strafsachen 6S.332/2003
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6S.332/2003 /pai

Arrêt du 6 novembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffière: Mme Angéloz.

X. ________,
recourant,

contre

Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale,
1014 Lausanne.

Créance compensatrice, art. 59 ch. 2 CP (abus de confiance),

pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois, Cour de
cassation pénale, du 5 février 2003.

Faits:

A.
Par jugement du 16 octobre 2002, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement de Lausanne a condamné X.________, pour abus de confiance
qualifié, à la peine de 15 mois d'emprisonnement avec sursis pendant 3 ans,
l'astreignant en outre au versement d'une créance compensatrice fixée à
50'000 francs.

Ce jugement repose, en résumé, sur les faits suivants. Alors qu'il était le
tuteur de sa cousine A.________, l'accusé a effectué de nombreux prélèvements
injustifiés sur les comptes bancaires de celle-ci. Il s'est avéré que le
montant total de ces prélèvements ascendait à plus de 390'000 francs, le
profit personnel réalisé par l'accusé s'élevant à quelque 206'000 francs,
après déduction de 185'000 francs versés par ce dernier à des Loges
maçonniques pour des oeuvres de bienfaisance. Suite au décès accidentel de
A.________, ses héritiers ont répudié la succession, que seul l'accusé a
acceptée. Devenu ainsi l'unique ayant droit de feu sa cousine, il n'était
plus exposé au remboursement de son enrichissement.

Qualifiant cette situation de choquante et considérant que les conditions de
l'art. 59 ch. 2 CP étaient réalisées, le tribunal a estimé qu'il se
justifiait de mettre une créance compensatrice à la charge de l'accusé. Vu la
situation financière obérée de ce dernier, qui percevait toutefois un revenu
régulier, il a jugé qu'il serait excessif de fixer cette créance à hauteur de
l'enrichissement, mais qu'il convenait néanmoins d'éviter qu'il puisse
s'enrichir avec le solde actif, le cas échéant, de la succession. Il a dès
lors fixé le montant de la créance à 50'000 francs.

B.
Statuant le 5 février 2003 sur recours de X.________, la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois l'a rejeté. Elle a considéré, en bref,
que le principe du versement d'une créance compensatrice était justifié et
que, compte tenu de la situation de l'accusé, les premiers juges n'avaient
pas abusé de leur pouvoir d'appréciation en la fixant à 50'000 francs.

C.
Agissant personnellement, X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal
fédéral. Invoquant une violation de l'art. 59 ch. 2 al. 2 CP, il conclut
implicitement à l'annulation de l'arrêt attaqué, en sollicitant l'effet
suspensif.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le pourvoi en nullité au Tribunal fédéral n'est recevable que pour violation
du droit fédéral (art. 269 al. 1 PPF). Dans le cadre de cette voie de droit,
la Cour de cassation peut donc uniquement examiner si, sur la base des faits
retenus dans la décision attaquée, l'autorité cantonale a fait une correcte
application du droit matériel fédéral. Sous réserve de la rectification d'une
inadvertance manifeste, elle est en revanche liée par les constatations de
fait de l'autorité cantonale (art. 277bis al. 1 PPF), de sorte qu'elle ne
peut revoir les faits retenus ni l'appréciation des preuves sur laquelle ils
reposent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83; 123 IV 184 consid. 1a p. 186; 118
IV 309 consid. 2b p. 317). Ces points, sous peine d'irrecevabilité, ne
peuvent donc être remis en cause dans un pourvoi en nullité.

2.
En soi le principe du versement d'une créance compensatrice n'est pas
contesté par le recourant, qui n'établit ni n'invoque aucune violation de
l'art. 59 ch. 2 al. 1 CP, mais conteste en revanche le montant de la créance
mise à sa charge, soutenant que celle-ci devrait être réduite, voire
supprimée, compte tenu de son âge et de sa situation financière.

2.1 Les juges cantonaux ont fait usage de la faculté réservée par l'art. 59
ch. 2 al. 2 CP, en renonçant partiellement au versement de la créance
compensatrice, dont ils ont fixé le montant à 50'000 francs, soit à moins du
quart de l'enrichissement que le recourant s'était procuré par son activité
délictueuse. La seule question est donc de savoir si la réduction ainsi
opérée est insuffisante, comme le prétend le recourant.

2.2 L'arrêt attaqué reprend l'état de fait retenu par les premiers juges,
dont il résulte que le recourant est né le 2 avril 1940. On doit en déduire
que c'est ensuite d'une inadvertance manifeste que, sous chiffre 3 de la page
6, il mentionne "cinquante ans" en évoquant l'âge du recourant. Sur ce point,
l'arrêt attaqué doit donc être rectifié, conformément à l'art. 277bis al. 1
3ème phrase PPF, en ce sens que le recourant était âgé de près de 63 ans au
moment où l'arrêt attaqué a été rendu. Cette rectification demeure toutefois
sans incidence. Pour l'application de l'art. 59 ch. 2 al. 2 CP, l'âge du
recourant n'était en effet déterminant que dans la mesure où on devait en
déduire que sa situation financière se dégraderait, notamment que ses gains
futurs diminueraient, au point qu'il soit à prévoir que la créance ne soit
pas recouvrable ou entraverait sérieusement sa réinsertion sociale. Or,
l'arrêt attaqué constate que c'est précisément pour éviter de telles
conséquences que les premiers juges, qui avaient justement tenu compte de
l'âge du recourant, ont réduit à 50'000 francs la créance compensatrice mise
à la charge de ce dernier et qu'il n'a au demeurant pas été établi que le
paiement du montant ainsi fixé exposerait le recourant à une dégradation de
sa situation financière mettant gravement en péril sa réinsertion sociale.

2.3 Au reste c'est en vain que le recourant allègue que la succession est
obérée, qu'il n'a pas fait de donation à ses enfants et paie, pour son
appartement et son commerce, un loyer total de 2'350 francs, voire de 2'450
francs. L'arrêt attaqué, qui, sur tous ces points ne s'écarte pas du jugement
de première instance, retient qu'il n'est pas établi que la situation
financière du recourant, une fois la succession liquidée, s'en trouvera
obérée et que le recourant touche un revenu régulier de 3'500 francs net par
mois, tous frais étant payés par son entreprise, sans qu'il doive assumer de
loyer, celui-ci étant pris en charge par ses enfants, auxquels il a fait une
donation immobilière en 1998/1999. Ces constatations relèvent du fait et
lient donc la Cour de céans saisie d'un pourvoi en nullité, de sorte que le
recourant n'est pas recevable à les contester ou rediscuter dans le cadre de
cette voie de droit (cf. supra, consid. 1).

2.4 L'art. 59 ch. 2 al. 2 CP prévoit que le juge peut renoncer totalement ou
partiellement à la créance compensatrice s'il est à prévoir qu'elle ne serait
pas recouvrable ou qu'elle entraverait sérieusement la réinsertion de
l'intéressé. Savoir s'il y a lieu de faire usage de cette faculté suppose une
appréciation globale de la situation financière de l'intéressé (ATF 122 IV
299 consid. 3b p. 302; 119 IV 17 consid. 2a p. 21; 106 IV 336 consid. 3b/bb
p. 337). Une réduction ou une suppression de la créance compensatrice n'est
cependant admissible que dans la mesure où l'on peut réellement penser que
celle-ci mettra concrètement en danger la situation sociale de l'intéressé,
sans que des facilités de paiement permettent d'y remédier (ATF 119 IV 17
consid. 2a p. 21; 106 IV 9 consid. 2 p. 10).
En l'espèce, le montant de la créance, qui eût en principe dû équivaloir à
celui de l'avantage illicite que le recourant s'était procuré par son
activité délictueuse mais qui ne pouvait plus être confisqué, a été fortement
réduit, précisément pour ne pas mettre sérieusement en péril sa réinsertion
sociale. Que le montant ainsi arrêté, soit 50'000 francs, serait encore trop
élevé pour éviter une telle conséquence n'est pas établi selon l'arrêt
attaqué, qui constate que le recourant dispose d'un revenu régulier d'un
montant net de 3'500 francs, que tous autres frais sont payés par son
entreprise, sans qu'il doive en particulier payer de loyer, et qu'il n'a
d'autre dette qu'un solde de crédit bancaire d'environ 78'000 francs. Certes,
sans être catastrophique comme le relève l'arrêt attaqué, sa situation ne
sera pas aisée. Il lui sera toutefois loisible de solliciter des facilités de
paiement, qui lui seront certainement accordées. Dès lors, sur la base des
faits retenus, on ne saurait dire que les juges cantonaux auraient abusé de
leur pouvoir d'appréciation en fixant à 50'000 francs le montant de la
créance compensatrice mise à la charge du recourant.

3.
Le pourvoi, dont l'argumentation se réduit très largement si ce n'est
exclusivement à une contestation des faits retenus, doit dès lors être rejeté
autant qu'il soit recevable.

Le recourant, qui succombe, supportera les frais (art. 278 al. 1 PPF).

La cause étant tranchée, la requête d'effet suspensif devient sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 francs est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au Ministère public du
canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale.

Lausanne, le 6 novembre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: