Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Kassationshof in Strafsachen 6S.30/2003
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6S.30/2003 /rod

Arrêt du 16 avril 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger, Féraud, Kolly et Karlen.
Greffier: M. Denys.

X. _______,
recourant, représenté par Me Yves Donzallaz, avocat, avenue de Tourbillon 3,
case postale 387, 1951 Sion,

contre

A._______,
intimé, représenté par Me Stéphane Riand, avocat, avenue Ritz 33, case
postale 2299, 1950 Sion 2,
Ministère public du canton du Valais, Palais de Justice, 1950 Sion 2.

Violation de la LAVI,

pourvoi en nullité contre la décision du Tribunal cantonal du Valais, Chambre
pénale, du 14 janvier 2003.

Faits:

A.
Le 15 juin 2002, le juge d'instruction du Valais central a été avisé de
l'existence d'une suspicion d'abus sexuels au préjudice de l'enfant
X._______, né en mai 1998. Le voisin A._______ était mis en cause. Il a été
prévu que la direction des entretiens serait confiée à une psychologue et que
ceux-ci seraient enregistrés sur support vidéo.

Le 16 juin 2002, X._______ a été entendu par une psychologue et une agente de
police. Fortuitement, l'enregistrement vidéo a été effacé. Le lendemain, la
mère de l'enfant a remis à la police un enregistrement, dans lequel l'enfant,
dialoguant avec ses parents,  mettait en cause A._______. Une autre audition
de l'enfant par la psychologue et l'agente de police s'est tenue le 20 juin
2002, à la demande des parents. Elle a été enregistrée sur bande vidéo et
transcrite par écrit. Le 9 juillet 2002, la psychologue, dans un document
intitulé "Commentaires et analyse de crédibilité" visé par son chef de
service, lui-même psychologue-psychothérapeute, a indiqué que l'ensemble des
éléments apportés par cette audition ne permettait pas de conclure avec
certitude que les faits relatés par l'enfant étaient exacts ni de déclarer
ces faits peu probables.

Le 31 juillet 2002, la représentante du ministère public a observé qu'il
manquait au dossier une expertise de crédibilité répondant aux critères
minima dégagés au cours de ces dernières années, l'analyse de la psychologue
devant nécessairement être complétée par le point de vue d'un expert neutre
qui n'ait pas assisté l'enquêteur dans son audition.

Le 18 septembre 2002, le juge d'instruction a confié l'expertise à
R._______, psychanalyste, DESS de psychologie clinique et pathologique,
psychologue et psychothérapeute FSP (enfants, adolescents et adultes), membre
de l'école européenne de psychanalyse. Il lui a demandé de lui faire
connaître la méthodologie dont elle entendait faire usage et lui a annoncé
qu'il lui préciserait sous peu les exigences posées par le Tribunal fédéral
et la doctrine spécialisée en matière d'audition d'enfants. Le 1er octobre
2002, le juge a communiqué aux parties la méthodologie établie par l'experte.
Dès le 10 octobre 2002, les parents X._______ sont intervenus à plusieurs
reprises auprès du juge afin qu'il définisse clairement le statut et la
mission exacte de l'experte. Le 13 novembre 2002, après que les parents
X._______, le prévenu et le ministère public eurent chacun déposé leur liste
de questions à l'experte, le nouveau juge d'instruction en charge du dossier
a confirmé le mandat confié à celle-ci et lui a adressé son propre
questionnaire.

A la suite de discussions préalables avec l'experte, les parents X._______
ont mis en cause "les méthodes et a priori" qu'elle manifestait en tant que
praticienne de la psychanalyse. Le 15 novembre 2002, ils ont fait savoir au
juge qu'ils n'entendaient absolument plus confier leur enfant à cette
thérapeute et ont requis que le dossier d'expertise soit transféré en mains
d'un véritable pédopsychiatre. Par courrier du 27 novembre 2002, ils ont
indiqué au juge que l'expertise litigieuse ne correspondait pas aux réquisits
d'une véritable expertise de crédibilité et qu'il pouvait interpréter leur
requête comme une demande de récusation. Le ministère public et le prévenu
s'y sont opposés.

B.
Le 3 décembre 2002, le juge d'instruction a rejeté la requête tendant à la
récusation de l'experte.

X. _______ et ses parents ont recouru contre cette décision. Ils ont invoqué
notamment l'incompatibilité du mandat confié à l'experte avec les nouvelles
dispositions de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI;
RS 312.5), son incompétence et manque d'expérience, et son défaut
d'impartialité pour manque de sérénité.

Par décision du 14 janvier 2003, la Chambre pénale du Tribunal cantonal
valaisan a rejeté le recours.

C.
Agissant par ses parents, X._______ se pourvoit en nullité au Tribunal
fédéral contre cette décision. Il conclut à son annulation et sollicite par
ailleurs l'effet suspensif.

Le 31 janvier 2003, le Tribunal fédéral a signalé qu'aucune mesure
d'exécution ne pourrait être entreprise jusqu'à décision sur la requête
d'effet suspensif.

A. _______ conclut au rejet du pourvoi dans la mesure où il est recevable.

Le Ministère public valaisan conclut au rejet du pourvoi.
La Chambre pénale du Tribunal cantonal valaisan se réfère à sa décision.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 La décision attaquée ne met pas fin à l'action pénale mais tranche une
question de procédure soulevée par le recourant; il s'agit donc d'une
décision incidente. En application de l'art. 268 PPF, la recevabilité d'un
pourvoi en nullité contre une décision préjudicielle ou incidente, émanant
d'une autorité cantonale de dernière instance, présuppose que cette dernière
se soit prononcée définitivement sur un point de droit fédéral (ATF 128 IV 34
consid. 1a p. 35/36; 119 IV 168 consid. 2a p. 170 ). Cela est le cas en
l'espèce. En effet, la décision attaquée tranche définitivement, sur le plan
cantonal, la question de savoir si l'expertise de crédibilité ordonnée
judiciairement est compatible avec les exigences limitatives de l'art. 10c
LAVI quant au nombre d'auditions de l'enfant victime. Cette disposition est
une norme de droit fédéral au sens de l'art. 269 al. 1 PPF (cf. ATF 119 IV
168 consid. 3 p. 171). La décision attaquée est donc susceptible d'un pourvoi
en nullité, malgré son caractère incident (ATF 119 IV 168 consid. 2b p.
170/171).

1.2 Tant que les faits ne sont pas définitivement arrêtés, comme en l'espèce,
il faut se fonder sur les allégués de celui que se prétend lésé pour
déterminer s'il est une victime au sens de l'art. 2 LAVI (ATF 126 IV 147
consid. 1 p. 149). Le recourant soutient avoir été sexuellement abusé.
Directement atteint dans son intégrité sexuelle, il apparaît comme une
victime (art. 2 al. 1 LAVI).

Aux termes de l'art. 270 let. e ch. 2 PPF, la victime peut faire valoir une
violation des droits que lui accorde la LAVI. Cette disposition est une
codification de la jurisprudence, laquelle a admis que la victime ou les
personnes assimilées peuvent se pourvoir en nullité indépendamment de toute autre condition lorsqu'elles invoquent la violation d'un droit qui leur est
garanti par la LAVI dans la procédure pénale, afin d'éviter qu'une violation
de ces garanties du droit fédéral échappe à la connaissance du Tribunal
fédéral (ATF 122 IV 79 consid. 1a p. 81, 71 consid. 2 p. 75, 37 consid. 1a p.
39/40). Le recourant est  donc habilité à soulever une violation d'un droit
procédural découlant de la LAVI, en l'espèce à propos de l'interprétation et
de l'application de l'art. 10c LAVI. Savoir si la norme de la LAVI invoquée a
été violée ou non est une question de fond, non de recevabilité.

2.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 10c LAVI.

2.1 Le 23 mars 2001, les Chambres fédérales ont adopté une modification de la
LAVI, entrée en vigueur le 1er octobre 2002 (RO 2002 p. 2997). Y figure
l'art. 10c, selon lequel l'enfant ne doit en principe pas être soumis à plus
de deux auditions sur l'ensemble de la procédure (al. 1). La première
audition doit intervenir dès que possible. Elle est conduite par un enquêteur
formé à cet effet, en présence d'un spécialiste. Les parties exercent leurs
droits par l'intermédiaire de la personne chargée de l'interrogatoire.
L'audition a lieu dans un endroit approprié. Elle fait l'objet d'un
enregistrement vidéo. L'enquêteur et le spécialiste consignent leurs
observations particulières dans un rapport (al. 2). Une seconde audition est
organisée si, lors de la première, les parties n'ont  pas pu exercer leurs
droits, ou si cela est indispensable au bon déroulement de l'enquête ou à la
sauvegarde de l'intérêt de l'enfant.  Dans la mesure du possible, elle doit
être menée par la personne qui a procédé à la première audition. Pour le
reste, les dispositions de l'al. 2 sont applicables (al. 3).

2.2 En l'espèce, la procédure pénale a été initiée avant l'entrée en vigueur
de la nouvelle réglementation, le recourant ayant en particulier été entendu
par les autorités de poursuite pénale les 16 et 20 juin 2002 déjà. On peut
donc se demander si l'art. 10c LAVI s'applique à une procédure en cours.
Selon l'art 12 al. 2 de l'ordonnance sur l'aide aux victimes d'infraction
(OAVI; RS 312.51), les dispositions relatives à la protection et aux droits
de la victime dans la procédure pénale (art. 5 à 10 LAVI) sont applicables à
tous les actes de procédure accomplis après l'entrée en vigueur de la LAVI.
Cette disposition n'a pas formellement été modifiée lors de la révision et ne
mentionne donc pas les art. 10a à 10d LAVI en vigueur depuis le 1er octobre
2002. Comme ces nouvelles dispositions complètent les art. 5 à 10 LAVI en
s'attachant spécifiquement à la protection de la personnalité des enfants
victimes dans la procédure pénale, il convient de leur appliquer par analogie
l'art. 12 al. 2 OAVI. En conséquence, l'art. 10c LAVI régit  la présente
procédure et le recourant peut s'en prévaloir. Au demeurant, cette solution
s'accorde avec la jurisprudence, selon laquelle les dispositions de procédure
de la LAVI s'appliquent aux décisions rendues après l'entrée en vigueur de
cette loi (ATF 120 Ia 101 consid. 1 p. 102/103).

2.3 Le nouvel art. 10c LAVI tend notamment à restreindre le nombre
d'interrogatoires auquel l'enfant victime peut être soumis. En principe, il
ne devrait pas y en avoir plus de deux. Cette règle se fonde sur la
constatation qu'un interrogatoire sur les circonstances de l'acte peut être
traumatisant pour un enfant. Dans les cas d'abus sexuels par exemple, le
traumatisme de l'enfant ne remonte pas uniquement à l'abus, mais est renforcé
par les suites liées à l'événement. Cette victimisation secondaire,
susceptible de causer un grave préjudice à l'enfant, doit être évitée au
maximum (cf. FF 2000 p. 3525).

2.4 Selon l'art. 10c al. 1 LAVI, les interrogatoires visés par la nouvelle
réglementation sont ceux menés dans le cadre de l'ensemble de la procédure,
par quoi il faut bien sûr comprendre de la procédure pénale. Cela exclut donc
une audition de l'enfant hors d'une telle procédure, par exemple celle menée
dans le cadre d'une procédure civile (divorce des parents notamment) ou
encore les questions posées à l'enfant par des particuliers avant la
procédure pénale, comme ses parents, dans l'optique d'éclaircir des soupçons
d'abus (cf. Eva Weishaupt, Besonderer Schutz minderjähriger Opfer im
Strafverfahren, in RPS 2002 p. 231 ss, 239).

En l'espèce, le juge d'instruction a ordonné une expertise de crédibilité des
déclarations du recourant, âgé de quatre ans. Ce type d'expertise s'impose
surtout lorsqu'il s'agit des déclarations d'un petit enfant qui sont
fragmentaires ou difficilement interprétables, lorsqu'il existe des indices
sérieux de troubles psychiques, ou lorsque des éléments concrets font penser
que la personne interrogée a été influencée par un tiers (cf. ATF 128 I 81
consid. 2 p. 84 ss; 118 Ia 28 consid. 1c p. 31/32; arrêt 1P.8/2002 du 5 mars
2002, consid. 4.3.1; cf. aussi Philipp Maier / Arnulf Möller, Begutachtungen
der Glaubhaftigkeit in der Strafrechtspraxis, in PJA 2002 p. 682 ss,
685/686). La question à résoudre ici est de déterminer si la limitation des
auditions prévues à l'art. 10c LAVI touche également une expertise de
crédibilité ordonnée par les autorités de poursuite pénale.

Il ressort du message du Conseil fédéral qu'à l'occasion du deuxième
interrogatoire - celui prévu par l'art. 10c al. 3 LAVI - les parties
présentes au procès (autorités chargées de l'enquête, parquet, défense,
expert chargé de vérifier la crédibilité des affirmations, représentants de
la victime) disposent du droit de poser des questions (FF 2000 p. 3517);
aussi, un deuxième interrogatoire de l'enfant selon l'art. 10c al. 3 LAVI
peut-il en particulier répondre aux besoins d'une  expertise de crédibilité.
Dans le même sens, Weishaupt (op. cit., p. 240) mentionne qu'une deuxième
audition selon l'art. 10c al. 3 LAVI peut être nécessaire en raison d'une
expertise de crédibilité. Le message pas plus que la doctrine, même s'ils
n'abordent pas directement cette question, ne laissent donc entendre qu'une
expertise échapperait à l'art. 10c LAVI. Le but même de la nouvelle
réglementation, qui se soucie d'éviter les traumatismes supplémentaires
provoqués par la répétition d'interrogatoires, ne saurait être battu en
brèche par un traitement différencié réservé à l'expertise. Que l'expert
dispose d'une formation en règle générale à même d'éviter une victimisation
secondaire (cf. Markus Hug, Glaubhaftigkeitsgutachten bei Sexualdelikten
gegenüber Kindern, in RPS 2000 p. 19 ss, 40) n'y change rien. En effet,
conformément à l'art. 10c al. 2 LAVI, l'enquêteur de la police qui procède à
la première audition est lui-même formé à cet effet et doit en plus être
accompagné d'un spécialiste. Déjà à ce stade, tout est mis en oeuvre pour
éviter une victimisation secondaire. Rien ne justifie véritablement une plus
grande souplesse à l'égard de l'expert par rapport aux personnes spécialement
formées qui interviennent au début de l'enquête. Il faut donc conclure qu'une
expertise de crédibilité est soumise à l'art. 10c LAVI. Cette solution vaut
lorsque l'expert est mandaté par le juge dans le cadre de la procédure et
qu'il apparaît de la sorte comme un auxiliaire de la justice.

2.5 La difficulté consiste à concilier les exigences scientifiques requises
pour mener à bien l'expertise et la protection prévue par la loi pour
l'enfant victime. L'élément cardinal d'une expertise de crédibilité consiste
en l'analyse des déclarations selon des critères prédéterminés. L'expertise
intervient dans une phase de la procédure où l'enfant s'est déjà exprimé sur
les faits de la cause. L'expert doit garder à l'esprit que sa manière de se
comporter avec l'enfant dans une expertise judiciaire ne peut être identique
à une approche clinique. Il doit en général entrer en contact avec l'enfant
pour effectuer sa mission, par exemple pour se faire une idée propre quant à
l'état physique et psychique de celui-ci ou pour se rendre compte de
réactions qu'il a suscitées (cf. ATF 128 I 81 consid. 2 et 3 p. 84 ss; Hug,
op. cit., p. 40; Max Steller / Renate Volbert, Glaubwürdigkeitsbegutachtung,
in Psychologie im Strafverfahren, 1997, édité par Max Steller et Renate
Volbert, p. 24-27; Günter Köhnken, Methodik der Glaubwürdigkeitsbegutachtung,
in Begutachtung sexuell missbrauchter Kinder, Fachliche Standards im
juristischen Verfahren, 2001, édité par Jörg M. Fegert, p. 45/46).  D'après
une enquête allemande, citée par Hug, dans 44 % des cas étudiés un seul
rendez-vous avec l'expert a suffi; pour les autres cas, plusieurs rendez-vous
ont eu lieu, jusqu'à quatre; au total, les auditions ont duré en moyenne
trois heures (cf. Detlef Busse/ Renate Volbert, Glaubwürdikeitsgutachten in
Strafverfachen wegen sexuellen Missbrauchs, Ergebnisse einer
Gutachtenanalyse, in Psychologie der Zeugenaussage, 1997, édité par Luise
Greuel, Thomas Fabian, Michael Stadler, p. 131 ss, 135). Il n'apparaît donc
pas rare qu'une expertise de crédibilité requiert plus d'une audition. Cela
ne saurait exclure par avance la compatibilité d'une telle expertise avec
l'art. 10c LAVI, cette hypothèse n'ayant manifestement pas été voulue par le
législateur. Même si la formation spécifique de l'expert ne le soustrait pas
à la réglementation de l'art. 10c LAVI (cf. supra, consid. 2.4 in fine), il
ne faut pas non plus omettre qu'elle implique en principe une  audition
conduite dans les règles de l'art.

Outre le respect des droits de la défense, l'art. 10c al. 3 LAVI institue la
possibilité de tenir une deuxième audition si cela est indispensable au bon
déroulement de l'enquête ou à la sauvegarde de l'intérêt de l'enfant. Cette
extension a été introduite lors des débats parlementaires (cf. BO CN 2000 p.
1173 ss). L'art. 10c al. 1 LAVI limite en principe le nombre d'auditions à
deux durant la procédure. Selon la teneur même de cette disposition, des
exceptions restent donc possibles, étant précisé qu'il ne s'agit pas de les
systématiser. Par analogie avec le texte de l'art. 10c al. 3 LAVI, le bon
déroulement de l'enquête ou l'intérêt de l'enfant peuvent constituer des
critères justifiant plus de deux auditions (cf. Weishaupt, op. cit., p. 241).
S'agissant d'une expertise de crédibilité, une telle justification pourrait
résulter de la nécessité scientifique, et au travers elle le bon déroulement
de l'enquête pénale, ou de la protection de l'enfant, si un fractionnement de
l'audition apparaissait préférable pour lui. C'est au cas par cas, en
fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, que l'admissibilité de
plus de deux auditions doit être examinée. Il incombe au juge, autant que
faire se peut, de prendre les mesures nécessaires propres à harmoniser tant
les droits des deux parties (accusé et victime) que les intérêts de la
poursuite pénale. A noter que l'abandon d'une expertise de crédibilité pour
éviter d'entendre encore l'enfant pourrait conduire à ce qu'il faille en
dernier ressort libérer l'accusé au bénéfice du doute.

2.6 La présente procédure, y compris l'expertise ordonnée, est donc soumise à
l'art. 10c LAVI. Le recourant a déjà été entendu les 16 et 20 juin 2002. Ces
deux auditions sont antérieures à l'entrée en vigueur de l'art. 10c LAVI et
la deuxième a été requise par les parents. Dans ce contexte particulier, il
n'apparaît nullement exclu d'entendre encore le recourant, à supposer en
particulier que le bon déroulement de l'enquête l'exige, voire l'intérêt
propre de celui-ci.

Le recourant et l'intimé ne contestent pas la pertinence d'une expertise de
crédibilité. Selon la décision attaquée, le juge d'instruction a communiqué
aux parties le 1er octobre 2002 la méthodologie établie par l'experte. Au
moins implicitement, la décision attaquée renvoie donc au contenu de ce
document. Il en ressort que l'experte souhaite voir le recourant 2 fois par
semaine (1/2 heure ?) pendant une période dont [elle ne peut] fixer le terme
mais qu'[elle] espère courte (1 mois ?). Dès le 10 octobre 2002, les parents
du recourant ont plusieurs fois demandé au juge d'instruction de préciser le
statut et la mission exacte de l'experte. Le 13 novembre 2002, le juge a
confirmé le mandat confié à l'experte. Le 15 novembre 2002, les parents du
recourant ont fait savoir qu'ils n'entendaient pas confier leur enfant à
cette experte et qu'ils souhaitaient l'intervention d'un véritable
pédopsychiatre.

Contrairement à ce que laisse entendre la décision attaquée, il n'apparaît
pas que le recourant (par l'entremise de ses parents) aurait tardé à soulever
son opposition. L'art. 10c LAVI est entré en vigueur le 1er octobre 2002,
soit le jour où la méthodologie de l'experte a été communiquée. Le recourant
a ensuite demandé des précisions sur le déroulement de l'expertise avant de
s'opposer à sa mise en oeuvre telle qu'elle était prévue par l'experte. Dans
ces conditions, on ne voit pas que le recourant aurait agi de manière
contraire à la bonne foi, au point de pouvoir lui dénier le bénéfice des
droits procéduraux accordés par l'art. 10c LAVI. D'ailleurs, on ne saurait
guère concevoir une renonciation aux droits précités, du moins de la part
d'un jeune enfant supposé victime d'un acte d'ordre sexuel (cf. Weishaupt,
op. cit., p. 244/245).

L'experte envisage plusieurs auditions. La manière dont elle les a annoncées
fait penser à un nombre soutenu et indéterminé. Leur compatibilité avec
l'art. 10c LAVI apparaît fortement suspecte. Le juge d'instruction devait
veiller au respect de cette disposition, notamment en s'enquérant auprès de
l'experte de l'éventuelle nécessité d'auditions répétées dans le cas concret
et en lui rappelant les exigences légales restrictives en ce domaine. Le cas
échéant, il lui incombait d'inviter l'experte à employer une méthode
d'investigation mieux conciliable avec l'art. 10c LAVI et bien sûr
respectueuse des standards scientifiques reconnus (ATF 128 I 81 consid. 2 p.
84 ss). L'analyse de la procédure cantonale ne permet pas de conclure à une
véritable prise en compte du nouvel art. 10c LAVI. La méconnaissance de cette
norme est attestée par la motivation de la décision attaquée, la Chambre
pénale s'étant contentée de signaler qu'une violation de la LAVI pourrait
éventuellement donner lieu à un complément d'expertise voire à une nouvelle
expertise. Le pourvoi doit donc être admis, la décision attaquée annulée et
la cause renvoyée à l'autorité cantonale, qui veillera à la poursuite de
l'instruction dans le respect des exigences de l'art. 10c LAVI.

3.
Il ne sera pas perçu de frais judiciaires et une indemnité sera allouée au
recourant pour la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 278 al. 3 PPF).
Vu le sort du pourvoi, il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à l'intimé.

La cause étant ainsi jugée, la requête d'effet suspensif n'a plus d'objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est admis, la décision attaquée est annulée et la cause est
renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais.

3.
La Caisse du Tribunal fédéral versera au recourant une indemnité de 3'000
francs à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Ministère public du canton du valais, au Tribunal cantonal valaisan, Chambre
pénale, ainsi qu'au Juge d'instruction pénale du Valais central.

Lausanne, le 16 avril 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: