Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Kassationshof in Strafsachen 6S.191/2003
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6S.191/2003 /pai

Arrêt du 26 août 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger, Kolly, Karlen et
Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Denys.

X. ________,
recourante, représentée par Me Louis-Marc Perroud, avocat, case postale 1161,
1701 Fribourg,

contre

Ministère public du canton de Fribourg,
rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg.

Conducteur pris de boisson,

pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour d'appel pénal du Tribunal
cantonal fribourgeois du 30 avril 2003.

Faits:

A.
Le 5 juillet 2001, vers 5 h 50, X.________ circulait avec son véhicule à la
recherche de son amie A.________, qui venait de quitter son domicile, à pied,
après une dispute. La voyant dans un pré à droite de la chaussée, elle a
quitté la route et roulé dans sa direction. Elle a alors perdu la maîtrise de
son véhicule et heurté A.________, qui a été blessée. Elle a quitté le lieu
de l'accident pour aller chercher du secours et est revenue sur place, avec
son véhicule. Les agents de la gendarmerie ont constaté que X.________ était
choquée et sous l'influence de l'alcool et ont procédé à un test à
l'éthylomètre, qui a donné un résultat de 1,4 g o/oo. Ils l'ont conduite
ensuite chez elle  pour qu'elle se change. Au cours de l'interrogatoire
subséquent, X.________ a déclaré que lors du passage à son domicile, elle
avait bu un verre de whisky, ignorant qu'elle serait soumise à une prise de
sang. Une prise de sang a été pratiquée à 9 h 05. Sur cette base, l'Institut
de médecine légale de l'Université de Lausanne a retenu dans un rapport du 14
août 2001 un taux d'alcool de 1,23 g o/oo, l'intervalle allant de 1,17 à 1,29
g o/oo. Dans un rapport complémentaire du 31 janvier 2002, l'institut, tenant
compte de l'ingestion postérieure du whisky, a fixé l'alcoolémie au moment de
la conduite du véhicule dans un intervalle de 0,74 à 1,39 g o/oo.

B.
Par jugement du 22 mai 2002, le Juge de police de la Sarine a considéré que
X.________ n'avait pas eu l'intention de se soustraire à une prise de sang ou
d'en fausser le résultat en buvant un verre de whisky après l'accident. Il a
rectifié l'alcoolémie retenue par l'institut de médecine légale, la ramenant
à un intervalle de 0,6 g à 1,25 g o/oo (au lieu de 0,74 à 1,39 g o/oo) pour
tenir compte du poids réel de X.________. Il a reconnu celle-ci coupable
d'avoir conduit en étant prise de boisson (art. 91 ch. 1 LCR) et l'a
condamnée à une amende de 400 francs.

Par arrêt du 30 avril 2003, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal
fribourgeois a rejeté le recours de X.________.

C.
Celle-ci se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Elle
conclut à son annulation.

Le Ministère public fribourgeois a renoncé à se déterminer.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application du
droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base d'un état de fait définitivement
arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 273 al. 1 let. b et 277bis al. 1
PPF). Le raisonnement juridique doit donc être mené sur la base des faits
retenus dans la décision attaquée, dont la recourante est irrecevable à
s'écarter (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66/67).

2.
La recourante s'en prend à sa condamnation pour ivresse au volant prononcée
en vertu de l'art. 91 LCR.

2.1 L'art. 91 ch. 1 LCR réprime de l'emprisonnement ou de l'amende le
comportement de celui qui, étant pris de boisson, aura conduit un véhicule
automobile.

En application de l'art. 55 al. 1 LCR, le Conseil fédéral a fixé comme règle
qu'un conducteur est réputé pris de boisson, indépendamment de toute autre
preuve et de son degré de tolérance à l'alcool, dès qu'il présente une
alcoolémie d'au moins 0,8 g o/oo (cf. art. 2 al. 2 de l'ordonnance sur les
règles de la circulation routière [OCR; RS 741.11]). Même lorsque le taux
d'alcool minimal de 0,8 g o/oo selon cette dernière disposition n'est pas
atteint, l'art. 91 LCR s'applique s'il est démontré que le conducteur est
entravé de façon non négligeable dans sa façon de conduire (ATF 105 IV 343
consid. 2c p. 346). En l'espèce, la Cour d'appel, en référence au jugement de
première instance, a relevé que la prise de sang indiquait une alcoolémie
comprise entre 0,6 et 1,25 g o/oo; que même en tenant compte du taux le plus
favorable de 0,6 g o/oo, d'autres éléments permettaient d'appliquer l'art. 91
ch. 1 LCR, à savoir que la recourante avait admis avoir consommé de l'alcool,
que les gendarmes avaient attesté qu'elle se trouvait sous l'influence de
l'alcool, et, surtout, que le contrôle à l'éthylomètre avait révélé 1,4 g
o/oo.

On ne saurait déduire de la motivation cantonale, faute d'élément concret et
suffisamment précis, que la recourante aurait été entravée de façon non
négligeable dans sa façon de conduire au sens de l'ATF 105 IV 343 précité. On
en déduit en revanche que la Cour d'appel, qui a en particulier insisté sur
le résultat du test à l'éthylomètre, a considéré que la recourante présentait
une alcoolémie d'au moins 0,8 g o/oo, autrement dit qu'elle était prise de
boisson selon les art. 55 al. 1 LCR et 2 al. 2 OCR.

2.2 La recourante se prévaut de l'analyse de sang effectuée et considère
comme illégitime la prise en compte d'autres moyens de preuve, en particulier
le test à l'éthylomètre. Elle invoque une violation des art. 55 al. 2 LCR et
138 de l'ordonnance réglant l'admission des personnes et des véhicules à la
circulation routière (OAC; RS 741.51).

Le grief soulevé ne porte pas sur la détermination du degré d'alcoolémie, qui
relève du fait. Il porte sur la question de savoir si le résultat de
l'éthylomètre pouvait être pris en compte comme moyen de   preuve; il s'agit
là d'une question de droit fédéral qui peut être examinée dans la procédure
du pourvoi en nullité (ATF 116 IV 75 consid. 4 p. 75/76).

2.3 Selon l'art. 55 al. 2 LCR, les conducteurs, de même que les usagers de la
route impliqués dans un accident, seront soumis à un examen approprié lorsque
les indices permettent de conclure qu'ils sont pris de boisson. La prise de
sang peut être imposée. L'art. 55 al. 4 LCR prescrit que le Conseil fédéral
édictera des prescriptions sur la procédure à suivre pour prélever et
analyser le sang, de même que sur l'examen médical complémentaire de la
personne présumée être prise de boisson.

Selon l'art. 138 al. 1 OAC, lorsqu'il s'agit de constater l'ébriété, la prise
de sang constitue l'examen approprié auquel les conducteurs de véhicules et
les personnes impliquées dans un accident doivent être soumis en vertu de
l'art. 55 LCR. La prise de sang doit être effectuée lorsque des indices
permettent de conclure à l'ébriété ou lorsqu'une personne le demande
elle-même afin de se disculper (al. 2). Pour un premier contrôle, on peut
utiliser un éthylomètre. L'examen n'est pas poursuivi lorsque l'analyse de
l'haleine révèle un taux d'alcoolémie inférieur à 0,6 g o/oo (al. 3). S'il y
a des raisons graves, le sang peut être prélevé malgré l'opposition du
suspect (al. 5). Sont réservées les dispositions plus complètes des codes
cantonaux de procédure, ainsi que la constatation de l'ébriété d'après l'état
et le comportement du suspect ou les indications obtenues sur la quantité
d'alcool consommée, etc., notamment lorsque la prise de sang ne peut être
effectuée (al. 6).

2.4 La jurisprudence a déduit des normes précitées que lorsqu'il s'agit de
constater l'ébriété, la prise de sang constitue l'examen approprié.
Toutefois, lorsqu'aucune prise de sang n'a eu lieu, contrairement à la règle
de l'art. 138 al. 2 OAC, la preuve de l'inaptitude à conduire à la suite
d'imprégnation alcoolique peut être rapportée par d'autres moyens. Il est en
particulier possible de se fonder sur un examen effectué au moyen d'un
éthylomètre dont le résultat se révèle clair (ATF 127 IV 172 consid. 3d p.
175 ss).

2.5 La Cour d'appel a considéré que l'analyse de sang n'était pas
caractéristique et n'avait qu'une valeur probante fortement réduite car elle
présentait une fourchette très large, allant de 0,6 à 1,25 g o/oo. Elle a
ainsi admis la prise en compte du test à l'éthylomètre et de quelques
déclarations de témoins décrivant la recourante comme étant sous l'influence
de l'alcool.

2.6 Le premier rapport d'analyse du sang de l'institut de médecine légale
retient une alcoolémie de 1,23 g o/oo avec un intervalle de confiance de 1,17
à 1,29 g o/oo. Un rapport complémentaire a été requis pour que soit
déterminée l'alcoolémie de la recourante en tenant compte du fait qu'entre le
moment où elle avait conduit (le moment déterminant) et celui de la prise de
sang, elle avait bu un verre de whisky. Dans leur rapport complémentaire, les
médecins légistes ont pris en compte l'ingestion d'un décilitre de whisky,
laissant entendre qu'une telle quantité était élevée pour un verre. Cette
quantité, favorable à la recourante dans l'optique du calcul, n'a pas été
remise en question dans la procédure judiciaire. Ce point est important car
la détermination de l'alcoolémie malgré une consommation d'alcool entre le
moment déterminant et la prise de sang est possible s'il existe une donnée
précise sur la quantité d'alcool ingérée (cf. les directives établies par la
Société suisse de médecine légale le 13 juillet 1985 pour l'interprétation
médicale de l'alcoolémie, ch. 3.4). A partir des valeurs de l'intervalle de
confiance du premier rapport, soit 1,17 et 1,29 g o/oo, les médecins légistes
ont déterminé l'alcoolémie de la recourante au moment déterminant par un
calcul rétrospectif tenant compte du temps passé entre le moment déterminant
(qui a eu lieu à 5 h 50) et le moment de la prise de sang (9 h 05). Un tel
calcul implique la prise en considération du taux d'élimination de l'alcool
le plus et le moins favorable pour le conducteur (minimum de 0,1 g o/oo par
heure, maximum de 0,2 g o/oo, plus supplément unique de 0,2 g o/oo, cf. ATF
116 IV 239 consid. 5 p. 242). En conséquence, le calcul aboutit à deux
résultats, l'un minimum, l'autre maximum. De ceux-ci, les médecins légistes
ont encore soustrait l'alcoolémie correspondant à l'ingestion d'un décilitre
de whisky (arrêtée à 0,75 g o/oo en vertu du poids de la recourante). Ils ont
en définitive conclu que l'alcoolémie au moment déterminant se situait entre
0,74 et 1,39 g o/oo. Le juge de première instance a ensuite ramené cet
intervalle de 0,6 g à 1,25 g o/oo pour le faire correspondre au poids réel de
la recourante.

Il résulte de ce qui précède que l'importance de l'intervalle entre
l'alcoolémie minimale (0,6 g o/oo) et maximale (1,25 g o/oo) est due au
calcul rétrospectif nécessité par l'écoulement du temps entre le moment
déterminant et la prise de sang, ce calcul impliquant la prise en compte
d'une part du taux d'élimination de l'alcool le plus favorable, d'autre part
du taux le moins favorable (sur le calcul rétrospectif, cf. les directives
précitées du 13 juillet 1985, ch. 2 et 3). Plus le laps de temps entre le
moment déterminant et la prise de sang est long, plus l'écart entre
l'alcoolémie minimale et maximale devient important sous l'influence du taux
d'élimination le plus et le moins favorable.  L'existence d'un tel écart est
inhérent au système, la prise de sang ne pouvant forcément qu'être effectuée
un certain temps après le moment déterminant.

2.7 Le calcul rétrospectif qu'implique l'écoulement du temps entre la prise
de sang et le moment déterminant peut donc aboutir à un écart important entre
l'alcoolémie calculée selon l'hypothèse la plus favorable pour le conducteur
et celle la moins favorable. On déduit des art. 55 al. 2 LCR et 138 al. 1 OAC
que l'analyse de sang constitue le moyen de preuve approprié. Le nouveau
droit, dont le Conseil fédéral doit encore fixer l'entrée en vigueur, accorde
d'ailleurs la même prééminence à la prise de sang (cf. FF 1999 p. 4139; RO
2002 p. 2775). L'art. 138 al. 6 OAC réserve d'autres moyens de preuve,
"notamment lorsque la prise de sang ne peut être effectuée". Cette
formulation n'exclut pas par avance de pouvoir se référer à un autre moyen de
preuve, même en présence d'une analyse de sang. Cependant, lorsque l'analyse
de sang a pu être effectuée à satisfaction scientifique, le juge ne saurait
d'après le système légal lui préférer un autre moyen de preuve. La primauté
de l'analyse de sang déduite des art. 55 al. 2 LCR et 138 al. 1 LCR signifie
en particulier que le juge est tenu de respecter le cadre défini par
l'analyse de sang, autrement dit les valeurs minimale et maximale
d'alcoolémie qu'elle fixe. En revanche, les dispositions précitées n'imposent
en elles-mêmes pas au juge de retenir l'alcoolémie la plus faible mentionnée
dans l'analyse. Le droit fédéral n'interdit pas non plus au juge, du moins
lorsque l'écart entre les valeurs minimale et maximale d'alcoolémie figurant
dans l'analyse est large, de prendre le cas échéant en compte un autre moyen
de preuve susceptible de préciser, dans le cadre défini par l'analyse,
l'alcoolémie au moment déterminant.

En l'espèce, compte tenu de l'importance du temps écoulé entre le moment
déterminant et la prise de sang, l'analyse sanguine a fixé l'alcoolémie dans
un large intervalle, au minimum 0,6 g o/oo, au maximum 1,25 g o/oo. Dans les
limites ainsi définies, l'autorité cantonale était habilitée à se référer à
d'autres moyens de preuve pour apprécier l'alcoolémie de la recourante. Elle
a en particulier pris en compte le résultat du test à l'éthylomètre (1,4 g
o/oo, soit un résultat dépourvu d'ambiguïté selon la jurisprudence, ATF 127
IV 172 consid. 3d p. 177) et en a déduit que l'alcoolémie de la recourante
était d'au moins 0,8 g o/oo. Cette conclusion se situe dans la fourchette
fournie par l'analyse de sang. En procédant de la sorte, l'autorité cantonale
n'a pas violé le droit fédéral. L'argumentation de la recourante est
infondée. Au surplus, savoir si, compte tenu des éléments pris en compte sans
violation du droit fédéral, la preuve de l'inaptitude à conduire par
imprégnation alcoolique de la recourante a suffisamment été apportée est une
question qui relève de l'établissement des faits et de l'appréciation des
preuves et qui ne peut être discutée dans un pourvoi (cf. art. 273 al. 1 let.
b et 277bis al. 1 PPF).

3.
Le pourvoi doit être rejeté. La recourante, qui succombe, supporte les frais
de la procédure (art. 278 al. 1 PPF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 francs est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au
Ministère public du canton de Fribourg et à la Cour d'appel pénal du Tribunal
cantonal fribourgeois.

Lausanne, le 26 août 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: