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Kassationshof in Strafsachen 6S.176/2003
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6S.176/2003 /rod

Arrêt du 7 août 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Kolly et Brahier Franchetti, Juge suppléante.
Greffière: Mme Bendani.

Ministère public du canton du Valais, 1950 Sion 2,
recourant,

contre

X.________,
intimé, représenté par Me Aba Neeman, avocat, case postale 1224, 1870 Monthey
2.

Actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP),

pourvoi en nullité contre le jugement du Tribunal cantonal du Valais, Cour
pénale II, du 15 avril 2003.

Faits:

A.
X. ________ est né en 1948. Titulaire d'un brevet d'enseignant, il a
travaillé dans l'enseignement primaire dès 1969, puis secondaire dès 1974. En
1994, il a été licencié en raison de conflits sur son lieu de travail. Il a
réintégré sa place dès la période scolaire 1995/1996 après avoir attaqué avec
succès la décision qui mettait fin à ses rapports de travail. Suite à
l'ouverture d'une enquête administrative, il a été suspendu de ses fonctions
en octobre 1997. Il exploite actuellement un commerce de pneumatiques pour un
revenu annuel de l'ordre de 200'000 francs. Il est marié et père de trois
enfants. Reconnu coupable de soustraction d'objets mis sous main de justice,
il a été condamné, le 29 août 1996, à une amende de 300 francs.

A.a Dès l'année scolaire 1997/1998, X.________ a enseigné notamment le
français, ainsi que les mathématiques dans trois classes du cycle
d'orientation de Martigny. Il a dispensé ses cours dans les salles n° 31 et
33. La classe n° 33 comporte trois rangées de quatre pupitres chacune, ainsi
que le bureau de l'enseignant collé au premier pupitre des élèves. A l'époque
des faits, les toilettes se trouvaient à l'extérieur de la classe. La classe
n° 31 est similaire à la précédente sauf qu'une estrade de 20 centimètres
supporte le bureau de l'enseignant. Les meubles ne sont pas ajourés, de sorte
que les élèves ne peuvent pas voir sous le pupitre de l'enseignant.

A.b Le 2 octobre 1997, à l'occasion d'une réunion de parents d'élèves,
certains parents se sont plaints de X.________ et ont manifesté leur volonté
de s'entretenir avec les médiatrices scolaires, A.________ et B.________. La
titulaire de la classe a donc organisé une nouvelle séance le surlendemain. A
cette occasion, l'un des participants a rapporté durant la pause que, selon
son enfant, X.________ se masturbait en classe. Les médiatrices scolaires
n'ont accordé aucun crédit à cette affirmation.

Le 9 octobre 1997, le directeur du cycle d'orientation a reçu des parents
d'élèves qui ont émis des griefs sur les qualités pédagogiques de X.________,
en raison notamment de ses allusions trop fréquentes au sexe, de ses propos
racistes sans rapport avec les cours, de la crainte qu'il suscitait chez ses
élèves, du fait qu'il donnait trop de travail et n'approfondissait pas
suffisamment le programme scolaire. Par courrier du même jour adressé au
directeur, ces parents, se référant à la gravité des griefs émis à l'encontre
de l'enseignant, ont déclaré que leurs enfants ne suivraient dorénavant plus
les cours dispensés par celui-ci. Le 13 octobre 1997, le directeur et deux
membres de la commission scolaire, ont à nouveau reçu des parents d'élèves.

Le 15 octobre 1997, le département de l'éducation, de la culture et du sport
a ordonné la suspension provisoire de X.________.

Dans l'intervalle, des parents ont souhaité que les médiatrices scolaires
rencontrassent leurs enfants. Certains élèves ont aussi demandé spontanément
à pouvoir s'exprimer. Les 14 et 16 octobre 1997, les médiatrices ont ainsi
entendu trois groupes d'élèves. B.________ a constaté que les sept élèves du
premier groupe étaient très perturbés. Les médiatrices ont alors invité les
élèves à exposer par écrit ce qu'ils vivaient au quotidien et à libérer ce
qu'ils avaient sur le coeur. Chaque élève a rédigé son texte en utilisant ses
propres termes, sans être orienté sur la façon de raconter ce qu'il savait.

Les 4 et 11 novembre 1997, la vice-présidente de la commission scolaire, en
présence des médiatrices scolaires, a entendu les enfants qui ont confirmé et
parfois complété leurs déclarations écrites. Elles ont toutes les trois été
convaincues de la sincérité des élèves.

A.c  Sur les dix-huit élèves qui se sont exprimés par écrit au sujet du
comportement de X.________ au début de l'année scolaire 1997/1998, seule une
élève n'a rien remarqué de particulier. En revanche, les déclarations des
dix-sept autres adolescents sont concordantes et permettent de retenir les
faits suivants. Lors des cours donnés dans trois de ses classes, X.________
était partiellement dissimulé par son pupitre, sa mallette ouverte devant
lui. Régulièrement, après avoir donné du travail aux élèves, l'enseignant
s'agitait et sautillait sur sa chaise en faisant trembler le plancher de la
salle. Il gardait alors une ou les deux mains sous son pupitre. Après 5 à 10
minutes, il sortait un mouchoir en papier de sa mallette, le dépliait et
remettait les mains sous son bureau. Par la suite, il se levait pour jeter le
mouchoir dans la corbeille. Enfin, lorsqu'il se trouvait dans la salle n° 33,
il se lavait les mains au lavabo au fond de la pièce ou sortait aux
toilettes. Lorsqu'il se trouvait dans la salle n° 31, dépourvue de lavabo, il
sortait aux toilettes. Sans avoir vu l'acte lui-même, les dix-sept élèves,
âgés de 13 à 15 ans, ont déduit de ce comportement que leur enseignant se
masturbait.

Hormis l'utilisation d'un mouchoir en papier, X.________ a admis les faits
rapportés par les élèves. En revanche, il a contesté toute connotation
sexuelle à son comportement, qui, selon ses explications, résulte de ses
problèmes de santé, à savoir de la nécessité de devoir masser de façon
occasionnelle une région douloureuse de son abdomen, de son tic qui consiste
à croiser les jambes ou les pieds ce qui provoquerait un certain tremblement
du sol et du pupitre, et de sa consommation de 4 à 5 litres, voire, selon les
périodes, de 10 à 15 litres d'eau par jour, ce qui l'obligerait à se rendre
fréquemment aux toilettes.

B.
Par jugement du 18 septembre 2001, le juge suppléant des districts de
Martigny et St-Maurice a condamné X.________, pour acte d'ordre sexuel avec
des enfants (art. 187 ch. 1 al. 3 CP), à 12 mois d'emprisonnement et lui a
interdit d'exercer la fonction d'enseignant durant 4 ans. Ces peines ont été
assorties du sursis avec un délai d'épreuve de 3 ans.

C.
Par jugement du 15 avril 2003, la IIème Cour pénale du Tribunal cantonal
valaisan a acquitté X.________. Elle a retenu que ce dernier se masturbait
durant les heures de classe. Elle a toutefois estimé qu'il devait être
acquitté, le dol éventuel n'étant pas suffisant pour l'application de l'art.
187 ch. 1 al. 3 CP et le dol direct étant exclu au regard des précautions
prises par l'intéressé.

D.
Invoquant une violation des art. 18 et 187 ch. 1 al. 3 CP, le Ministère
public du canton du Valais se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral et
conclut à l'annulation du jugement attaqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisie d'un pourvoi en nullité, qui ne peut être formé que pour violation du
droit fédéral (art. 269 PPF), la Cour de cassation contrôle l'application de
ce droit sur la base d'un état de fait définitivement arrêté par l'autorité
cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1 let. b PPF). Le raisonnement
juridique doit donc être mené sur la base des faits retenus dans la décision
attaquée, dont le recourant est irrecevable à s'écarter (ATF 126 IV 65
consid. 1 p. 66 et les arrêts cités).

2.
Invoquant une violation des art. 18 et 187 ch. 1 al. 3 CP, le recourant
soutient que la cour cantonale aurait dû retenir la pleine intention ou le
dol direct à la place du dol éventuel.

2.1 Aux termes de l'art. 187 ch. 1 al. 3 CP, celui qui aura mêlé un enfant de
moins de 16 ans à un acte d'ordre sexuel sera puni de la réclusion pour cinq
ans au plus ou de l'emprisonnement. Cela suppose qu'il le rende spectateur
d'un acte d'ordre sexuel accompli par l'auteur ou un tiers. Il ne suffit pas
que le jeune soit le témoin fortuit de l'acte; il doit être utilisé comme un
élément du jeu sexuel. Tel est le cas lorsque l'auteur se masturbe devant un
enfant. Il importe peu que ce dernier ait saisi ou non le caractère sexuel de
l'acte et le but poursuivi par l'auteur. Il doit toutefois percevoir
directement l'acte par ses sens, en être le spectateur ou l'auditeur (cf. FF
1985 II 1082; arrêt du Tribunal fédéral du 20 septembre 2002 6S.241/2002;
arrêt du Tribunal fédéral du 10 avril 2003 6S.474/2002 prévu pour publication
et les références citées). D'un point de vue subjectif, l'auteur commet
sciemment l'acte d'ordre sexuel devant l'enfant et veut que celui-ci le
perçoive. Le dol éventuel ne suffit pas.  Ainsi, contrairement à l'ancien
droit, celui qui admet que l'enfant peut percevoir l'acte d'ordre sexuel et
qui accepte de courir ce risque, n'est plus punissable (arrêt du Tribunal
fédéral du 20 septembre 2002 6S.241/2002).

Déterminer ce que l'auteur d'une infraction a su, cru, voulu ou accepté
relève de l'établissement des faits. Les constatations cantonales à ce sujet
lient donc la Cour de cassation saisie d'un pourvoi en nullité et ne peuvent
dès lors être remises en cause dans le cadre de cette voie de droit (ATF 125
IV 49 consid. 2d p. 56; 121 IV 90 consid. 2b p. 92 et les arrêts cités). En
revanche, est recevable le moyen tiré d'une interprétation ou d'une
application erronée de la notion d'intention. C'est ainsi une question de
droit d'établir, sur la base des faits retenus, s'il y a eu dessein, dol
direct ou dol éventuel.

2.2 La cour cantonale a jugé que l'intimé avait agi par dol éventuel. Elle a
relevé qu'en se masturbant pendant les heures de classe, il avait rendu des
adolescents, âgés de 13 à 15 ans, spectateurs d'actes d'ordre sexuel
accomplis sur lui-même et qu'eu égard à l'exiguïté des lieux, il devait être
conscient que les enfants pouvaient percevoir ces actes. En revanche, elle a
retenu "qu'il ne voulait pas qu'il les perçoive"; en effet, à défaut, il
n'aurait pas, durant ces actes, donné du travail aux élèves, ouvert sa
mallette pour se dissimuler partiellement derrière celle-ci, interdit aux
adolescents de s'approcher de son pupitre et agi sous celui-ci qui n'était
pas ajouré.

S'agissant de la phrase relative à la volonté de l'intimé, il ressort du
contexte que la cour cantonale a commis une erreur de plume en affirmant
"qu'il ne voulait pas qu'il les perçoive", ce qui n'a pas de sens et qu'il
convient de rectifier en ce sens que l'enseignant ne voulait pas qu'ils -
soit les enfants - perçoivent les actes d'ordre sexuel. L'inadvertance de
l'autorité cantonale est d'autant plus manifeste qu'elle énumère ensuite les
motifs permettant d'aboutir à cette constatation.

2.2.1 Le recourant soutient que l'intimé voulait que les enfants perçussent
les actes de masturbation. Il critique ainsi l'appréciation des preuves de la
cour cantonale et les conclusions qu'elle en a tirées, à savoir que l'intimé,
s'il devait être conscient, ne voulait en revanche pas que les enfants
pussent percevoir les actes d'ordre sexuel. Or, conformément à la
jurisprudence précitée (consid. 2.1), déterminer ce que l'auteur sait, veut
ou l'éventualité à laquelle il consent relève des constatations de fait qui
lient le Tribunal fédéral. Le grief est pour ce motif irrecevable.

2.2.2 Au surplus, sur la base des faits retenus, la cour cantonale a
correctement qualifié la forme du dol.

La jurisprudence distingue trois degrés de l'intention: le dessein, le dol
simple ou direct et le dol éventuel. L'auteur agit dans le dessein de
commettre une infraction lorsqu'il souhaite que le résultat qu'il s'est
représenté se produise. Il y a dol direct lorsque l'auteur est conscient que
le résultat illicite se produira et agit néanmoins, acceptant ainsi qu'il se
réalise (ATF 126 IV 60 consid. 2b p. 63 s.). Il y a dol éventuel lorsque
l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, même s'il ne
le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait
(ATF 125 IV 242 consid. 3c p. 251; 119 IV 1 consid. 5a p. 2 et les références
citées).

En l'espèce, la cour cantonale a retenu que l'intimé ne voulait pas que les
enfants perçussent les actes d'ordre sexuel, mais devait toutefois être
conscient que les élèves pouvaient les percevoir. Sur la base de ces
constatations, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en niant le
dol direct.

3.
L'autorité de céans, saisie d'un pourvoi en nullité, est liée par les
constatations cantonales selon lesquelles l'intimé ne voulait pas être perçu
par les enfants. Ce dernier a ainsi agi par dol éventuel, ce qui ne suffit
pas à réaliser les conditions de l'art. 187 ch. 1 al. 3 CP (cf. supra consid.
2.1). Ainsi, dans le cas particulier et au regard des faits  retenus, le
comportement de l'intimé ne tombe pas sous le coup de la disposition
précitée. La question de savoir si de tels agissements pourraient être
constitutifs d'une autre infraction ne peut être examinée ici dès lors que
l'intimé a été envoyé en jugement uniquement pour violation de l'art. 187 CP.

4.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Vu l'issue du
pourvoi de l'accusateur public, il ne sera pas perçu de frais (art. 278 al. 2
PPF). Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité à l'intimé qui n'a pas été
amené à intervenir dans la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 278 al.
3 PPF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Il n'est pas perçu de frais.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au Ministère public, au mandataire
de l'intimé et au Tribunal cantonal du Valais, Cour pénale II.

Lausanne, le 7 août 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: