Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Kassationshof in Strafsachen 6S.154/2003
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6S.154/2003 /rod

Arrêt du 12 août 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Karlen.
Greffière: Mme Angéloz.

A. X.________,
recourant, représenté par Me Vincent Hertig, avocat, bâtiment Raiffeisen,
case postale, 1934 Le Châble VS,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Roger Crittin, avocat, rue de l'Hôpital 11, case
postale 200, 1920 Martigny,
Procureur du Bas-Valais, 1920 Martigny.

Décision de non-lieu (lésions corporelles simples, légitime défense; art. 123
CP, art. 33 CP),

pourvoi en nullité contre la décision du Tribunal cantonal du Valais, Chambre
pénale, du 21 mars 2003.

Faits:

A.
Dans l'après-midi du 7 juillet 2001, B.X.________ a rendu visite à sa mère
dans un immeuble locatif de Châble. Lors de son départ, elle a été
interpellée par Y.________, qui lui a fait remarquer qu'elle ne pouvait
occuper la place de parc où elle avait stationné son véhicule. En entrant
dans sa voiture elle a en outre trouvé un papier sur le pare-brise, où il
était mentionné: "Enlever (sic) cette voiture d'ici, cette place n'est pas à
vous". B.X.________ est allée retrouver son mari, A.X.________, et l'a
informé de cette affaire, de même que le gérant de l'immeuble, F.________,
leur montrant le papier.

Durant l'entretien, Y.________ est arrivé dans le garage pour prendre en
charge un meuble en bois. A.X.________, très énervé, selon les témoins
F.________ et G.________, et cherchant la confrontation, s'est dirigé vers
Y.________ pour avoir une explication avec lui. A.X.________, selon ses
propres déclarations, a bousculé Y.________. Surpris par l'attaque, ce
dernier s'est emparé du pied du meuble en bois, avec lequel il a frappé à
deux reprises A.X.________ à la tête, lequel l'a menacé au moyen d'un
briquet-pistolet factice, en lui disant : "Tu as de la chance que c'est un
faux".

Suite à cette altercation, Y.________, blessé à la hanche droite, s'est rendu
à l'hôpital de Martigny, où il est resté jusqu'au 13 juillet 2001. Le Dr
Z.________ a diagnostiqué chez lui une décompensation traumatique, une
ostéonécrose aseptique de la tête fémorale droite nécessitant une
physiothérapie de rééducation à la marche et une mobilisation en piscine.
Quant à A.X.________, son médecin, le Dr C.________, a constaté, dans la
région fronto-pariétale gauche, deux larges plaies de 10 cm de longueur
atteignant l'aponévrose épicrânienne et une légère commotion cérébrale ayant
provoqué une perte de connaissance de quelques minutes.

B.
Le 19 juillet 2001, Y.________ a déposé plainte pénale contre A.X.________,
qui a à son tour déposé plainte contre lui, le 17 août 2001, pour lésions
corporelles simples, voire graves.

Le 6 septembre 2001, le Juge d'instruction du Bas-Valais a ouvert une
instruction d'office contre Y.________ pour lésions corporelles avec un objet
dangereux et, sur plainte, contre A.X.________ pour lésions corporelles
simples et menaces. Par ordonnance du 23 janvier 2002, il a renvoyé
A.X.________ en jugement et, s'agissant de Y.________, a transmis le dossier
au Ministère public afin qu'il établisse l'arrêt de renvoi.

Le 16 avril 2002, le Ministère public a proposé au juge d'instruction de
rendre une décision de non-lieu. Ne pouvant se rallier à cet avis, le
magistrat instructeur s'est adressé, le 25 avril 2002, à la Chambre pénale du
Tribunal cantonal valaisan, compétente pour statuer sur une telle divergence
et qui tranche alors elle-même, en rendant une décision de non-lieu ou de
renvoi.

Les autres parties à la procédure ont été invitées à se déterminer. Seul
A.X.________ l'a fait, concluant au renvoi en jugement de Y.________.

C.
Par décision du 21 mars 2003, la Chambre pénale du Tribunal cantonal valaisan
a prononcé un non-lieu en faveur de Y.________. Elle a considéré, en bref,
que les faits reprochés à ce dernier paraissaient être constitutifs de
lésions corporelles simples au sens de l'art. 123 ch. 1 al. 1 CP, mais qu'il
avait agi en état de légitime défense (art. 33 CP), dont il n'avait pas
excédé les bornes; au demeurant, l'eût-il fait, qu'il y aurait lieu
d'admettre qu'il avait agi dans un état d'excitation excusable.

D.
A.X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Invoquant une
violation de l'art. 33 CP, il conclut à l'annulation de la décision attaquée.

Il a déposé parallèlement un recours de droit public, qui a été rejeté dans
la mesure où il était recevable par arrêt de ce jour (6P.54/2003).

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 La décision attaquée, qui a été rendue en dernière instance cantonale par
une autre autorité que la juridiction de jugement, prononce un non-lieu en
faveur de l'intimé, mettant ainsi fin à l'action pénale ouverte contre lui.
Il s'agit donc d'une ordonnance de non-lieu au sens de l'art. 268 ch. 2 PPF,
de sorte que le pourvoi est recevable à son encontre.

1.2 Contrairement à ce qu'estime le recourant, il ne saurait fonder sa
qualité pour se pourvoir en nullité sur l'art. 270 let. f PPF, dès lors que
le droit de plainte n'est pas litigieux en l'espèce. Pour les motifs exposés
dans l'arrêt rendu ce jour sur le recours de droit public qu'il a déposé
parallèlement, il revêt toutefois la qualité de victime au sens de l'art. 2
LAVI (cf. arrêt 6P.54/2003 consid. 1.2). Il peut donc fonder sa qualité pour
se pourvoir en nullité sur l'art. 270 let. e PPF, aux conditions prévues par
cette disposition. Celles-ci sont réalisées en l'espèce, puisque le
recourant, qui ne fait pas valoir d'atteinte aux droits découlant pour lui de
la LAVI (cf. art. 270 let. e ch. 2 PPF), remplit les conditions de l'art. 8
al. 1 let. c LAVI (cf. arrêt 6P.54/2003 consid. 1.2), qui correspondent à
celles de l'art. 270 let. e ch. 1 PPF. Le recourant a donc qualité pour se
pourvoir en nullité sur la base de cette dernière disposition.

1.3 Saisie d'un pourvoi en nullité, qui ne peut être formé que pour violation
du droit fédéral (art. 269 PPF), la Cour de cassation contrôle l'application
de ce droit sur la base d'un état de fait définitivement arrêté par
l'autorité cantonale (cf. art.277bis et 273 al. 1 let. b PPF). Le
raisonnement juridique doit donc être mené sur la base des faits retenus dans
la décision attaquée, dont le recourant est irrecevable à s'écarter (ATF 126
IV 65 consid. 1 p. 66/67; 124 IV 53 consid. 1 p. 55, 81 consid. 2a p. 83 et
les arrêts cités).

2.
Le recourant conteste que l'intimé puisse être mis au bénéfice de la légitime
défense. Il soutient que l'état de fait retenu ne permet pas de conclure que
c'est lui qui a attaqué l'intimé, et non l'inverse, du moins qu'il s'est
approché de ce dernier dans l'intention de l'attaquer. Au demeurant, l'intimé
ne pouvait être surpris de le voir arriver, de sorte qu'on ne saurait parler
d'une attaque imminente qu'il n'eût pu repousser de manière légitime. De
toute manière, compte tenu du déroulement chronologique des faits, la riposte
de l'intimé devait être considérée comme un acte de représailles, voire de
justice propre, qui, au vu des faits retenus, ne saurait être attribué à un
état excusable d'excitation.

2.1 La légitime défense suppose une attaque, c'est-à-dire un comportement
visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d'une
attaque, soit le risque que l'atteinte se réalise. Il doit s'agir d'une
attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l'atteinte
soit effective ou qu'elle menace de se produire incessamment (cf. ATF 106 IV
12 consid. 2a p. 14; 104 IV 232 consid. c p. 236/237). Cette condition n'est
pas réalisée lorsque l'attaque a cessé ou qu'il n'y a pas encore lieu de s'y
attendre (ATF 93 IV 83). Une attaque n'est cependant pas achevée aussi
longtemps que le risque d'une nouvelle atteinte ou d'une aggravation de
celle-ci par l'assaillant reste imminent (ATF 102 IV 1 consid. 2b p. 4/5).
S'agissant en particulier de la menace d'une attaque imminente contre la vie
ou l'intégrité corporelle, celui qui est visé n'a évidemment pas à attendre
jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour se défendre; il faut toutefois que des
signes concrets annonçant un danger incitent à la défense; tel est notamment
le cas lorsque l'agresseur adopte un comportement menaçant, se prépare au
combat ou effectue des gestes qui donnent à le penser (ATF 93 IV 83/84). Par
ailleurs, l'acte de celui qui est attaqué ou menacé de l'être doit tendre à
la défense; un comportement visant à se venger ou à punir ne relève pas de la
légitime défense; il en va de même du comportement qui tend à prévenir une
attaque certes possible mais encore incertaine, c'est-à-dire à neutraliser
l'adversaire selon le principe que la meilleure défense est l'attaque (ATF 93
IV 83).

La défense doit apparaître proportionnée au regard de l'ensemble des
circonstances. A cet égard, on doit notamment examiner la gravité de
l'attaque, les biens juridiques menacés par celle-ci et par les moyens de
défense, la nature de ces derniers ainsi que l'usage concret qui en a été
fait. La proportionnalité des moyens de défense se détermine d'après la
situation de celui qui voulait repousser l'attaque au moment où il a agi; les
autorités judiciaires ne doivent pas se livrer à des raisonnements a
posteriori trop subtils pour déterminer si l'auteur des mesures de défense
n'aurait pas pu ou dû se contenter d'avoir recours à des moyens différents,
moins dommageables. Il est aussi indispensable de mettre en balance les biens
juridiquement protégés qui sont menacés de part et d'autre; encore faut-il
que le résultat de cette pesée des dangers en présence soit reconnaissable
sans peine par celui qui veut repousser l'attaque, l'expérience enseignant
qu'il doit réagir rapidement (ATF 107 IV 12 consid. 3 p. 15; 102 IV 65
consid. 2a p. 68).

Si celui qui repousse une attaque a excédé les bornes de la légitime défense,
le juge atténuera librement la peine, conformément à l'art. 66 CP; il
n'encourra toutefois aucune peine si cet excès provient d'un état excusable
d'excitation ou de saisissement causé par l'attaque (art. 33 al. 2 CP). Selon
la jurisprudence, ce n'est que si l'attaque est la seule cause ou la cause
prépondérante de l'excitation ou du saisissement que celui qui se défend
n'encourt aucune peine et pour autant que la nature et les circonstances de
l'attaque rendent excusable cette excitation ou ce saisissement. La loi ne
précise pas plus avant le degré d'émotion nécessaire, lequel doit toutefois
revêtir une certaine importance. Il appartient au juge d'apprécier de cas en
cas si ce degré d'émotion était suffisamment marquant et de déterminer si la
nature et les circonstances de l'attaque le rendaient excusable; plus la
réaction de celui qui se défend aura atteint ou menacé l'agresseur, plus le
juge se montrera exigeant quant au degré d'excitation ou de saisissement
nécessaire (ATF 102 IV 1 consid. 3b p. 7).

2.2 La décision attaquée constate que, suite à l'incident de la place de
parc, le recourant, très énervé et cherchant la confrontation, s'est rendu
dans le garage où l'intimé était allé chercher un meuble en bois pour avoir
une explication avec lui. Des cris ont éclaté et le recourant, comme il l'a
admis, a bousculé l'intimé, qui a été blessé à la hanche droite. Surpris par
cette attaque, l'intimé s'est emparé du pied du meuble en bois, avec lequel
il a frappé à deux reprises le recourant, lui  occasionnant deux larges
plaies de 10 cm de longueur à la tête et une légère commotion cérébrale.
Constatant qu'il saignait, le recourant, sous le coup de la colère, a menacé
l'intimé avec un briquet-pistolet factice, qu'il a ensuite jeté contre le mur
avant de quitter les lieux.

2.3 Au vu des faits ainsi retenus, qui lient la Cour de céans (cf. supra,
consid. 1.3), il n'est pas douteux que c'est le recourant, qui, en bousculant
l'intimé, qui ne le menaçait pas, de manière à le blesser, l'a attaqué, et
non l'inverse, et qu'il l'a fait en toute connaissance de cause. De même, il
n'est pas douteux qu'il s'agissait d'une attaque actuelle et qu'elle a été
causée sans droit.

La décision attaquée constate que l'intimé ne s'attendait pas à ce que le
recourant vienne le trouver dans le garage, qu'il a été très surpris par
l'attaque, qu'il n'avait pas provoquée, et que c'est dans ces circonstances
qu'il s'est emparé d'un objet qui se trouvait près de lui, soit du pied du
meuble, pour repousser son adversaire, le frappant deux fois et l'atteignant
à la tête. Ainsi, atteint par le recourant dans son intégrité physique,
l'intimé a voulu se défendre et, s'emparant du seul objet qu'il avait à
portée de main, en a frappé le recourant. Il ne s'agit donc nullement d'un
acte de représailles ou de justice propre, mais clairement d'un acte de
défense de la part de l'intimé, qui a riposté alors qu'il se trouvait sous le
coup de l'attaque du recourant, laquelle n'avait pas encore cessé.
Pour se protéger de l'attaque, l'intimé, qui avait été atteint dans son
intégrité physique par le recourant, s'en est pris à son tour à l'intégrité
physique de ce dernier. A cette fin, il s'est servi du seul objet qu'il avait
à portée de main, soit le pied du meuble en bois, et en a frappé le recourant
à deux reprises, l'atteignant à la tête. A cet égard, il n'a pas été constaté
et rien dans la décision attaquée ne permet de l'affirmer, que l'intimé
aurait sciemment et volontairement visé le recourant à la tête. Les lésions
qu'il a ainsi causées au recourant, soit essentiellement deux plaies à la
tête, bien que relativement étendues, ne sont pas sévères selon les
constatations de fait cantonales, étant par ailleurs rappelé que l'intimé
avait été blessé par le recourant à la hanche, subissant des lésions qui ont
entraîné plusieurs jours d'hospitalisation. Enfin, on ne saurait perdre de
vue que l'intimé, qui a riposté sous l'effet de la surprise causée par
l'attaque, a dû réagir rapidement. Dans ces conditions, on ne saurait dire
que la défense de l'intimé a été disproportionnée et qu'il aurait dépassé les
bornes de la légitime défense.

L'intimé n'ayant pas excédé les bornes de la légitime défense, il n'y a pas
lieu d'examiner ce qu'il en est de la motivation subsidiaire de l'autorité
cantonale, selon laquelle, en l'espèce, un tel excès devrait de toute manière
être considéré comme provenant d'un état excusable d'excitation causé par
l'attaque.

2.4 Au vu de ce qui précède, la décision attaquée ne viole pas le droit
fédéral en tant qu'elle admet que l'intimé a agi en état de légitime défense,
sans en excéder les bornes. Le recourant n'entreprend d'ailleurs pas
réellement d'établir le contraire sur la base des faits retenus, mais fonde
largement son argumentation sur une rediscussion de ceux-ci, irrecevable dans
un pourvoi en nullité (cf. supra, consid. 1.3).

3.
Le pourvoi doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable et le
recourant, qui succombe, supportera les frais (art. 278 al. 1 PPF).

Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité à l'intimé, qui n'a pas été amené à
se déterminer dans la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 278 al. 3
PPF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 francs est mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué d'indemnité.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Procureur du Bas-Valais et au Tribunal cantonal du Valais, Chambre pénale.

Lausanne, le 12 août 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: