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Kassationshof in Strafsachen 6S.145/2003
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6S.145/2003 /svc

Arrêt du 13 juin 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Kolly et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffière: Mme Bendani.

D. ________,
recourante, représentée par Me José Coret, avocat,
case postale 3293, 1002 Lausanne,

contre

F.________ et G.________,
intimées, représentées par Me Stefan Disch, avocat,
ch. des Trois-Rois 5bis, case postale 2608,
1002 Lausanne,
Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne.

Séquestration qualifiée, fixation de la peine,

pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois, Cour de
cassation pénale,
du 20 septembre 2002.

Faits:

A.
Par jugement du 11 février 2002, le Tribunal criminel de l'arrondissement de
Lausanne a notamment condamné D.________, pour assassinat, lésions
corporelles graves, voies de fait qualifiées, séquestration qualifiée,
violation du devoir d'assistance ou d'éducation et dénonciation calomnieuse,
à douze ans de réclusion, sous déduction de la détention préventive. Il a
suspendu l'exécution de cette peine, ordonné l'internement de D.________ et
prononcé la déchéance de la puissance paternelle à son encontre.

B.
Statuant par jugement du 20 septembre 2002 sur le recours déposé par
D.________, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois l'a
libérée du chef d'accusation de voies de fait qualifiées. Pour le reste, elle
a confirmé le prononcé de première instance.

Il en ressort, en résumé, les éléments suivants.

B.a  D.________ a trois filles, E.________, née en 1987 et décédée à la fin
de l'année 1998, F.________, née en 1990, et G.________, née en 1994.

Depuis 1997 au moins et jusqu'à Noël 1998, D.________ a fréquemment frappé
ses trois filles, à mains nues ainsi qu'au moyen de divers objets tels qu'un
tuteur pour plantes et une ceinture, pour les corriger de leur désobéissance.
Elle leur a aussi fait prendre des bains d'eau froide, dans le but de chasser
le diable censé habiter leur corps.

B.b  Entre le 24 et le 31 décembre 1998, D.________ et sa soeur, A.________,
ont frappé à mort E.________. Celle-ci avait provoqué la colère de sa mère
pour des futilités. En effet, elle s'était servie dans son armoire et n'avait
pas exécuté à satisfaction les tâches ménagères qui lui avaient été
attribuées. Elle a aussi fait part de sa volonté de quitter l'appartement et
a vraisemblablement été impolie avec sa mère. Très en colère, cette dernière
a alors commencé à frapper violemment sa fille, sur tout le corps et
notamment le visage, au moyen d'un cordon électrique doublé muni d'un noeud à
l'une de ses extrémités. A un moment donné, l'enfant est tombée par terre,
mais les coups ont continué, D.________ ne pouvant plus se contrôler. Après
un certain temps, elle a appelé A.________ et celle-ci a également commencé à
frapper sa nièce, avec un autre cordon ou une ceinture. Les deux femmes, qui
ont ainsi agi séparément et à tour de rôle pendant une demi-heure en tout
cas, ont frappé E.________ jusqu'à ce que l'enfant, qui pleurait doucement,
cessât ses gémissements et ne bougeât plus. F.________ et G.________ ont
assisté à toute la scène.

B.c  Après le décès de E.________, les deux femmes n'ont plus quitté
l'appartement, où elles sont restées terrées, volets fermés, avec les deux
fillettes et le cadavre de l'enfant jusqu'à l'intervention de la police, le
soir du 15 janvier 1999. Elles ont interdit à F.________ et G.________ de
quitter l'appartement et de se rapprocher des portes ou des fenêtres. Lorsque
les filles manifestaient l'envie de sortir, elles étaient frappées, notamment
au moyen d'un cintre en bois. Elles étaient également attachées à leur lit
lorsque les deux mères ne pouvaient les surveiller. Toute la famille a vécu
principalement dans la chambre où reposait E.________, n'en sortant que pour
aller faire leur toilette. En raison de l'épuisement des réserves
alimentaires, les enfants n'ont pas été suffisamment nourries durant les
derniers jours avant l'intervention de la police.

B.d  Le 15 janvier 1999, à la suite de leur interpellation, les deux soeurs
ont dénoncé P.________ comme étant l'auteur du meurtre de E.________.

C.
D.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Invoquant une
violation des dispositions sur la séquestration qualifiée (art. 183 et 184
CP) et sur la peine (art. 66bis, 63 et 11 CP), elle conclut à l'annulation de
l'arrêt attaqué. Elle requiert l'assistance judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisie d'un pourvoi en nullité, qui ne peut être formé que pour violation du
droit fédéral (art. 269 PPF), la Cour de cassation contrôle l'application de
ce droit sur la base d'un état de fait définitivement arrêté par l'autorité
cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1 let. b PPF). Le raisonnement
juridique doit donc être mené sur la base des faits retenus dans la décision
attaquée, dont la recourante est irrecevable à s'écarter (ATF 126 IV 65
consid. 1 p. 66 et les arrêts cités).

2.
La recourante conteste sa condamnation pour séquestration qualifiée au sens
des art. 183 et 184 CP. Elle soutient, d'une part, en se référant à l'ATF 126
IV 221, qu'elle avait le droit d'agir puisqu'elle détenait l'autorité
parentale et le droit de garde sur ses enfants et, d'autre part, que cette
infraction est absorbée par celle de lésions corporelles graves réalisée à
l'encontre de F.________ et G.________.

2.1  Aux termes de l'art. 183 ch. 1 CP, celui qui, sans droit, aura arrêté
une personne, l'aura retenue prisonnière, ou l'aura, de toute autre manière,
privée de sa liberté (al. 1) ou qui, en usant de violence, de ruse ou de
menace, aura enlevé une personne (al. 2) sera puni de la réclusion pour cinq
ans au plus ou de l'emprisonnement. Selon l'art. 184 CP, la séquestration et
l'enlèvement seront punis de la réclusion, si l'auteur a cherché à obtenir
une rançon, s'il a traité la victime avec cruauté, si la privation de liberté
a duré plus de dix jours ou si la santé de la victime a été sérieusement mise
en danger. Le bien juridique protégé par ces dispositions est la liberté de
déplacement. La séquestration (art. 183 ch. 1 al. 1 CP) consiste à retenir
une personne en l'obligeant, par un moyen de contrainte, à rester où elle se
trouve, tandis que l'enlèvement (art. 183 ch. 1 al. 2 CP) vise à emmener,
contre sa volonté, une personne dans un autre lieu où elle se trouve sous la
maîtrise de son ravisseur (ATF 119 IV 216 consid. 2f p. 221; 118 IV 61
consid. 2b p. 63). Ces infractions ne sont réalisées que si l'auteur n'a
aucun droit de retenir ou de déplacer sa victime. Le droit d'agir peut
notamment résulter de la loi.

L'art. 296 al. 1 CC dispose que l'enfant est soumis, pendant sa minorité, à
l'autorité parentale. Celle-ci comprend certaines prérogatives comme celles
de choisir le lieu de résidence de l'enfant (art. 301 al. 3 CC; cf. infra,
consid. 2.1.1) et de décider des mesures éducatives (art. 302 CC; cf. infra,
consid. 2.1.2). La liberté des parents n'est toutefois pas absolue. En effet,
leur autorité doit être axée sur le bien de l'enfant (art. 272 et 301 al. 1
CC) et peut être limitée par d'autres dispositions légales (cf. Schwenzer,
Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, ad art. 302, n. 16 p. 1593).

2.1.1  Concernant le droit de garde, il appartient aux parents de déterminer
le lieu de résidence et le mode de prise en charge de l'enfant. Sur le plan
pénal, cela signifie que les détenteurs de l'autorité parentale ne peuvent
enlever leur enfant au sens de l'art. 183 ch. 1 al. 2 CP, puisque le bien
protégé par cette disposition n'est pas lésé. En effet, lorsqu'aucune
décision n'a été rendue en matière d'autorité parentale et de droit de garde,
les deux parents exercent ces prérogatives. Ainsi, chacun d'eux est légitimé
à déterminer le lieu de résidence et à déplacer l'enfant, sans que la liberté
de ce dernier ne soit lésée, et ce, même si ce déplacement ne sert pas le
bien du mineur, question qui au demeurant peut être, selon les cas, délicate
à trancher (ATF 126 IV 221 consid. 1b p. 222 s. et les références citées).

2.1.2  Concernant l'éducation, les père et mère doivent élever l'enfant selon
leurs facultés et leurs moyens, favoriser et protéger son développement
corporel, intellectuel et moral (art. 302 al. 1 CC). Dans le cadre de l'ordre
juridique et moral, ils ont le libre choix des buts et des moyens éducatifs
(cf. Hegnauer, Droit suisse de la filiation et de la famille, Berne 1998, n.
26.15 p. 177). Ainsi, dans certaines conditions, le fait d'enfermer un enfant
peut constituer une mesure licite en tant que moyen d'éducation. On pense ici
au cas où le parent oblige son enfant à rester à la maison pour faire ses
devoirs scolaires ou à titre punitif, pendant un laps de temps déterminé et
raisonnable, ou au cas où il lui interdit de sortir un soir. En revanche,
l'éducation ne peut pas justifier n'importe quelle mesure infligée à un
enfant. En effet, les père et mère ne doivent pas perdre de vue que le bien
de celui-ci constitue la finalité de toute action éducative (art. 301 al. 1
et 302 al. 1 CC). En outre, le devoir d'éducation doit être exercé
conformément à l'ordre juridique. Ainsi, enfermer son enfant sans poursuivre
un but éducatif, et le retenir prisonnier est illicite car contraire au bien
de ce dernier. De plus, un tel comportement tombe sous le coup de l'art. 183
ch. 1 al. 1 CP.

2.2  Contrairement aux affirmations de la recourante, le cas de la
séquestration est différent de celui de l'enlèvement. En effet, si le
détenteur de l'autorité parentale a le droit de garde, soit celui de décider
du lieu où l'enfant réside, de vivre avec lui ou de le placer, et ne peut
ainsi se rendre coupable d'enlèvement au sens de l'art. 183 ch. 1 al. 2 CP,
il ne peut, en revanche, enfermer son enfant et le retenir prisonnier, ce
comportement étant évidemment contraire à ses obligations et devoirs
d'éducation. En l'espèce, selon les constatations cantonales, la recourante,
détentrice de l'autorité parentale, a imposé à ses deux filles un huis clos
de plus de quinze jours dans la chambre d'un appartement en présence du
cadavre de leur soeur; elle n'a pas hésité à les frapper et à les attacher
pour les y retenir et les a insuffisamment nourries en raison de l'épuisement
des réserves alimentaires. Un tel comportement est évidemment contraire aux
droits et obligations des parents découlant des art. 301 ss CC et ne
constitue pas une mesure d'éducation licite, celle-ci devant avant tout être
guidée par le bien de l'enfant. Dans ces conditions, c'est bien sans droit
que la recourante a retenu ses fillettes prisonnières.

2.3  La critique de la recourante selon laquelle la séquestration serait
absorbée par les lésions corporelles graves réalisées à l'encontre de
F.________ et G.________ est vaine. En effet, conformément à la
jurisprudence, l'infraction visée par les art. 183 et 184 CP peut être
retenue en concours avec les lésions corporelles importantes, sinon graves au
sens de l'art. 122 CP, infligées à la personne séquestrée (ATF 106 IV 363
consid. 4f p. 367 s.).
2.4  A juste titre, la recourante ne conteste pas les autres éléments
constitutifs de l'infraction (art. 183 CP), ni les circonstances aggravantes
(art. 184 CP) retenues par l'autorité cantonale, soit la cruauté et la longue
période de privation de liberté. La condamnation pour séquestration qualifiée
est par conséquent en tout point bien fondée.

3.
La recourante soutient que la cour cantonale aurait dû appliquer l'art. 66bis
CP, compte tenu de sa faute, de sa responsabilité fortement diminuée, de son
immense désarroi et du fait qu'elle a été privée de l'autorité parentale sur
ses deux filles.

3.1  L'art. 66bis al. 1 CP dispose que si l'auteur a été atteint directement
par les conséquences de son acte au point qu'une peine serait inappropriée,
l'autorité compétente renoncera à le poursuivre, à le renvoyer devant le
tribunal ou à lui infliger une peine.

Cette disposition s'applique à l'auteur directement atteint par les
conséquences de son acte, non par celles de sa négligence. Une exemption ou
une atténuation de la peine est donc également possible en cas d'infraction
intentionnelle (ATF 121 IV 162 consid. 2e p. 175 s.). Toutefois, plus la
faute sera lourde, plus les conséquences touchant la personne de l'auteur
devront être graves pour rendre la peine inadéquate. Ainsi, celui qui a causé
des lésions corporelles ou provoqué la mort d'autrui et qui subit une
atteinte morale de ce fait doit en règle générale n'avoir agi que par
négligence; de tels cas se présentent principalement lors d'accidents de la
circulation ou de délits créant un danger collectif (cf. art. 221 ss CP).
Pour de tels crimes, la peine ne paraîtra que très rarement inappropriée si
l'auteur a agi intentionnellement, même s'il manifeste après coup du repentir
ou de la contrition. Les actes commis par désespoir peuvent peut-être faire
exception: ainsi la mère qui, voulant se suicider avec son enfant, échoue
dans son entreprise alors que l'enfant meurt. En cas de délits intentionnels,
il est en revanche possible d'envisager d'exempter de poursuite ou de peine
l'auteur qui, ce faisant, a subi des lésions corporelles d'une extrême
gravité (FF 1985 II 1030 s).

Cette disposition vise des faits que l'on pourrait qualifier généralement de
cas limites et pour la plupart desquels le simple sentiment de justice
commande déjà que l'on renonce à toute poursuite pénale. Elle trouve sa
justification première dans le fait que l'auteur est déjà suffisamment puni,
autrement dit que la fonction expiatoire de la peine est déjà remplie. Il est
évident que l'exemption de peine ne peut être envisagée que si la poursuite
pénale se révèle inappropriée à tous les points de vue imaginables, notamment
sous l'angle de la prévention spéciale et générale (ATF 117 IV 245 consid. 2a
p. 248).

3.2  En l'espèce, la recourante a tué intentionnellement son enfant. Il ne
ressort pas des constatations cantonales d'éléments qui rendraient la
sanction inappropriée dans le sens précité. Partant, la cour cantonale n'a
pas violé le droit fédéral en refusant d'appliquer l'art. 66bis CP.

4.
Estimant la peine trop sévère, la recourante se plaint d'une violation des
art. 11 et 63 CP.

4.1  Aux termes de l'art. 63 CP, le juge fixera la peine d'après la
culpabilité du délinquant en tenant compte des mobiles, des antécédents et de
la situation personnelle de ce dernier. Le critère essentiel est celui de la
gravité de la faute; le juge doit prendre en considération, à cet égard, en
premier lieu les éléments qui portent sur l'acte lui-même, à savoir sur le
résultat de l'activité illicite, sur le mode d'exécution et, du point de vue
subjectif, sur l'intensité de la volonté délictueuse ainsi que sur les
mobiles. L'importance de la faute dépend aussi de la liberté de décision dont
disposait l'auteur; plus il lui aurait été facile de respecter le norme qu'il
a enfreinte, plus lourdement pèse sa décision de l'avoir transgressée et
partant sa faute (ATF 127 IV 101 consid. 2a p. 103; 122 IV 241 consid. 1a p.
243). Les autres éléments de l'art. 63 CP concernent la personne de l'auteur,
soit ses antécédents, sa situation personnelle, familiale et professionnelle,
l'éducation reçue, la formation scolaire suivie, son intégration sociale et,
d'une manière générale sa réputation. En ce qui concerne la situation
personnelle, deux facteurs apparaissent comme essentiels, ce sont le
comportement postérieur à l'acte et au cours de la procédure pénale ainsi que
l'effet que l'on peut attendre de la sanction (ATF 118 IV 21 consid. 2b p.
25).

Lorsqu'il admet une responsabilité pénale restreinte (art. 11 CP), le juge
doit réduire la peine en conséquence, sans être tenu toutefois d'opérer une
réduction linéaire (ATF 127 IV 101 consid. 2b p. 103; 123 IV 49 consid. 2c p.
51). En effet, il ne s'agit pas d'appliquer un tarif ou une relation
mathématique, mais de tirer des conséquences raisonnables de la situation.
Une diminution légère, respectivement moyenne ou forte, de la responsabilité
n'entraîne donc pas nécessairement une réduction de 25 %, respectivement de
50 % ou de 75 % de la peine. Il doit cependant exister une certaine
corrélation entre la diminution de responsabilité constatée et ses
conséquences sur la peine. Lorsque le résultat de l'infraction ne s'est pas
produit, la peine doit aussi être atténuée; la mesure de cette atténuation
dépend notamment de la proximité du résultat et des conséquences effectives
des actes commis. Ces réductions, de même que celles découlant de l'art. 64
CP, peuvent toutefois être compensées par une augmentation de la peine s'il
existe des circonstances aggravantes, ces dernières pouvant de la sorte
neutraliser les effets de circonstances atténuantes; il en va de même en cas
de concours d'infractions (art. 68 ch. 1 al. 1 CP). Un délinquant peut par
conséquent, selon les circonstances, être condamné à la peine maximale prévue
par la loi ou par la ou les infractions commises même en cas de
responsabilité pénale restreinte et de circonstances atténuantes (ATF 127 IV
101 consid. 2b p. 103 s.; 116 IV 300 consid. 2 p. 302 ss).

En vertu de l'art. 68 ch. 1 al. 1 CP, lorsqu'un délinquant, par plusieurs
actes, aura encouru plusieurs peines privatives de liberté, le juge le
condamnera à la peine de l'infraction la plus grave et en augmentera la durée
d'après les circonstances, mais pas au-delà de la moitié en sus du maximum de
la peine prévue pour cette infraction et pas au-delà du maximum légal du
genre de peine. Il sera, en outre, lié par le maximum légal du genre de
peine. Pour satisfaire à cette règle, le juge, dans un premier temps, fixera
donc la peine pour l'infraction abstraitement la plus grave, en tenant compte
de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes
ou atténuantes ou une éventuelle diminution de la responsabilité pénale. Dans
un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner les autres
infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y
relatives (ATF 127 IV 101 consid. 2b p.104; 116 IV 300 consid. 2c/dd p. 305).
Dans le domaine de la fixation de la peine, le Tribunal fédéral ne peut
admettre le pourvoi en nullité que si la sanction a été fixée en dehors du
cadre légal, si elle est fondée sur des critères étrangers à l'art. 63 CP, si
les éléments d'appréciation prévus par cette disposition n'ont pas été pris
en considération ou enfin si la peine apparaît exagérément sévère ou clémente
au point que l'on doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation reconnu à
l'autorité cantonale (ATF 127 IV 101 consid. 2c p. 104; 123 IV 49 consid. 2a
p. 51).

4.2  Se fondant sur l'ATF 116 IV 179, la recourante reproche à la cour
cantonale d'avoir retenu, comme élément à charge, le lien parental étroit
l'unissant aux trois victimes des faits principaux, sans avoir examiné la
nature et le rôle de cette relation.

Dans l'arrêt précité, le Tribunal fédéral a admis que le juge devait tenir
compte, dans la fixation de la peine, des relations personnelles entre
l'auteur et sa victime. En effet, d'étroites relations familiales ou
d'amitié, des rapports de confiance et de camaraderie peuvent être
déterminants. On admet que, dans ces cas, l'auteur hésite davantage à porter
atteinte aux biens de sa victime; le fait qu'il puisse agir dans de telles
circonstances dénote une absence particulière de scrupules justifiant une
aggravation de la peine. Toutefois, la relation entre l'auteur et sa victime
peut aussi être froide, indifférente, voire hostile, ce qui tend clairement à
réduire les inhibitions. Un exemple extrême est celui qui tue son père qui a
terrorisé sa famille pendant des années. La retenue qu'impose normalement le
rapport père-fils diminue alors ou s'efface complètement. Ainsi, le fait que
la victime soit apparentée ou connue de l'auteur ne permet pas à lui seul
d'évaluer sa culpabilité et ce sont les circonstances du cas d'espèce qui
sont déterminantes (ATF 116 IV 179 consid. 4a p. 180 s.).

Selon les constatations cantonales qui lient l'autorité de céans, la
recourante a entretenu des liens très forts avec ces trois filles, ce qu'elle
a d'ailleurs confirmé dans son mémoire de recours en affirmant avoir été une
bonne mère pendant de très nombreuses années et en se prévalant de
l'application de l'art. 66bis CP en raison des souffrances engendrées par la
perte de E.________ et de la privation de l'autorité parentale sur ses deux
autres filles. L'auteur et ses victimes étaient donc liés par des liens
étroits, familiaux et affectifs. De plus, une mère a un devoir de protection
envers ses jeunes enfants. Enfin, selon les faits retenus, la recourante a
commis ces actes uniquement en raison de la désobéissance des enfants et dans
le but de chasser le diable censé habiter leur corps. Dans ces circonstances,
la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en retenant que la
commission de pareils crimes en dépits de tels liens dénotait une culpabilité
particulièrement lourde.

4.3  La recourante considère que la cour cantonale n'a pas suffisamment
réduit la peine au regard de la diminution de sa responsabilité.

L'infraction la plus grave reprochée à la recourante, soit l'assassinat au
sens de l'art. 112 CP, est punissable de la réclusion à vie ou de la
réclusion pour dix ans au moins. Les faits sont gravissimes, la mort par
tortures infligées à son propre enfant étant un acte odieux et révoltant. La
culpabilité de la recourante peut donc être qualifiée de très lourde. A sa
charge, la cour cantonale a retenu ses antécédents judiciaires dénotant une
tendance à la violence, le lien parental étroit l'unissant à sa victime et le
fait que c'est elle qui a commencé à frapper E.________. Elle a tenu compte
d'une seule circonstance atténuante. En effet, elle a constaté en fait, de
manière à lier le Tribunal fédéral (cf. supra, consid. 1), que, selon le
rapport d'expertise du Département universitaire de psychiatrie adulte
(DUPA), la responsabilité pénale de la recourante était diminuée dans une
mesure importante pour tous les actes commis. Elle en a déduit qu'une
diminution substantielle de la peine était justifiée. On ne voit pas en quoi
cette réduction serait insuffisante et violerait le droit fédéral, le juge
n'étant au demeurant pas tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentages
l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite (ATF 122 IV 265
consid. 2d p. 269). Enfin, la peine encourue doit être aggravée pour tenir
compte des autres infractions commises, en particulier de l'infraction de
séquestration qualifiée et de lésions corporelles graves qui, venant
s'ajouter à l'assassinat, aggravent considérablement la faute de la
recourante et justifie donc une augmentation importante de la peine dans les
limites de l'art. 68 ch. 1 CP. Dans ces conditions, une peine de l'ordre de
douze ans de réclusion n'apparaît pas excessive au point de constituer un
abus du pouvoir d'appréciation. Pour le surplus, que d'autres éléments
pertinents ou importants auraient été omis ou pris en considération à tort
dans la fixation de la peine n'est pas allégué et on n'en voit du reste pas.
Il n'y a donc pas de violation ni de l'art. 11, ni de l'art. 63 CP.

5.
En conclusion, le pourvoi doit être rejeté.

Comme il était d'emblée dénué de chances de succès, l'assistance judiciaire
ne peut être accordée (art. 152 al. 1 OJ), de sorte que la recourante, qui
succombe, supportera les frais (art. 278 al. 1 PPF) dont le montant sera fixé
en tenant compte de sa situation financière.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois, Cour de
cassation pénale.

Lausanne, le 13 juin 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: