Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6S.134/2003
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6S.134/2003 /svc

Arrêt du 26 mai 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Kolly et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Denys.

X. ________,
recourant, représenté par Me Julien Fivaz, avocat,
Etude Pirker & Fivaz, place du Molard 7,
case postale 3534, 1211 Genève 3,

contre

SA Louis Dreyfus & Cie,
Louis Dreyfus Négoce SA,
intimées,
représentées par Me Jean-Daniel Borgeaud, avocat, boulevard des Tranchées 16,
case postale 328,
1211 Genève 12,
Procureur général du canton de Genève,
place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565,
1211 Genève 3.

Révision (art. 397 CP),

pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton de Genève
du 28 mars 2003.

Faits:

A.
Par arrêt du 23 avril 1999, la Cour correctionnelle genevoise siégeant sans
le concours du jury a condamné X.________, pour utilisation sans droit de
valeurs patrimoniales (art. 141bis CP) et faux dans les titres (art. 251 ch.
1 al. 3 CP), à douze mois d'emprisonnement avec sursis durant cinq ans. Elle
l'a en outre condamné à payer 483'000 US$ plus intérêts à SA Louis Dreyfus &
Cie.

Par arrêt du 31 mars 2000, la Cour de cassation genevoise a rejeté le recours
formé par X.________.
Par arrêts du 17 août 2000, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit
public (6P.60/2000) et le pourvoi en nullité (6S.269/2000) formés par
X.________.

B.
Les éléments suivants ressortent notamment de la procédure:

X.________ est le directeur avec signature individuelle de la société
I.________ SA, dont le siège social est à Genève et qui est en particulier
active dans le courtage et le commerce de produits agricoles. Aston Trading
GmbH (ci-après: Aston), dont le siège social se trouve à Hambourg, est une
société active dans le commerce des produits céréaliers. SA Louis Dreyfus &
Cie (ci-après: Dreyfus) et Louis Dreyfus Négoce SA sont deux sociétés
domiciliées à Paris, également actives dans le commerce des céréales, la
première détenant les actions de la seconde.

Le 2 juillet 1996, Aston a vendu 6'000 tonnes d'orge à I.________ SA. Par
contrat du 2 septembre 1996, cette dernière a revendu la moitié de cet orge à
Dreyfus. Ces transactions ont été traitées par l'intermédiaire d'un courtier
domicilié à Paris, la SA Sotour (ci-après: Sotour).

Par fax du 11 septembre 1996, X.________ a demandé à Sotour que les documents
et la facture concernant les 3'000 tonnes d'orge vendues à Dreyfus soient
présentés directement par Aston à Dreyfus et que le montant revenant à
I.________ SA au titre de sa marge bénéficiaire, 4,5 US$ par tonne, soit
versé sur le compte de I.________ SA auprès de l'UBS à Genève. Sur cette
base, Aston a fait établir le 20 septembre 1996, par l'entremise de la
Dresdner Bank, deux factures séparées, l'une en sa faveur pour le montant de
la marchandise vendue (483'000 US$), l'autre concernant les 13'500 US$
(équivalant à 4,5 US$ par tonne) en faveur de I.________ SA. Le 23 septembre
1996, Aston a transmis une copie de ces deux factures à X.________. Par fax
du même jour, celui-ci a prié Sotour d'informer Dreyfus de s'acquitter des
deux factures simultanément. Il a derechef adressé un fax à Sotour le 30
septembre 1996, dont il ressort notamment qu'il a autorisé "la présentation
des documents en direct".

Il a été retenu que X.________ avait souhaité, s'agissant de l'orge vendue
par I.________ SA à Dreyfus, faire directement payer par cette dernière
société le prix dû à Aston et ne recevoir que la marge bénéficiaire de 13'500
US$ et que cette manière de procéder (accord dit de "by-pass") avait été
acceptée par Dreyfus et Aston.

Le 2 octobre 1996, un employé de Dreyfus a donné par erreur l'ordre de
créditer I.________ SA de l'intégralité de la transaction, donc non seulement
les 13'500 US$, mais aussi les 483'000 US$. Le même jour en fin d'après-midi,
Dreyfus a informé X.________ par fax du fait que les 483'000 US$ qui devaient
être versés à Aston avaient été crédités par erreur sur le compte de
I.________ SA auprès de l'UBS.

Le 3 octobre 1996 dans la matinée, X.________ a donné instruction à l'UBS de
préparer des chèques bancaires à hauteur de 483'000 US$. Le même jour, il a
eu divers entretiens téléphoniques avec le directeur administratif de Louis
Dreyfus Négoce SA; selon les déclarations de celui-ci et celles d'autres
témoins, X.________ a indiqué qu'il rembourserait Dreyfus une fois que cette
société aurait payé Aston.
Le 7 octobre 1996, Dreyfus a versé 483'000 US$ sur le compte bancaire d'Aston
auprès de la Dresdner Bank, conformément à la facture du 20 septembre 1996.

En l'absence de remboursement des 483'000 US$ versés par erreur sur le compte
de I.________ SA, une plainte pénale a été déposée contre X.________. Lors de
l'instruction, celui-ci a produit une facture à l'en-tête d'Aston, datée du
20 septembre 1996, aux termes de laquelle la société Dreyfus était invitée à
payer les 483'000 US$ sur le compte de I.________ SA auprès de l'UBS. Il a
été constaté que X.________ avait produit ce document alors qu'il était
conscient de sa fausseté, dans le but d'améliorer indûment sa situation
d'inculpé; il n'a pas été établi qu'il était lui-même l'auteur du faux.

C.
Par arrêt du 28 mars 2003, la Cour de cassation genevoise a rejeté la demande
de révision de X.________.

D.
Celui-ci se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il
conclut à son annulation et sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application du
droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base d'un état de fait définitivement
arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 273 al. 1 let. b et 277bis al. 1
PPF). Le raisonnement juridique doit donc être mené sur la base des faits
retenus dans la décision attaquée, dont le recourant est irrecevable à
s'écarter (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66/67).

2.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 397 CP.
Aux termes de cette disposition, les cantons sont tenus de prévoir un recours
en révision en faveur du condamné contre les jugements rendus en vertu du
Code pénal ou d'une autre loi fédérale, quand des faits ou des moyens de
preuve sérieux et dont le juge n'avait pas eu connaissance lors du premier
procès viennent à être invoqués. Des faits ou moyens de preuve sont nouveaux
au sens de l'art. 397 CP lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment
où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous
quelque forme que ce soit; ils sont sérieux lorsqu'ils sont propres à
ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et
que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus
favorable au condamné. Savoir si l'autorité cantonale s'est fondée sur une
juste conception de faits ou de moyens de preuve nouveaux et sérieux au sens
de l'art. 397 CP est une question de droit, qui doit être invoquée dans un
pourvoi en nullité; en revanche, savoir si un fait ou un moyen de preuve
était effectivement inconnu du juge est une question de fait; quant à la
question de savoir si un fait nouveau ou un moyen de preuve nouveau est
propre à modifier l'état de fait retenu, elle relève de l'appréciation des
preuves, étant rappelé qu'une vraisemblance suffit au stade du rescindant;
enfin, c'est de nouveau une question de droit de savoir si la modification de
l'état de fait est juridiquement pertinente, c'est-à-dire de nature, en
fonction des règles de droit de fond applicables, à entraîner une décision
plus favorable au condamné en ce qui concerne la culpabilité, la peine ou les
mesures (ATF 125 IV 298 consid. 2b p. 301/302; 122 IV 66 consid. 2a p. 67/68
et les arrêts cités).

Autrement dit, les griefs recevables dans un pourvoi en nullité pour
violation de l'art. 397 CP sont très peu nombreux. On peut citer le cas où
l'autorité de révision, après avoir reconnu l'existence de faits ou de moyens
de preuve nouveaux et sérieux, aurait, malgré cela, rejeté la demande; il en
va de même de l'hypothèse où cette autorité serait tombée dans l'erreur, pour
des motifs de droit, en appréciant la portée des faits nouveaux admis sur le
jugement de condamnation.

3.
3.1 Le recourant se prévaut d'abord d'un fax de dix-sept pages transmis par
Aston à Sotour. B.________, qui travaillait pour Sotour, aurait menti en
taisant l'existence de ce document.

La Cour de cassation genevoise a retenu que le recourant n'avait pas
satisfait aux exigences minimales de motivation car il n'avait fourni  aucune
indication propre à convaincre de la pertinence du fax en question par
rapport à l'appropriation des 483'000 US$. Elle a par ailleurs relevé que la
Cour correctionnelle s'était principalement fondée dans son arrêt du 23 avril
1999 sur les déclarations d'un employé de Dreyfus (A.________), que le
recourant ne mettait pas en cause. Elle a conclu qu'aucun élément n'était
propre à ébranler les constatations de fait sur lesquelles reposait la
condamnation en vertu de l'art. 141bis CP (cf. arrêt attaqué, p. 7).

Il ressort donc de la motivation cantonale que l'élément invoqué par le
recourant est inapte à modifier l'état de fait. Savoir si un fait nouveau ou
un moyen de preuve nouveau est propre à modifier l'état de fait retenu relève
de l'appréciation des preuves. Le recourant ne pouvait donc pas remettre en
cause cette question dans un pourvoi. Eût-il voulu critiquer la solution
retenue qu'il devait procéder par la voie du recours de droit public pour
appréciation arbitraire des preuves. Son grief est irrecevable.

3.2 Le recourant s'en prend au témoignage de B.________ en se prévalant d'une
expertise extrajudiciaire du dénommé C.________, à propos de la transmission
de la fausse facture par un fax de Sotour.

La Cour de cassation genevoise a nié que l'expertise extrajudiciaire apportât
un élément nouveau et qu'elle modifiât les faits à l'origine de la
condamnation du recourant en vertu des art. 141bis et 251 CP (cf. arrêt
attaqué, p. 8/9). Là encore, en contestant ces points, le recourant s'en
prend à l'appréciation des preuves et formule en conséquence une critique
irrecevable dans un pourvoi. Il ne soulève par ailleurs aucun autre grief
recevable.

4.
Le pourvoi est irrecevable. Comme il paraissait d'emblée voué à l'échec, la
requête d'assistance judiciaire est rejetée (art. 152 al. 1 OJ). Le
recourant, qui succombe, supporte les frais de la cause (art. 278 al. 1 PPF),
lesquels sont fixés de manière réduite pour tenir compte de sa mauvaise
situation financière.

Il n'y pas lieu d'allouer d'indemnité aux intimées, qui n'ont pas eu à
intervenir dans la procédure devant le Tribunal fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est irrecevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Procureur général du canton de Genève et à la Cour de cassation genevoise.

Lausanne, le 26 mai 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: