Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6S.131/2003
Zurück zum Index Kassationshof in Strafsachen 2003
Retour à l'indice Kassationshof in Strafsachen 2003


6S.131/2003 /sch

Arrêt du 13 août 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Kolly et Karlen.
Greffier: M. Denys.

C. X.________,
recourant, représenté par Me Armin Sahli, avocat,
rue de Romont 35, case postale 826, 1701 Fribourg,

contre

Ministère public du canton de Fribourg,
rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg.

Mise en danger de la vie d'autrui, légitime défense, fixation de la peine,

pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour d'appel pénal du Tribunal
cantonal fribourgeois du 9 janvier 2003.

Faits:

A.
Par jugement du 1er juin 2001, le Tribunal pénal de l'arrondissement du Lac
(canton de Fribourg) a condamné C.X.________, pour tentative de meurtre, mise
en danger de la vie d'autrui, lésions corporelles simples, infraction à la
loi fédérale sur les armes, à trois ans d'emprisonnement, sous déduction de
la détention préventive subie. Par le même jugement, le tribunal a également
condamné le frère de C.X.________, soit B.X.________, ainsi que plusieurs
membres de la famille Z.________.

B.
Par arrêt du 9 janvier 2003, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal
fribourgeois a partiellement admis le recours de C.X.________ ainsi que celui
du Ministère public. Elle a condamné C.X.________, pour mise en danger de la
vie d'autrui, lésions corporelles simples et infraction à la loi fédérale sur
les armes, à deux ans et demi de réclusion, sous déduction de la détention
préventive subie, et l'a expulsé du territoire suisse pour cinq ans, avec
sursis pendant trois ans. En bref, il ressort les éléments suivants de cet
arrêt:

C.X.________, ressortissant macédonien né en 1963, vit en Suisse depuis 1988.
Son frère B.X.________, né en 1975, s'est établi en Suisse en 1998.
B.X.________ a fait la connaissance d'une compatriote, N.________, qu'il a
épousée le 31 décembre 1998. Avant de rencontrer B.X.________, N.________
avait entretenu en 1998 une relation d'une semaine environ avec le
ressortissant kosovar Q.Z.________. Celui-ci  n'aurait ensuite jamais cessé
de l'importuner, même après qu'elle eut épousé B.X.________. De fortes
tensions ont dès lors existé entre les familles Z.________ et X.________.

Le 27 septembre 1999, vers 21 h, B.X.________, C.X.________, leur cousin
établi en Allemagne D.X.________, et M.________, le frère de N.________, se
sont rendus en voiture à Morat pour prendre une consommation. B.X.________ et
C.X.________ étaient chacun munis d'un pistolet. Lorsqu'ils se trouvaient à
"l'Irish Tavern", quelqu'un a informé C.X.________ que quatre personnes les
attendaient dehors. Vers 21 h 30, alors qu'ils étaient revenus à leur
voiture, ils ont été approchés par P.Z.________. Il s'est avancé vers
D.X.________ pour lui demander des explications à propos d'une bagarre qui
avait eu lieu le 25 septembre 1999 entre Q.Z.________ et B.X.________.
Q.Z.________ et R.Z.________, qui se trouvaient en retrait, se sont
rapprochés du clan X.________. R.Z.________ avait une barre de fer, d'une
longueur de 40 à 50 cm, dissimulée sous ses habits. Q.Z.________ tenait un
manche à balai. Un quatrième membre de la famille Z.________, S.Z.________,
est apparu avec un marteau de maçon à la main, depuis l'autre côté de la
route et a interpellé ses trois frères. Une personne, probablement
P.Z.________, a alors donné un coup dans le dos de C.X.________. Celui-ci a
sorti son revolver 22 LR et a tiré en direction des pieds des quatre
adversaires. P.Z.________ a été blessé alors qu'il fuyait, notamment par une
balle provenant de l'arme de C.X.________. Celui-ci s'est ensuite dirigé vers
les arcades, où avait fui S.Z.________. Il a tiré dans sa direction.

Dès que C.X.________ a été frappé dans le dos, B.X.________ a sorti son
pistolet 9 mm, a engagé un magasin contenant seize balles et a fait le
mouvement de charge. Il a alors tiré plusieurs coups en direction du sol.
Dans leur fuite, S.Z.________ a été atteint à la partie postérieure de la
cuisse gauche et R.Z.________ au dos. B.X.________ a fait feu sur
Q.Z.________, qui tenait un manche à balai et qui était resté à proximité. Il
l'a ensuite poursuivi alors qu'il fuyait. Q.Z.________ a été touché trois
fois, soit en dessus de la hanche gauche, dans la fesse gauche et au coude
gauche. Il s'est effondré dans la Grand-Rue, entre des voitures stationnées.
La blessure au dessus de la hanche gauche lui a été fatale. B.X.________ a
ensuite rejoint C.X.________, aux prises avec S.Z.________. Ce dernier a jeté
son marteau vers B.X.________ et C.X.________ et s'est enfui sous les arcades
vers le château. A ce moment, B.X.________ s'est mis en position à genoux et
a tiré dans la direction de S.Z.________, une balle touchant le mur d'une des
arcades. B.X.________, C.X.________, D.X.________ ainsi que M.________ ont
regagné leur voiture pour rentrer chez eux, B.X.________ maniant son arme en
direction des gens assis sur les terrasses.

C.
C.X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 9
janvier 2003. Il conclut à son annulation.

Le Ministère public fribourgeois conclut au rejet du pourvoi.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application du
droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base d'un état de fait définitivement
arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 273 al. 1 let. b et 277bis al. 1
PPF). Le raisonnement juridique doit donc être mené sur la base des faits
retenus dans la décision attaquée, dont le recourant est irrecevable à
s'écarter (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66/67).

2.
Le recourant s'en prend à sa condamnation pour mise en danger de la vie
d'autrui (art. 129 CP).

2.1 L'art. 129 CP prévoit que celui qui, sans scrupules, aura mis autrui en
danger de mort imminent sera puni de la réclusion pour cinq ans au plus ou de
l'emprisonnement.

2.1.1 La notion de danger de mort imminent implique tout d'abord un danger
concret, c'est-à-dire un état de fait dans lequel existe, d'après le cours
ordinaire des choses, la probabilité ou un certain degré de possibilité que
le bien juridique protégé soit lésé, sans toutefois qu'un degré de
probabilité supérieur à 50% soit exigé. Le danger de mort imminent représente
cependant plus que cela. Il est réalisé lorsque le danger de mort apparaît si
probable qu'il faut être dénué de scrupule pour négliger sciemment d'en tenir
compte. Quant à la notion d'imminence, elle n'est pas aisée à définir; elle
implique en tout cas, outre la probabilité sérieuse de la réalisation du
danger concret, un élément d'immédiateté qui est défini moins par
l'enchaînement chronologique des circonstances que par le lien de connexité
directe unissant le danger et le comportement de l'auteur (ATF 121 IV 67
consid. 2b/aa p. 70).

S'agissant plus précisément de l'utilisation d'une arme à feu, la
jurisprudence admet qu'il y a danger de mort imminent lorsqu'il existe le
risque qu'un coup de feu parte inopinément (ATF 121 IV 67 consid. 2b/ aa p.
70 et consid. 2c p. 73/74).

2.1.2 Un acte est commis sans scrupules au sens de l'art. 129 CP lorsque,
compte tenu des moyens utilisés, des mobiles et de l'état de l'auteur ainsi
que des autres circonstances, il apparaît comme contraire aux principes
généralement admis des bonnes moeurs et de la morale (ATF 114 IV 103 consid.
2a p. 108). L'absence de scrupules caractérise toute mise en danger dont les
motifs doivent être moralement désapprouvés; plus le danger connu de l'auteur
est grand et moins ses mobiles méritent attention, plus l'absence de
scrupules apparaît comme évidente (ATF 107 IV 163 consid. 3 p. 164). Pour le
surplus, l'infraction est réalisée sur le plan subjectif lorsque l'auteur est
conscient de mettre autrui en danger de mort imminent et le fait sciemment
(ATF 121 IV 67 2d p. 75 in fine).

2.2 En l'espèce, la Cour d'appel a appliqué l'art. 129 CP au recourant pour
le tir en direction de S.Z.________ (cf. arrêt attaqué, ch. 6 p. 32). On
déduit de sa motivation qu'elle a également retenu cette qualification par
rapport au comportement du recourant à l'égard de P.Z.________, des autres
membres de la famille Z.________ ainsi que des personnes présentes sur les
terrasses des cafés au moment des faits (cf. arrêt attaqué, ch. 7 p. 32 et
ch. 9 p. 33). Il convient d'examiner ces différentes situations.

Le recourant a tiré un coup de feu en direction de S.Z.________. Celui-ci, en
fuite, se trouvait alors sous les arcades à une distance de trois à cinq
mètres. Il n'a pas été retenu que le recourant avait agi avec l'intention de
tuer (cf. arrêt attaqué, p. 32). Il ne fait aucun doute qu'un coup de feu
tiré en direction d'une personne, même sans la viser directement, représente
un risque élevé d'une issue fatale; le fait de pointer une arme vers autrui
suffit déjà à créer une forte mise en danger (cf. ATF 100 IV 215 consid. 3 p.
218). L'ampleur du risque ainsi provoqué apparaît telle que l'on peut par
ailleurs d'emblée conclure à une absence de scrupules. L'application de
l'art. 129 CP ne viole pas le droit fédéral dans ce cas. Pour les mêmes
motifs, cette solution vaut pour le coup de feu tiré par le recourant sur
P.Z.________, alors que ce dernier fuyait (cf. arrêt attaqué, p. 30).
P.Z.________ a été atteint à la jambe gauche. Comme l'a mentionné le Tribunal
pénal en première instance, l'art. 129 CP entre dans ce cas en concours avec
les lésions corporelles simples (art. 123 ch. 2 CP) aussi retenues (cf.
Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2002, art. 129
CP n. 36; Peter Aebersold, Basler Kommentar, Strafgesetzbuch II, art. 129 CP
n. 44).

Le recourant a tiré plusieurs coups de feu en direction des pieds de ses
adversaires. A ce moment, de nombreuses personnes étaient attablées aux
terrasses des cafés à proximité. Dans de telles circonstances, une personne
aurait facilement pu être mortellement touchée, que ce soit par un ricochet
d'une balle sur le sol qui était pavé ou par un tir imprécis ou par un
mouvement fortuit d'une personne soumise aux tirs. Ce risque vaut non
seulement pour les membres de la famille Z.________, ceux-ci étant les plus
directement exposés, mais aussi pour les clients des proches cafés. Que le
recourant leur tournât le dos à ce moment-là comme il le prétend dans son
pourvoi, n'enlève rien au danger concret qu'ils encouraient, la proximité de
la fusillade les exposant notamment à un mouvement inopiné du tireur. Le
recourant a non seulement créé un danger de mort imminent mais a également
agi sans scrupules. En effet, même s'il était agressé, la décharge de
plusieurs coups de feu en pleine rue en présence de nombreux tiers apparaît
totalement disproportionnée et dénote un profond mépris de la vie d'autrui.
Il s'ensuit que l'application de l'art. 129 CP dans cette situation ne viole
pas le droit fédéral.

En conclusion, les critiques du recourant relatives à l'application de l'art.
129 CP sont infondées.

3.
Le recourant invoque la légitime défense.

3.1 S'agissant de la première phase, la Cour d'appel a relevé que le contexte
était tendu entre les deux clans, que plusieurs membres de la famille
Z.________ étaient armés d'objets contondants, qu'un coup avait été porté
dans le dos du recourant sans que son auteur et que l'objet utilisé aient pu
être déterminés, que ce coup avait été l'élément déclencheur de la fusillade
et que le recourant pouvait craindre pour son intégrité physique, voire sa
vie. Dans ces conditions, la Cour d'appel, à la différence du Tribunal pénal,
a admis que le recourant se trouvait en état de légitime défense pour les
coups de feu tirés sur le sol en direction des membres de la famille
Z.________. Elle a toutefois jugé, sans autre explication, cette légitime
défense excessive (cf. arrêt attaqué, p. 31).

3.1.1 La question à résoudre est de savoir si le recourant a excédé les
bornes de la légitime défense dans cette première phase. Selon l'art. 33 al.
1 CP, celui qui est attaqué sans droit ou menacé sans droit d'une attaque
imminente a le droit de repousser l'attaque par des moyens proportionnés aux
circonstances. Il ressort donc du texte légal que l'attaqué n'a le droit de
se défendre qu'en utilisant des moyens proportionnés. Savoir si, dans un cas
donné, la réaction de l'attaqué respecte cette exigence est avant tout une
question d'appréciation. Le juge, pour y répondre, devra en particulier tenir
compte d'une part de la gravité de l'attaque et de l'importance du bien
juridique menacé et, d'autre part, de l'importance du bien juridique que la
défense met en danger (ATF 102 IV 65 consid. 2a p. 68). La proportionnalité
de la défense doit s'examiner d'après la situation de celui qui voulait
repousser l'attaque au moment où il a agi; les autorités judiciaires ne
doivent pas se livrer à des raisonnements a posteriori trop subtils pour
déterminer si l'auteur des mesures de défense n'aurait pas pu ou dû se
contenter d'avoir recours à des moyens différents, moins dommageables (ATF
107 IV 12 consid. 3a p. 15).

3.1.2 En l'espèce, en sortant de "l'Irish Tavern", le recourant et les
membres de sa famille savaient que des membres de la famille Z.________ se
trouvaient dans la rue. Si le recourant pouvait envisager une confrontation,
il n'en reste pas moins que l'attaque a été initiée par la famille
Z.________. Il n'est ainsi pas contestable que le recourant a été attaqué
sans droit au sens de l'art. 33 al. 1 CP. Il se trouvait en compagnie de son
frère, également armé d'un pistolet, et de deux autres personnes. Les
agresseurs étaient aussi au nombre de quatre, munis d'objets contondants.
Selon les constatations cantonales, le recourant pouvait craindre pour son
intégrité physique, voire pour sa vie. Dans ce contexte, il a tiré plusieurs
coups de feu sur le sol en direction des agresseurs.

Par son comportement, le recourant a d'emblée risqué de porter préjudice aux
vies des agresseurs, les coups tirés en leur direction, même vers le sol,
présentant un réel danger. Il avait certes devant lui plusieurs agresseurs
mais n'était pas lui-même le seul agressé. Cela supposait qu'il disposait
encore d'un peu de temps pour réagir. Le fait de sortir l'arme et de la
brandir ou, le cas échéant, un coup de feu d'avertissement en l'air, même si
un tel coup n'est en soi pas dépourvu de tout danger, aurait permis de rendre
les adversaires très sérieusement attentifs au danger qu'ils couraient en
continuant leur attaque et de marquer la résolution du recourant de se
défendre. Rien n'indique par ailleurs qu'un coup de semonce en l'air aurait
privé celui-ci du temps nécessaire pour tirer ensuite, si besoin, sur les
agresseurs déterminés à poursuivre leur attaque. De plus, le recourant ne
s'est pas limité à un coup de feu sur le sol en direction des agresseurs mais
en a tiré plusieurs, augmentant d'autant le danger. Dans ces conditions,
c'est sans violer le droit fédéral que la Cour d'appel a conclu qu'il avait
excédé les bornes de la légitime défense.

3.1.3 La Cour d'appel a considéré que la légitime défense du recourant était
à ce point excessive qu'elle ne justifiait pas une atténuation de la peine au
sens de l'art. 66 CP (cf. arrêt attaqué, p. 31 et 33).

L'art. 33 al. 2 CP prévoit que si celui qui repousse une attaque a excédé les
bornes de la légitime défense, le juge atténuera librement la peine (art.
66); si cet excès provient d'un état excusable d'excitation ou de
saisissement causé par l'attaque, aucune peine ne sera encourue. Ainsi, selon
la systématique de la loi, soit la défense est proportionnée et l'acte est
alors licite (art. 33 al. 1 CP). Soit la défense est excessive et l'acte
reste illicite mais bénéficie d'une atténuation libre de la peine en vertu de
l'art. 66 CP (art. 33 al. 2 CP). La Cour d'appel s'est méprise sur la portée
de la loi en refusant d'appliquer l'art. 66 CP au recourant pour les premiers
tirs sur le sol sous prétexte d'une légitime défense excessive. Elle a violé
l'art. 33 al. 2 CP. Sur ce point, le pourvoi doit être admis. Il n'y a pas
lieu de discuter ici de la mesure de l'atténuation, qui dépend des
circonstances d'espèce et relève du pouvoir d'appréciation de l'autorité
cantonale (cf. Philippe Graven, L'infraction pénale punissable, 2ème éd.,
litt. B p. 135). En outre, quoique l'état du recourant au moment des faits
ait déjà été examiné à propos d'une autre question (cf. arrêt attaqué, p. 32
al. 2), il incombera à l'autorité cantonale qui sera amenée à statuer à
nouveau de se prononcer expressément à propos d'un éventuel état excusable
d'excitation ou de saisissement, conformément à l'art. 33 al. 2 2ème phrase
CP (cf. ATF 115 IV 167 consid. 4c p. 172/173), étant précisé que l'émotion
requise pour être excusable doit être d'autant plus forte que la réaction de
l'auteur aura été plus dommageable ou dangereuse (ATF 102 IV 1 consid. 3b p.
7).

3.2 Le recourant invoque également le bénéfice de la légitime défense pour la
phase postérieure aux premiers tirs sur le sol. La Cour d'appel a exclu la
légitime défense pour les tirs sur P.Z.________ et S.Z.________ car ces
derniers se trouvaient alors en fuite (cf. arrêt attaqué, p. 31).

3.2.1 Une partie de la doctrine, qu'invoque le recourant, est d'avis de
mettre au bénéfice d'un excès de légitime défense (art. 33 al. 2 CP) l'auteur
qui anticipe de très peu sa riposte ou qui la poursuit encore dans les brefs
instants qui suivent la fin de l'attaque (cf. Günter Stratenwerth,
Schweizerisches Strafrecht, Allgemeiner Teil I, 2ème éd., § 10 n. 87; Jörg
Rehberg/Andreas Donatsch, Strafrecht I, 7ème éd., p. 189; Kurt Seelmann,
Basler Kommentar, Strafgesetzbuch I, art. 33 CP n. 21). La jurisprudence n'a
pas exclu cette hypothèse (ATF 99 IV 187 ss). Quoi qu'il en soit, on ne
saurait déduire de cette conception que l'auteur bénéficie de l'art. 33 al. 2
CP dans tous les cas de figure où il s'acharne sur l'agresseur en fuite.

3.2.2 A propos du tir en direction de S.Z.________, la Cour d'appel a retenu
ce qui suit: dès les premiers coups de feu tirés par le recourant et son
frère, les membres de la famille Z.________ ont immédiatement détalé; le
recourant a ensuite traversé la rue vers les arcades; il n'était ni attaqué
ni menacé; il a poursuivi S.Z.________, qui était caché derrière un pilier
des arcades; il a tiré en sa direction (cf. arrêt attaqué, p. 31). Dans ces
circonstances, le tir du recourant n'était plus lié à l'imminence d'une
menace. Il n'avait aucun but de défense. Or, lorsqu'un acte n'est pas
entrepris pour parer une agression, mais découle d'une pure vengeance ou
d'une simple revanche, il n'entre pas dans la notion de légitime défense (ATF
93 IV 83). Il s'ensuit que le recourant ne saurait se prévaloir de l'art. 33
al. 2 CP pour son tir à l'égard de S.Z.________. Que ce dernier, qui se
trouvait sous les arcades, ait jeté son marteau dans la direction du
recourant pour faciliter sa fuite ne modifie pas la position d'agresseur
qu'était alors celle du recourant, qui exclut pour lui la légitime défense.
L'arrêt attaqué ne viole pas le droit fédéral sur ce point. Le grief est
infondé.

3.2.3 S'agissant du tir sur P.Z.________, la Cour d'appel a exposé les
éléments suivants: les membres de la famille Z.________ ont fui dès les
premiers coups de feu; P.Z.________ a été blessé durant cette phase,
notamment par une balle de l'arme du recourant; il était en train de fuir,
sans que le procédure probatoire n'ait permis de démontrer s'il venait de
tourner les talons ou si sa fuite était déjà bien engagée (cf. arrêt attaqué,
p. 29 ss).

Le déroulement des faits contenu dans l'arrêt attaqué n'est pas suffisamment
précis et laisse entrevoir deux hypothèses distinctes.

- Soit P.Z.________ a été atteint au moment où il se retournait par une balle
du recourant faisant partie des coups de sommation. Dans ce cas, le recourant
doit être mis au bénéfice de l'art. 33 al. 2 CP, pour les mêmes raisons que
celles indiquées plus haut (cf. consid. 3.1.2. et 3.1.3).

- Soit P.Z.________ a été blessé après les coups de sommation; à cause de
ceux-ci, il s'est retourné pour fuir et le recourant lui a tiré dessus. Dans
cette dernière hypothèse, le recourant ne bénéficie plus de la légitime
défense. En effet, les premiers coups de sommation tendaient précisément à
faire cesser l'attaque. Ils étaient donc couverts par la légitime défense,
celle-ci étant toutefois excessive (cf. supra, consid. 3.1.3). Ces coups ont
sitôt atteint leur but puisqu'ils ont fait fuir les agresseurs, dont
P.Z.________. A partir de là, le recourant n'était plus menacé. Cette fuite
constitue une modification factuelle décisive, que le recourant devait
prendre en compte. Il le devait d'autant plus qu'il se servait d'une arme à
feu, soit un instrument susceptible de gravement mettre en danger la vie. En
pareille situation, son tir sur P.Z.________ doit être appréhendé comme
exempt de toute notion défensive. Il importe à cet égard peu que le laps de
temps entre ce tir et les tirs de sommation qui l'ont précédé ait été bref.
L'application de l'art. 33 al. 2 CP ne se justifie pas.

L'incertitude relative aux deux hypothèses précitées exclut de pouvoir
déterminer si le droit fédéral a été appliqué correctement. L'arrêt attaqué
doit dès lors être annulé sur ce point et la cause renvoyée à l'autorité
cantonale à qui il incombera de préciser l'état de fait à ce propos.

4.
Le recourant critique également la peine infligée. L'admission partielle du
pourvoi (cf. supra consid. 3.1.3 et 3.2.3 ) et le renvoi de la cause à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision rendent ce moyen sans objet.

5.
Le pourvoi étant partiellement admis, il ne sera pas perçu de frais et une
indemnité sera allouée au recourant (art. 278 al. 3 PPF).
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause
est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision; pour le surplus,
il est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Il n'est pas perçu de frais.

3.
La Caisse du Tribunal fédéral versera au recourant une indemnité de 3'000
francs à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Ministère public du canton de Fribourg et à la Cour d'appel pénal du Tribunal
cantonal fribourgeois.

Lausanne, le 13 août 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: