Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6S.125/2003
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6S.125/2003/sch

Arrêt du 13 août 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Kolly et Karlen.
Greffier: M. Denys.

Ministère public du canton de Fribourg,
1700 Fribourg,
recourant,

contre

B.X.________, actuellement détenu aux Etablissements
de la Plaine de l'Orbe, 1350 Orbe,
intimé, représenté par Me Patrik Gruber,
avocat, boulevard de Pérolles 26, case postale 123,
1701 Fribourg.

Fixation de la peine,

pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour d'appel pénal du Tribunal
cantonal fribourgeois du 9 janvier 2003.

Faits:

A.
Par jugement du 1er juin 2001, le Tribunal pénal de l'arrondissement du Lac
(canton de Fribourg) a condamné B.X.________, pour meurtre, délit manqué de
meurtre, mise en danger de la vie d'autrui, lésions corporelles simples et
infraction à la loi fédérale sur les armes, à neuf  ans de réclusion, sous
déduction de la détention préventive subie. Par le même jugement, le tribunal
a également condamné le frère de B.X.________, soit C.X.________, ainsi que
plusieurs membres de la famille Z.________.

B.
Par arrêt du 9 janvier 2003, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal
fribourgeois a partiellement admis le recours de B.X.________ et celui du
Ministère public. Elle a condamné B.X.________, pour meurtre, délit manqué de
meurtre, mise en danger de la vie d'autrui, lésions corporelles simples et
infraction à la loi fédérale sur les armes, à neuf ans de réclusion, sous
déduction de la détention préventive subie, et l'a expulsé du territoire
suisse pour dix ans. En bref, il ressort les éléments suivants de cet arrêt:

B.X.________, ressortissant macédonien né en 1975, s'est établi en Suisse en
1998. Son frère C.X.________ vit en Suisse depuis 1988. B.X.________ a fait
la connaissance d'une compatriote, N.________, qu'il a épousée le 31 décembre
1998. Avant de rencontrer B.X.________, N.________ avait entretenu en 1998
une relation d'une semaine environ avec le ressortissant kosovar
Q.Z.________. Celui-ci  n'aurait ensuite jamais cessé de l'importuner, même
après qu'elle eut épousé B.X.________. De fortes tensions ont dès lors existé
entre les familles Z.________ et X.________.

Le 27 septembre 1999, vers 21 h, B.X.________, C.X.________, leur cousin
établi en Allemagne D.X.________, et M.________, le frère de N.________, se
sont rendus en voiture à Morat pour prendre une consommation. B.X.________ et
C.X.________ étaient chacun munis d'un pistolet. Lorsqu'ils se trouvaient à
l'"Irish Tavern", quelqu'un a informé C.X.________ que quatre personnes les
attendaient dehors. Vers 21 h 30, alors qu'ils étaient revenus à leur
voiture, ils ont été approchés par P.Z.________. Il s'est avancé vers
D.X.________ pour lui demander des explications à propos d'une bagarre qui
avait eu lieu le 25 septembre 1999 entre Q.Z.________ et B.X.________.
Q.Z.________ et R.Z.________, qui se trouvaient en retrait, se sont
rapprochés du clan X.________. R.Z.________ avait une barre de fer, d'une
longueur de 40 à 50 cm, dissimulée sous ses habits. Q.Z.________ tenait un
manche à balai. Un quatrième membre de la famille Z.________, S.Z.________,
est apparu avec un marteau de maçon à la main, depuis l'autre côté de la
route et a interpellé ses trois frères. Une personne, probablement
P.Z.________, a alors donné un coup dans le dos de C.X.________. Celui-ci a
sorti son revolver 22 LR et a tiré en direction des pieds des quatre
adversaires. P.Z.________ a été blessé alors qu'il fuyait, notamment par une
balle provenant de l'arme de C.X.________. Celui-ci s'est ensuite dirigé vers
les arcades, où avait fui S.Z.________. Il a tiré dans sa direction.

Quant à B.X.________, il a sorti son pistolet 9 mm dès que son frère a été
frappé dans le dos, a engagé un magasin contenant seize balles et a fait le
mouvement de charge. Il a alors tiré plusieurs coups en direction du sol.
Dans leur fuite, S.Z.________ a été atteint à la partie postérieure de la
cuisse gauche et R.Z.________ au dos. B.X.________ a fait feu sur
Q.Z.________, qui tenait un manche à balai et qui était resté à proximité. Il
l'a ensuite poursuivi alors qu'il fuyait. Q.Z.________ a été touché trois
fois, soit en dessus de la hanche gauche, dans la fesse gauche et au coude
gauche. Il s'est effondré dans la Grand-Rue, entre des voitures stationnées.
La blessure au dessus de la hanche gauche lui a été fatale. B.X.________ a
ensuite rejoint son frère, aux prises avec S.Z.________. Ce dernier a jeté
son marteau vers B.X.________ et C.X.________ et s'est enfui sous les arcades
vers le château. A ce moment, B.X.________ s'est mis en position à genoux et
a tiré dans la direction de S.Z.________, une balle touchant le mur d'une des
arcades. B.X.________, C.X.________, D.X.________ ainsi que M.________ ont
regagné leur voiture pour rentrer chez eux, B.X.________ maniant son arme en
direction des gens assis sur les terrasses.

C.
Le Ministère public fribourgeois se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral
contre l'arrêt du 9 janvier 2003. Il conclut à son annulation.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application du
droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base d'un état de fait définitivement
arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 273 al. 1 let. b et 277bis al. 1
PPF). Le raisonnement juridique doit donc être mené sur la base des faits
retenus dans la décision attaquée, dont le recourant est irrecevable à
s'écarter (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66/67).

2.
Invoquant une violation des art. 63 et 68 CP, le Ministère public s'en prend
à la peine de neuf ans de réclusion infligée. Il considère qu'elle repose sur
une motivation insuffisante et qu'elle est excessivement clémente.

Les critères en matière de fixation de la peine et de sa motivation ont été
rappelés à l'arrêt publié aux ATF 127 IV 101. Il convient de s'y référer.

Le recourant a été reconnu coupable de meurtre, de délit manqué de meurtre,
de lésions corporelles simples, de mises en danger de la vie d'autrui et
d'infraction à la loi fédérale sur les armes. L'infraction la plus grave est
celle de meurtre, susceptible d'au moins cinq ans de réclusion (art. 111 CP).
Conformément à l'art. 68 ch. 1 al. 1 CP, la peine devait être fixée à partir
de cette infraction, avec une augmentation de durée en raison des autres
actes illicites (ATF 127 IV 101 consid. 2b p. 104).

En l'espèce, la Cour d'appel a brièvement motivé la peine. Elle a exposé la
motivation du Tribunal pénal en première instance, sans toutefois dire
qu'elle la faisait sienne. La Cour d'appel a souligné que le recourant
n'avait pas hésité à assouvir sa vengeance envers Q.Z.________ et à mettre en
danger plusieurs personnes; que même s'il était en état de stress au moment
des faits, il avait fait preuve d'un certain contrôle; que les faits
s'étaient déroulés dans un contexte culturel particulier; que le recourant
avait exprimé des regrets aux débats, que ses antécédents n'étaient pas
mauvais et que sa responsabilité pénale était entière (cf. arrêt attaqué, p.
18-20).

Compte tenu des diverses infractions commises, une peine de neuf ans apparaît
plutôt clémente pour un auteur pleinement responsable. La motivation
cantonale, essentiellement générale, ne permet pas de comprendre pourquoi une
telle peine a été infligée. Il semble que le contexte culturel ait été
apprécié dans un sens atténuant. L'absence de motivation spécifique ne permet
pas de saisir le poids accordé à cet élément. Or, la jurisprudence se montre
restrictive par rapport à l'admission d'une différence de moeurs comme
circonstance atténuante (cf. ATF 117 IV 7 consid. 3a/bb p. 9). Par ailleurs,
la Cour d'appel ne consacre aucun développement à l'art. 68 ch. 1 al. 1 CP et
le jugement de première instance n'est pas plus précis, mentionnant
uniquement que cette disposition s'applique compte tenu de la pluralité
d'infractions. Il n'est ainsi pas possible de savoir quelle sanction méritait
l'infraction abstraitement la plus grave et comment les autres infractions
ont été prises en compte dans un sens aggravant. Il est vrai que le juge
n'est pas tenu d'indiquer de manière chiffrée de combien il a augmenté la
peine, même si cela peut faciliter son choix et le contrôle de l'autorité de
recours (ATF 121 IV 49 consid. 2a/aa p. 56), mais encore faut-il qu'en fin de
compte la peine apparaisse plausible. Cela n'est pas le cas en l'espèce, sans
que l'on puisse dire si la peine est exagérément clémente ou si c'est la
motivation de la Cour d'appel qui est insuffisante pour justifier une telle
peine. Il s'ensuit l'admission du pourvoi conformément à l'art. 277 PPF (ATF
127 IV 101 consid. 3 p. 105 in fine).

3.
Aucun frais n'est mis à la charge de l'intimé. Il n'y a pas lieu d'allouer
d'indemnité à l'accusateur public qui obtient gain de cause (art. 278 al. 3
PPF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est admis en application de l'art. 277 PPF, l'arrêt attaqué est
annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle
décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais ni alloué d'indemnité.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au Ministère public du canton de
Fribourg, au mandataire de l'intimé et à la Cour d'appel pénal du Tribunal
cantonal fribourgeois.

Lausanne, le 13 août 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: