Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Kassationshof in Strafsachen 6S.119/2003
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6S.119/2003 /viz

Arrêt du 15 mai 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffière: Mme Kistler.

A. ________,
recourant, représenté par Me Patrick Stoudmann, avocat, place de la Palud 13,
case postale 2208, 1002 Lausanne,

contre

Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne.

infraction grave à la LStup; fixation de la peine,

pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois, Cour de
cassation pénale, du 23 septembre 2002.

Faits:

A.
Par jugement du 19 décembre 2001, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement de Lausanne a condamné A.________, pour infraction grave à
la loi fédérale sur les stupéfiants (ci-après: LStup) et infraction à la loi
fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, à la peine de dix
ans de réclusion, sous déduction de la détention préventive, et a ordonné son
expulsion du territoire suisse pour une durée de quinze ans.
Statuant le 23 septembre 2002, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal vaudois a confirmé ce jugement.

B.
En résumé, cette condamnation repose sur les faits suivants:
A.________, né le 3 avril 1976 à Puk, en Albanie, et B.________, née le 7
juillet 1975 à Lausanne, ont vécu ensemble à partir du mois de septembre
1999. Dès le début du mois de février 2000, ils se sont lancés dans un trafic
de stupéfiants d'envergure. A.________ avait des contacts avec des
fournisseurs albanais à Zurich et B.________, toxicomane de longue date,
connaissait beaucoup d'acheteurs potentiels dans la région lausannoise. Ils
se sont fournis soit directement à Zurich, soit se sont fait livrer depuis
Zurich. Ils coupaient l'héroïne livrée par deux et conditionnaient la
marchandise pour la vente. En février 2000, ils ont procédé à ces opérations
dans les locaux mis à disposition par l'ancien compagnon de la mère de
B.________. A partir du mois de mai 2000, ils ont payé à ce dernier un loyer
de 800 francs par mois sur le produit des ventes. Les ventes se faisaient
d'entente entre eux. Ils se partageaient le bénéfice par moitié.
Le couple a vendu en tout 7'150 grammes d'héroïne. En ce qui concerne
A.________, on peut soustraire de cette quantité 2'000 grammes, à savoir
l'équivalent des ventes réalisées par B.________ pendant son absence de deux
mois en Albanie; il faut en revanche ajouter 50 grammes vendus en novembre
1999. Au total, le trafic de A.________ a donc porté sur 5'200 grammes
d'héroïne, au taux de pureté moyen de 8,5 %.

C.
A.________ forme un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral contre l'arrêt
cantonal. Invoquant une violation de l'art. 63 CP, il conclut à l'annulation
de la décision attaquée. Il sollicite en outre l'assistance judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application du
droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base exclusive de l'état de fait
définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1
let. b PPF). Le raisonnement juridique doit se fonder sur les faits retenus
dans la décision attaquée, dont le recourant ne peut s'écarter.
Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne peut
aller au-delà des conclusions du recourant (art. 277bis PPF). Celles-ci, qui
doivent être interprétées à la lumière de leur motivation, circonscrivent les
points litigieux (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66).

2.
Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé l'art. 63 CP en
prononçant une peine privative de liberté exagérément sévère. Il fait valoir,
en premier lieu, que l'autorité cantonale a retenu à tort qu'il avait agi en
bande. En second lieu, il se plaint d'une inégalité de traitement entre la
peine qui lui a été infligée, à savoir dix ans de réclusion, et celle
infligée à sa coaccusée B.________, frappée pour sa part d'une peine de huit
ans de réclusion; l'activité délictueuse de cette dernière a porté en effet
sur deux kilos d'héroïne de plus et a duré deux mois de plus; en outre, elle
avait des antécédents judiciaires très récents.

2.1 Aux termes de l'art. 63 CP, le juge fixera la peine d'après la
culpabilité du délinquant, en tenant compte des mobiles, des antécédents et
de la situation personnelle de ce dernier. Le critère essentiel est celui de
la gravité de la faute. Le juge doit prendre en considération, en premier
lieu, les éléments qui portent sur l'acte lui-même, à savoir sur le résultat
de l'activité illicite, sur le mode et l'exécution de l'acte et, du point de
vue subjectif, sur l'intensité de la volonté délictueuse ainsi que sur les
mobiles. L'importance de la faute dépend aussi de la liberté de décision dont
disposait l'auteur; plus il lui aurait été facile de respecter la norme qu'il
a enfreinte, plus lourdement pèse sa décision de l'avoir transgressée et,
partant, sa faute (ATF 127 IV 101 consid. 2a p. 103). Les autres éléments
concernent la personne de l'auteur, soit ses antécédents, sa situation
personnelle, familiale et professionnelle, sa formation et sa réputation (ATF
118 IV 21 consid. 2b p. 25).
Ces principes s'appliquent aussi en matière d'infractions à la LStup. La
quotité de la peine doit donc être fixée en fonction de la gravité de la
faute imputable à l'auteur et non du danger que représente la drogue sur
laquelle a porté le trafic. Ce danger est certes l'un des éléments pertinents
pour apprécier la gravité de la faute, mais il doit être estimé conjointement
avec plusieurs autres, sans revêtir une importance prépondérante. La quantité
de drogue en jeu et, le cas échéant, la pureté de celle-ci est d'autant moins
déterminante que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit
être considéré comme grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup (ATF 122
IV 299 consid. 2c p. 301; 121 IV 193 consid. 2b/aa p. 196).

2.2 Le Tribunal fédéral, qui n'interroge pas lui-même les accusés ou les
témoins et qui n'établit pas les faits, est mal placé pour apprécier
l'ensemble des paramètres pertinents pour individualiser la peine. Son rôle
est au contraire d'interpréter le droit fédéral et de dégager des critères et
des notions qui ont une valeur générale. Il n'a donc pas à substituer sa
propre appréciation à celle du juge de répression ni à ramener à une sorte de
moyenne toute peine qui s'en écarterait. Il ne peut intervenir, en
considérant le droit fédéral comme violé, que si la sanction a été fixée en
dehors du cadre légal, si elle est fondée sur des critères étrangers à l'art.
63 CP, si les éléments d'appréciation prévus par cette disposition n'ont pas
été pris en compte ou enfin si la peine apparaît exagérément sévère ou
clémente au point que l'on doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation
(ATF 127 IV 101 consid. 2c p. 104).
Cela étant, le juge doit exposer, dans sa décision, les éléments essentiels
relatifs à l'acte ou à l'auteur qu'il prend en compte, de manière à ce que
l'on puisse constater que tous les aspects pertinents ont été pris en
considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens
atténuant ou aggravant. La motivation doit justifier la peine prononcée, en
permettant de suivre le raisonnement adopté; mais le juge n'est nullement
tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentages l'importance qu'il accorde à
chacun des éléments qu'il cite (ATF 127 IV 101 consid. 2c p. 104 s.).
2.3 Se fondant sur un arrêt du 27 septembre 1996, le recourant soutient que
son association avec sa coaccusée découlait de leur communauté conjugale et
non d'une volonté concrète de s'associer en vue de commettre des infractions
(ATF 122 IV 265 consid. 2d p. 268 s.) et  que, partant, l'autorité cantonale
a retenu à tort la circonstance aggravante de l'affiliation à une bande lors
de la fixation de la peine (art. 63 CP).

2.3.1 Le fait que le recourant a agi ou non en bande ne saurait en l'espèce
avoir une influence sur la qualification de l'infraction ou le cadre de la
peine. En effet, il n'est pas contesté que l'activité délictueuse reprochée
au recourant doit être qualifiée de grave au sens de l'art. 19 ch. 2 LStup,
dès lors qu'elle porte sur une quantité qui est nettement supérieure à 12
grammes d'héroïne pure et qui peut en conséquence mettre en danger la santé
de nombreuses personnes (ATF 119 IV 180 consid. 2d p. 185 ss). Le cas grave
est donc déjà retenu en raison de la quantité de stupéfiants en cause, et la
réalisation d'un autre motif pour lequel le cas doit être qualifié de grave
ne saurait modifier la qualification de l'infraction, ni le cadre légal de la
peine (ATF 124 IV 286 consid. 3 p. 295; 122 IV 265 consid. 2c p. 268; 120 IV
330 consid. 1c/aa p. 333). La réalisation de la circonstance aggravante
d'affiliation à une bande peut cependant avoir une influence sur la mesure de
la peine, qui dépend de la gravité de la faute (art. 63 CP; ATF 120 IV 330
consid. 1c/aa p. 333).

2.3.2 Selon la jurisprudence, l'affiliation à une bande est réalisée lorsque
deux ou plusieurs auteurs manifestent expressément ou par actes concluants la
volonté de s'associer en vue de commettre plusieurs infractions
indépendantes, même si elles ne sont pas encore déterminées. L'association
(également composée de deux personnes uniquement) a en effet pour
caractéristique de renforcer physiquement et psychiquement chacun des
membres, de sorte qu'elle les rend particulièrement dangereux et laisse
prévoir la commission d'autres infractions de ce type (ATF 124 IV 86 consid.
2b p. 88 s., 286 consid. 2a p. 293). Contrairement à ce que semble croire le
recourant, l'ATF 122 IV 265 consid. 2d n'exclut pas la notion de bande en
présence de deux coaccusés mariés l'un à l'autre; il précise seulement que
l'affiliation à une bande ne saurait se fonder sur le seul fait que les époux
ont agi ensemble, dès lors qu'il est plus ou moins normal que deux époux
soient ensemble, mais qu'il faut examiner si ces derniers ont développé in
concreto une association qui rendrait plus lourde la faute de l'un ou de
l'autre, voire des deux.
En l'occurrence, il ressort des constatations de fait de l'autorité
cantonale, qui lient la Cour de céans (art. 277bis al. 1er PPF), que le
recourant et B.________ se sont partagés les rôles et le travail. Ils ont
réunis leurs contacts respectifs auprès des acheteurs et des fournisseurs.
Ils ont procédé à la préparation de la drogue et à son conditionnement dans
des locaux qu'ils ont loués en commun et dont ils ont payé le loyer avec le
bénéficie de leur trafic; les ventes se faisaient d'entente entre eux et ils
se partageaient le bénéfice par moitié. Leur collaboration doit en
conséquence être qualifiée d'intense et il est à cet égard sans importance
que leur association ait pris forme seulement après leur mise en ménage.
L'autorité cantonale n'a donc pas violé le droit fédéral en retenant qu'ils
avaient agi en bande, et c'est à juste titre qu'elle a tenu compte de cet
élément lors de la fixation de la peine. Infondé, le grief du recourant doit
être rejeté.

2.4 Le recourant fait valoir en outre une inégalité de traitement par rapport
à sa coaccusée. En règle générale, toute comparaison des peines est stérile
vu les nombreux paramètres intervenant dans la fixation de la peine. Il ne
suffit notamment pas que le recourant puisse citer un ou deux cas où une
peine particulièrement clémente a été fixée pour prétendre à un droit à
l'égalité de traitement (ATF 120 IV 136 consid. 3a i.f. p. 144). Il n'en
demeure pas moins qu'un écart important entre les peines infligées à deux
coaccusés prévenus pour l'essentiel des mêmes infractions doit être fondé sur
des motifs pertinents (ATF 120 IV 136 consid. 3b p. 145; 121 IV 202 consid.
2d p. 204 ss).
En l'espèce, si B.________ a effectivement trafiqué deux kilos d'héroïne de
plus durant l'absence de deux mois du recourant - épisode dans lequel
celui-ci ne fait toutefois pas figure d'innocent puisqu'il a touché sa part
de bénéfice -, l'autorité cantonale a retenu à la décharge de la jeune femme
plusieurs éléments qui ne s'appliquent pas au recourant: une situation
personnelle difficile liée à une lourde et ancienne toxicomanie, une légère
diminution de responsabilité au sens des art. 11 et 66 CP, une collaboration
rapide et complète avec les enquêteurs, une prise de conscience certaine et
des regrets exprimés et jugés sincères. Au vu de ces motifs pertinents, la
différence de traitement entre le recourant et B.________ ne prête pas à
critique. Mal fondé, le grief du recourant doit être écarté.

2.5 Il convient enfin d'examiner si, au vu de l'ensemble des circonstances,
la peine infligée apparaît exagérément sévère au point de constituer un abus
du pouvoir d'appréciation.
En l'occurrence, le comportement du recourant réalise les trois circonstances
aggravantes prévues aux lettres a, b et c de l'art. 19 ch. 2 LStup. Son
trafic a porté sur une quantité importante d'héroïne (5,2 kg). Il jouait le
rôle de grossiste et "a mené son activité délictueuse comme une PME"
(jugement de première instance, p. 56). N'étant pas toxicomane, il a
uniquement agi par appât du gain. Seule son arrestation a mis fin à ses
activités délictueuses. Le recourant n'a par ailleurs pas exprimé des regrets
sincères et n'a pas pris conscience du caractère illicite de ses actes. A sa
décharge, on peut relever son jeune âge au moment des faits, l'absence
d'antécédents judiciaires et son bon comportement en détention.
Dans ces circonstances, la faute du recourant ne peut être qualifiée que de
très grave; elle justifie une lourde peine. La peine de dix ans de réclusion
n'apparaît dès lors pas sévère à un point tel qu'il faille conclure à un abus
du large pouvoir d'appréciation accordé à l'autorité cantonale.

3.
Au vu de ce qui précède, le pourvoi doit être rejeté. Le recourant, qui
succombe, doit être condamné aux frais (art. 278 al. 1 PPF).
Comme son pourvoi était d'emblée dépourvu de chance de succès, l'assistance
judiciaire doit être refusée (art. 152 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois, Cour de
cassation pénale.

Lausanne, le 15 mai 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: