Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6S.109/2003
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6S.109/2003 /dxc

Arrêt du 6 juin 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président, Kolly et Pont Veuthey, Juge
suppléante.
Greffière: Mme Bendani.

X. ________,
recourant, représenté par Me François Membrez, avocat, rue Bellot 9, 1206
Genève,

contre

Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale
3565, 1211 Genève 3.

brigandage; fixation de la peine,

pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève,
Chambre pénale, du 24 février 2003.

Faits:

A.
X. ________ est né le 15 mai 1981, à Saint-Julien-en-Genevois (France). Il
vit chez son père, à Cessy, en France. Au bénéfice d'un baccalauréat, il n'a
pas de formation professionnelle. Il travaille dans l'entreprise paternelle
comme mécanicien sur machines agricoles. Il n'a pas d'antécédent judiciaire.

B.
Le 18 juillet 2002, X.________ s'est rendu à Ferney Voltaire (France) pour y
rencontrer son ami Y.________. Discutant de leur situation financière
précaire, ils ont décidé d'agresser une passante. Ils ont donc quitté
l'appartement vers 21 h 30 pour aller en Suisse au moyen d'une VW Golf
appartenant à une connaissance. Arrivés au centre commercial de Meyrin, ils
ont garé leur véhicule sur le parking situé en face d'un arrêt de bus et y
sont demeurés environ une heure afin de repérer les lieux et trouver une
victime. Après avoir remarqué une passante, A.________, cheminer seule sur un
trottoir non éclairé, ils ont décidé de passer à l'acte. X.________ est alors
sorti de la voiture, tandis que son comparse a avancé le véhicule le long du
trottoir pour l'attendre un peu plus loin. Après avoir dépassé sa victime, il
a attendu qu'elle arrivât à sa hauteur, puis lui a arraché son sac à main, en
tirant d'un coup sec sur la lanière. Il a ensuite couru vers la voiture et
les deux comparses ont alors quitté les lieux pour retourner en France.
Arrivés à Ferney Voltaire, ils ont jeté le sac à main dans un container et
ont conservé les cartes de crédit, l'argent, soit environ 20 francs, les
clefs et les lunettes qu'il contenait. Ils ont essayé, sans succès,
d'effectuer des retraits au moyen des cartes bancaires et de crédits trouvées
dans le sac de la victime.

A. ________, née en 1942, a tenté en vain de retenir son sac à main et a été
légèrement blessée, le certificat médical établi le 19 juillet 2002 faisant
état d'un hématome de 9 x 6 cm au niveau de la face interne du poignet gauche
et d'une hypertension artérielle. Elle n'est toutefois pas tombée et a essayé
de poursuivre son agresseur. Elle a récupéré ce qui lui avait été dérobé, à
l'exception de son sac à main et d'une somme d'environ 20 francs. Elle a
indiqué avoir été traumatisée juste après l'événement, mais n'avoir plus
aucune séquelle à ce jour. Elle ne s'est pas constituée partie civile.

X.________ a été interpellé le 1er septembre 2002 à son entrée en Suisse par
les douaniers du poste frontière de Chavanne-de-Bogis. Il a admis les faits
qui lui étaient reprochés. Il a indiqué avoir voulu se procurer de l'argent
sans faire de mal, ni violenter sa victime. Il a notamment insisté sur le
fait qu'il n'avait pas touché cette dernière, mais qu'il s'était borné à
tirer une seule fois sur son sac à main pour l'arracher.

C.
Par jugement du 22 novembre 2002, la 1ère Chambre du Tribunal de police du
canton de Genève a reconnu X.________ et Y.________ coupables de brigandage
(art. 140 CP). Elle les a condamnés à une peine d'un an emprisonnement avec
sursis pendant 4 ans et a prononcé leur expulsion du territoire de la
Confédération pour une durée de cinq ans avec sursis pendant 4 ans.

D.
Statuant sur les appels interjetés par X.________ et Y.________, la Chambre
pénale de la Cour de justice genevoise, par arrêt du 24 février 2003, les a
écartés et a confirmé le jugement attaqué.

E.
Invoquant une violation des art. 140 et 63 CP, X.________ se pourvoit en
nullité au Tribunal fédéral et conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué. Il
requiert l'assistance judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisie d'un pourvoi en nullité, qui ne peut être formé que pour violation du
droit fédéral (art. 269 PPF), la Cour de cassation contrôle l'application de
ce droit sur la base d'un état de fait définitivement arrêté par l'autorité
cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1 let. b PPF). Le raisonnement
juridique doit donc être mené sur la base des faits retenus dans la décision
attaquée, dont le recourant est irrecevable à s'écarter (ATF 126 IV 65
consid. 1 p. 66 et les arrêts cités).

2.
Le recourant conteste sa condamnation pour brigandage (art. 140 CP).

2.1 Aux termes de l'art. 140 al. 1 CP, en vigueur depuis le 1er janvier 1995,
celui qui aura commis un vol en usant de violence à l'égard d'une personne,
en la menaçant d'un danger imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle ou
en la mettant hors d'état de résister sera puni de la réclusion pour dix ans
au plus ou de l'emprisonnement pour six mois au moins.

Le brigandage n'est consommé que si le vol a été commis. Il s'agit d'une
forme aggravée du vol qui se caractérise par les moyens que l'auteur a
employés (ATF 124 IV 102 consid. 2 p. 104). Ainsi, à la différence du voleur,
qui agit clandestinement ou par surprise, l'auteur recourt à la contrainte
pour soustraire la chose d'autrui. Le brigandage n'est donc pas exclusivement
une infraction contre le patrimoine, mais aussi contre la liberté, ce qui
explique qu'elle soit plus sévèrement réprimée (Corboz, Les infractions en
droit suisse, Volume I, Berne 2002, n. 4 p. 247).

La violence est toute action physique immédiate sur le corps de la personne
qui doit défendre la possession de la chose (Corboz, op. cit., n. 5 p. 247;
Niggli/Riedo, Basler Kommentar, Strafgesetzbuch II, ad art. 140, n. 14 p.
343; Rehberg/Schmid/Donatsch, Strafrecht III, 8ème éd., p. 138; Stratenwerth,
Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil I, Berne 1995, n. 115 s. p. 283).
Au lieu de la violence, l'auteur peut employer la menace d'un danger imminent
pour la vie ou l'intégrité corporelle, à l'exclusion d'autres biens
juridiquement protégés. Depuis la révision de la loi, il importe peu que la
victime ait été mise dans l'incapacité de se défendre; il suffit que l'auteur
ait recouru aux moyens indiqués et que le vol ait été consommé (FF 1991 II
972; arrêt non publié du Tribunal fédéral du 18 avril 1997, 6S.102/1997;
Niggli/Riedo, op. cit., n. 18 p. 344; Corboz, op. cit., n. 5 p. 247). En
effet, contrairement à l'art. 139 aCP qui punissait le fait de mettre une
personne hors d'état de résister, en particulier et surtout, en usant de
violence à son égard ou en la menaçant d'un danger imminent pour la vie ou
l'intégrité corporelle, le nouvel art. 140 CP prévoit que le simple fait de
rendre la victime incapable de résister constitue désormais une troisième
forme autonome de commission du brigandage. De cette manière, le recours à la
violence ou à la menace ne doit plus nécessairement entraîner l'incapacité de
la victime à se défendre pour que le brigandage soit consommé (FF 1991 II
972).

Dans un arrêt non publié du 18 avril 1997 (6S.102/1997), le Tribunal fédéral
a admis que les brigandages étaient réalisés dans le cas où l'accusé avait
arraché le sac à main d'une femme qui avait tenté de résister et reçu un coup
involontaire au visage et dans celui où il avait arraché le sac d'une femme
qui s'était défendue et dont le sac s'était alors ouvert, ce qui lui avait
permis de s'emparer du porte-monnaie de la victime.

Concernant l'aspect subjectif, l'intention doit porter sur tous les éléments
constitutifs de l'infraction et donc notamment sur le moyen de contrainte
utilisé, soit la violence ou la menace d'un danger imminent pour la vie ou
l'intégrité corporelle à l'égard d'une personne ou le fait de la mettre hors
d'état de résister. L'auteur doit également avoir le dessein de s'approprier
la chose et de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement
illégitime (cf. Corboz, op. cit., n. 10 à 12 p. 248; Niggli/Riedo, op. cit.,
n. 38 s. p. 349 s.).
2.2 Le recourant soutient d'abord que les conditions objectives de l'art. 140
al. 1 CP ne sont pas réalisées, puisque la victime n'a pas été mise hors
d'état de résister et qu'il n'a exercé aucune violence directe à son
encontre.

La critique du recourant selon laquelle les conditions objectives posées par
l'art. 140 CP ne sont pas réalisées au motif que la victime n'a pas été mise
hors d'état de résister tombe à faux. En effet, si l'auteur recourt à la
violence ou à la menace, il n'est nullement exigé que ce moyen ait pour effet
de mettre la victime hors d'état de résister (cf. supra, consid. 2.1).

Il reste donc à examiner si le recourant a usé de violence. Selon les
constatations cantonales qui lient la cour de céans (cf. supra, consid. 1),
le recourant a arraché, avec force, le sac à main de la victime qui a essayé,
en vain, de résister en retenant son bien. Même si elle n'est pas tombée, la
passante a été légèrement blessée, le certificat médical établi le lendemain
de l'agression faisant état d'un hématome de 9 x 6 centimètres et d'une
hypertension artérielle. Ainsi, au regard de la force utilisée pour arracher
le sac tenu en bandoulière sur l'épaule, du fait que la victime ait résisté
et qu'elle ait subi des blessures, le recourant a bien exercé une violence et
n'a pas simplement agi par surprise à l'encontre de la passante. Enfin, que
le recourant n'ait pas directement touché cette dernière n'enlève rien au
fait qu'il a usé de violence à son encontre en lui arrachant avec force le
sac qu'elle a tenté en vain de retenir (cf. arrêt non publié du Tribunal
fédéral du 18 avril 1997, 6S.102/1997).

2.3  Le recourant conteste ensuite la réalisation de l'aspect subjectif de
l'infraction, l'intention n'ayant pas porté sur le moyen de contrainte
utilisé.
Déterminer ce que l'auteur sait, veut ou l'éventualité à laquelle il consent,
relève des constatations de fait qui lient la Cour de cassation, de même que
déterminer le dessein ou les mobiles de l'auteur (ATF 125 IV 49 consid. 2d p.
56; 121 IV 90 consid. 2b p. 92 et les arrêts cités). En conséquence, est seul
recevable le moyen tiré d'une interprétation ou d'une application erronée des
notions d'intention et d'enrichissement illégitime.

Selon l'arrêt attaqué, l'intention du recourant était de s'approprier le sac
à main de la victime et de se procurer un enrichissement illégitime afin
d'améliorer sa mauvaise situation financière. La cour cantonale a relevé que
le recourant ne pouvait ignorer qu'en tirant ainsi fortement sur la lanière
du sac, il risquait de blesser sa victime, risque qui s'est d'ailleurs
concrétisé, et qu'au vu de la taille de l'hématome dont elle a souffert, le
recourant a dû user d'une certaine violence pour s'emparer de l'objet. Elle a
encore retenu que les comparses ont décidé d'un commun accord d'agresser une
passante, soit d'user délibérément de violence à son encontre. Il s'agit là
d'une constatation de fait qui lie le Tribunal fédéral et autant que le
recourant la conteste dans son pourvoi, sa critique est irrecevable (cf.
supra, consid. 1).

2.4 En conclusion, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en
condamnant le recourant pour brigandage.

3.
Invoquant une violation de l'art. 63 CP, le recourant se plaint de la peine
infligée.

3.1 Pour fixer la peine, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation.
Un pourvoi en nullité portant sur la quotité de la peine ne peut donc être
admis que si la sanction a été fixée en dehors du cadre légal, si elle est
fondée sur des critères étrangers à l'art. 63 CP, si les éléments
d'appréciation prévus par cette disposition n'ont pas été pris en compte ou
enfin si la peine apparaît exagérément sévère ou clémente au point que l'on
doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 127 IV 101 consid. 2c
p. 104; 124 IV 286 consid. 4a p. 295; 123 IV 49 consid. 2a p. 51, 150 consid.
2a p. 152 s. et les arrêts cités).

Le juge doit exposer dans sa décision les éléments essentiels relatifs à
l'acte ou à l'auteur qu'il prend en compte, de manière à ce que l'on puisse
constater que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et
comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens atténuant ou
aggravant; il peut passer sous silence les éléments qui, sans abus du pouvoir
d'appréciation, lui paraissent non pertinents ou d'une importance mineure. La
motivation doit justifier la peine prononcée, en permettant de suivre le
raisonnement adopté; mais le juge n'est nullement tenu d'exprimer en chiffres
ou en pourcentages l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il
cite. Un pourvoi ne saurait être admis simplement pour améliorer ou compléter
un considérant lorsque la décision rendue apparaît conforme au droit (ATF 127
IV 101 consid. 2c p. 104 s.; 122 IV 265 consid. 2d p. 269).

La gravité de la faute est le critère essentiel à prendre en considération
dans la fixation de la peine et le juge doit l'évaluer en fonction de tous
les éléments pertinents, notamment ceux qui ont trait à l'acte lui-même, à
savoir le résultat de l'activité illicite, le mode d'exécution, l'intensité
de la volonté délictuelle et les mobiles, et ceux qui concernent l'auteur,
soit les antécédents, la situation personnelle et le comportement après
l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 127 IV 101 consid. 2a p. 103;
122 IV 241 consid. 1a p. 243; 118 IV 21 consid. 2b p. 24 s.; 117 IV 112
consid. 1; 116 IV 288 consid. 2a).

3.2 Le recourant rappelle que la victime n'a pas subi de dommage,
puisqu'elle a pu récupérer la plupart de ses affaires et ne s'est pas
constituée partie civile. Il soutient que la cour cantonale doit tenir compte
du fait qu'il n'a pas d'antécédent judiciaire, qu'il est un jeune adulte et
qu'il a exprimé ses regrets à l'encontre de la victime.

Ces critiques sont vaines. En effet, la cour cantonale a constaté que la
victime avait récupéré ce qu'on lui avait dérobé, à l'exception de son sac et
d'une somme d'environ 20 francs, qu'elle avait souffert d'un hématome au
niveau de la face interne du poignet gauche et d'une hypertension artérielle,
sans avoir conservé aucune séquelle à ce jour, et qu'elle ne s'était pas constituée partie civile. Elle a également relevé l'âge du recourant et le
fait qu'il n'avait pas d'antécédent judiciaire. Enfin, il est faux de
prétendre que la cour cantonale aurait omis de prendre en considération les
regrets exprimés par le recourant, cet élément n'ayant pas été constaté dans
les faits.

3.3 Dès lors que le recourant ne peut citer aucun élément important propre à
modifier la peine, qui aurait été omis ou pris en considération à tort, il ne
reste plus qu'à examiner si, au vu des faits retenus, la peine infligée
apparaît exagérément sévère au point de constituer un abus du pouvoir
d'appréciation.

En raison de l'infraction retenue, le recourant encourait une peine de
réclusion pour dix ans au plus ou de l'emprisonnement pour six mois au moins
(cf. art. 140 al. 1 CP). Selon l'arrêt attaqué, les comparses ont décidé de
commettre un brigandage pour se procurer de l'argent. Ils ont donc quitté
Ferney Voltaire pour se rendre à Meyrin, où ils ont stationné leur véhicule
et attendu environ une heure afin de repérer les lieux et trouver une
victime. Ils ont décidé de passer à l'acte en voyant une passante seule sur
le trottoir qui n'était pas éclairé. Le recourant lui a alors arraché son sac
à main avec force et a pris la fuite. La victime a tenté de résister et a été
légèrement blessée. Dans ces circonstances, la faute du recourant est loin
d'être légère. L'absence d'antécédent, l'âge du recourant et le fait que la
victime ait pu récupérer certaines de ses affaires ne contrebalancent que
faiblement les éléments à charge. Dans ces conditions, la peine, certes
sévère, d'un an d'emprisonnement avec sursis pendant 4 ans et l'expulsion du
territoire suisse pour une durée de 5 ans avec sursis pendant 4 ans
n'apparaît pas sévère au point de constituer un abus du pouvoir
d'appréciation. Elle ne viole donc pas le droit fédéral.

4.
Le pourvoi doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable.

S'agissant de la question de la fixation de la peine, le recours n'était pas
d'emblée dépourvu de chances de succès et l'assistance judiciaire sera
accordée au recourant qui a suffisamment démontré qu'il était dans le besoin
(art. 152 al. 1 OJ). En conséquence, il ne sera pas perçu de frais et une
indemnité sera versée à l'avocat du recourant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il n'est pas perçu de frais.

4.
La Caisse du Tribunal fédéral versera une indemnité de 2'000 francs à
l'avocat du recourant.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Procureur général du canton de Genève et à la Cour de justice du canton de
Genève, Chambre pénale.

Lausanne, le 6 juin 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: