Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6P.55/2003
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6P.55/2003 /rod
6S.140/2003

Arrêt du 6 août 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Kolly et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Denys.

X. ________,
recourante, représentée par Me Roland Burkhard, avocat, boulevard
Georges-Favon 13, 1204 Genève,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Stéphane Zen-Ruffinen, avocat, boulevard
Saint-Georges 72, 1205 Genève,
Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale
3565, 1211 Genève 3,
Tribunal de la Jeunesse du canton de Genève, rue des Chaudronniers 7, 1204
Genève.

Art. 6 et 13 CEDH, 49 Cst., etc. (procédure pénale); art. 8 et 9 LAVI,

recours de droit public et pourvoi en nullité contre le jugement du Tribunal
de la Jeunesse genevois du 26 février 2003

Faits:

A.
X. ________ a été violée dans un parking le 1er janvier 2002. Elle a déposé
plainte contre inconnu sept mois plus tard. Dans le cadre de l'enquête, elle
a reconnu le mineur Y.________, né le 18 décembre 1987, comme son agresseur
probable.

B.
Le 26 février 2003, le Tribunal de la jeunesse genevois a acquitté Y.________
au bénéfice du doute. X.________ en a été informée par lettre du 19 mars
2003.

C.
X.________ a saisi le Tribunal fédéral d'un pourvoi en nullité le 22 avril
2003 et d'un recours de droit public le 28 avril 2003. Elle a requis
l'assistance judiciaire.

Paralèllement, X.________ a interjeté un pourvoi en cassation cantonal. Par
arrêt du 16 mai 2003, la Cour de cassation genevoise a déclaré le pourvoi
cantonal irrecevable.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48; 127 IV 148 consid. 1a p. 151). En cas
de recours manifestement irrecevable ou infondé, l'arrêt est motivé
sommairement (art. 36a al. 3 OJ).

1.1 Le recours de droit public, sous réserve d'exceptions qui n'entrent pas
en considération en l'espèce, est uniquement ouvert contre des décisions
rendues en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ; ATF 120 Ia 61
consid. 1a p. 62). Le pourvoi en nullité pour sa part peut uniquement être
interjeté contre des jugements cantonaux non susceptibles d'un recours
cantonal pour violation du droit fédéral (art. 268 ch. 1 PPF; ATF 126 IV 107
consid. 1b/aa p. 109). Il s'ensuit qu'avant de pouvoir valablement saisir le
Tribunal fédéral, la recourante doit d'abord avoir épuisé les voies de
recours cantonales.

1.2 La recourante se plaint essentiellement de ne pas avoir bénéficié de la
qualité de partie dans la procédure devant le Tribunal de la jeunesse. Elle
invoque en particulier une violation de l'art. 8 LAVI, de divers principes
constitutionnels et de garanties de procédure découlant de la CEDH.

L'art. 8 al. 1 LAVI prévoit que la victime peut intervenir dans la procédure
et qu'elle peut en particulier y faire valoir ses prétentions civiles (let.
a) et former contre le jugement les mêmes recours que le prévenu, si elle
était déjà partie à la procédure auparavant et dans la mesure où cette
sentence touche ses prétentions civiles ou peut avoir des effets sur le
jugement de ces dernières (let. c). En procédure genevoise, l'accusé mineur
peut attaquer un jugement du Tribunal de la jeunesse par le biais d'un
pourvoi en cassation devant la Cour de cassation genevoise (art. 39 de la loi
genevoise sur les juridictions pour enfants et adolescents [LJEA/GE]). Par
cette voie, l'accusé mineur peut notamment invoquer des violations de la loi
pénale, des violations de dispositions essentielles de la procédure et des
violations des droits des parties (art. 340 du Code de procédure pénale
genevois [CPP/GE]).

La recourante revendique l'application de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI et
soulève des violations du droit fédéral et constitutionnel qui  correspondent
à des critiques pour lesquelles la voie du pourvoi en cassation cantonal est
ouverte à l'accusé mineur. Dans ces conditions, la recourante devait utiliser
cette voie de droit pour contester le jugement du Tribunal de la jeunesse, et
ensuite seulement, contre l'arrêt de la Cour de cassation genevoise, saisir
le Tribunal fédéral. En procédant directement devant le Tribunal fédéral
contre le jugement du Tribunal de la jeunesse du 26 février 2003, la
recourante n'a pas épuisé les instances cantonales. En conséquence, le
recours de droit public et le pourvoi en nullité sont irrecevables.

2. Au demeurant, les recours ne seraient pas fondés.

2.1 Ayant subi un viol, la recourante a qualité de victime (art. 2 LAVI). A
ce titre, elle bénéficie en principe des droits conférés par l'art. 8 al. 1
let. a et c LAVI. Toutefois, en ce qui concerne les prétentions civiles, les
cantons peuvent édicter des dispositions différentes pour les procédures
dirigées contre des enfants et des adolescents (art. 9 al. 4 LAVI).

A l'égard de l'art. 8 LAVI, le message du Conseil fédéral précise ce qui
suit: "En ce qui concerne le traitement des prétentions civiles, les cantons
ont toutefois la possibilité d'édicter des dispositions différentes pour les
procédures dirigées contre des enfants et des adolescents [...] (art. 9, 4e
al.). S'ils excluent, dans ces procédures, le jugement de prétentions
civiles, la victime n'a pas non plus les droits prévus aux lettres a et c"
(FF 1990 II 934 in initio.). Le canton peut donc, selon la volonté claire du
législateur fédéral, exclure le droit de la victime de se constituer partie
civile dans la procédure pénale contre les enfants et adolescents (art. 8 al.
1 let. a LAVI) et de recourir contre le jugement rendu à leur encontre (art.
8 al. 1 let. c LAVI). Il subsiste alors uniquement le droit de la victime de
demander qu'un tribunal statue sur le refus d'ouvrir l'action publique ou sur
le non-lieu (art. 8 al. 1 let. b LAVI; ATF 122 IV 79 consid. 4b/cc p. 88/89;
dans le même sens: Peter Gomm/ Peter Stein/ Dominik Zehntner, Kommentar zum
Opferhilfegesetz, Berne 1995, art. 9 n. 20).

2.2 Dans son pourvoi, la recourante se plaint de l'incompatibilité de la
procédure genevoise avec la LAVI. L'art. 49 LJEA/GE exclut toute constitution
de partie civile devant les juridictions pour enfants et adolescents. L'art.
39 LJEA/GE ne prévoit pas la qualité pour recourir de la victime contre les
décisions de ces juridictions. Ces dispositions  sont conformes aux art. 8 et
9 LAVI et ne violent en conséquence pas le droit fédéral. Sur ce point, le
pourvoi est infondé. Quant aux critiques relatives à diverses dispositions
constitutionnelles, elles sont irrecevables dans le cadre d'un pourvoi en
nullité (art. 269 al. 2 PPF).

2.3 Dans son recours de droit public, la recourante émet des critiques
relatives au droit fédéral, lesquelles sont irrecevables (art. 84 al. 2 OJ,
art. 269 al. 1 PPF).

Le Tribunal fédéral est tenu d'appliquer le droit fédéral (art. 191 Cst.). Il
ne peut donc pas examiner la constitutionnalité de l'art. 9 al. 4 LAVI. Un
tel grief soulevé dans le cadre d'un recours de droit public est d'emblée
irrecevable.

Les art. 6 et 13 CEDH n'ont pas été violés. En effet, le lésé ne bénéficie
pas des garanties procédurales de l'art. 6 CEDH, et celles-ci ne s'appliquent
pas au procès civil par adhésion lorsqu'existe la possibilité, comme à
Genève, d'un procès civil ordinaire (cf. Mark Villiger, Handbuch der
Europäischen Menschenrechtskonvention, 2ème éd., Zurich 1999, n. 386 et 392).
Quant à l'art. 13 CEDH, qui exige un droit à un recours effectif en cas de
violation des droits et libertés reconnues par la CEDH, il est sans
pertinence à défaut de la violation invoquée de l'art. 6 CEDH.
Enfin, faute de qualité de partie, la recourante n'est pas recevable à
contester la décision au fond et ainsi à mettre en cause la libération de
l'accusé.

3.
Les recours étaient voués à l'échec, ce qui entraîne le refus de l'assistance
judiciaire (art. 152 OJ). La recourante supporte les frais de la procédure
(art. 156 al. 1 OJ, art. 278 al. 1 PPF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est irrecevable.

2.
Le pourvoi en nullité est irrecevable.

3.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

4.
Un émolument judiciaire de 1'000 francs est mis à la charge de la recourante.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Procureur général du canton de Genève et au Tribunal de la Jeunesse genevois.

Lausanne, le 6 août 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: