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Kassationshof in Strafsachen 6P.166/2003
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6P.166/2003
6S.457/2003

Arrêt du 12 février 2004
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Kolly et Zünd.
Greffier: M. Denys.

X. ________,
recourant, représenté par Me Lachemi Belhocine, avocat,

contre

Ministère public du canton de Fribourg,
rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg,
Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, case postale
56, 1702 Fribourg.

Procédure pénale, arbitraire; violation des règles de l'art de construire,

recours de droit public et pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour
d'appel pénal du Tribunal cantonal fribourgeois du 17 novembre 2003.

Faits:

A.
Par jugement du 13 février 2003, le Juge de police de la Gruyère a condamné
X.________, pour violation des règles de l'art de construire (art. 229 al. 2
CP), à quinze jours d'emprisonnement. Le juge a par ailleurs acquitté les
dénommés A.________, B.________, C.________ et D.________.

B.
Par arrêt du 17 novembre 2003, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal
fribourgeois a rejeté le recours de X.________ et confirmé le jugement de
première instance. En bref, les éléments suivants ressortent de cet arrêt:
B.aLe 4 juin 1996, la structure métallique de l'éclairage du giratoire sis à
la Tour-de-Trême s'est effondrée sur la chaussée, causant des dégâts à deux
véhicules. Il ressort du rapport de gendarmerie établi à cette occasion que
le 3 juin 1996, dès 14 h 30, l'entreprise E.________ SA a commencé
l'installation de la structure métallique, notamment la pose d'ancrages, en
prévision de la structure porteuse de l'éclairage réalisée dans ses ateliers.
En soirée, l'entreprise a procédé à la pose de la couronne et des piliers,
avec tirants à l'arrière et tirants provisoires vers l'avant. Vers 22 h 30,
l'entreprise a posé les câbles sur la couronne et les attaches sur les
piliers, la structure étant maintenue provisoirement par un camion-grue. Ce
dernier a été retiré vers 23 h 30. Durant ces travaux de montage, une
signalisation ad hoc et une déviation de la circulation avaient été mises en
place. Le 4 juin 1996, à 7 h 30, l'entreprise a opéré le réglage définitif
des piliers, ainsi que le blocage des câbles. Comme les piliers étaient
insuffisamment inclinés d'un degré environ, elle a voulu leur donner
l'inclinaison  nécessaire avec un tire-fort d'une tonne assuré par un
tracteur. Durant cette manoeuvre, l'ancrage n° 2 suivi du n° 3 ont lâché,
entraînant la chute des piliers et provoquant des dommages à deux véhicules
qui circulaient dans le giratoire, le trafic n'étant alors pas interrompu.
Personne n'a été blessé.

B.b Trois expertises ont été menées pour établir les causes de l'effondrement
de la structure.

Expertise de R.________, Professeur à l'EPFL, du 26 septembre 1997: Il
ressort du volumineux rapport d'expertise que les causes de l'effondrement
sont nombreuses. L'expert met en avant des causes de deux ordres: 1)
Résistance très insuffisante de l'ancrage des haubans; caractère isostatique
de la structure. 2) Problèmes de gestion et d'organisation qui ont amené aux
fautes précitées. L'expert considère que le concept de la structure était
risqué et disproportionné et qu'il a été adopté sans nécessité technique ou
avantage économique.

Expertise (privée) de S.________ SA du 6 juillet 2001: Selon les conclusions
de ce rapport, la structure n'était pas isostatique mais a été conçue et
dimensionnée correctement par X.________. Les dimensions du socle étaient
suffisantes pour la nouvelle solution proposée par ce dernier et l'armature
permettait d'assurer une sécurité structurale supérieure à celle préconisée
par les normes SIA.

Expertise de T.________ SA du 9 septembre 2002: Les deux premiers rapports
aboutissant à des conclusions divergentes, un troisième expert a été mis en
oeuvre par le juge de police. Selon cet expert, la structure a été conçue
comme isostatique mais a été réalisée de façon hyperstatique. Il a confirmé,
pour l'essentiel, le premier rapport d'expertise.

B.c La commune de la Tour-de-Trême et le Département des ponts et chaussées
du canton de Fribourg étaient les maîtres d'oeuvre des travaux concernant la
construction et l'élargissement de la route cantonale B 101. L'installation
de l'éclairage public du giratoire incombait à la commune. Elle a
formellement mandaté le 1er décembre 1995 la société F.________ SA, dirigée
par A.________, pour le contrôle statique de la structure métallique de
l'éclairage du giratoire, dont la conception initiale avait été élaborée par
le bureau G.________. La société F.________ SA s'occupait déjà de la
direction des travaux relatif à la route précitée. A.________ a confié à son
employé X.________ le soin d'exécuter le mandat de la commune relatif à la
structure d'éclairage. Cette mission n'avait rien d'exceptionnel au sein du
F.________ SA, X.________ étant le chef de projet pour les problèmes
structurels depuis son engagement en 1985. Il était principalement chargé des
structures porteuses et avait sous ses ordres deux dessinateurs. A.________ a
précisé que X.________ était le chef du projet pour les questions de
structure de l'éclairage du giratoire et qu'il était chargé des contacts
directs avec les entreprises, sans passer par B.________, employé de
F.________ SA et directeur des travaux relatifs à la route cantonale B 101.
La commune a par ailleurs attribué les travaux de construction et
d'installation de la structure métallique d'éclairage à l'entreprise
E.________ SA, dont l'administrateur C.________ avait désigné D.________
comme responsable. Les représentants de l'entreprise E.________ ont indiqué
qu'ils avaient agi sur les instructions de X.________, qui ne s'était pas
limité à établir les plans. La Cour d'appel a retenu que le calcul des
éléments d'ancrage incombait à ce dernier et que sa conception des points
d'ancrage était mauvaise.

Lors d'une séance le 5 mars 1996, X.________ a présenté à la commune son
projet définitif, qui modifiait le concept initial. Une fois l'approbation
communale reçue, il a fait transmettre, par courrier du 27 mars 1996, les
schémas d'exécution à l'entreprise E.________ SA, de manière à ce qu'elle
puisse exécuter les plans d'atelier. La Cour d'appel a retenu que, comme chef
de projet, il aurait dû s'assurer du retour des plans d'atelier. Il a admis
que les plans ne lui avaient pas été retournés par l'entreprise E.________
SA, ce qui lui aurait permis, comme il l'a constaté après l'accident, de
s'apercevoir que le système d'ancrage n'était pas dimensionné de manière
correcte. La Cour d'appel s'est déclarée convaincue que X.________ avait bel
et bien été contacté par téléphone par D.________ sur la question des points
d'ancrage et qu'il avait donné son accord.

Le 3 juin 1996, la pose de la structure métallique a été exécutée par
l'entreprise E.________ SA, en présence de B.________ de F.________ SA, mais
en l'absence de X.________, en vacances depuis le 2 juin 1996. X.________ a
admis savoir que l'installation était prévue à fin mai / début juin et
n'avoir pas informé B.________ de son départ en vacances. La Cour d'appel a
considéré qu'en tant que chef de projet créateur du nouveau concept, lequel
exigeait des mesures particulières de réglage et une mise en tension très
minutieuse, le recourant devait se soucier de la date précise de
l'installation et devait être présent lors du montage ou, à tout le moins,
devait instruire une personne compétente à ce sujet. Le 4 juin 1996, la
structure s'est effondrée lors des travaux de finition, lesquels ont été
entrepris sans déviation du trafic.

B.d La Cour d'appel a considéré que X.________ tombait sous le coup de l'art.
229 al. 2 CP. Elle a observé que la direction d'une construction avait été
confiée à ce dernier, collaborateur expérimenté et capable de concevoir la
structure d'éclairage d'un giratoire, de se charger de la coordination des
travaux et de la supervision de l'installation de la structure. Selon elle,
X.________, à l'origine de la modification sensible du projet initial, se
devait en tant que responsable du projet de suivre et de contrôler
attentivement toutes les phases de la réalisation jusqu'au 4 juin 1996 et de
donner les informations et instructions précises quant au montage. La Cour
d'appel s'est également référée aux motifs donnés en première instance par le
juge de police, qu'elle a fait siens.
Le juge de police a retenu que l'effondrement avait pour origine la plus
immédiate l'insuffisance de la résistance des ancrages; que X.________ était
responsable de procéder au bon dimensionnement des ancrages; qu'il avait
failli à son devoir de surveillance en ne suivant pas la fabrication des
pièces, en n'exigeant pas le retour des plans d'atelier et en n'assistant pas
aux opérations de montage; que s'il s'était rendu sur le chantier, il se
serait rendu compte, comme il le prétend lui-même, que la dimension et le
positionnement des cornières d'ancrage étaient erronés; que cela établissait
le lien entre les insuffisances précitées dans la surveillance et
l'effondrement de la structure.

C.
X.________ forme un recours de droit public et un pourvoi en nullité au
Tribunal fédéral contre l'arrêt du 17 novembre 2003. Il conclut à son
annulation.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Conformément à l'art. 275 al. 5 PPF, le recours de droit public est examiné
en premier lieu.

I. Recours de droit public

2.
2.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ). Il n'est en revanche pas ouvert pour se plaindre
d'une violation du droit fédéral, qui peut donner lieu à un pourvoi en
nullité (art. 269 al. 1 PPF); un tel grief ne peut donc pas être invoqué dans
le cadre d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ;
art. 269 al. 2 PPF).

2.2 Le recours de droit public n'est, sous réserve de certaines exceptions,
recevable qu'à l'encontre des décisions prises en dernière instance cantonale
(art. 86 al. 1 OJ). L'exigence de l'épuisement des instances cantonales
signifie que le recourant doit faire valoir ses griefs devant la dernière
instance cantonale et ne peut pas en soulever de nouveaux dans le cadre du
recours de droit public. Une exception est toutefois admise lorsque
l'autorité cantonale disposait d'un pouvoir d'examen libre et devait
appliquer le droit d'office, sauf lorsque le nouveau grief se confond avec
l'arbitraire ou lorsque le fait d'avoir attendu à présenter un grief lié à la
conduite de la procédure est contraire à la bonne foi (ATF 119 Ia 88 consid.
1a p. 90/91).

2.3 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, à peine
d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou
des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation.
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à
vérifier de lui-même si la décision attaquée est en tous points conforme au
droit ou à l'équité; il est lié par les moyens invoqués dans le recours et
peut se prononcer uniquement sur les griefs de nature constitutionnelle que
le recourant a non seulement invoqués, mais suffisamment motivés (ATF 127 I
38 consid. 3c p. 43; 126 III 534 consid. 1b p. 536; 125 I 71 consid. 1c p.
76). Le Tribunal fédéral n'entre pas non plus en matière sur les critiques de
nature appellatoire (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495).

3.
Le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu. Il se plaint
de ce que la Cour d'appel a rejeté sans motivation sa requête de réouverture
de la procédure probatoire. Il ne consacre aucun développement précis à sa
critique. Son argumentation apparaît ainsi irrecevable sous l'angle de l'art.
90 al. 1 let. b OJ. Au demeurant, elle n'est pas fondée.

La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) le
devoir pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le destinataire
puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité
de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, le
juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur
lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se
rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause
(ATF 129 I 232 consid. 3.2 p. 236; 126 I 97 consid. 2b p. 102).

En l'espèce, la Cour d'appel a rejeté la requête de réouverture d'enquête le
17 novembre 2003, précisant que les motifs seraient indiqués dans l'arrêt au
fond. Il est vrai que l'arrêt au fond ne comporte formellement pas de partie
spécifique relative à la réouverture de l'enquête. Cependant, il expose
expressément les motifs du refus d'une quatrième expertise et on déduit de sa
motivation que la Cour d'appel a jugé que les faits étaient suffisamment
établis. Sur la base de cet arrêt, le recourant se trouvait donc en situation
de comprendre ce qui avait guidé le choix des juges cantonaux. Son droit
d'être entendu n'a pas été violé.

4.
Le recourant critique le refus d'une quatrième expertise.

4.1 Il se plaint d'une violation des art. 91 et 95 du Code de procédure
pénale fribourgeois. Ce n'est que sous l'angle restreint de l'interdiction de
l'arbitraire que le Tribunal fédéral peut revoir l'interprétation et
l'application du droit cantonal de procédure (ATF 121 I 1 consid. 2 p. 3). En
l'espèce, le recourant n'expose pas même le contenu des dispositions qu'il
invoque ni ne cherche à démontrer précisément en quoi consisterait leur
violation. La motivation présentée ne satisfait pas aux exigences minimales
de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Le grief est ainsi irrecevable.

4.2 Le recourant affirme également que la Cour d'appel a arbitrairement
interprété les preuves à sa disposition en se fondant sur une expertise non
concluante et en n'ordonnant pas de nouvelle expertise.

4.2.1 Est arbitraire une décision qui méconnaît gravement une norme ou un
principe juridique clair et indiscuté ou qui heurte de manière choquante le
sentiment de la justice ou de l'équité. En d'autres termes, il ne se justifie
de l'annuler que si elle est insoutenable, en contradiction manifeste avec la
situation effective, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en
violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que la motivation de la
décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son
résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275).

Le juge n'est en principe pas lié par les conclusions d'une expertise
judiciaire. Mais il ne saurait s'en écarter sans un motif déterminant et doit
motiver sa décision à cet égard. S'il estime douteuses les conclusions d'une
expertise judiciaire sur des points essentiels, il est tenu de recueillir des
preuves complémentaires pour tenter de dissiper ses doutes (ATF 118 Ia 144
consid. 1c p. 145/146; 101 IV 129 consid. 3a p. 130; arrêt 4P.47/1996 du 12
août 1996, consid. 2a publié in SJ 1997 p. 58).

4.2.2 Le recourant critique le fait que l'expert désigné pour la troisième
expertise n'ait pas été un spécialiste en mécanique des structures.

La Cour d'appel a relevé que le 15 novembre 2001, l'avocat du recourant avait
requis une troisième expertise confiée à un spécialiste en mécanique des
structures. Le 29 juillet 2002, le juge de police a donné suite à cette
requête et a commis le bureau T.________ SA pour un examen des critiques
formées par la deuxième expertise à l'encontre de la première. Outre le
rapport rendu en septembre 2002, le troisième expert a également été entendu
lors de la procédure.

Le recourant ne dit pas dans son écriture qu'il aurait mis en cause la
compétence du troisième expert et sa prétendue méconnaissance de la mécanique
des structures lorsque celui-ci a été nommé ou, du moins, avant que le juge
de police ne statue sur le fond. Il ne ressort pas non plus du jugement rendu
par ce dernier en première instance que tel aurait été le cas. Il n'incombe
pas au Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit public, de compulser le
volumineux dossier cantonal pour y rechercher un éventuel fondement au grief
soulevé. Dans ces conditions, il apparaît que le recourant n'a pas réagi ni
ne s'est opposé à la désignation du troisième expert. Or, le principe de la
bonne foi en procédure lui imposait de faire valoir tout de suite sa critique
relative à l'administration des preuves, sans attendre le jugement au fond.
En outre, la Cour d'appel n'a elle-même pas véritablement examiné la question
de la compétence du troisième expert soulevée par le recourant, mais a
considéré que les conclusions du rapport étaient claires et qu'on pouvait s'y
référer sans ordonner de quatrième expertise. Le recourant ne soutient pas
que la Cour d'appel aurait commis un déni de justice en ne traitant pas la
question de la compétence de l'expert. En vertu de ce qui précède, il n'y a
pas lieu d'entrer en matière sur cette problématique.

Face aux doutes suscités par la deuxième expertise contredisant la première,
le juge de police a ordonné une troisième expertise. Il a donc recueilli,
comme l'exige la jurisprudence, des preuves complémentaires (cf. supra,
consid. 4.2.1). En substance, la troisième expertise a confirmé l'exactitude
du rapport du premier expert. La Cour d'appel, à l'instar du juge de police,
a suivi les conclusions de la  première et de la troisième expertise. Ce
procédé ne prête pas le flanc à la critique. Il n'y a là aucun arbitraire
dans l'appréciation des preuves.

5.
Le recourant se plaint d'arbitraire dans la constatation des faits et
l'appréciation des preuves par rapport au rôle qu'il a tenu.

5.1 Il nie avoir assumé la responsabilité de la direction du projet. Il
soutient n'avoir été chargé ni de la direction des travaux ni de l'exécution
de l'ouvrage.

Le juge de police n'a pas suivi la défense du recourant, selon qui sa seule
tâche consistait à s'occuper du problème de statique. Le juge de police a
relevé que cette position était contredite par diverses déclarations du
recourant au début de l'enquête. Ainsi, celui-ci a admis que la réalisation
de la structure comprenait la pose et les réglages définitifs. Il a mentionné
l'existence de la lettre du 27 mars 1996 concernant la transmission des plans
à l'entreprise E.________ SA et a indiqué avoir discuté avec celle-ci du mode
de montage. Lors d'une audition devant le juge d'instruction, assisté de son
avocat, il a expliqué que parallèlement aux calculs de résistance, il devait
songer au mode de montage et collaborer avec l'entreprise. Il entendait aussi
prendre part à l'installation de l'ouvrage. Sur la base de ces éléments et
des déclarations des autres protagonistes, le juge de police a conclu que le
recourant, contrairement à ses dénégations, assumait au sein de F.________ SA
la responsabilité de la conception, des contrôles statiques, du suivi de la
construction et de l'installation de la structure métallique d'éclairage du
giratoire.

De son côté, la Cour d'appel s'est rapportée aux déclarations de A.________
et de B.________ selon lesquelles le recourant était le chef du projet pour
la structure de l'éclairage du giratoire et qu'il était chargé des contacts
avec les entreprises. En référence aux déclarations des employés de
F.________ SA, elle a relevé qu'un tel rôle n'avait rien de particulier pour
le recourant, celui-ci étant le chef de projet pour les problèmes structurels
depuis son engagement dix ans auparavant.

Le rôle du recourant comme chef de projet tel que retenu en instance
cantonale repose donc sur plusieurs éléments. Le recourant se contente de
leur opposer sa vision, de manière purement appellatoire. Une telle
motivation ne répond pas aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Quoi
qu'il en soit, les éléments mis en avant en instance cantonale sont
concluants et ne permettent pas de taxer la solution suivie d'arbitraire.
Supposé recevable, le grief est infondé.

5.2 Le recourant indique que la Cour d'appel s'est référée à une déclaration
du prévenu B.________ en utilisant le terme "témoin" (cf. arrêt attaqué, p.
16). La Cour d'appel a certes employé le terme témoin à propos de B.________,
qui a participé à la procédure de première instance en qualité de prévenu.
Cette désignation imprécise ne suffit cependant pas en soi à rendre la
solution retenue par rapport au rôle du recourant en tant que chef de projet
comme arbitraire dans son résultat. Le recourant ne le démontre pas.

5.3 Le recourant conteste qu'une intervention de A.________ soit à l'origine
du mandat de la commune conféré le 1er décembre 1995 pour l'éclairage du
giratoire. Le recourant se limite à opposer sa version des faits à celle
retenue. Une libre discussion n'est pas admissible dans un recours de droit
public pour arbitraire dans l'établissement des faits. L'argumentation
présentée est irrecevable. Au demeurant, le rôle du recourant dans le projet
ressort de divers éléments, dont l'appréciation est exempte d'arbitraire (cf.
supra, consid. 5.1). La critique émise ici n'est pas susceptible de faire
apparaître l'appréciation des preuves comme arbitraire dans son résultat.

5.4 Le recourant critique le passage de l'arrêt attaqué où il est dit qu'il a
eu plusieurs contacts avec D.________ de l'entreprise E.________ SA.

Selon la Cour d'appel, D.________ a déclaré qu'il avait élaboré les plans
d'atelier sur la base des détails de dimensionnement transmis par le
recourant, qu'il avait souvent travaillé avec lui, qu'il avait confiance en
lui et que, pour la réalisation de l'ouvrage, il avait eu plusieurs contacts.
La Cour d'appel s'est aussi déclarée convaincue que D.________ avait contacté
le recourant par téléphone sur la question des points d'ancrage et que ce
dernier avait donné son accord (cf. arrêt attaqué, p. 17/18).

Le recourant souligne que D.________ n'a fait état que d'un seul entretien
téléphonique. Il conteste l'existence d'un entretien, dans lequel D.________
lui aurait fait part de ses doutes sur les ancrages. Il déduit des
déclarations de D.________ que ce dernier aurait téléphoné sur place le jour
du montage et observe qu'un tel entretien est impossible, lui-même étant
alors en vacances.

Le juge de police a mentionné que d'après les déclarations de D.________,
celui-ci avait eu des doutes sur les ancrages et avait téléphoné au recourant
à ce propos, lequel lui a alors répondu qu'il était l'ingénieur; que
D.________ avait expliqué que son expression "sur place" signifiait lorsqu'il
était allé mesurer les socles en béton et non lors du montage (cf. jugement
de première instance, p. 17/18). Ainsi, contrairement à ce qu'affirme le
recourant, on ne saurait nécessairement situer le téléphone litigieux le jour
du montage. L'argumentation du recourant est inapte à établir le caractère
insoutenable d'un téléphone entre lui et D.________ à propos des ancrages.
Elle ne permet pas non plus de mettre en cause son rôle dans le projet, tel
qu'il a été retenu sans arbitraire (cf. supra, consid. 5.1).
5.5 Le recourant affirme que l'entreprise E.________ SA n'a pas informé le
bureau F.________ SA qu'elle comptait revenir le 4 juin 1996 pour terminer
les travaux, qu'elle ne pouvait pas connaître le degré d'inclinaison des
piliers, que le tire-fort qu'elle a utilisé n'a jamais été retrouvé et que
personne ne peut dire réellement si la force exercée par le tire-fort s'est
limitée à une tonne. De la sorte, le recourant se borne à donner son point de
vue au travers de remarques générales et à formuler des interrogations. Il
n'émet aucune critique recevable au regard de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

5.6 Le recourant évoque le fait que l'entreprise E.________ SA a poursuivi
les travaux le 4 juin 1996 sans que le trafic ne soit interrompu,
contrairement à la veille.

Le recourant n'articule de la sorte aucun grief recevable relatif à la
violation d'une garantie constitutionnelle. L'éventuelle incidence de la
poursuite des travaux sans déviation du trafic sur l'application de l'art.
229 CP ne ressortit pas au droit constitutionnel et n'a par conséquent pas à
être examinée dans un recours de droit public (cf. supra, consid. 2.1).

II. Pourvoi en nullité

6.
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application du
droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base d'un état de fait définitivement
arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 273 al. 1 let. b et 277bis al. 1
PPF). Le raisonnement juridique doit donc être mené sur la base des faits
retenus dans la décision attaquée, dont le recourant est irrecevable à
s'écarter (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66/67).

7.
Le recourant conteste sa condamnation en vertu de l'art. 229 CP.

7.1 Selon l'art. 229 al. 1 CP "celui qui, intentionnellement, aura enfreint
les règles de l'art en dirigeant ou en exécutant une construction ou une
démolition et aura par là sciemment mis en danger la vie ou l'intégrité
corporelle des personnes sera puni de l'emprisonnement et de l'amende".
L'art. 229 al. 2 CP prévoit que "la peine sera l'emprisonnement ou l'amende
si l'inobservation des règles de l'art est due à une négligence".

7.2 La notion de "construction" contenue à l'art. 229 CP doit être comprise
dans un sens large (ATF 115 IV 45 consid. 2b p. 48). Elle englobe assurément
la réalisation et le montage d'une structure d'éclairage pour un giratoire.

7.3 Il ressort des constatations cantonales, qui lient le Tribunal fédéral
saisi d'un pourvoi en nullité, que le recourant assumait au sein de
F.________ SA la responsabilité de la conception, des contrôles statiques, du
suivi de la construction et de l'installation de la structure métallique
d'éclairage du giratoire. Il n'est ainsi pas douteux qu'il dirigeait la
construction au sens de l'art. 229 CP (cf. Günter Stratenwerth, Besonderer
Teil II, 5e éd., Berne 2000, § 30 n. 19). A ce titre, il était tenu de
respecter les règles de l'art de construire et il répond aussi bien d'une
action que d'une omission, celui qui dirige des travaux étant garant du
danger qui en résulte (cf. ATF 109 IV 15 consid. 2 p. 16/17, 125 consid. 1c
p. 128). A lire l'argumentation du recourant, on comprend qu'il met en
question son rôle quant à la surveillance des travaux. Il s'écarte de la
sorte des constatations cantonales, ce qui n'est pas admissible dans un
pourvoi.

7.4 En référence à la première et à la troisième expertise, il a été tenu
pour établi que le recourant n'avait pas procédé au dimensionnement correct
des ancrages et qu'il s'agissait de la cause la plus immédiate de
l'effondrement. Il apparaît ainsi selon les deux expertises prises en compte
qu'une règle touchant aux conditions techniques de la construction n'a pas
été respectée. Il s'ensuit que la Cour d'appel était légitimée à retenir que
le recourant avait transgressé les règles de l'art (cf. ATF 106 IV 264
consid. 3 p. 268).

7.5 Le recourant conteste l'existence d'un lien de causalité adéquate entre
ses manquements et l'effondrement de la structure. Pour lui, l'effondrement
résulte de l'emploi téméraire d'un tire-fort par l'entreprise E.________ SA.
Dans la mesure où le recourant laisse entendre que l'emploi du tire-fort a
joué un rôle prépondérant dans l'effondrement de la structure, il s'écarte
des faits constatés en instance cantonale et formule ainsi une argumentation
irrecevable dans un pourvoi. Le juge de police a relevé que la force exercée
par le tire-fort était nettement inférieure à la résistance qu'aurait dû
normalement présenter les ancrages (cf. jugement de première instance, p.
18). Selon les constatations cantonales, la cause la plus immédiate de
l'effondrement de la structure doit être attribuée au mauvais dimensionnement
des ancrages par le recourant. De manière générale, des ancrages insuffisants
apparaissent propres à favoriser un résultat tel que celui qui s'est produit.
Dans ces conditions, il existe bien un lien de causalité adéquate (sur cette
notion, cf. notamment ATF 122 IV 17 consid. 2c/bb p. 23) entre la violation
des règles de l'art reprochée au recourant et l'effondrement de la structure.

Le recourant reproche également à l'entreprise E.________ SA de n'avoir pas
sécurisé le site le second jour des travaux, alors qu'elle l'avait fait le
premier jour en faisant détourner la circulation routière. Il ressort des
constatations cantonales que les travaux du premier jour (3 juin 1996)
impliquaient l'utilisation d'un camion-grue pour maintenir provisoirement la
structure en cours de montage. Le camion-grue a été retiré en fin de soirée.
Durant ces travaux de montage, la circulation a été interrompue. Le lendemain
(4 juin 1996), l'entreprise E.________ SA devait effectuer un réglage
définitif des piliers ainsi que le blocage des câbles. Il n'a pas été
constaté que les travaux du 4 juin 1996 présentaient la même problématique
pour la circulation que ceux de montage opérés la veille à l'aide d'un
camion-grue. Le jugement de première instance (p. 18) mentionne en
particulier que les ouvriers de l'entreprise E.________ SA ont oeuvré le 4
juin 1996 à l'extérieur des voies de circulation. Le recourant ne saurait
donc trouver un moyen de se disculper dans l'absence de déviation du trafic
le second jour.

7.6 La violation des règles de l'art a provoqué l'effondrement de la
structure métallique, occasionnant des dégâts à deux automobiles qui
circulaient sur le giratoire. Par conséquent, ainsi que l'exige l'art. 229
CP, la violation des règles de l'art a mis en danger la vie ou l'intégrité
corporelle de personnes, les automobilistes en l'occurrence.

7.7 Le recourant a été condamné en vertu de l'art. 229 al. 2 CP, soit
l'infraction commise par négligence. Il est admis que l'infraction commise
par négligence ne peut être retenue que si l'on peut reprocher à l'accusé une
faute au stade de la violation de la règle de l'art et une faute au stade de
l'absence de conscience du danger (cf. Bernard Corboz, Les infractions en
droit suisse, vol. II, Berne 2002, art. 229 CP n. 34). Il ressort du jugement
de première instance, auquel s'est référé l'arrêt attaqué, que le recourant
savait que le montage avait été prévu pour la fin mai-début juin 1996, qu'il
ne s'est pas inquiété de la date exacte avant son départ en vacances, que
s'il avait été présent, il se serait rendu compte immédiatement que la
dimension et le positionnement des ancrages étaient erronés. En vertu de ce
qui précède, le recourant n'a pas fait les efforts que l'on pouvait attendre
de lui. Par ailleurs, il a été retenu qu'il était responsable du mauvais
dimensionnement des ancrages. Ingénieur compétent, on ne voit pas ce qui
l'aurait empêché de connaître les règles d'art en la matière et de saisir les
risques qu'impliquaient leur violation, s'agissant de mesures destinées à
assurer la stabilité de la structure. Dans ces conditions, la négligence a
été retenue à juste titre.

7.8 Il résulte de ce qui précède que la condamnation du recourant en vertu de
l'art. 229 al. 2 CP ne viole pas le droit fédéral.

III. Frais

8.
Fixés de manière à prendre en compte les deux recours interjetés, les frais
doivent être mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ;
art. 278 al. 1 PPF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Le pourvoi en nullité est rejeté dans la mesure où il est recevable.

3.
Un émolument judiciaire de 4'000 francs est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Ministère public du canton de Fribourg et à la Cour d'appel pénal du Tribunal
cantonal fribourgeois.

Lausanne, le 12 février 2004

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: