Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6P.150/2003
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6P.150/2003
6S.425/2003 /pai

Arrêt du 12 février 2004
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Brahier Franchetti, Juge suppléante.
Greffière: Mme Kistler.

A. X.________,
recourant, représenté par Me Agrippino Renda, avocat,

contre

B. X.________,
intimée, représentée par Me Lorella Bertani, avocate,
Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale
3565, 1211 Genève 3.

6P.150/2003
art. 9, 29 et 32 Cst., art. 6 § 2 CEDH (procédure pénale; présomption
d'innocence, "in dubio pro reo")

6S.425/2003
acte d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP; art. 43, 41 et 69 CP),

pourvoi en nullité (6S.425/2003) et recours de droit public (6P.150/2003)
contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton de Genève du 24 octobre
2003.

Faits:

A.
Par arrêt rendu le 26 juin 1998, la Cour correctionnelle genevoise, siégeant
avec le concours du jury, a condamné A. X.________, né en 1975, à deux ans et
demi d'emprisonnement pour avoir commis un acte d'ordre sexuel au sens de
l'art. 187 CP sur la personne de sa demi-soeur, B. X.________, née en 1989.
La Cour correctionnelle a révoqué le sursis à l'exécution d'une peine de six
mois d'emprisonnement du 17 mars 1995, aussi prononcée pour une infraction à
l'art. 187 CP, et ordonné un traitement ambulatoire sans suspendre
l'exécution de la peine. Par arrêt du 4 février 1999, la Cour de cassation
genevoise a admis partiellement le recours de A. X.________ sur la question
de la révocation du sursis; pour le surplus, elle a rejeté le recours et
confirmé l'arrêt de première instance.

Le 29 juin 1999, la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral a admis le
recours de droit public interjeté contre l'arrêt du 4 février 1999, annulé
cet arrêt et renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision,
au motif que A. X.________ n'avait jamais eu, tout au long de la procédure,
la possibilité de poser des questions à sa demi-soeur qui l'avait accusé et
que l'autorité cantonale avait ainsi violé l'art. 6 § 3 let. d CEDH. Elle a
par ailleurs constaté que la Cour de cassation genevoise s'était écartée de
l'appréciation du jury en retenant qu'aucune pénétration n'était  avérée,
élément qui pouvait être déterminant pour la fixation de la peine.

B.
A la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral, la cause a été renvoyée à
l'instruction. Une confrontation entre B. X.________ et le mandataire de A.
X.________ a eu lieu le 21 novembre 2001.

C.
Par arrêt du 12 mars 2003, la Cour correctionnelle genevoise, siégeant avec
le concours du jury, a reconnu A. X.________ coupable d'une infraction à
l'art. 187 ch. 1 CP et l'a condamné à la peine de deux ans et trois mois de
réclusion. Elle a révoqué le sursis accordé précédemment par le Procureur
général et a suspendu l'exécution de la peine au profit d'un traitement
psychiatrique ambulatoire régulier (art. 43 ch. 2 CP).

Dans son verdict, le jury a répondu par l'affirmative à la question des
réquisitions du Procureur général libellée comme suit:
"A. X.________ est-il coupable d'avoir, à Genève, en 1995 ou 1996,
commis un acte d'ordre sexuel sur un enfant de moins de 16 ans,
entraîné un enfant de cet âge à commettre un acte d'ordre sexuel,
mêlé un enfant de cet âge à un acte d'ordre sexuel,
en couchant sa soeur B. X.________ sur son lit,
en sortant son sexe,
en baissant son pantalon et son slip,
en baissant les pantalons et les culottes de B. X.________ jusqu'aux pieds,
en tentant de l'embrasser sur la bouche, étant précisé qu'elle l'en a empêché
en mettant sa main,
en se couchant sur sa soeur,
en la maintenant fortement aux hanches,
en la pénétrant,
en faisant des mouvements de va-et-vient,
en éjaculant, semble-t-il, en dehors du vagin de B. X.________ ?"

D.
Statuant le 24 octobre 2003, la Cour de cassation genevoise a admis
partiellement le pourvoi de A. X.________ interjeté contre le nouvel arrêt de
la Cour correctionnelle, au motif que celle-ci avait retenu, sans autre
motivation, que A. X.________ avait pénétré sa demi-soeur. Elle renvoie à
nouveau l'affaire à l'autorité inférieure pour qu'elle dise "si elle
considérait la pénétration comme avérée et, si oui, sur la base de quels
éléments. Au cas où la réponse serait négative, la motivation à l'appui de la
peine devrait d'autre part être complétée."

E.
A.  X.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral contre
l'arrêt de renvoi du 24 octobre 2003 de la Cour de cassation genevoise.
Invoquant une violation de la présomption d'innocence et de son corollaire
"in dubio pro reo", du droit à un procès équitable et du droit de faire
interroger un témoin, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué. En outre,
il sollicite l'assistance judiciaire.

Parallèlement, il dépose un pourvoi en nullité. Il invoque la violation de
l'art. 43 CP, ainsi que des art. 41 et 69 CP.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

I. Recours de droit public

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité d'un recours de droit public (ATF 127 I 92 consid. 1 p. 93).

1.1 L'arrêt attaqué a été pris en dernière instance cantonale, mais il ne
constitue pas une décision finale, puisque la Cour de cassation genevoise
renvoie la cause à l'autorité cantonale inférieure pour nouveau jugement, à
charge pour celle-ci d'examiner si la pénétration est avérée et de tenir
compte le cas échéant de cet élément lors de la fixation de la peine. Il
s'agit donc d'une décision incidente qui, selon l'art. 87 al. 2 OJ, ne peut
être attaquée par la voie du recours de droit public que s'il en résulte un
dommage irréparable (ATF 128 I 177 consid. 1.1 p. 179).

Cette limitation des possibilités de recours vise à éviter que l'instance
cantonale ne soit inutilement interrompue et renchérie et à empêcher que le
Tribunal fédéral ne soit saisi du même procès à plusieurs reprises. Le
dommage irréparable qui ouvre exceptionnellement la voie du recours de droit
public doit être de nature juridique. Un préjudice de pur fait, tel que la
prolongation ou le renchérissement de la procédure ne suffit pas.
L'application de ces principes rendrait irrecevable le présent recours de
droit public, puisque le recourant pourrait encore faire valoir ses griefs en
attaquant le jugement final de la Cour de cassation genevoise (ATF 128 IV 177
consid. 1.1 p. 179 s.).
1.2 Cependant, parallèlement au recours de droit public, le recourant a
déposé un pourvoi en nullité, invoquant une fausse application de l'art. 43
ch. 2 CP (suspension de la peine au profit d'un traitement psychiatrique
ambulatoire) et des art. 41 et 69 CP (calcul de la détention préventive et du
solde de la peine à exécuter). Dans un tel cas, la jurisprudence a renoncé à
l'exigence posée à l'art. 87 al. 2 OJ et a admis la recevabilité d'un recours
de droit public dirigé contre une décision incidente qui faisait
simultanément l'objet d'un pourvoi en nullité recevable selon l'art. 268 PPF
(ATF 128 IV 177 consid. 1.2.1 p. 180; 122 IV 177 consid. 1.2.3. p. 181; voir
arrêt du Tribunal fédéral du 23 septembre 2003 consid. 1, 6P.102/2003; arrêt
du Tribunal fédéral 6P.85/1991 du 25 septembre 1991, consid. 2b; arrêt du
Tribunal fédéral 6P.18/1998 du 20 mai 1998, consid. 1).

1.3 La recevabilité du recours de droit public suppose que le pourvoi en
nullité est recevable et qu'en particulier, il n'a pas été déposé
abusivement, notamment uniquement dans le but d'ouvrir la voie du recours de
droit public (art. 36a al. 2 OJ). Pour déterminer si le présent recours de
droit public est recevable, il convient donc d'examiner si le pourvoi en
nullité déposé parallèlement par le recourant est recevable.

1.3.1 En vertu de l'art. 268 ch. 1 PPF, le pourvoi en nullité au Tribunal
fédéral est recevable contre les jugements qui ne peuvent pas donner lieu à
un recours de droit cantonal pour violation du droit fédéral. Selon la
jurisprudence, on entend par jugements non seulement ceux qui statuent sur
l'ensemble de la cause, mais aussi les décisions préjudicielles et incidentes
qui tranchent des questions préalables de droit fédéral. En conséquence, le
pourvoi en nullité est recevable contre une décision préjudicielle ou
incidente émanant d'une autorité cantonale de dernière instance, lorsque
cette dernière s'est prononcée définitivement sur un point de droit fédéral
déterminant, sur lequel elle ne pourra pas revenir (ATF 119 IV 168 consid. 2a
p. 170).

1.3.2 Dans son pourvoi en nullité au Tribunal fédéral, le recourant reproche,
en premier lieu, à l'autorité cantonale d'avoir manqué de précision dans le
calcul de la détention préventive et la détermination du solde de la peine
dont l'exécution devait être suspendue au profit du traitement ambulatoire.
Ayant renvoyé la cause à l'autorité inférieure, à charge pour celle-ci
notamment de fixer une nouvelle peine, la Cour de cassation genevoise a
estimé qu'il n'était pas nécessaire de se prononcer sur ce grief, dès lors
que la Cour correctionnelle, à laquelle la cause était renvoyée, pourrait
tenir compte des observations du recourant dans son nouveau jugement. Faute
de décision de dernière instance cantonale sur ces questions, ce premier
grief est donc irrecevable.

Le second grief du recourant porte sur l'application de l'art. 43 ch. 2 CP.
Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir ordonné, sans se fonder
sur une expertise médicale récente, la suspension de l'exécution de la peine
au profit d'un traitement ambulatoire au sens de l'art. 43 ch. 2 CP, alors
que les deux tiers de la peine ont déjà été exécutés et que la libération
conditionnelle lui a déjà été octroyée. La Cour de cassation genevoise
rejette également ce grief, considérant que la motivation des premiers juges,
qui s'appuie sur les propositions de l'expert, est suffisante et convaincante
et que s'il subsiste un solde de peine à subir, à l'issue de l'examen auquel
la Cour correctionnelle devra à nouveau procéder, le traitement ambulatoire
devra être confirmé, étant entendu qu'il appartiendra à l'autorité
d'exécution de veiller à ce que la durée de ce traitement soit compatible
avec le principe de la proportionnalité.

Dès lors et quand bien même l'autorité cantonale semble confirmer le
traitement ambulatoire ordonné, sa décision ne concerne que l'éventualité où
la nouvelle décision de la Cour correctionnelle retiendrait un solde de peine
à subir. Or, faute de décision cantonale définitive sur la peine, la question
de l'application de l'art. 43 CP, qui dépend directement de cette dernière,
n'est qu'hypothétique et ne peut être qualifiée de définitive. Le second
grief du recourant est donc également irrecevable. Il pourra être examiné, si
la question se pose encore, dans un pourvoi en nullité contre le jugement
final (cf. dans ce sens Kolly, Le pourvoi en nullité à la Cour de cassation
pénale du Tribunal fédéral, Berne 2004, ch. 1.2.3 p. 6).

1.3.3 En conséquence, le pourvoi en nullité formé par le recourant
parallèlement au recours de droit public est irrecevable. Il n'y a dès lors
pas lieu d'entrer en matière sur le recours de droit public, en dérogation à
l'art. 87 al. 2 OJ, pour pouvoir traiter ce pourvoi.

2.
Au vu de ce qui précède, le recours de droit public est irrecevable. Le
recourant qui succombe devra supporter les frais. Comme son recours était
d'emblée dépourvu de chance de succès, l'assistance judiciaire doit être
refusée (art. 152 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à
l'intimée qui n'a pas déposé de mémoire dans la procédure devant le Tribunal
fédéral.

II. Pourvoi en nullité

3.
Comme il a été expliqué au considérant 1.3.2, le pourvoi en nullité, qui est
dirigé contre une décision incidente, est irrecevable, dès lors que les
griefs soulevés ne portent pas sur des points qui ont été tranchés de manière
définitive par la Cour de cassation genevoise.

Succombant, le recourant doit supporter les frais (art. 278 al. 1 PPF). Etant
donné que le pourvoi était voué à l'échec, l'assistance judiciaire est exclue
(art. 152 al. 1 OJ). L'intimée ne recevra pas d'indemnité, dès lors qu'elle
n'a pas déposé de mémoire dans la procédure devant le Tribunal fédéral.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est irrecevable.

2.
Le pourvoi en nullité est irrecevable.

3.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

4.
Un émolument judiciaire de 1'600 francs est mis à la charge du recourant.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Procureur général genevois et à la Cour de cassation du canton de Genève.

Lausanne, le 12 février 2004

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: