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Kassationshof in Strafsachen 6P.136/2003
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6P.136/2003 /pai

Arrêt du 24 novembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Kolly et Karlen.
Greffier: M. Denys.

X. ________,
recourant, représenté par Me Monica Zilla, avocate,

contre

Ministère public du canton de Neuchâtel,
rue du Pommier 3, case postale 2672, 2001 Neuchâtel 1,
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, rue du
Pommier 1,
case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1.

Procédure pénale; droit d'être entendu; arbitraire,

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal neuchâtelois du
29 septembre 2003.

Faits:

A.
Le 19 novembre 2002, A.________ circulait en voiture sur la route cantonale à
Lignières en direction de Nods. Peu avant l'intersection avec la rue
Franc-Alleu, elle a entrepris de dépasser la voiture conduite à faible allure
par X.________. Ce faisant, elle n'a pas remarqué que celui-ci s'était mis en
présélection pour tourner à gauche, ni qu'il aurait enclenché son clignotant.
Aussi, à la hauteur de l'intersection, l'avant de la voiture d'A.________ a
heurté légèrement le véhicule de X.________ qui était en train d'obliquer à
gauche. Sous l'effet du choc, A.________ a perdu la maîtrise de son véhicule,
qui a dérapé sur environ quarante mètres avant de finir sa course sur la
droite de la chaussée en effectuant plusieurs tonneaux. Elle a été légèrement
blessée.

A. ________ et X.________ ont été renvoyés devant le Tribunal de police du
district de Neuchâtel, la première notamment en raison des art. 29, 35 al. 5,
90 ch. 1 et 93 ch. 2 LCR , le second en raison des art. 39 al. 1, 90 ch. 1
LCR et 28 al. 1 OCR.

B.
Par jugement du 6 mars 2003, le Tribunal de police a condamné A.________ à
120 francs d'amende pour avoir roulé avec des pneus lisses (art. 29 et 93 ch.
2 LCR). Pour le surplus, il l'a libérée au bénéfice du doute. Il a considéré
qu'il n'était pas possible d'établir si X.________ avait ou non enclenché ses
clignotants pour signaler son intention de tourner à gauche, les déclarations
des deux protagonistes divergeant sur ce point. Par le même jugement, le
tribunal a condamné X.________ à 250 francs d'amende, lui reprochant d'avoir
omis de regarder en arrière pour vérifier, avant d'entreprendre son virage,
si un véhicule le dépassait.

Par arrêt du 29 septembre 2003, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal neuchâtelois a rejeté le recours de X.________. La Cour a admis que
celui-ci tombait sous le coup des art. 34 al. 3 et 90 ch. 1 LCR.

C.
X.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral contre cet
arrêt. Il conclut à son annulation.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ). Il n'est en revanche pas ouvert pour se plaindre
d'une violation du droit fédéral, qui peut donner lieu à un pourvoi en
nullité (art. 269 al. 1 PPF); un tel grief ne peut donc pas être invoqué dans
le cadre d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ;
art. 269 al. 2 PPF).

1.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, à peine
d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou
des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation.
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à
vérifier de lui-même si la décision attaquée est en tous points conforme au
droit ou à l'équité. Il est lié par les moyens invoqués dans le recours et
peut se prononcer uniquement sur les griefs de nature constitutionnelle que
le recourant a non seulement invoqués, mais suffisamment motivés (ATF 127 I
38 consid. 3c p. 43; 126 III 534 consid. 1b p. 536; 125 I 71 consid. 1c p.
76). Le Tribunal fédéral n'entre pas non plus en matière sur les critiques de
nature appellatoire (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495).

2.
2.1 Le recourant reproche au Tribunal de police de s'être écarté de
l'ordonnance de renvoi, qui mentionnait les art. 39 al. 1, 90 ch. 1 LCR et 28
al. 1 OCR. Les art. 39 al. 1 LCR et 28 al. 1 OCR concernent l'obligation
faite au conducteur de manifester son intention au moyen des indicateurs de
direction avant de changer de direction. Or, le Tribunal de police a appuyé
sa motivation sur l'art. 34 al. 3 LCR, qui ne figurait pas dans l'ordonnance
de renvoi. Cette disposition impose en particulier au conducteur qui veut
modifier sa direction de marche, par exemple pour obliquer ou se mettre en
ordre de présélection, d'avoir égard aux usagers de la route qui viennent en
sens inverse ainsi qu'aux véhicules qui le suivent. Le recourant prétend
qu'il a de la sorte été entravé dans ses moyens de défense et que la Cour de
cassation cantonale aurait dû renvoyer la cause en première instance. Il
dénonce une application arbitraire de l'art. 211 du Code de procédure pénale
neuchâtelois (CPP/NE) et une violation des art. 6 par. 3 CEDH, 29 al. 2 et 32
al. 2 Cst.

2.2 Composant du droit d'être entendu concrétisé par l'art. 29 al. 2 Cst., le
principe de l'accusation implique que le prévenu sache exactement les faits
qui lui sont imputés et quelles sont les peines et mesures auxquelles il
s'expose, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense
(ATF 126 I 19 consid. 2a p. 21). Cette garantie peut aussi être déduite des
art. 32 al. 2 Cst. et 6 par. 3 CEDH, qui n'ont pas de portée distincte.

Le contenu du droit d'être entendu est déterminé en premier lieu par les
dispositions cantonales de procédure, dont le Tribunal fédéral ne contrôle
l'application et l'interprétation que sous l'angle de l'arbitraire; dans tous
les cas, l'autorité cantonale doit cependant observer les garanties minimales
déduites directement de l'art. 29 al. 2 Cst., dont le Tribunal fédéral
examine librement le respect (ATF 127 III 193 consid. 3 p. 194; ATF 126 I 19
consid. 2a p. 21/22). En l'espèce, le recourant invoque une application
arbitraire de l'art. 211 CPP/NE. Il n'établit nullement ni même ne prétend
que la réglementation cantonale aurait une portée plus étendue que les
garanties offertes par les art. 29 al. 2, 32 al. 2 Cst. et 6 par. 3 CEDH,
dont il se prévaut aussi (cf. RJN 2001 p. 183).

Selon la jurisprudence, on ne saurait retenir une violation du principe de
l'accusation lorsque l'accusé devait s'attendre compte tenu des circonstances
du cas à la nouvelle qualification juridique. Une violation de cette garantie
constitutionnelle doit aussi être niée si la détermination de la nouvelle
qualification n'a eu aucune incidence sur l'exercice des droits de la défense
(ATF 126 I 19 consid. 2d/bb p. 24).

2.3 La condamnation du recourant pour violation des règles de la circulation
repose sur l'art. 90 ch. 1 LCR, qui prévoit que celui qui aura violé les
règles de la circulation fixées par la présente loi ou par les prescriptions
d'exécution émanant du Conseil fédéral sera puni des arrêts ou de l'amende.
Cette disposition étant abstraite et générale, elle doit être complétée par
l'indication de la ou des règles concrètes de circulation qui ont été violées
(ATF 100 IV 71 consid. 1 p. 73). Une condamnation pour violation d'une autre
règle de la circulation équivaut à une condamnation pour une autre infraction
(ATF 126 I 19 consid. 2d/aa p. 23/24).
Le recourant a été renvoyé en jugement pour violation des art. 39 al. 1 LCR
et 28 al. 1 OCR et le Tribunal de police a en définitive considéré qu'il
avait contrevenu à l'art. 34 al. 3 LCR. Compte tenu du type d'accident en
cause, on peut se demander si le recourant, assisté d'une avocate, ne devait
pas malgré tout s'attendre à cette dernière qualification et si sa
détermination a véritablement eu une incidence sur sa défense. Il faut en
effet prendre en considération que le renvoi du recourant en jugement
concernait son comportement lorsqu'il a bifurqué. Le recourant pouvait donc
escompter que seraient abordées non seulement la problématique du signalement
de son intention de bifurquer au moyen du clignotant, conformément à l'art.
39 al. 1 LCR en vertu duquel se fondait le renvoi, mais aussi la
problématique plus générale des précautions qu'il avait prises à l'égard de
l'autre usager. L'art. 39 al. 2 LCR prévoit d'ailleurs expressément que le
conducteur qui signale son intention aux autres usagers de la route n'est pas
dispensé pour autant d'observer les précautions nécessaires. Cette
disposition concrétise le devoir général d'assurer la sécurité des autres
usagers. L'art. 34 al. 3 LCR ne fait que rappeler ce devoir.

Quoi qu'il en soit, la Cour de cassation cantonale a laissé ouverte la
question de savoir si le recourant devait s'attendre à la nouvelle
qualification. Elle a relevé que le recourant s'était largement exprimé dans
son recours cantonal à propos de l'art. 34 al. 3 LCR et qu'elle pouvait
statuer elle-même. Elle a ainsi examiné si la condamnation se justifiait en
vertu de cette dernière disposition (cf. arrêt attaqué, consid. 2b). On
déduit de la solution suivie par la Cour de cassation cantonale que celle-ci
a considéré qu'elle pouvait guérir le vice éventuel lié à la modification de
la qualification juridique en première instance. Le recourant ne critique pas
cette approche. Il n'établit pas, du moins d'une manière conforme à l'art. 90
al. 1 let. b OJ, que la Cour de cassation cantonale aurait arbitrairement
appliqué la procédure cantonale en agissant de la sorte. Le recourant ne
conteste par ailleurs pas non plus avoir pu s'exprimer à propos de l'art. 34
al. 3 LCR dans la procédure cantonale de recours. Dans ces conditions, on ne
perçoit aucune violation des droits de la défense. Le grief est infondé, dans
la mesure où il est recevable.

3.
3.1 Le recourant se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits. Il
relève que l'arrêt attaqué ne retient pas les mêmes faits que le jugement de
première instance. Le Tribunal de police lui a reproché de n'avoir pas
regardé en arrière à l'instant de bifurquer à gauche, alors que la Cour de
cassation cantonale a considéré qu'il n'avait pas regardé dans son
rétroviseur au moment de se mettre en présélection.

3.2 Selon la jurisprudence, est arbitraire une décision qui méconnaît
gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou qui heurte
de manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. En d'autres
termes, il ne se justifie de l'annuler que si elle est insoutenable, en
contradiction manifeste avec la situation effective, si elle a été adoptée
sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que
la motivation de la décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit
arbitraire dans son résultat (ATF 128 I 273 consid. 2.1 p. 275; 127 I 54
consid. 2b p. 56; 126 I 168 consid. 3 p. 170).

3.3 Il est vrai que l'état de fait retenu par la Cour de cassation cantonale
se distingue quelque peu de celui de première instance. Toutefois, le
recourant ne soutient pas, ni a fortiori n'établit d'une manière conforme aux
exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, que la Cour de cassation cantonale
aurait de la sorte arbitrairement appliqué une norme de la procédure
cantonale. Le recourant affirme uniquement que la Cour de cassation cantonale
serait tombée dans l'arbitraire en retenant qu'il n'a pas regardé dans son
rétroviseur avant de se mettre en ordre de présélection. Pour lui, cette
constatation ne repose sur aucun élément; rien ne permettrait d'affirmer
qu'il a omis de regarder dans son rétroviseur lors de sa présélection et que
s'il avait regardé il aurait remarqué l'autre véhicule le dépassant. Ce
faisant, le recourant ne fait qu'opposer son point de vue à la solution
retenue, mais ne démontre aucun arbitraire. Le Tribunal de police a relevé
que peu avant l'intersection avec la rue Franc-Alleu, le recourant s'était
mis en présélection en se rapprochant du centre de la chaussée (cf. jugement
de première instance, p. 2). La Cour de cassation cantonale a nié qu'au
moment de se mettre en présélection le recourant ait regardé dans son
rétroviseur. Il est vrai que la motivation fournie par cette dernière est
bien succincte. Néanmoins, compte tenu de ce qui s'est passé, on peut
raisonnablement admettre que si le recourant avait alors regardé dans son
rétroviseur, il aurait remarqué l'autre véhicule, que celui-ci ait déjà ou
non engagé sa manoeuvre de dépassement. Dans toutes les hypothèses, cette
vision de l'autre véhicule aurait incité le recourant à la prudence. Dès lors
qu'un accident s'est produit, il ne paraît pas insoutenable de conclure que
le recourant n'a pas regardé dans son rétroviseur en se mettant en
présélection. La constatation de la Cour de cassation cantonale est exempte
d'arbitraire.

4.
Se plaignant indistinctement d'une violation de son droit d'être entendu et
de la présomption d'innocence, le recourant reproche encore à la Cour de
cassation cantonale de ne pas être entrée en matière sur son argumentation
selon laquelle A.________ avait débuté sa manoeuvre de dépassement alors
qu'il était déjà en ordre de présélection. Il relève que puisque l'arrêt
attaqué ne détermine pas le moment où cette dernière a entrepris son
dépassement, on ne peut exclure que lui-même se trouvait déjà en ordre de
présélection à ce moment. En conséquence, il aurait dû être libéré au
bénéfice du doute. En référence à l'ATF 100 IV 76, il note que l'autre
conductrice doit avoir initié son dépassement entre 60 et 80 mètres avant
l'intersection; que lui-même, compte tenu de la différence de vitesse entre
les deux véhicules, devait à ce moment-là se trouver entre 20 et 30 mètres
avant l'intersection; que 3,6 secondes se sont écoulées avant la jonction. Il
en déduit que lorsque la conductrice a décidé de dépasser, elle ne s'est pas
aperçue qu'il était déjà en ordre de présélection.
L'argumentation développée est sans pertinence. En effet, le droit pénal ne
connaît pas la compensation des fautes (ATF 122 IV 17 consid. 2c/bb p. 24).
La faute qu'aurait ou non commise l'autre conductrice n'empêchait donc pas la
Cour de cassation cantonale d'examiner si le recourant était lui-même ou non
exempt de faute. Elle lui a reproché de n'avoir pas regardé dans son
rétroviseur lors de la présélection. Les critiques précitées émises par le
recourant n'ont aucune incidence sur le comportement ainsi mis en cause. Pour
le reste, savoir si ce comportement réalise ou non l'infraction retenue
relève de l'application de la norme pénale, laquelle ne peut être examinée
dans un recours de droit public (cf. supra, consid. 1.1).

5.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant,
qui succombe, supporte les frais de la procédure (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 francs est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire du recourant, au
Ministère public du canton de Neuchâtel et à la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal neuchâtelois.

Lausanne, le 24 novembre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: