Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6P.133/2003
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6P.133/2003 /pai

Arrêt du 24 novembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Kolly et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffière: Mme Bendani.

X. ________
recourant, représenté par Me Thomas Barth, avocat, 16, rue de Candolle, 1205
Genève,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Ramon Rodriguez, avocat, rue Prévost-Martin 5, case
postale 145, 1211 Genève 4,
Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale
3565, 1211 Genève 3,
Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, place du
Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.

(Procédure pénale; droit d'être entendu, arbitraire),

recours de droit public contre l'ordonnance de la Cour de justice du canton
de Genève, Chambre d'accusation, du 5 septembre 2003.

Faits:

A.
Le 24 mars 2003, X.________ a déposé plainte pour avoir été frappé à la tempe
par le gérant de l'établissement "Z.________", à Genève. Il a précisé qu'il
était alors accompagné de trois amis, A.________, B.________ et C.________.

A.a Selon le rapport de police du 2 mai 2003, dans la nuit du 15 au 16 mars
2003, vers 5 heures, une échauffourée est survenue entre X.________ et
Y.________, gérant du bar "Z.________". Le premier a reçu un coup de son
adversaire qui l'a fait tomber. Il a alors perdu connaissance, puis a été
conduit à l'hôpital cantonal où il a subi quatre points de suture à la tête.
Le certificat médical mentionne une contusion et un hématome avec lacération
de la peau au niveau occipitotemporal côté droit. Selon les gendarmes qui
sont intervenus la nuit en question, le gérant a reconnu avoir bousculé un
client ivre qui est tombé en se blessant à la tête. Lors de son audition,
Y.________ a indiqué que, cette nuit-là, X.________, qui avait beaucoup bu,
avait quitté son établissement à sa demande et qu'une bousculade avec échange
de coups s'en était suivie. Il a prétendu avoir frappé X.________  après que
celui-ci lui ait donné un coup de coude sur l'épaule droite et alors qu'il
s'apprêtait à lui asséner un coup de poing.

A.b Entendu comme témoin, B.________ a confirmé en substance la version du
plaignant, précisant qu'il n'avait pas vu le gérant porter secours à son ami
tombé à terre. D.________, portier du bar, a confirmé la version de son
employeur.

B.
Par décision de classement du 19 mai 2003, le Procureur général du canton de
Genève a renoncé à poursuivre l'affaire aux motifs que le comportement du
plaignant était à l'origine de l'échauffourée et que le mis en cause n'avait
fait que de se défendre contre ce dernier.

C.
Par ordonnance du 5 septembre 2003, la Chambre d'accusation de la Cour de
justice genevoise a rejeté le recours de X.________  estimant que le refus de
poursuivre, motivé en opportunité, ne violait pas le droit fédéral. Elle a
jugé disproportionné de poursuivre l'enquête en raison du doute subsistant
quant au déroulement exact des incidents et du peu de gravité des faits dans
la mesure où il n'en résultait apparemment pas de traumatisme majeur pour la
victime.

D.
Invoquant une violation du droit d'être entendu ainsi que l'arbitraire,
X.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral et conclut à
l'annulation de l'arrêt attaqué. Il requiert l'assistance judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
de droit public qui lui sont soumis (ATF 127 III 41 consid. 2a p. 42).

1.1 L'art. 88 OJ ne reconnaît la qualité pour agir par la voie du recours de
droit public qu'à celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts
personnels et juridiquement protégés. De jurisprudence constante, celui qui
se prétend lésé par un acte délictueux n'a pas qualité pour recourir sur le
fond contre une décision pénale de classement, de non-lieu ou d'acquittement
(cf. ATF 121 IV 317 consid. 3b p. 324 et les références citées). La loi
fédérale sur l'aide aux victimes d'infraction (LAVI; RS 312.5) a cependant
renforcé les droits de procédure des personnes victimes d'une infraction en
leur ouvrant, sous certaines conditions, la faculté de recourir contre un
classement ou un non-lieu. La qualité pour recourir de la victime par la voie
du recours de droit public se fonde alors directement sur l'art. 8 al. 1 let.
c LAVI (ATF 128 I 218 consid. 1.1 p. 219). Cette disposition exige que le
recourant ait subi une atteinte directe à l'intégrité corporelle, sexuelle ou
psychique, du fait de l'infraction dénoncée (art. 2 al. 1 LAVI), qu'il ait
été partie à la procédure auparavant et que la décision attaquée touche ses
prétentions civiles ou puissent avoir des effets sur ces dernières.

1.2 Selon l'arrêt attaqué, le recourant a reçu un coup, est tombé, a  perdu
connaissance et a ensuite été conduit à l'hôpital où on lui a fait quatre
points de suture à la tête. Le certificat médical mentionne une contusion et
un hématome avec lacération de la peau au niveau occipitotemporal côté droit.
Dans son recours, le plaignant invoque aussi d'importantes séquelles
psychologiques et des céphalées dues à l'altercation. L'atteinte à son
intégrité physique semble ainsi présenter une importance suffisante pour
justifier sa qualité de victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI. Le recourant
a manifestement participé à la procédure cantonale dès lors qu'il a déposé
plainte et provoqué par son recours la décision attaquée. On ne peut lui
reprocher de ne pas avoir pris de conclusions civiles, puisque la cause n'a
pas été portée devant une autorité de jugement. Il indique dans son mémoire
qu'il entend faire valoir des prétentions civiles fondées sur les art. 46 et
47 CO et il est manifeste que l'ordonnance de classement est de nature à
exercer une influence négative sur celles-ci. Le recourant a donc qualité
pour former un recours de droit public en application de l'art. 8 al. 1 let.
c LAVI.

1.3 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, à peine
d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou
des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation.
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à
vérifier de lui-même si la décision attaquée est en tous points conforme au
droit ou à l'équité. Il est lié par les moyens invoqués dans le recours et
peut se prononcer uniquement sur les griefs de nature constitutionnelle que
le recourant a non seulement invoqués, mais suffisamment motivés (ATF 127 I
38 consid. 3c p. 43; 126 III 534 consid. 1b p. 536; 125 I 71 consid. 1c p.
76). Le Tribunal fédéral n'entre pas non plus en matière sur les critères de
nature appellatoire (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495).

2.
Le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu.

2.1 Ce droit, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., comprend en particulier le
droit pour l'intéressé d'offrir des preuves, de prendre connaissance du
dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves
pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à
tout le moins de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à
influer sur la décision à rendre (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16).
Toutefois, le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur les éléments
qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige. Il est ainsi
possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes lorsque
le fait à établir est sans importance pour la solution du cas, qu'il résulte
déjà des constatations ressortant du dossier ou lorsque le moyen de preuve
avancé est impropre à fournir les éclaircissements nécessaires.
L'appréciation anticipée des preuves qui ne constitue pas une atteinte au
droit d'être entendu (ATF 125 I 127 consid. 6c/cc p. 135; 124 I 208 consid.
4a p. 211, 241 consid. 2 p. 242; 124 V 180 consid. 1a p. 181) est soumise à
l'interdiction de l'arbitraire au même titre que toute appréciation des
preuves (ATF 124 I 274 consid. 5b p. 285).

L'appréciation des preuves est arbitraire lorsqu'elle contredit d'une manière
choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Le Tribunal fédéral
n'invalide la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance
que si elle apparaît insoutenable, en contradiction  manifeste avec la
situation effective, ou adoptée sans motif objectif. En outre, il ne suffit
pas que les motifs du verdict soient insoutenables; encore faut-il que
l'appréciation soit arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 49 consid. 4 p.
58; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275).

2.2 Le recourant se plaint de ne jamais avoir été entendu sur le fond de
l'affaire.

En l'espèce, la cour cantonale s'est trouvée en présence de deux versions de
faits contradictoires, l'intimé prétendant que le recourant était à l'origine
de l'échauffourée survenue dans le bar et qu'il s'était uniquement défendu
contre ce dernier, ce que celui-ci conteste. A cet égard, le recourant ne
précise pas en quoi son audition aurait pu utilement résoudre ces
contradictions en faveur de sa thèse exposée dans sa plainte circonstanciée.
De plus, celui-ci ne cite aucune disposition cantonale contraignant la police
ou le Procureur général à l'entendre avant de classer l'affaire. Enfin, une
éventuelle violation du droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2
Cst. a de toute manière été réparée puisque le recourant a eu la possibilité
d'attaquer la décision prise, de faire valoir tous ses moyens devant une
autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen et de s'exprimer à
l'audience de plaidoiries (cf. ATF 124 V 389 consid. 5a p. 392 et les
références citées).

2.3 Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir auditionné deux
des témoins directs des événements.

Les juges ont estimé que l'audition de ces témoins, présents lors de
l'altercation, ne saurait contribuer davantage à la manifestation de la
vérité, dès lors qu'en leur qualité de proches de la victime la force
probante de leurs déclarations serait inévitablement atténuée et contredite
par les propres témoins du mis en cause et qu'il subsisterait un doute sur
les circonstances exactes de l'altercation.

En l'espèce, le recourant a indiqué, dans sa plainte pénale, que la nuit en
question, il était accompagné de trois amis. Au regard des relations unissant
ces personnes, la cour cantonale pouvait sans arbitraire estimer que les
témoignages requis n'auraient fait qu'appuyer la version du recourant et
auraient été entachés de partialité. En outre, la motivation cantonale selon
laquelle un doute demeurerait sur les circonstances exactes de l'altercation
n'est pas critiquable puisque d'une part la version de l'intimé selon
laquelle la bagarre aurait été initiée par le plaignant et qu'il aurait
lui-même agi en légitime défense paraît réaliste et que d'autre part elle est
confirmée par les déclarations du portier de l'établissement. Dans ces
conditions, la Chambre d'accusation pouvait renoncer à administrer les
mesures d'instructions requises sans violer le droit d'être entendu du
recourant.

3.
Le recourant invoque aussi l'arbitraire.

Il soutient que le raisonnement de la Chambre d'accusation selon lequel il
subsiste un doute quant au déroulement des faits vu les déclarations
divergentes des personnes entendues et qu'il ne résulte apparemment pas de
traumatisme majeur pour la victime est insoutenable puisque ces questions
auraient pu être résolues par son audition et celle des témoins
complémentaires. En réalité, ce grief équivaut à celui de la violation du
droit d'être entendu tel qu'invoqué et discuté dans le considérant précédent.
Pour le surplus, le recourant se livre à une critique purement appellatoire
des faits retenus, en opposant sa version à celle de l'autorité cantonale,
sans démontrer d'arbitraire d'une manière qui satisfasse un tant soit peut
aux exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 lit. b OJ. Sa critique est dès
lors irrecevable.

4.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il
était d'emblée dénué de chances de succès, l'assistance judiciaire ne peut
être accordée (art. 152 al. 1 OJ) et le recourant, qui succombe, supportera
les frais (art. 156 al. 1 OJ) dont le montant sera fixé en tenant compte de
sa situation financière.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Procureur général du canton de Genève et à la Cour de justice du canton de
Genève, Chambre d'accusation.

Lausanne, le 24 novembre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: