Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6P.127/2003
Zurück zum Index Kassationshof in Strafsachen 2003
Retour à l'indice Kassationshof in Strafsachen 2003


6P.127/2003 /svc

Arrêt du 11 octobre 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffière: Mme Kistler.

T. ________,
recourant, représenté par Me Jean-Daniel Kramer, avocat, case postale 221,
2301 La Chaux-de-Fonds,

contre

Ministère public du canton de Neuchâtel,
rue du Pommier 3, case postale 2672, 2001 Neuchâtel 1,
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
du canton de Neuchâtel, rue du Pommier 1,
case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1.

Art. 8 et 9 Cst. (procédure pénale; arbitraire,
égalité de traitement),

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal neuchâtelois,
Cour de cassation pénale, du 6 août 2003.

Faits:

A.
Par jugement du 19 février 2003, la Cour d'assises neuchâteloise a condamné
T.________, né en 1962, ressortissant turc, pour lésions corporelles simples
qualifiées (art. 123 ch. 2 CP) et participation à une rixe (art. 133 CP), à
deux ans d'emprisonnement, sous déduction de cent trente-quatre jours de
détention préventive. Elle a en outre ordonné son expulsion du territoire
suisse pour une durée de sept ans, avec sursis pendant cinq ans, et a révoqué
le sursis à une peine de vingt et un jours d'emprisonnement.

Par arrêt du 6 août 2003, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
neuchâtelois a confirmé ce jugement.

B.
Il ressort de l'arrêt cantonal que, dans la soirée du 6 juillet 2002, lors de
la fête des promotions à C.________, T.________ a participé, aux côtés de
B.________, à une bagarre au cours de laquelle les frères U.________ et
V.________ ont été blessés. Alors que B.________ a été également condamné à
une peine principale de deux ans d'emprisonnement en application des art.
133, 123 ch. 2 et 122/22 CP, le Ministère public de Neuchâtel a classé la
procédure pénale dirigée contre les frères U.________ et V.________ par
décision du 7 octobre 2002, confirmée le 25 février 2003 par la Chambre
d'accusation cantonale.

C.
T.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral. Invoquant
une violation du principe d'égalité de traitement, il conclut à l'annulation
de l'arrêt attaqué. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit public au Tribunal fédéral peut être formé contre une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ). Il ne peut cependant pas être exercé pour une
violation du droit fédéral, laquelle peut donner lieu à un pourvoi en nullité
(art. 269 al. 1 PPF); un tel grief ne peut donc être invoqué dans le cadre
d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ; art. 269
al. 2 PPF).
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte
de recours. Il résulte de l'art. 90 al. 1 let. b OJ que le recourant, en se
fondant sur la décision attaquée, doit indiquer quels sont les droits
constitutionnels qui auraient été violés et préciser, pour chacun d'eux, en
quoi consiste la violation (voir par exemple ATF 122 I 70 consid. 1c p. 73).

2.
En substance, le recourant fait grief à l'autorité cantonale d'avoir violé le
principe d'égalité de traitement en le condamnant pour participation à une
rixe (art. 133 CP), alors qu'elle a libéré de toute charge les frères
U.________ et V.________.

2.1 Selon la jurisprudence, l'autorité viole le principe de l'égalité de
traitement posé à l'art. 8 Cst. lorsqu'elle traite de façon différente deux
situations qui sont tellement semblables qu'elles requièrent un traitement
identique ou lorsqu'elle traite d'une façon identique deux situations qui
sont tellement différentes qu'elles requièrent un traitement différent (ATF
129 I 113 consid. 5.1 p. 125). Pour qu'il y ait inégalité de traitement, les
décisions contradictoires doivent donc émaner de la même autorité; l'autorité
doit se contredire elle-même. En outre, le principe de l'égalité ne vaut que
si l'autorité respecte celui de la légalité; il n'y a ainsi pas d'égalité
dans l'illégalité, sauf à démontrer que l'autorité entend persister dans sa
pratique illégale (Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel suisse,
vol. II, Les droits fondamentaux, Berne 2000, n. 1023 s., p. 501).

2.2 En l'espèce, les décisions en cause ont été rendues par des autorités
différentes. C'est le Ministère public, qui a classé la plainte du recourant
à l'encontre des frères U.________ et V.________, et c'est la Cour d'assises,
qui a condamné le recourant pour rixe. Alors que le Ministère public a estimé
que les frères U.________ et V.________ avaient été victimes d'une agression
dont  le recourant était l'un des auteurs (art. 134 CP), la Cour d'assises a
considéré, de manière plus favorable au recourant, qu'il y avait eu une rixe
à laquelle le recourant avait participé (art. 133 CP). Selon l'état de fait
cantonal, non contesté par le recourant, les quatre protagonistes ont tous
pris une part active à la bagarre. Les frères U.________ et V.________ ont eu
une attitude offensive (et non seulement défensive), et la bagarre a entraîné
des lésions chez les participants. C'est donc avec raison que l'autorité
intimée a condamné le recourant pour participation à une rixe (art. 133 CP).
Le principe de la légalité l'emportant sur celui de l'égalité, elle ne
pouvait libérer le recourant de toute charge au motif que les frères
U.________ et V.________ n'étaient pas renvoyés devant elle (alors qu'ils
auraient dû l'être). Elle ne pouvait par ailleurs pas condamner les frères
U.________ et V.________, dès lors que le Ministère public avait rendu à leur
égard une ordonnance de classement, qui avait été confirmée par la Chambre
d'accusation cantonale. Infondé, le grief d'inégalité de traitement invoqué
par le recourant doit être rejeté.

3.
Le recourant se plaint en outre de la violation du principe de l'interdiction
de l'arbitraire (art. 9 Cst.). Comme la Cour de céans l'a expliqué au
considérant précédent, l'arrêt attaqué est conforme au droit et ne saurait
être qualifié d'arbitraire au motif que les autres participants à la rixe ont
été libérés de toute charge. Infondé, le grief du recourant doit être écarté.

4.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Le recourant, qui
succombe, doit être condamné à payer les frais (art. 156 al. 1 OJ). Comme le
recours était d'emblée dépourvu de chance de succès, l'assistance judiciaire
doit être refusée (art. 152 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Ministère public du canton de Neuchâtel et à la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal neuchâtelois.

Lausanne, le 11 octobre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: