Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6P.124/2003
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6P.124/2003 /pai

Arrêt du 12 novembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Kolly et Karlen.
Greffière: Mme Kistler.

A. X.________,
recourante, représentée par Me Mercedes Novier, avocate, avenue de la Gare 5,
case postale 251, 1001 Lausanne,

contre

Y.________,
intimé, représenté par Me Nicolas Perret, avocat,
avenue du Cardinal-Mermillod 36, case postale 2128, 1227 Carouge GE,
Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal
8, 1014 Lausanne.

Art. 9 Cst. (application arbitraire du droit cantonal),

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal
cantonal vaudois, du 23 juillet 2003.

Faits:

A.
Depuis juin 1999, Y.________ vit maritalement avec Z.________ et les trois
filles de celle-ci, A. (1994), B. (1996) et C. (1997) X. ________. Il est
reproché à Y.________ d'avoir pris, dans le courant de l'été ou de l'automne
1999, deux bains avec A. et de l'avoir au moins une fois assise, en la
lavant, sur son sexe en érection. Par ailleurs, il aurait infligé des mauvais
traitements aux trois enfants ainsi qu'à son propre fils T.

B.
Par ordonnance du 21 mai 2003, le Juge d'instruction de l'arrondissement de
La Côte a renvoyé Y.________ devant le Tribunal correctionnel pour les actes
d'ordre sexuel, mais a rendu un non-lieu pour les autres infractions liées
aux mauvais traitements.

Statuant le 23 juillet 2003 notamment sur recours d'A. X.________, le
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois a confirmé l'ordonnance du
21 mai 2003, mettant une partie des frais de l'arrêt à la charge de l'enfant.

C.
Agissant par l'entremise de sa curatrice, A. X.________ forme un recours de
droit public auprès du Tribunal fédéral. Invoquant une application arbitraire
du droit cantonal, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué dans la
mesure où celui-ci met les frais à sa charge. En outre, elle sollicite
l'assistance judiciaire.

Le Ministère public vaudois conclut à l'admission du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La recourante ne remet pas en cause la décision de non-lieu. Elle conteste
uniquement sa condamnation à supporter les frais judiciaires; l'arrêt attaqué
la concernant sur ce point personnellement, elle a qualité pour recourir
(art. 88 OJ).

Le recours de droit public au Tribunal fédéral peut être formé contre une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ). Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et
suffisamment motivés dans l'acte de recours. Il résulte de l'art. 90 al. 1
let. b OJ que le recourant, en se fondant sur la décision attaquée, doit
indiquer quels sont les droits constitutionnels qui auraient été violés et
préciser, pour chacun d'eux, en quoi consiste la violation (voir par exemple
ATF 122 I 70 consid. 1c p. 73).

2.
La recourante soutient que l'autorité cantonale a appliqué de manière
arbitraire l'art. 159 du code de procédure pénale vaudois (ci-après: CPP/VD).

2.1 Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle
viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou
contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.
Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité
cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en
contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs
objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que
les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci
soit arbitraire dans son résultat. A cet égard, il ne suffit pas non plus
qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisse
être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 127
I 54 consid. 2b p. 56; 126 I 168 consid. 3a p. 170; 125 I 166 consid. 2a p.
168; 125 II 10 consid. 3a p. 15).

2.2 L'art. 307 CPP/VD prévoit que "si le recours [au Tribunal d'accusation]
est rejeté, le recourant peut être condamné aux frais de son recours". Pour
le surplus, les art. 157 ss CPP/VD sont applicables aux frais de l'arrêt (cf.
Philippe Abravanel, Les voies de droit au Tribunal d'accusation en procédure
pénale vaudoise, in: JT 1985 III 2 spéc. p. 13). D'après l'art. 159 CPP/VD,
"le plaignant et la partie civile peuvent, même si le prévenu est condamné à
une peine, être astreints à supporter une partie des frais si l'équité
l'exige, notamment s'ils ont agi par dol, témérité ou légèreté ou s'ils ont
compliqué l'instruction".

Fondée sur une responsabilité analogue à celle découlant des art. 41 ss CO,
la condamnation du plaignant aux frais de la cause ne saurait intervenir que
pour des motifs précis. Il convient d'examiner le rôle qu'il a joué durant la
procédure, en recherchant notamment s'il a provoqué les frais de procédure en
agissant dolosivement, avec légèreté ou en compliquant inutilement
l'instruction. Le seul échec de l'action pénale ne saurait donc, pour les
infractions qui, comme en l'espèce, sont poursuivies d'office, justifier la
condamnation aux frais de justice du plaignant, celui-ci devant en outre se
voir reprocher une faute procédurale (arrêt non publié du Tribunal fédéral du
3 août 1992, 1P.75/1992; arrêt non publié du Tribunal fédéral du 23 juin
1992, 1P.431/1991; arrêt non publié du Tribunal fédéral du 21 août 1991,
1P.76/1991).

2.3 En l'espèce, le juge d'instruction a prononcé un non-lieu au motif qu'il
n'était pas établi que l'intimé avait excédé ce que l'on pouvait généralement
admettre pour corriger l'enfant que l'on éduque. Dans son arrêt, le Tribunal
d'accusation vaudois a confirmé le non-lieu, mais il a admis que la
motivation n'était pas adéquate. Il a reconnu que l'intimé avait frappé
l'enfant, mais il a constaté que les voies de fait au sens de l'art. 126 CP
étaient prescrites et qu'elles ne pouvaient par ailleurs mettre en danger le
développement physique ou psychique de la fillette et tomber sous le coup de
l'art. 219 CP. Étant donné que le Tribunal d'accusation s'est écarté de la
motivation du juge d'instruction et a ainsi partiellement donné raison à la
recourante, on ne saurait considérer que le recours au Tribunal d'accusation
vaudois de cette dernière était totalement dépourvu de fondement et encore
moins qu'il était abusif. On rappellera en outre que la recourante est une
enfant de 6-7 ans, qui se trouve dans une relation de dépendance face au
compagnon de sa mère et qui mérite une protection particulière; on ne saurait
donc reprocher à sa curatrice d'avoir recouru à l'autorité de surveillance et
d'avoir exercé un droit légitime pour protéger l'intégrité de sa pupille.
L'arrêt attaqué, non motivé, est donc arbitraire sur ce point. Le recours
doit dès lors être admis et le chiffre IV de l'arrêt attaqué doit être
annulé.

3.
Comme la recourante a obtenu gain de cause, il ne sera pas perçu de frais et
le canton de Vaud lui versera une indemnité à titre de dépens. La demande
d'assistance judiciaire devient ainsi sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et le chiffre IV du dispositif de l'arrêt attaqué est
annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais.

3.
Le canton de Vaud versera à Me Mercedes Novier une indemnité de 1'000 francs
à titre de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal d'accusation du Tribunal
cantonal vaudois.

Lausanne, le 12 novembre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: