Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6P.122/2003
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6P.122/2003 /pai

Arrêt du 11 novembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Kolly et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffière: Mme Kistler.

X. ________,
recourant, représenté par Me André Gossin, avocat,
case postale 259, 2740 Moutier,

contre

Procureur général du canton du Jura, Le Château, case postale 9, 2900
Porrentruy,
Cour pénale du Tribunal cantonal du canton du Jura, case postale 24, 2900
Porrentruy 2.

Art. 9, 32 Cst, art. 6 ch. 2 CEDH (procédure pénale; présomption d'innocence,
principe "in dubio pro reo"),

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du
Jura, Cour pénale, du 7 juillet 2003.

Faits:

A.
Par jugement du 20 février 2003, le Tribunal correctionnel jurassien de
première instance a condamné X.________, pour infraction grave à la loi
fédérale sur les stupéfiants, à une peine de 18 mois d'emprisonnement, avec
sursis pendant cinq ans, ainsi qu'à une amende de 6'000 francs.

Statuant sur appel le 7 juillet 2003, la Cour pénale du Tribunal cantonal
jurassien a confirmé ce jugement.

B.
Cette condamnation repose notamment sur les faits suivants:

Depuis septembre 1999, X.________ exploitait le magasin "A.________", à
Delémont, où il vendait des produits à base de chanvre, en particulier des
habits, des produits alimentaires, des produits cosmétiques et du matériel de
culture du chanvre. Dès mai 2000, il a commencé à vendre à l'occasion des
sachets de chanvre.

Le 2 mars 2001, deux ressortissants français, B.________ et C.________, sont
entrés dans le magasin pour acheter des sachets de chanvre. Après discussion,
X.________ a convenu avec eux qu'il leur livrerait deux kilos de chanvre pour
le prix de FF 19'500 le 6 mars 2001 à 13h00 au restaurant "D.________" à
Delémont. Le jour convenu, il est arrivé au restaurant au volant d'une petite
voiture noire avec un autocollant vert portant la mention "A.________". Après
avoir compté l'argent, il leur a remis deux sacs de chanvre, dans un sac
poubelle.

C.
X.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral. Invoquant
notamment l'arbitraire dans l'établissement des faits et la violation de la
présomption d'innocence, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué.

Parallèlement, il a déposé un pourvoi en nullité.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral peut être formé contre une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ). Il ne peut cependant pas être exercé pour une
violation du droit fédéral, laquelle peut donner lieu à un pourvoi en nullité
(art. 269 al. 1 PPF); un tel grief ne peut donc être invoqué dans le cadre
d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ; art. 269
al. 2 PPF).

Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte
de recours. Il résulte de l'art. 90 al. 1 let. b OJ que le recourant, en se
fondant sur la décision attaquée, doit indiquer quels sont les droits
constitutionnels qui auraient été violés et préciser, pour chacun d'eux, en
quoi consiste la violation (voir par exemple ATF 122 I 70 consid. 1c p. 73).

1.2 Sous réserve de certaines exceptions sans pertinence en l'espèce, le
recours de droit public n'est recevable qu'à l'encontre des décisions prises
en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ). Le recourant doit dès lors
faire valoir ses griefs devant les autorités cantonales et ne peut pas en
soulever de nouveaux dans le recours de droit public.

2.
Invoquant une violation des art. 9 et 32 Cst., le recourant soutient que
l'autorité cantonale est tombée dans l'arbitraire et a violé la présomption
d'innocence en retenant qu'il avait vendu deux kilos de chanvre à deux
ressortissants français. En effet, selon lui, les déclarations des deux
ressortissants français qui l'accusent ne permettraient pas d'établir sa
culpabilité, dès lors qu'elles seraient contradictoires sur des points
essentiels, à savoir sur la description du vendeur (l'un a décrit le vendeur
comme ayant des cheveux longs et l'autre comme ayant des cheveux courts), sur
le lieu de la transaction (pour l'un, la transaction a eu lieu au restaurant
D.________ dans une cave, pour l'autre, elle a eu lieu à l'extérieur du
bâtiment), ainsi que sur le déroulement de la transaction (l'un a déclaré
avoir attendu le vendeur, alors que l'autre a affirmé que celui-ci les
attendait).

2.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle viole
gravement une règle de droit ou un principe juridique clair et indiscuté ou
lorsqu'elle contredit de manière choquante le sentiment de la justice et de
l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si
celle-ci est insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation
effective, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un
droit certain. Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable, encore
faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 124 V 137 consid. 2b
p. 139).
La présomption d'innocence, garantie expressément par l'art. 6 ch. 2 CEDH et
l'art. 32 al. 1 Cst., et le principe "in dubio pro reo", qui en est le
corollaire, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des
preuves. Dans la mesure où l'appréciation des preuves est critiquée en
référence avec la présomption d'innocence, celle-ci n'a pas une portée plus
large que l'interdiction de l'arbitraire. En tant qu'elle s'applique à la
constatation des faits et à l'appréciation des preuves, la maxime "in dubio
pro reo" est violée lorsque l'appréciation objective de l'ensemble des
éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à
la culpabilité de l'accusé (ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 87/88; 120 Ia 31
consid. 2e et 4b p. 38 et 40). Sa portée ne va pas, sous cet aspect, au-delà
de l'interdiction de l'arbitraire (ATF 120 Ia 31 consid. 2d p. 37/38).

2.2 Selon le Code de procédure pénale du Jura, le juge apprécie librement le
résultat de l'administration des preuves sur la base des débats et du dossier
(art. 293 CPP/JU; cf. aussi art. 249 PPF). Face à des témoignages divergents,
il appartient au juge de se forger une conviction au regard de l'ensemble des
éléments qui figurent au dossier. En l'espèce, l'autorité cantonale relève
que, si les déclarations des témoins divergent sur certains points, elles
coïncident sur d'autres, à savoir sur le lieu de la négociation (A.________),
sur celui de la transaction (le Restaurant D.________) et sur la voiture du
recourant (petite voiture noire). Elle a par ailleurs constaté que le
recourant connaissait les lieux de la négociation et de la transaction. Les
deux témoins ont en outre reconnus le recourant sans hésitation et séparément
lors de la confrontation organisée par le juge d'instruction. Enfin, il a été
établi que le recourant travaillait effectivement au magasin "A.________" le
jour de la négociation et que l'un des français savait que le recourant avait
un associé, ce que le recourant pouvait seul lui apprendre. Au vu de ces
différents éléments, il ne paraît pas arbitraire d'avoir retenu que le
recourant avait vendu deux kilos de chanvre aux deux ressortissants français,
et ce même si le recourant le conteste et si les témoignages de ces derniers
ne coïncident pas tout à fait. Infondés, les griefs du recourant doivent donc
être écartés.

3.
Invoquant une violation de l'art. 29 al. 2 Cst., le recourant fait en outre
grief à l'autorité cantonale de ne pas avoir dit en quoi les contradictions
manifestes relevées n'en seraient pas et établi en quoi les déclarations du
recourant seraient moins crédibles que celles des deux autres accusés.

3.1 Il découle du droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.,
l'obligation, pour l'autorité, d'indiquer dans son prononcé les motifs qui la
conduisent à sa décision (cf. pour la jurisprudence relative à l'art. 4
aCst., ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 109). L'obligation de motiver, telle que
déduite du droit d'être entendu, impose aux tribunaux de mentionner, au moins
brièvement, les motifs qui les ont guidés et sur lesquels porte leur
sentence, pour que l'intéressé puisse évaluer la portée de la décision prise
et les possibilités de l'attaquer à bon escient. Il convient de se montrer
exigeant lorsque l'autorité bénéficie d'une grande liberté d'appréciation. En
revanche, si les tribunaux doivent mentionner, au moins dans les grandes
lignes, les raisons qui les ont poussés vers tel ou tel résultat, ils n'ont
pas à examiner toutes les multiples façons dont les choses auraient pu se
dérouler, ni à dire pourquoi ils ont écarté telle version des faits et retenu
telle autre (ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 109).

3.2 En l'espèce, l'autorité cantonale énumère les différents éléments qui
l'ont amenée à admettre que le recourant avait bien vendu les deux kilos de
chanvre aux deux ressortissants français. Elle rappelle les éléments
déterminants des témoignages des ressortissants français qui ont emporté sa
conviction et relève que la version des faits du recourant selon laquelle il
se serait trouvé à Bienne lors de la transaction n'est corroborée par aucun
élément du dossier. Cette motivation est compatible avec les exigences de
l'art. 29 al. 2 Cst. Mal fondé, le grief du recourant doit être rejeté.

4.
En conséquence, le recours doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, doit
supporter les frais (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 francs est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Procureur général du canton du Jura et à la Cour pénale du Tribunal cantonal
jurassien.

Lausanne, le 11 novembre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: