Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6P.121/2003
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6P.121/2003 /pai

Arrêt du 9 octobre 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Kolly et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffière: Mme Angéloz.

A. X.________,
recourante, représentée par Me Jacques Baumgartner, avocat, Bel-Air-Métropole
1, case postale 2160,
1002 Lausanne,

contre

Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Chambre supérieure du Tribunal des mineurs du canton de Vaud, chemin du
Trabandan 28,
1014 Lausanne.

Art. 29 al. 2, 19 et 49 Cst., art. 6 CEDH; art. 18 CDE (procédure pénale;
droit d'être entendu, droit à un enseignement de base, force dérogatoire du
droit
fédéral, droit à un juge impartial, etc.),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre supérieure du Tribunal
des mineurs du canton de Vaud du 18 juin 2003.

Faits:

A.
Dans le cadre d'une enquête ouverte contre A. X.________, née le 3 février
1989, pour vol et contravention à la LStup, la Présidente du Tribunal des
mineurs du canton de Vaud, par ordonnance du 19 mai 2003, a placé la
susnommée en garde provisionnelle, en application de l'art. 32 de la loi
vaudoise du 26 novembre 1973 sur la juridiction pénale des mineurs (LJM).

B.
Par arrêt du 18 juin 2003, la Chambre supérieure du Tribunal des mineurs du
canton de Vaud a écarté le recours formé par A. X.________ et son père, B.
X.________, contre cette décision, considérant, en bref, que la mesure
ordonnée était justifiée.

C.
A. X.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral. Elle se
plaint notamment d'une violation du droit d'être entendu garanti par l'art.
29 al. 2 Cst., d'une violation des art. 19 et 49 Cst., de l'art 18 de la
Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CDE; RS 107)
et du droit à un juge impartial garanti par l'art. 6 ch. 1 CEDH. Elle conclut
principalement à ce que le Tribunal fédéral déclare "nul et inopérant" l'art.
32 LJM et, partant, constate la nullité de l'arrêt attaqué, subsidiairement,
à l'annulation de ce dernier et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale,
demandant en outre "cumulativement" l'annulation du mandat d'arrêt décerné le
26 juin 2003 à son encontre par la Présidente du Tribunal des mineurs.

Elle a formé parallèlement un pourvoi en nullité, qui a été déclaré
irrecevable par arrêt de ce jour (6S.304/2003).

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec un libre pouvoir d'examen la
recevabilité des recours dont il est saisi (ATF 128 II 46 consid. 2a p. 47 et
les arrêts cités).

2.
Aux termes de l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de droit public n'est recevable
qu'à l'encontre des décisions rendues en dernière instance cantonale. Cette
disposition signifie que les griefs soulevés devant le Tribunal fédéral ne
doivent plus pouvoir faire l'objet d'un recours ordinaire ou extraordinaire
de droit cantonal (ATF 126 I 257 consid. 1a p. 258).

Ainsi qu'il résulte de l'arrêt rendu ce jour sur le pourvoi en nullité déposé
parallèlement par la recourante, l'arrêt attaqué écarte un recours dirigé
contre une décision relative à une mesure d'instruction prise au cours de
l'enquête (cf. arrêt 6S.304/2003, consid. 1). Il s'agit donc d'une décision
rendue sur recours par le Tribunal des mineurs, au sens de l'art. 39 LJM, à
l'encontre de laquelle aucun recours ordinaire ou extraordinaire de droit
cantonal n'est ouvert et, partant, d'une décision de dernière instance
cantonale au sens de l'art. 86 al. 1 OJ. Le recours de droit public est donc
recevable à son encontre.

3.
Le recours de droit public a été déposé au nom de la recourante elle-même, et
non de ses représentants légaux, notamment de son père, par un avocat, qui
justifie de ses pouvoirs par une procuration, donnée et signée toutefois
exclusivement par le père de la recourante. Se pose dès lors la question de
la recevabilité du recours sous l'angle de la qualité pour agir.

3.1 Selon la jurisprudence, le mineur capable de discernement peut agir seul
- ou par un représentant de choix - pour faire valoir les droits relevant de
sa personnalité (ATF 120 Ia 369 consid. 1 p. 371 s.; cf. également ATF 112 IV
9 consid. 1a p. 10).

Il n'est pas douteux que la recourante, qui est actuellement âgée de 14 ½
ans, est touchée dans ses droits de la personnalité par une décision qui
confirme une garde provisionnelle au sens de l'art. 32 al. 1 LJM, soit un
placement provisoire, qui peut être ordonné pendant l'enquête ouverte contre
un mineur, lorsqu'il apparaît nécessaire et urgent d'éloigner ce dernier de
son milieu habituel en le confiant pour un certain temps à une personne ou
une institution. Cela doit d'autant plus être admis au regard des conceptions
actuelles, consacrées, notamment par la CDE, étant par ailleurs rappelé que
l'art. 25 CEDH n'opère aucune distinction entre mineurs et majeurs quant à la
qualité de partie et à la capacité de procéder (ATF 120 Ia 369 consid. 1a p.
371/372 et les références citées). Comme il n'est aucunement établi ni
d'ailleurs allégué qu'elle serait incapable de discernement, la recourante
aurait donc pu former seule, donc sans le consentement de ses représentants
légaux, le présent recours, soit en agissant personnellement soit en
mandatant à cette fin un défenseur de son choix. Elle ne l'a toutefois pas
fait, puisqu'elle n'a pas déposé elle-même le présent recours ni n'a signé la
procuration produite à l'appui.

3.2 S'ils constituent des droits strictement personnels, que le mineur
capable de discernement peut donc exercer seul, personnellement ou par
l'entremise d'un mandataire de choix, les droits de la personnalité ainsi que
le droit d'ester en justice pour faire valoir ces droits ne sont pas
exclusifs de représentation. Le représentant légal du mineur peut aussi
exercer et faire valoir ces droits en justice à la place du mineur si ce
dernier est incapable de discernement. Il est en revanche unanimement admis
que le représentant légal ne peut agir à la place du mineur capable de
discernement sans le consentement (au moins tacite) de ce dernier (Henri
Deschenaux/Paul-Henri Steinauer, Personnes physiques et tutelle, 4ème éd.,
Berne 2001, n° 539b; Pierre Tercier, Le nouveau droit de la personnalité,
Zurich 1984, n° 825 ss, notamment 833, et n° 1994 ss; Andreas Bucher,
Personnes physiques et protection de la personnalité, 4ème éd., Bâle 1999, n°
512 s; Eugen Bucher, Das Personenrecht. Die natürlichen Personen, Kommentar
zu Art. 11-26 ZGB, commentaire bernois, T.I/2/1, 3ème éd., Berne 1976, Art.
19 CC, n° 225 et 232), comme cela ressortait au demeurant déjà d'une
jurisprudence ancienne (ATF 41 II 553 consid. 1 p. 555/556).

En l'espèce, le recours a été déposé par un avocat mandaté par le père de la
recourante, qui est son représentant légal, sans toutefois qu'il soit établi
que celle-ci y aurait consenti. Un consentement expresse fait en tout cas
défaut, en l'absence de toute déclaration en ce sens de la recourante, dont
on ne trouve pas trace dans le dossier, étant par ailleurs rappelé que seul
son père a signé la procuration. On ne discerne pas non plus d'indices d'un
consentement tacite, dont on est au contraire fondé à douter. Il résulte en
effet de la pièce 812 du dossier, à laquelle se réfère l'arrêt attaqué, que
la garde provisionnelle litigieuse a été préconisée dans un rapport
d'observation du 22 mai 2003 adressé au tribunal, dont il ressort notamment
que les relations de la recourante avec ses parents sont conflictuelles et
qu'elle n'était alors pas elle-même opposée à un placement, qu'elle aurait
même vivement souhaité, ce que tend à confirmer la pièce 982 du dossier, soit
une lettre du 17 juin 2003 adressée à la magistrate ayant prononcé la mesure
litigieuse, dans laquelle la recourante lui exprimait sa reconnaissance. Au
demeurant, et c'est ce qui est surtout déterminant, la mesure litigieuse a
précisément pour but de confier provisoirement à une personne ou à une
institution la garde d'un mineur "qu'il paraît nécessaire et urgent
d'éloigner de son milieu" (cf. art. 32 al. 1 LJM), notamment de son milieu
familial lorsque celui-ci est source de difficultés pour le mineur (cf.
Romano Buob, Les mesures appliquées aux délinquants mineurs dans le canton de
Vaud, Thèse Lausanne 1977, p. 30 et 31). Dans ces conditions, il n'est pas
possible de conclure à un consentement de la recourante au présent recours,
d'autant moins qu'il n'est même pas allégué par le père de celle-ci, auquel
l'exigence d'un tel consentement ne pouvait échapper dès lors qu'il est
lui-même avocat.

3.3 Au vu de ce qui précède, se pose la question de savoir s'il n'y a pas
lieu de procéder conformément à l'art. 30 al. 2 OJ, qui dispose, notamment,
que, lorsque la signature d'une partie fait défaut ou que le signataire n'est
pas autorisé, un délai convenable est imparti à l'intéressé pour réparer le
vice, avec l'avertissement qu'à défaut, l'acte ne sera pas pris en
considération. En l'occurrence, pour les motifs exposés ci-après, il est
toutefois vain de le faire.

3.4 La recevabilité du recours de droit public est notamment subordonnée à
l'existence d'un intérêt actuel et pratique à l'admission du recours. La
jurisprudence ne renonce à cette condition que lorsqu'elle ferait obstacle au
contrôle de la constitutionnalité d'un acte qui pourrait se reproduire en
tout temps dans des circonstances semblables et qui, en raison de sa brève
durée, échapperait ainsi toujours à la censure de la cour suprême (ATF 127 I
164 consid. 1a p. 166 et les arrêts cités).

En l'espèce, il résulte des pièces du dossier que la recourante a fugué dans
la nuit du 22 au 23 juin 2003 de l'institution où elle avait été placée en
garde provisionnelle et qu'elle est actuellement toujours en fugue; de fait,
elle se trouverait en France, où, comme l'a précisé son mandataire dans une
lettre du 28 juillet 2003 adressée à la Présidente du tribunal des mineurs,
elle serait "sous le contrôle de ses parents". Eu égard à cette situation,
ainsi qu'il ressort de la pièce 9106 du dossier, la magistrate qui avait
ordonné la mesure litigieuse a signifié, le 14 août 2003, à l'institution
dans laquelle elle avait placé la recourante que, vu l'absence durable de
cette dernière, il convenait de libérer la place qui lui était réservée en
faveur d'un autre jeune en difficulté, de sorte qu'elle décidait de mettre un
terme au placement de la recourante dans l'institution en question. Autrement
dit, le placement dans ladite institution - qui, selon l'arrêt attaqué, était
essentiellement, voire exclusivement, contesté - a été levé, de sorte que, si
la recourante devait revenir en Suisse, elle n'y serait pas réintégrée. Le
cas échéant, une nouvelle décision devrait être rendue et, compte tenu de la
spécificité de la procédure applicable aux mineurs, il n'est pas douteux que
non seulement le placement dans une institution déterminée mais le bien-fondé
de la mesure elle-même ferait alors l'objet d'un nouvel examen. Cette
nouvelle décision se substituerait à celle que l'arrêt attaqué confirme et,
au besoin, il serait alors loisible à la recourante de la contester par un
recours.

Dans ces conditions, la recourante n'a pas plus d'intérêt au présent recours,
qui est devenu sans objet et auquel il serait donc vain de s'assurer qu'elle
consent.

Au reste, il ne se justifie pas en l'espèce de renoncer à l'exigence d'un
intérêt actuel. En effet, c'est en raison du comportement de la recourante
elle-même, qui s'y est soustraite pendant des semaines,  que la mesure
litigieuse n'a plus pu être exécutée et a finalement été levée, privant
d'objet un recours dirigé contre une décision dont, sans cela, la
constitutionnalité eût pu être contrôlée par le Tribunal fédéral.

3.5 Ainsi, aboutirait-on à admettre, en procédant conformément à l'art. 30
al. 2 OJ, qu'il est recevable sous l'angle de la qualité pour agir, que le
recours devrait de toute manière être déclaré irrecevable, faute d'intérêt de
la recourante à un recours visant à contester une décision qui a perdu son
objet.

4.
Le recours doit dès lors être déclaré irrecevable. Vu son issue, la
recourante supportera les frais (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est déclaré irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 francs est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au
Ministère public du canton de Vaud et à la Chambre supérieure du Tribunal des
mineurs du canton de Vaud.

Lausanne, le 9 octobre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: