Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6P.120/2003
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6P.120/2003 /viz

Arrêt du 10 octobre 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Kolly et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Denys.

A. ________,
recourant, représenté par Me Jean Lob, avocat,
rue du Lion d'Or 2, case postale 3133, 1002 Lausanne,

contre

B.________,
intimée, représentée par Mireille Loroch, avocate,
avenue Juste-Olivier 11, case postale 1299,
1001 Lausanne.
Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale, 1014 Lausanne.

Défense d'office, procédure pénale,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois, Cour de
cassation pénale, du 19 février 2003.

Faits:

A.
Par jugement du 19 novembre 2002, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement de La Côte a condamné A.________, mis au bénéfice d'une
responsabilité légèrement diminuée, pour viol, contrainte sexuelle,
séquestration et enlèvement, à trois ans et demi de réclusion, sous déduction
de onze jours de détention préventive. Le tribunal a par ailleurs alloué
30'000 francs à B.________ à titre d'indemnité pour tort moral. Il ressort
notamment ce qui suit de ce jugement:
A.aLe 16 novembre 1999, vers 3 ou 4 heures, A.________ circulait en voiture à
la rue des Pâquis à Genève et a abordé une prostituée, C.________. Ils se
sont mis d'accord sur le prix, qui n'a cependant jamais été payé. Ils sont
partis en voiture en direction de Versoix, où A.________ avait dit habiter.
Passé cette localité, A.________ a continué de rouler en direction du Jura
vaudois, ce qui a intrigué C.________, qui a demandé où ils allaient. Il a
répondu se rendre dans un abri qu'il connaissait. Il semble qu'il se soit
alors égaré. C.________ a commencé à se faire du souci en constatant qu'ils
arrivaient dans les bois. Elle a indiqué qu'il lui avait posé d'étranges
questions, par exemple ce qu'elle ferait si elle se retrouvait seule dans les
bois ou si elle rencontrait des sangliers. Selon la version des faits de
C.________, suivie par le tribunal, A.________ l'a abandonnée à proximité
d'une maison, qui était fermée à clé. Elle a erré dans la neige. Il est
ensuite revenu sur place. Elle a tenté de se cacher mais il l'a vue. Il lui a
dit que si elle voulait rentrer à Genève elle devait se déshabiller dans la
neige. Terrifiée, elle s'est mise nue, ainsi que le lui demandait A.________.
Il lui a ensuite dit de venir dans la voiture et lui a demandé de le caresser
et de l'embrasser. Elle s'est exécutée. Une patrouille de la douane est alors
intervenue.

Aux débats, C.________ a renoncé à toutes conclusions civiles contre
A.________.

A.b Le 4 avril 2000 vers 2 heures, A.________, au volant de sa voiture, a
abordé une prostituée, B.________. Celle-ci, pensionnée AI, s'adonne encore
occasionnellement à la prostitution. Séropositive, elle ne consent pas à des
rapports sexuels complets et se limite à des fellations. Plutôt que de se
rendre à Genève sur le lieu de travail habituel de B.________, A.________ a
pris la direction de Versoix, affirmant y connaître un endroit tranquille
dans un petit bois. Constatant qu'il s'y trouvait trop de monde, il a indiqué
qu'il préférait monter vers les bois du Jura, évoquant un chalet dont il
aurait hérité. A ce stade, B.________ lui a demandé d'arrêter son véhicule,
sans quoi elle sortirait en sautant. Lorsqu'elle a tenté d'ouvrir une
portière, elle a remarqué qu'elle était verrouillée. Elle a alors pris peur.
Ils sont finalement parvenus à une clairière située dans le bois situé
au-dessus de Chéserex. Une fois le véhicule arrêté, A.________ a ordonné à
B.________ de se déshabiller. Comme elle s'y refusait, il a saisi un spray,
lui a aspergé le visage tout en disant qu'elle allait payer pour ce que les
autres femmes lui avaient fait. Il l'a ensuite éblouie avec une lampe de
poche et lui a dit de se déshabiller dans le but d'entretenir une relation
sexuelle. B.________ a pris le parti de ne pas s'opposer. Elle lui a
toutefois demandé de mettre un préservatif en raison de sa séropositivité. Il
lui a rétorqué "avec la tête que tu as, tu ne vas pas me dire que tu es
séropositive". Il a jeté le préservatif et a introduit son sexe dans le vagin
de B.________, lui disant de ne pas bouger et la tenant par les cheveux. Il
lui a expliqué que plus elle serait gentille, moins elle aurait mal. La
relation a duré longtemps, sans qu'il n'éjacule. Il s'est ensuite levé et a
demandé à B.________ de lui prodiguer une fellation. Elle s'est exécutée,
sans qu'un préservatif ne soit utilisé.

A.c A.________ a également été renvoyé en jugement pour menaces (art. 180
CP), contrainte (art. 181 CP) et séquestration et enlèvement (art. 183 CP), à
propos d'actes commis au détriment de la dénommée D.________ en septembre
1999. Celle-ci ne s'est toutefois pas présentée aux débats. Dans l'optique de
pouvoir l'entendre et en accord avec la défense, le tribunal a disjoint la
cause la concernant.

B.
Par arrêt du 19 février 2003, dont les considérants écrits ont été envoyés
aux parties le 8 septembre 2003, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal vaudois a rejeté le recours de A.________.

C.
Celui-ci forme un recours de droit public au Tribunal fédéral contre cet
arrêt. Il conclut à son annulation. Il sollicite par ailleurs l'assistance
judiciaire et l'effet suspensif, lequel a été accordé à titre
superprovisionnel le 15 septembre 2003.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une
décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens
(art. 84 al. 1 let. a OJ). Il n'est en revanche pas ouvert pour se plaindre
d'une violation du droit fédéral, qui peut donner lieu à un pourvoi en
nullité (art. 269 al. 1 PPF); un tel grief ne peut donc pas être invoqué dans
le cadre d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ;
art. 269 al. 2 PPF).

1.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, à peine
d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou
des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation.
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à
vérifier de lui-même si la décision attaquée est en tous points conforme au
droit ou à l'équité; il est lié par les moyens invoqués dans le recours et
peut se prononcer uniquement sur les griefs de nature constitutionnelle que
le recourant a non seulement invoqués, mais suffisamment motivés (ATF 127 I
38 consid. 3c p. 43; 126 III 534 consid. 1b p. 536; 125 I 71 consid. 1c p.
76). Le Tribunal fédéral n'entre pas non plus en matière sur les critiques de
nature appellatoire (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495).

2.
Le recourant se plaint d'une violation des art. 6 par. 1 et 3 let. c CEDH et
29 al. 3 Cst. Selon lui, la défense assurée par un avocat stagiaire en
première instance l'aurait privé d'un procès équitable.

2.1 Le recourant ne saurait tirer argument d'une défense assumée par un
avocat stagiaire. En effet, selon la jurisprudence, la nomination d'un avocat
stagiaire comme défenseur d'office ne viole en soi pas l'art. 6 par. 1 et 3
let. c CEDH (l'art. 29 al. 3 dernière phrase Cst. n'a pas de portée
distincte), car le seul problème décisif est de savoir si l'accusé a pu
bénéficier d'une défense effective (ATF 126 I 194 consid. 3c p. 197/198).

2.2
2.2.1L'art. 6 par. 3 let. c CEDH doit permettre à l'accusé de bénéficier
d'une défense compétente, assidue et efficace. Lorsque les autorités tolèrent
à tort que le défenseur néglige gravement les devoirs que lui imposent sa
profession et sa fonction au détriment de l'accusé, une violation des devoirs
de la défense peut être retenue. On ne saurait pour autant imputer aux
autorités la responsabilité de toute défaillance du défenseur d'office; la
conduite de la défense appartient pour l'essentiel à l'accusé et à son
défenseur; l'art. 6 par. 3 let. c CEDH n'oblige les autorités compétentes à
intervenir que si la carence du défenseur apparaît manifeste ou si on les en
informe suffisamment de quelque autre manière; sur ce dernier point, il
incombe donc au premier plan à l'accusé de signaler une violation des droits
de la défense. En particulier, il ne saurait être question de violation
manifeste des droits de la défense pour ce qui relève de la stratégie
choisie. Il n'est en effet guère possible de définir la probabilité avec
laquelle telle option de défense conduira ou non au but recherché. Cela
touche par exemple les questions de savoir quelle requête de preuve formuler
et à quel stade de la procédure, quels faits mettre en avant et quels
arguments en tirer, quelle construction et quel contenu donner à la
plaidoirie. De telles décisions de stratégie dépendent de nombreux facteurs,
lesquels offrent une large marge d'appréciation au défenseur, de sorte
qu'elles ne peuvent qu'être soustraites au contrôle des autorités. En outre,
une analyse extérieure de la stratégie choisie à partir des éléments
apparents de la procédure ne se concilierait guère avec le caractère
confidentiel des renseignements détenus par le défenseur d'office et couverts
par son secret professionnel (ATF 126 I 194 consid. 3d p. 199/200).

La Cour européenne des droits de l'homme a récemment rappelé que de
l'indépendance du barreau par rapport à l'Etat, il découle que la conduite de
la défense appartient pour l'essentiel à l'accusé et à l'avocat. On ne
saurait imputer aux autorités toute défaillance de l'avocat d'office. L'art.
6 par. 3 let. c CEDH n'oblige les autorités à intervenir que si la carence
est manifeste, une conduite mauvaise ou erronée de la défense n'engageant pas
la responsabilité de l'Etat. Dans l'affaire examinée, l'inobservation par
l'avocat d'office d'une simple règle de forme a eu pour effet de priver
l'intéressé d'un recours alors qu'il risquait une lourde peine. Il s'agissait
là d'une carence manifeste appelant des mesures positives de la part des
autorités, telle qu'une invitation à compléter ou à corriger le mémoire de
recours plutôt que de le déclarer irrecevable. La Cour a ainsi conclu à un
manquement au respect concret et effectif des droits de la défense (arrêt de
la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Czekalla c. Portugal
du 10 octobre 2002, § 59-71).

2.2.2 Dans son argumentation, le recourant remet uniquement en cause la
stratégie de défense choisie. Il fait en particulier grief à son ancien
défenseur d'office d'avoir requis la disjonction pour le cas relatif à
D.________, de ne s'être pas demandé si les victimes ne se plaignaient pas
plutôt de l'absence de paiement que d'une atteinte à leur intégrité sexuelle,
d'avoir omis de discuter de l'élément subjectif des infractions, se
contentant de contester la version des faits des victimes, de ne s'être pas
exprimé sur le montant de l'indemnité pour tort moral alloué à B.________, ou
encore de n'avoir pas cité d'autres témoins de moralité.
Le recourant ne démontre de la sorte aucune carence manifeste des droits de
la défense. Par exemple, s'agissant de la disjonction du cas D.________, le
recourant indique simplement qu'il s'expose à une peine supérieure par
rapport à un jugement de toutes les infractions ensemble. Or, la disjonction
tendait précisément à entendre cette plaignante, qui était absente aux
débats, autrement dit à mieux assurer les droits de la défense dès lors que
les faits reprochés étaient contestés. En outre, si la culpabilité du
recourant devait être établie pour ce cas également, il bénéficierait, comme
il l'admet lui-même, de l'art. 68 ch. 2 CP, qui vise précisément à éviter que
des infractions jugées séparément aboutissent au prononcé d'une peine plus
sévère que si elles avaient été jugées ensemble. Par ailleurs, devant le
tribunal de première instance, le défenseur d'office a contesté les faits
reprochés au recourant et a conclu à sa libération, tant sur le plan pénal
que civil. Le tribunal n'avait aucune raison de douter d'une défense
effective, partant d'intervenir afin de corriger un quelconque manquement. Le
recourant ne le prétend pas. Il n'est certes pas exclu que, sur l'un ou
l'autre point, le défenseur d'office aurait pu mener différemment la défense
et que le recourant ait pu estimer, sur le moment ou par la suite, préférable
une autre prise de position. Il s'agit là d'une situation assez commune dans
la relation entre un accusé et son défenseur et  qui n'implique en soi pas
l'absence d'une défense convenable (ATF 126 I 194 consid. 3f/bb p. 202). Il
s'ensuit que le recours doit être rejeté.

3.
Il n'y a pas lieu d'accorder l'assistance judiciaire au recourant car le
recours apparaissait d'emblée voué à l'échec (art. 152 al. 1 OJ). Le
recourant supporte les frais de la procédure (art. 156 al. 1 OJ), lesquels
sont fixés de manière réduite pour tenir compte de sa mauvaise situation
financière.
Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à B.________, qui n'a pas eu à
intervenir dans la procédure devant le Tribunal fédéral.

La cause étant ainsi tranchée, la requête d'effet suspensif est sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois, Cour de
cassation pénale.

Lausanne, le 10 octobre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: