Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6A.9/2003
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6A.9/2003 /rod

Arrêt du 5 mars 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffier M. Denys.

X. ________,
recourant, représenté par Me Jean Lob, avocat, rue du Lion d'Or 2, case
postale 3133, 1002 Lausanne,

contre

Commission de libération du canton de Vaud, p.a. Service pénitentiaire, rue
Cité-Devant 14,
1014 Lausanne,
Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale, 1014 Lausanne.

internement, refus de la libération à l'essai,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois,
Cour de cassation pénale, du
28 janvier 2003.

Faits:

A.
X. ________ a fait l'objet d'une enquête pénale pour crime manqué de meurtre,
subsidiairement lésions corporelles qualifiées, mise en danger de la vie
d'autrui et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants. Il lui était
reproché d'avoir agressé la dénommée Y.________ le 22 août 1999 en lui
portant un coup de couteau à la gorge.

Une expertise psychiatrique a été mise en oeuvre. Dans leur rapport du 8
décembre 1999, les experts ont conclu à une schizophrénie de type
indifférencié ainsi qu'à un syndrome de dépendance aux substances
psychoactives multiples. X.________ avait une faculté résiduelle d'apprécier
le caractère illicite de son acte, mais son trouble mental, chronique et
caractérisé par des phases aiguës de décompensation, l'avait totalement privé
de la faculté de se déterminer d'après cette appréciation. Un traitement
approprié de la maladie était propre à diminuer de façon importante le risque
de récidive, mais la durée du traitement était encore trop courte pour
évaluer ce risque. X.________ avait besoin d'un cadre strict à long terme
permettant d'assurer la continuation des soins instaurés et il était
nécessaire de le placer dans un établissement disposant d'un encadrement
médical et de mesures de contrainte. Une réévaluation de la situation après
deux ans de traitement paraissait indiquée.

Par arrêt du 23 mai 2000, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal
vaudois a constaté que X.________ était irresponsable au sens de l'art. 10
CP, a prononcé un non-lieu en sa faveur, et a ordonné son internement en
application de l'art. 43 ch. 1 al. 2 CP.

Le 16 août 2000, X.________ a été placé sous le régime de l'art. 43 ch. 1 al.
2 CP aux Etablissements de la plaine de l'Orbe (ci-après: EPO).

B.
Dans sa séance du 26 juin 2001, la Commission interdisciplinaire consultative
concernant les délinquants nécessitant une prise en charge psychiatrique
(ci-après: Commission interdisciplinaire) a pris acte du fait que le
processus thérapeutique se poursuivait avec la participation active de
X.________; elle a estimé qu'à long terme, il devait être maintenu dans un
milieu protégé.

Le 26 septembre 2001, la Commission de libération du canton de Vaud a refusé
une première fois la libération à l'essai de X.________.

Une rencontre interdisciplinaire s'est tenue le 3 juin 2002. Il ressort du
rapport établi à cette occasion que le maintien de X.________ en milieu
sécurisé se justifie entièrement, compte tenu de la persistance des
nécessités médicales et sécuritaires; que le service social des EPO procédera
à des investigations pour identifier son environnement familial et social;
que l'organisation d'une ou deux conduites sociothérapeutiques sera envisagée
durant l'année à venir si sa famille est disposée à collaborer; que
l'objectif à long terme d'un placement en institution sera discuté dans une
année, à l'occasion de la prochaine réunion de réseau.

Dans le procès-verbal de sa séance du 8 octobre 2002, la Commission
interdisciplinaire souscrit aux conclusions prises lors de la rencontre
interdisciplinaire du 3 juin 2002, constate l'amélioration lente mais notable
du comportement et de l'état psychique de X.________ dans le cadre du
traitement au sein des EPO et l'encourage à poursuivre ses efforts dans son
engagement thérapeutique.

Dans un rapport du 22 octobre 2002, la direction des EPO se fonde sur le
rapport établi au terme de la rencontre interdisciplinaire du 3 juin 2002 et
juge prématuré d'octroyer la libération à l'essai, une investigation sur la
reprise des contacts familiaux devant d'abord avoir lieu.

Dans un préavis du 1er novembre 2002, le Service de médecine et psychiatrie
pénitentiaires considère qu'en raison d'un "étayage social pauvre et d'une
autonomie restreinte [...] dans l'hypothèse d'un éventuel élargissement, un
placement intermédiaire dans un foyer [...] paraît la solution la plus
appropriée; ce qui correspond, d'ailleurs, au désir de M. Messmer". Le
service déclare soutenir les démarches du service social des EPO, "pour
autant que cette option soit retenue" par la Commission de libération.

Dans un rapport du 8 novembre 2002, le Service pénitentiaire propose le refus
de la libération à l'essai.

Le 22 novembre 2002, le membre visiteur de la Commission de libération s'est
entretenu avec X.________. Dans son rapport, il constate que celui-ci est
particulièrement touché par des troubles psychiques graves et qu'il porte les
stigmates d'un lourd traitement médical. Il propose la poursuite de
l'internement.

C.
Par décision du 11 décembre 2002, la Commission de libération a conclu qu'il
n'y avait pas lieu de modifier l'encadrement actuel de X.________ et a refusé
sa libération à l'essai.

Par arrêt du 28 janvier 2003, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal vaudois a rejeté le recours de X.________.

D.
X.________ forme un recours de droit administratif au Tribunal fédéral contre
cet arrêt. Il conclut principalement à sa réforme en ce sens que sa
libération à l'essai est ordonnée sous condition d'un placement en
institution; subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité
cantonale et à la mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique. Il sollicite
par ailleurs l'assistance judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision de lever ou non une mesure prise en application de l'art. 43 CP
est une décision en matière d'exécution des peines et mesures que le droit
fédéral ne réserve pas au juge (art. 43 ch. 4 et 45 ch. 1 CP), de sorte
qu'elle est susceptible d'un recours de droit administratif au Tribunal
fédéral (art. 97 al. 1, art. 98 let. g OJ et art. 5 PA; ATF 124 I 231 consid.
1 a/aa p. 233; 122 IV 8 consid. 1a p. 11).

Le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit
fédéral y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 let.
a OJ). Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne
peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 114 al. 1 OJ). En
revanche, lorsque, comme en l'espèce, le recours est dirigé contre la
décision d'une autorité judiciaire, il est lié par les faits constatés dans
l'arrêt attaqué, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou
s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de la procédure (art.
104 let. b et art. 105 al. 2 OJ).

2.
Le recourant voudrait qu'il soit mis fin à l'internement et sollicite son
placement dans un foyer.

2.1 L'art. 43 ch. 4 CP dispose que l'autorité compétente mettra fin à la
mesure lorsque la cause en aura disparu (al. 1); si la cause de la mesure n'a
pas complètement disparu, l'autorité compétente pourra ordonner une
libération à l'essai de l'établissement ou du traitement. Le libéré pourra
être astreint au patronage. La libération à l'essai et le patronage seront
rapportés, s'ils ne se justifient plus (al. 2). L'art. 45 ch. 1 CP précise
encore que l'autorité compétente examinera d'office si et quant la libération
conditionnelle ou à l'essai doit être ordonnée (al. 1); en matière de
libération conditionnelle ou à l'essai de l'un des établissements prévus à
l'art. 42 ou 43, l'autorité compétente prendra une décision au moins une fois
par an...(al. 2); l'intéressé ou son représentant sera toujours préalablement
entendu, et un rapport de la direction de l'établissement sera requis (al.
3).

De façon générale, la jurisprudence précise que pour décider de mettre fin
définitivement ou à l'essai à une mesure ordonnée, il faut examiner l'état de
la personne et le risque qu'elle commette de nouvelles infractions (ATF 122
IV 8 consid. 3 p. 15/16).

2.2 Pour refuser de mettre un terme à l'internement, la Cour de cassation
vaudoise a exposé les éléments suivants: tous les préavis des différents
intervenants tendent au refus de la libération à l'essai en l'état; le
Service de médecine et psychiatrie pénitentiaires va certes dans le sens des
conclusions du recourant, mais émet cet avis "dans l'hypothèse d'un éventuel
élargissement"; le recourant a mis en danger la vie de sa victime et les
experts psychiatres ont conclu dans leur rapport du 8 décembre 1999 qu'il
pouvait commettre de nouveaux actes punissables s'il n'était pas soumis à un
traitement approprié; l'évolution favorable du recourant dans un
établissement sécurisé et disposant d'un encadrement médical ne suffit pas
pour que l'on puisse admettre que la dangerosité qui a justifié l'internement
n'est plus réalisée; la Commission interdisciplinaire - composée notamment de
deux psychiatres - a encouragé le recourant à poursuivre ses efforts dans son
engagement thérapeutique.

Se ralliant à la Commission de libération, la Cour de cassation vaudoise a
considéré qu'avant d'ordonner une libération à l'essai, il conviendrait, dans
l'année à venir, de mener une investigation sur la reprise des contacts
familiaux et qu'un placement en institution devrait être discuté à l'occasion
de la prochaine réunion en réseau.

2.3 Déterminer si l'état mental d'une personne a évolué, si cet état l'expose
à la récidive et si la personne est accessible à un traitement sont des
points qui relèvent de l'établissement des faits. Le recourant affirme en
substance que l'évolution de sa situation n'a pas correctement été prise en
compte. Il se prévaut notamment de l'avis du Service de médecine et
psychiatrie pénitentiaires. Or, la Cour de cassation vaudoise en a clairement
nuancé la portée, dès lors que le service en question n'a pas en soi proposé
l'élargissement du recourant mais s'est uniquement prononcé sur l'encadrement
souhaitable pour le cas où un tel élargissement devait avoir lieu. Le
recourant ne saurait donc en tirer argument. Le recourant met également en
avant un passage du procès-verbal du 8 octobre 2002 de la Commission
interdisciplinaire ("l'amélioration lente mais notable du comportement et de
l'état psychique"). Quelque positif que soit cet élément, il ne saurait être
pris en compte isolément. Selon le procès-verbal précité, la Commission
interdisciplinaire souscrit aux conclusions du réseau contenues dans le
rapport établi au terme de la rencontre interdisciplinaire du 3 juin 2002,
lesquelles recommandent  en particulier le maintien de l'internement, compte
tenu de la persistance des nécessités médicales et sécuritaires; en outre, si
la Commission interdisciplinaire souligne l'amélioration obtenue par le
recourant dans le cadre du traitement suivi aux EPO, elle encourage  la
poursuite de ses efforts dans son engagement thérapeutique. Rien dans
l'analyse de la Commission interdisciplinaire ne va donc dans le sens d'un
assouplissement de régime.

Il s'ensuit que le recourant n'établit pas que les faits retenus par la Cour
de cassation vaudoise à propos de l'évolution de son état, du danger qu'il
représente et de la nécessité de la poursuite du traitement seraient
manifestement inexacts ou incomplets (cf. art. 105 al. 2 OJ).

2.4 Le recourant prétend encore qu'une nouvelle expertise aurait dû être mise
en oeuvre pour déterminer l'évolution de son état.

Compte tenu de l'importance de l'opinion d'un expert pour statuer sur une
libération conditionnelle ou à l'essai, il peut se justifier de requérir
l'avis d'un expert qui jusque là ne s'est pas occupé du cas de l'intéressé;
cela ne signifie pas que l'avis d'un expert indépendant doive toujours être
requis par l'autorité, laquelle, en matière d'internement, doit en vertu de
l'art. 45 ch. 1 al. 2 CP rendre au moins une fois par an une décision quant à
la libération conditionnelle ou à l'essai; la question de savoir quand et à
quelles conditions l'avis d'un expert indépendant s'impose dépend des
circonstances concrètes et il faut en tout cas que l'intéressé ait présenté
une requête en ce sens; le Tribunal fédéral s'est demandé si un internement
de près de dix ans nécessitait de commettre un expert indépendant mais a
laissé cette question ouverte car l'intéressé n'avait pas présenté de requête
en ce sens en instance cantonale (ATF 121 IV 1 consid. 2 p. 2/3). Récemment,
le Tribunal fédéral s'est de nouveau penché sur cette problématique. Du moins
jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle partie générale du Code pénal
(art. 64b al. 2 du projet), il a nuancé la nécessité d'une nouvelle expertise
lorsque la situation de la personne internée fait l'objet d'un examen d'une
commission interdisciplinaire composée de différents spécialistes, dont un
psychiatre (ATF 128 IV 241 consid. 3.2 p. 245/246).

Le recourant a sollicité une expertise en instance cantonale. La Cour de
cassation vaudoise a rejeté cette requête. Son appréciation ne prête pas le
flanc à la critique. L'internement prononcé le 23 mai 2000 par le Tribunal
d'accusation du Tribunal cantonal vaudois remonte à moins de trois ans.
L'expertise psychiatrique ordonnée dans le cadre de cette procédure pénale
date du 8 décembre 1999. Aucune analogie ne peut être faite avec l'ATF 121 IV
1, qui concernait un internement de près de dix ans. Le recourant relève que
l'expertise du 8 décembre 1999 préconise une réévaluation de la situation
après deux ans. On ne saurait en déduire la nécessité d'une nouvelle
expertise. Le recourant est régulièrement suivi, en particulier par la
Commission interdisciplinaire qui examine l'évolution de sa situation. Cette
commission est notamment composée de spécialistes en psychiatrie. A l'issue
de son analyse, elle a encouragé la poursuite des efforts du recourant dans
son engagement thérapeutique. En tout état, les circonstances concrètes ne
supposent aucune violation du droit fédéral liée à l'absence d'une expertise
indépendante.

2.5 Au vu des faits retenus, la Cour de cassation vaudoise n'a pas violé le
droit fédéral en considérant que le recourant, en raison de son état mental,
compromettait toujours gravement la sécurité publique, de sorte qu'il était
nécessaire de maintenir l'internement.

3.
Le recourant a sollicité l'assistance judiciaire. Sa requête est admise car
il a suffisamment montré qu'il est dans le besoin et les conclusions du
recours n'apparaissaient pas d'emblée vouées à l'échec (art. 152 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La requête d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il n'est pas perçu de frais.

4.
La Caisse du Tribunal fédéral versera une indemnité de 2'000 francs à Me Jean
Lob, mandataire du recourant.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à la
Commission de libération du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois,
Cour de cassation pénale, ainsi qu'au Département fédéral de justice et
police.

Lausanne, le 5 mars 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: