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Kassationshof in Strafsachen 6A.76/2003
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6A.76/2003 /pai

Arrêt du 21 novembre 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Kolly et Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffière: Mme Bendani.

X. ________,
recourant, représenté par Me François Roux, avocat, case postale 3632, 1002
Lausanne,

contre

Commission de libération du canton de Vaud,
p.a. Service pénitentiaire, rue Cité-Devant 14,
1014 Lausanne,
Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale, 1014 Lausanne.

Révocation de la libération conditionnelle,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois,
Cour de cassation pénale, du 16 septembre 2003.

Faits:

A.
Par décision du 10 juillet 2003, la Commission de libération du Département
de la sécurité et de l'environnement du canton de Vaud (ci-après: la
Commission de libération) a révoqué la libération conditionnelle accordée à
X.________ au 23 décembre 2001 et ordonné sa réintégration pour dix-huit mois
de réclusion.

B.
Par arrêt du 16 septembre 2003, la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal vaudois a rejeté le recours de X.________ contre la décision
précitée.

Il en ressort en résumé les éléments suivants.

B.a  Par jugement du 27 mars 2001, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement de Lausanne a notamment condamné X.________, pour
séquestration et enlèvement, extorsion qualifiée, prise d'otage, contrainte,
blanchiment d'argent, utilisation frauduleuse d'un ordinateur et infraction à
la loi fédérale sur les stupéfiants, à quatre ans et demi de réclusion, sous
déduction de la détention préventive.

Par décision du 19 décembre 2001, la Commission de libération a accordé la
libération conditionnelle à X.________ aux conditions que sa conduite soit
irréprochable jusqu'à la date de sa libération fixée au 23 décembre 2001,
qu'il soit soumis à un délai d'épreuve de cinq ans, qu'il poursuive, pendant
ledit délai, le traitement psychothérapeutique ambulatoire ordonné le 27 mars
2001 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne, qu'il
reste sous la surveillance de la Fondation vaudoise de probation (ci-après:
FVP) pendant le même délai et, que, pendant le délai d'épreuve, il ne
commette aucun délit et respecte les conditions de sa libération anticipée,
faute de quoi cette dernière pourra être révoquée.

X. ________ ne s'étant pas présenté aux deux premiers rendez-vous fixés les 2
et 16 octobre 2002 par le Département universitaire de psychiatrie adulte
(ci-après: DUPA) ainsi qu'à ceux fixés les 2 septembre et 1er octobre 2002
par la FVP, le Président de la Commission de libération, par décision du 19
décembre 2002, a renoncé à révoquer la libération conditionnelle de
l'intéressé, lui a adressé un avertissement formel au sens de l'art. 38 ch. 4
CP, l'a sommé de se rendre à tous les rendez-vous fixés par le DUPA et la
FVP, de collaborer à l'exécution du mandat qui leur a été confié et l'a
informé qu'à la prochaine violation des conditions de sa libération
conditionnelle, quelle qu'elle soit, celle-ci serait immédiatement révoquée.

B.b  Le 19 janvier 2003, X.________ est allé chercher en voiture deux
personnes à Francfort et les a fait entrer en Suisse alors même qu'elles n'en
avaient pas le droit.

Pour ces faits, le "Srafbefehlsrichter" de Bâle-ville l'a condamné, le 12
février 2003, pour infraction à la loi fédérale sur le séjour et
l'établissement des étrangers, à nonante jours d'emprisonnement et  1'000
francs d'amende.

B.c  Dans un rapport du 28 avril 2003, la FVP a relevé que le recourant avait
rencontré quelques difficultés au début du mandat de patronage mais que,
depuis la décision du 19 décembre 2002, il s'était présenté à tous les
entretiens et qu'il s'était montré collaborant. Elle a retenu que, sur le
plan pénal, il n'avait jamais nié les faits, cherchait à comprendre les
raisons qui l'avaient poussé à commettre ces infractions, souhaitait tourner
la page et tout mettre en oeuvre afin de ne plus jamais retourner en prison.
Au vu de ces éléments et compte tenu du fait que l'infraction commise le 19
janvier 2003 n'avait pas de lien direct avec le délit pour lequel X.________
bénéficiait d'une libération conditionnelle, la FVP a considéré qu'il serait
vraiment dommageable que les efforts de l'intéressé à s'inscrire dans un réel
changement de comportement soient annihilés par une réintégration.

Dans un rapport du 5 mai 2003, deux médecins du DUPA ont relevé que le suivi
psychothérapeutique de X.________ se déroulait depuis le 26 novembre 2002 à
raison d'une consultation mensuelle d'environ trente minutes à laquelle il se
rendait régulièrement, mais qu'il se montrait d'une participation mitigée.

Le 23 juin 2003, le Service pénitentiaire a proposé d'ordonner la révocation
de la libération conditionnelle accordée à X.________ le 23 décembre 2001.

C.
X.________ forme un recours de droit administratif au Tribunal fédéral. Il
conclut principalement à la réforme de l'arrêt attaqué, en ce sens que seul
un avertissement soit prononcé à son encontre et subsidiairement à son
annulation, la cause étant renvoyée à l'instance inférieure pour nouvelle
décision. Il requiert l'assistance judiciaire et l'effet suspensif.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1  S'agissant d'une décision en matière d'exécution de la peine que le code
pénal ne réserve pas au juge (art. 38 ch. 4 al. 1 CP), la décision attaquée
est susceptible d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral (art.
97 al. 1, 98 let. g OJ et 5 PA; ATF 124 I 231 consid. 1a/aa p. 233).

1.2  Selon l'art. 104 let. a OJ, le recours de droit administratif peut être
formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir
d'appréciation. Le Tribunal n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne
peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 114 al. 1 OJ). Lorsque
le recours est dirigé, comme en l'espèce, contre la décision d'une autorité
judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans la
décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont
été établis au mépris des règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2
OJ). Il est dès lors exclu d'invoquer un fait ou un moyen de preuve nouveau.
En particulier, les modifications de l'état de fait postérieures au prononcé
de la décision attaquée ne peuvent en principe pas être prises en
considération. En effet, on ne saurait reprocher à l'autorité cantonale
d'avoir établi un état de fait manifestement inexact ou incomplet au sens de
l'art. 105 al. 2 OJ si celui-ci s'est modifié après qu'elle a statué (ATF 126
II 522 consid. 3b/bb p. 535).

2.
Contestant la révocation de sa libération conditionnelle, le recourant
invoque l'arbitraire, un abus du pouvoir d'appréciation et une violation du
principe de la proportionnalité.

L'autorité compétente peut renoncer à ordonner la réintégration du libéré
lorsque celui-ci est condamné à une peine privative de liberté, soit de moins
de trois mois, soit avec sursis, en raison d'une infraction commise pendant
le délai d'épreuve (cf. art. 38 ch. 4 al. 1 in fine CP), ou lorsqu'au mépris
d'un avertissement formel, il persiste à enfreindre une règle de conduite, se
soustrait au patronage ou, de toute autre manière, trompe la confiance mise
en lui et que le cas est jugé de peu de gravité (cf. art. 38 ch. 4 al. 2 CP).
Dans ces cas, il s'agit de faire un pronostic quant au comportement futur du
libéré et d'examiner les motifs permettant d'envisager son amendement pour
décider s'il y a lieu à réintégration ou non (cf. Andrea Baechtold, Basler
Kommentar, Strafgesetzbuch I, ad Art. 38 n. 38; Rehberg, Strafrecht II,
Strafen und Massnahmen Jugendstrafrecht, 7ème éd., Zurich 2001, p. 34;
Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, AT II, Berne 1989, n. 83 p. 102;
Trechsel, Schweizerisches Strafgesetzbuch, 2ème éd., Zurich 1997, ad Art. 38
n. 17). On retrouve ces notions dans la jurisprudence relative au sursis
(art. 41 ch. 1 al. 1 et 3 al. 1 CP; ATF 98 IV 76;  Trechsel, Schweizerisches
Strafgesetzbuch, 2ème éd., Zurich 1997, ad Art. 38 n. 17) qui précise que le
juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble pour décider si l'octroi ou
la non révocation de cette mesure serait de nature à détourner l'accusé de
commettre de nouvelles infractions (cf. ATF 119 IV 195 consid. 3b p. 198 et
les arrêts cités). La même interprétation vaut pour l'art. 38 ch. 4 CP (cf.
Trechsel, Schweizerisches Strafgesetzbuch, 2ème éd., Zurich 1997, ad Art. 38
n. 17). Ainsi, le juge doit tenir compte des circonstances de l'infraction,
des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle
au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le
pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer
l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement (ATF 123 IV
197 consid. 4a p. 111s.; 118 IV 97 consid. 2b p. 100s.). Pour l'évaluation du
risque de récidive, un examen global de la personnalité de l'auteur est
indispensable. De vagues espoirs quant à la conduite future du délinquant ne
suffisent pas pour émettre un pronostic favorable (ATF 115 IV 81 consid. 2a
p. 82).

Pour poser ce pronostic, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation.
Il n'y a violation du droit fédéral que si la décision attaquée repose sur
des considérations étrangères à la disposition applicable, si elle ne prend
pas en compte les critères découlant de celle-ci ou si le juge s'est montré à
ce point sévère ou clément que l'on doive parler d'un abus du pouvoir
d'appréciation (ATF 119 IV 195 consid. 3b p. 198; 118 IV 97 consid. 2b p.
101; 115 IV 81 consid. 2b p. 82s.).
2.1  Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir tenu compte
des rapports faisant état de sa prise de conscience, de ses efforts à
s'inscrire dans un changement de comportement, de son évolution favorable, de
sa réinsertion sociale bien amorcée et du fait qu'une réintégration lui
serait préjudiciable.
Contrairement aux allégations du recourant, la cour cantonale fait état des
appréciations favorables émises par la FVP et le DUPA dans leurs rapports des
28 avril 2003 et 5 mai 2003 (cf. supra consid. B.c). Elle a toutefois estimé
que ces éléments étaient insuffisants pour justifier un renoncement à la
réintégration. Elle a relevé que le rapport positif de la FVP était
contrebalancé par une lettre de cette institution datée du 13 mars 2003
indiquant que l'intéressé ne s'était pas présenté aux rendez-vous des 27
janvier et 12 mars 2003, de même que par le comportement de ce dernier en
contradiction avec sa volonté déclarée  de "tout mettre en place afin de ne
pas retourner en prison". Elle a aussi retenu que, selon le DUPA, la
participation du recourant était mitigée. Au regard de ces éléments,
l'appréciation de la cour cantonale n'est pas arbitraire et ne viole pas le
principe de proportionnalité.

2.2  Le recourant soutient que l'autorité cantonale ne saurait se baser sur
la quotité de la peine infligée par les autorités bâloises pour juger de la
gravité de la faute commise, puisqu'il a été jugé par défaut, n'était pas
assisté d'un avocat et que le juge n'a sans doute pas tenu compte d'une
possible réintégration, ni des conséquences de la peine prononcée.

Le recourant ne saurait se plaindre, dans le cadre de la procédure de
révocation de la libération conditionnelle, de la décision antérieure rendue
pour l'infraction commise pendant le délai d'épreuve, cette décision étant
définitive et exécutoire. Partant, il ne peut faire valoir que la nouvelle
peine prononcée serait trop élevée (arrêt du Tribunal fédéral du 7 avril
2003, 6A.100/2002, consid. 4.2).
2.3  Le grief du recourant selon lequel l'infraction qui lui est reprochée
aurait dû être qualifiée de peu de gravité et permettre l'application d'une
mesure alternative à la réintégration en application de l'art. 34 ch. 4 de la
loi vaudoise sur l'exécution des condamnations pénales et de la détention
préventive (LEP) est sans pertinence, dès lors qu'il a été condamné à une
peine d'emprisonnement de trois mois, ce qui ne constitue qu'un cas de
réintégration facultative (cf. supra, consid. 2), celle-ci pouvant être
remplacée par d'autres mesures (art. 38 ch. 4 al. 4 CP). Ce n'est que s'il
avait été condamné à plus de trois mois d'emprisonnement sans sursis que la
réintégration du recourant aurait été obligatoire (art. 38 ch. 4 al. 1 1ère
phrase CP).

2.4  Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir ignoré qu'il exploite
depuis août 2003 un restaurant à Lausanne en qualité de co-gérant, qu'il est
père depuis le mois de janvier 2003, qu'il entretient une relation depuis de
très longues années avec la mère de son enfant et qu'il vit dans l'optique
d'accueillir au plus vite sa famille en Suisse.

2.4.1  La cour cantonale a jugé que les pièces relatives aux projets
professionnels du recourant n'étaient pas pertinentes puisqu'elles avaient
été signées alors que la procédure de révocation de la libération
conditionnelle avait déjà été ouverte, voire alors même que la décision lui
avait déjà été communiquée. Cette appréciation n'est pas arbitraire dans la
mesure où la décision de la Commission de libération a été notifiée au
concerné le 17 juillet 2003 et que ce dernier ne travaille que depuis le mois
d'août 2003. Au surplus, le fait que l'intéressé ait une activité, bien qu'il
s'agit là d'un élément à retenir en sa faveur, ne saurait justifier à lui
seul un pronostic favorable.

2.4.2  En l'espèce, on constate que le fait que le recourant entretienne une
relation de longue date avec son amie dont il a eu un enfant au mois de
janvier 2003 ne l'a pas empêché de commettre une nouvelle infraction le 19
janvier 2003. Partant, sa situation familiale n'est pas un motif permettant
d'envisager son amendement. Dans cette mesure, la motivation cantonale selon
laquelle il n'y avait pas lieu d'examiner la situation personnelle et
familiale du recourant, les circonstances du cas particulier ne permettant en
aucun cas de poser un pronostic favorable, n'est pas arbitraire dans son
résultat.

2.5  Le grief du recourant selon lequel il n'existe aucune corrélation entre
les motifs ayant amené à l'avertissement du 19 décembre 2002 et ceux censés
justifier sa réintégration est vain. En effet, il n'est pas nécessaire qu'il
existe un lien entre la nature de l'infraction initiale, celle ayant provoqué
l'avertissement et celle de l'infraction commise durant le délai d'épreuve
(Stratenwerth, op cit, n. 83).

2.6  En l'espèce, la cour cantonale a relevé les circonstances qui ont
entouré l'infraction du 19 janvier 2003, à savoir que le recourant, interrogé
durant plus de trois heures par les policiers à la douane de Riehen-Bâle,
avait modifié à plusieurs reprises sa version des faits, allant jusqu'à
prétendre s'être égaré en provenance de la région lausannoise, puis affirmé
venir de Fribourg-en-Brisgau et que ce n'était qu'après avoir été confronté à
des éléments allant clairement à l'encontre de ses dires qu'il avait avoué
être allé chercher deux personnes à Francfort pour leur faire traverser la
frontière helvétique. Elle a aussi constaté que ces faits s'étaient déroulés
deux mois seulement après l'avertissement formel, sommant le recourant de se
rendre à tous les rendez-vous fixés par le DUPA et la FVP et l'informant qu'à
la prochaine violation des conditions de sa libération conditionnelle,
celle-ci serait immédiatement révoquée. Il ressort encore de l'arrêt attaqué
que l'intéressé ne s'est pas présenté aux rendez-vous fixés les 27 janvier et
12 mars 2003 par la FVP et n'a averti personne de son absence. Enfin, selon
le rapport du DUPA, il se montre d'une participation mitigée lors des
entretiens, exprimant clairement et régulièrement qu'il ne comprend pas ce
que les psychiatres pourraient lui apporter.

L'ensemble de ces éléments justifie un pronostic défavorable et, partant, la
révocation de la libération conditionnelle. La situation professionnelle du
recourant ainsi que le rapport favorable de la FVP sont insuffisants pour
renverser un tel pronostic. Ainsi, la cour cantonale n'a pas abusé de son
large pouvoir d'appréciation et n'a donc pas violé le droit fédéral.

3.
Le recours doit donc être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Comme
il était d'emblée dénué de chances de succès, l'assistance judiciaire ne peut
être accordée (art. 152 al. 1 OJ) et le recourant qui succombe, supportera
les frais (art. 156 al. 1 OJ).

La cause étant tranchée, la requête d'effet suspensif est sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à la
Commission de libération du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois,
Cour de cassation pénale.

Lausanne, le 21 novembre 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: