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Kassationshof in Strafsachen 6A.43/2003
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6A.43/2003 /rod

Arrêt du 7 août 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffier: M. Denys.

X. ________,
recourante, représentée par Me Patrick Stoudmann, avocat, place de la Palud
13, case postale 2208,
1002 Lausanne,

contre

Service pénitentiaire du canton de Vaud, rue Cité-Devant 14, 1014 Lausanne,
Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale, 1014 Lausanne.

Semi-liberté,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois,
Cour de cassation pénale, du 8 mai 2003.

Faits:

A.
Par jugement du 22 janvier 2001, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement de Lausanne a condamné X.________, pour escroquerie par
métier en raison de faits commis entre 1998 et 1999, à deux ans et demi de
réclusion, sous déduction de cinq cent dix-neuf jours de détention
préventive, et a remplacé l'exécution de cette peine par un internement au
sens de l'art. 42 CP. Par arrêt du 8 juin 2001, la Cour de cassation pénale
du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours de X.________ et a confirmé
ce jugement.  Par arrêt du 1er mars 2002 (6S.52/2002), le Tribunal fédéral a
rejeté le pourvoi en nullité de X.________. Il ressort notamment ce qui suit
de la procédure pénale:

Depuis 1974, X.________, née en 1955, a subi de nombreuses périodes de
détention pour les condamnations suivantes: en août 1975, pour escroquerie
par métier, en raison de faits commis entre juin 1973 et janvier 1975, à
quinze mois d'emprisonnement avec sursis, révoqué en 1976; en mai 1976, pour
escroquerie par métier, en raison de faits commis entre novembre 1975 et
février 1976, à douze mois d'emprisonnement; en novembre 1986, pour
escroquerie par métier et faux dans les titres, en raison de faits commis
depuis 1978, à quatre ans de réclusion (la libération conditionnelle accordée
en janvier 1989 a été révoquée en septembre 1992); en avril 1992, pour
escroquerie par métier, faux dans les titres et instigation à faux dans les
titres, en raison de faits commis entre septembre 1988 et février 1991, à
cinq ans de réclusion; en septembre 1997, pour escroquerie et incendie
intentionnel, en raison de faits commis entre juillet et novembre 1994, à
deux ans d'emprisonnement.

L'addition des différentes peines privatives, y compris celle de deux ans et
demi par le jugement précité du 22 janvier 2001, donne un total de quinze ans
et neuf mois.

X. ________ a été soumise à une expertise psychiatrique en 1985. L'expert a
considéré qu'il existait un risque de récidive important qu'un traitement
n'était pas en mesure d'éliminer. Cette expertise a été confirmée en 1986 par
le Centre psychosocial de Lausanne. Dans le cadre d'une procédure pénale
ultérieure, une nouvelle expertise a été menée. Les experts ont rendu leur
rapport le 29 janvier 1996. A leur avis, un risque de récidive persiste chez
X.________ et rien ne permet de penser que quelque chose se soit modifié dans
son fonctionnement psychologique ou qu'elle ait pris conscience de sa
situation au point de changer de comportement.

B.
X.________ est incarcérée à la prison de la Tuilière à Lonay. Le 28 août
2001, elle a adressé une requête de transfert en semi-liberté au Service
pénitentiaire du canton de Vaud, qui a saisi la Commission interdisciplinaire
consultative concernant les délinquants nécessitant une prise en charge
psychiatrique (ci-après: CIC). La CIC a examiné le dossier dans sa séance du
11 décembre 2001. Elle a considéré qu'avant de pouvoir se prononcer, il
convenait que l'expertise du 29 janvier 1996 soit actualisée et complétée.

Selon le complément d'expertise psychiatrique, daté du 7 juin 2002,   la
personnalité de X.________ l'expose à la récidive. Les experts préconisent
une prise en charge psychiatrique, reposant sur un encadrement serré.

La CIC s'est réunie à nouveau le 25 juin 2002. En référence au complément
d'expertise, elle a souligné "l'importance, dans tout projet d'élargissement
futur [...], de l'établissement progressif des étapes d'un retour à la vie
libre avec un accompagnement et un contrôle tant thérapeutique que social,
faisant l'objet de rapports circonstanciés et réguliers de la part de la
direction de la Tuilière ainsi que du Service de médecine et psychiatrie
pénitentiaires". Elle a envisagé pour X.________ la réalisation d'un stage
professionnel aux conditions précitées et assortie d'une indemnisation des
victimes. Nonobstant la mise en place de ces mesures, elle a considéré comme
prématuré tout élargissement du régime de détention.

Le 12 juillet 2002, le Service pénitentiaire a informé X.________ que sa
requête de transfert en semi-liberté était prématurée et que l'examen serait
repris d'office après la réalisation, d'ici la fin 2002, d'un stage
professionnel, qui devait être accompagné d'un contrôle tant social que
thérapeutique. Sur ce dernier point, il l'a invitée à entreprendre un suivi
thérapeutique auprès du service médical de la prison. Par courrier du 9 août
2002, le Service pénitentiaire a rappelé les conditions du stage
professionnel (traitement psychiatrique, contrôle social et thérapeutique et
indemnisation des victimes).

Dans sa séance du 21 janvier 2003, la CIC a pris acte des résultats
encourageants constatés dans le déroulement du stage professionnel suivi par
X.________. Excluant toute précipitation compte tenu des lourds antécédents
et des échecs répétés d'amendement, la CIC a considéré que le succès de
l'expérience professionnelle en cours devait être confirmé au terme d'un
délai d'une année d'exercice, avant que la semi-liberté ne puisse être
examinée, cette dernière phase ayant été particulièrement critique dans le
passé. Par courrier du 11 février 2003, le Service pénitentiaire a écrit à
X.________ pour lui dire qu'il se ralliait à l'avis de la CIC et qu'il
prolongeait en conséquence de six mois son stage professionnel, aux mêmes
conditions. Il a également indiqué qu'il reprendrait d'office l'examen de la
requête de transfert en semi-liberté, après que la CIC eut elle-même
réexaminé la situation, ce qu'elle devait faire dans sa séance du 9 septembre
2003.

Par décision du 7 mars 2003, le Service pénitentiaire a refusé à X.________
l'octroi du régime de semi-liberté. Il a estimé nécessaire de disposer d'un
recul d'une année par rapport au stage professionnel pour décider si le
régime de la semi-liberté pouvait être accordé. Il a relevé que dans le passé
(tant en 1994 qu'en 1998) l'accès au régime de semi-liberté s'était révélé
critique pour X.________, qui avait très rapidement récidivé. Il en a conclu
qu'il incombait à celle-ci, durant son stage professionnel prolongé, de
convaincre durablement qu'elle était digne de la confiance qu'impliquait la
semi-détention. Il a ajouté qu'il serait essentiel avant de statuer de se
référer à la nouvelle appréciation de la CIC à l'issue de sa séance fixée le
9 septembre 2003, soit après l'expiration du délai d'une année pour le stage
professionnel en cours.

C.
Par arrêt du 15 avril 2003, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois a rejeté le recours de X.________ contre la décision du 7 mars 2003.

D.
X.________ forme un recours de droit administratif au Tribunal fédéral contre
cet arrêt. Elle conclut à sa réforme en ce sens qu'elle est mise au bénéfice
de la semi-liberté. Elle sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit administratif au Tribunal fédéral est ouvert contre les
décisions en matière d'exécution des peines et mesures que le Code pénal ne
réserve pas au juge. Tel est le cas des décisions relatives à la semi-liberté
(ATF 124 I 231 consid. 1a/aa p. 233).

Il peut être formé pour violation du droit fédéral y compris l'excès ou
l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a OJ). Le Tribunal fédéral
n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne peut aller au-delà des
conclusions des parties (art. 114 al. 1 OJ). En revanche, lorsque, comme en
l'espèce, le recours est dirigé contre la décision d'une autorité judiciaire,
il est lié par les faits constatés dans l'arrêt attaqué, sauf s'ils sont
manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de
règles essentielles de la procédure (art. 104 let. b et 105 al. 2 OJ).

2.
2.1 La recourante fait l'objet d'un internement au sens de l'art. 42 CP. Le
but premier de l'internement au sens de cette disposition est d'assurer la
sécurité publique contre les délinquants d'habitude, insensibles aux autres
sanctions pénales; cette mesure vise donc d'abord à protéger le public contre
des délinquants incorrigibles et socialement dangereux en empêchant la
commission de nouvelles infractions, et non à la resocialisation du
délinquant, même si celle-ci ne doit pas être négligée (ATF 118 IV 10 consid.
3a p. 12).

2.2 L'art. 42 ch. 3 al. 2 CP prévoit qu'après une durée égale à la moitié de
la peine, mais d'au moins deux ans, l'interné qui s'est bien comporté pourra
être occupé en dehors de l'établissement. Exceptionnellement, cet allégement
pourra être accordé à d'autres internés, si leur état l'exige. Cette
disposition introduit pour l'interné la possibilité de bénéficier du régime
de la semi-liberté. Il en ressort clairement que l'octroi de la semi-liberté
est subordonné à deux conditions cumulatives: d'une part, l'interné doit
avoir accompli la moitié de sa peine mais au moins deux ans; d'autre part, il
doit s'être bien conduit en détention. On trouve deux conditions cumulatives
similaires à l'art. 37 ch. 3 al. 2 CP, qui régit la semi-liberté pour les
peines de réclusion et d'emprisonnement. Selon la jurisprudence rendue à
propos de cette dernière disposition, la réunion des deux conditions
cumulatives ne signifie pas pour autant que la semi-liberté doive
nécessairement être accordée. Il s'agit en effet d'une faculté à propos de
laquelle l'autorité d'exécution jouit d'un pouvoir d'appréciation étendu.
L'autorité doit procéder à une évaluation en tenant compte du but de la
mesure et de l'ensemble des circonstances. Elle doit prendre en considération
les effets favorables de la semi-liberté, mais également les risques
inhérents à cette mesure; elle doit en particulier apprécier l'évolution
suivie par le détenu, mais également tenir compte de son caractère, lequel
résulte des expériences précédentes (ATF 116 IV 277 consid. 3a p. 278). Cette
jurisprudence vaut aussi pour l'art. 42 ch. 3 al. 2 CP. En d'autres termes,
pour octroyer la semi-liberté selon les exigences du droit fédéral,
l'autorité doit examiner, outre les deux conditions cumulatives précitées, si
un pronostic favorable peut être posé quant au comportement futur de
l'interné.

2.3
2.3.1En l'espèce, il n'est pas contesté que les deux conditions cumulatives
sont réalisées. A l'appui de son argumentation, la recourante relève que
depuis août 2002, dans le cadre du stage professionnel, elle travaille à
l'extérieur de l'établissement pénitentiaire, que cette  situation correspond
à celle de la semi-liberté et que rien ne peut donc justifier de lui refuser
ce régime. Elle se prévaut dans ce cadre d'une violation du règlement vaudois
sur le régime progressif de l'exécution des peines et de l'internement des
délinquants d'habitude. Elle indique que la solution adoptée par l'autorité
cantonale revient à prolonger la période de fin de peine, qui, selon l'art. 2
ch. 4 dudit règlement, comprend une période de section ouverte et une autre
de semi-liberté, lesquelles ne doivent en principe pas excéder respectivement
six et douze mois, soit  dix-huit mois au total.

Dans son courrier du 9 août 2002, le Service pénitentiaire a expressément
relevé que le stage professionnel ne s'inscrivait pas dans le cadre d'un
élargissement du régime de détention et que la recourante ne se trouvait donc
pas au bénéfice d'une semi-liberté. Dans son mémoire de recours cantonal (p.
4), la recourante relevait elle-même que la période du stage professionnel
s'apparentait, au vu de l'activité déployée et des horaires de travail, au
régime de fin de peine, plus spécifiquement à celui de la section ouverte,
sans toutefois en comporter tous les allégements. Il résulte de ce qui
précède que le stage professionnel (assorti en l'occurrence de toute une
série de conditions) et la semi-liberté, malgré leur convergence, ne
sauraient être assimilés. Il existe entre les deux une progression dans les
allégements. On ne perçoit donc pas de contradiction intrinsèque entre
l'admission du stage et le refus en l'état de la semi-liberté. Les conditions
et l'étendue des allégements qui peuvent être accordés progressivement
relèvent d'ailleurs de la compétence cantonale (cf. art. 37 ch. 3 al. 3 CP).
A ce propos, on peut se demander si la violation de la réglementation
cantonale invoquée est recevable dans un recours de droit administratif (ATF
128 II 56 consid. 1a p. 58; 126 V 30 consid. 2 p. 31/32; 124 I 231 consid.
1a/aa p. 233; 118 Ib 130 consid. 1a p. 131/132). Cette question peut rester
indécise car le grief n'est de toute façon pas fondé. L'art. 2 ch. 4 de la
réglementation précitée prévoit que le régime de fin de peine peut comprendre
une période de section ouverte et une autre de semi-liberté; en règle
générale, la période de section ouverte n'excède pas six mois (let. a) et
celle de semi-liberté pas une année (let. b). Compte tenu de la réserve
exprimée par les termes "en règle générale", on ne saurait conclure à une
violation de la réglementation cantonale pour le seul motif que la
prolongation du stage professionnel au-delà de six mois impliquerait, en
relation avec une semi-liberté subséquente pour une année, une période de fin
de peine de plus de dix-huit mois. La prolongation du stage professionnel
n'est donc en soi pas exclue par la réglementation cantonale.

2.3.2 La recourante affirme qu'en raison de la période de stage qu'elle a
effectuée, elle a suffisamment démontré qu'on pouvait lui faire confiance.
Cette confiance n'est pas différente de celle qui doit présider à l'octroi de
la semi-liberté. Le stage était initialement prévu pour six mois. En
considérant la semi-liberté comme prématurée et en prolongeant de six mois le
stage, l'autorité cantonale aurait violé l'art. 42 ch. 3 al. 2 CP.

Il ressort notamment de l'arrêt du Tribunal fédéral du 1er mars 2002 cité
plus haut (6S.52/2002) que la recourante a vécu depuis 1975 de manière
constante dans la délinquance, qu'elle a subi de nombreuses périodes de
détention qui n'ont eu aucun effet sur elle et qu'elle a commis ses dernières
infractions alors qu'elle se trouvait en semi-liberté puis en fuite. Dans
leur rapport complémentaire de juin 2002, les experts psychiatres considèrent
que la recourante présente toujours un risque de récidive; ils mettent en
avant la nécessité d'un encadrement soutenu et durable. A l'issue des six
premiers mois de stage professionnel, la CIC - composée notamment d'un
psychiatre et d'un psychologue - a émis l'avis de prolonger le stage
professionnel de six mois avant d'envisager le régime de la semi-liberté;
elle a relevé l'importance de ne pas précipiter les étapes compte tenu des
échecs répétés d'amendement et a rappelé que l'accès à la semi-liberté
s'était déjà révélé critique par le passé.

La recourante a donné satisfaction lors des six premiers mois de stage
professionnel. Cette donnée atteste d'une évolution favorable. Il n'en reste
pas moins que le cas de la recourante est marqué par de très nombreux
antécédents et la persistance d'un risque de récidive. Contrairement à ce
qu'elle pense, ce risque ne saurait être minimisé pour la raison que les
infractions à craindre sont uniquement dirigées contre le patrimoine. C'est
précisément parce que les infractions en cause n'étaient pas dépourvues de
gravité que l'internement a été prononcé. L'incapacité persistante de la
recourante à s'amender par le passé, le risque de récidive évoqué par les
experts psychiatres, la nécessité d'un encadrement durable sont des éléments
qui appellent une certaine fermeté dans l'analyse de la situation. En vertu
de ceux-ci, l'autorité cantonale n'a pas abusé de son large pouvoir
d'appréciation (cf. supra, consid. 2.2) en jugeant prématuré l'octroi de la
semi-liberté et en prolongeant de six mois le stage professionnel. Que le
stage ait d'abord été fixé à six mois, alors que les éléments précités
étaient déjà connus, ne saurait en soi attester d'un quelconque abus du
pouvoir d'appréciation. Les critiques de la recourante tirées d'une violation
de l'art. 42 ch. 3 al. 2 CP sont infondées.

3.
La recourante a sollicité l'assistance judiciaire. Sa requête est admise car
elle a suffisamment montré qu'elle est dans le besoin et ses critiques ne
paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec (art. 152 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il n'est pas perçu de frais.

4.
La Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Patrick Stoudmann, mandataire de
la recourante, une indemnité de 3'000 francs.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au
Service pénitentiaire du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois, Cour
de cassation pénale.

Lausanne, le 7 août 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: