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Kassationshof in Strafsachen 6A.28/2003
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6A.28/2003 /sch

Arrêt du 11 juillet 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffière: Mme Paquier-Boinay.

X.________,
recourant, représenté par Me Hrant Hovagemyan, avocat, place du Bourg-de-Four
25, 1204 Genève,

contre

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, rue des
Chaudronniers 3, 1204 Genève.

Retrait du permis de conduire,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif de la
République et canton de Genève du
25 février 2003.

Faits:

A.
X. ________, né en 1957, domicilié à Genève, est titulaire d'un permis de
conduire de catégorie "B" délivré à Genève il y a plusieurs années.

Il a fait l'objet de deux sanctions pour excès de vitesse, savoir un
avertissement prononcé en 1994 et un retrait de permis d'un mois, qui a pris
fin le 31 août 1998.

B.
Le 28 juillet 1999, X.________ circulait au volant de sa voiture sur
l'autoroute A2, venant de Lucerne et se rendant à Lugano. A la hauteur de
Bodio-Pollegio, il a fait l'objet d'un contrôle de vitesse, des agents de la
police tessinoise l'ayant suivi dans une voiture banalisée durant plusieurs
kilomètres. Il a ainsi été établi qu'il avait circulé à 198 km/h sur un
tronçon où la vitesse maximale autorisée est de 120 km/h. Après déduction de
la marge de sécurité, c'est un excès de vitesse de 58 km/h qui lui a été
reproché. X.________ a expliqué qu'il s'était cru poursuivi par des
malfaiteurs.

C.
Sur le plan pénal, le préteur du district de la Léventine a, par jugement du
18 septembre 2001, reconnu X.________ coupable de violation grave des règles
de la circulation au sens de l'art. 90 ch. 2 LCR. Il a retenu l'application
des art. 19 et 34 CP mais a estimé qu'il n'était pas possible d'exempter le
condamné de toute peine car eu égard à la proportion entre les intérêts en
jeu et au fait que ses craintes reposaient principalement sur des indices
insuffisamment vérifiés, il aurait dû recourir à d'autres moyens pour faire
face à la situation de danger dans laquelle il croyait se trouver.

D.
Par arrêté du 6 décembre 2002, le Service des automobiles et de la navigation
du canton de Genève a retiré le permis de conduire de X.________ pour une
durée de 6 mois.

E.
Statuant le 25 février 2003, le Tribunal administratif genevois a rejeté le
recours formé par X.________ contre cette décision.

L'autorité cantonale a considéré que l'importance du dépassement de vitesse
impliquait un retrait obligatoire du permis de conduire de son auteur. Elle a
en outre relevé le fait que le juge administratif ne peut s'écarter du
jugement pénal qu'à certaines conditions et qu'il n'y avait aucune raison de
le faire en l'espèce. Dès lors, considérant que le juge pénal avait exclu
l'état de nécessité de même que l'erreur sur les faits au motif que celle-ci
aurait pu être évitée, le Tribunal administratif a constaté que la durée du
retrait de 6 mois constituait le minimum qui pouvait être prononcé compte
tenu de la situation de récidive par rapport au précédent retrait.

F.
Contre cet arrêt, X.________ a déposé un recours de droit administratif au
Tribunal fédéral. Il reproche à l'autorité cantonale d'avoir établi les faits
de la cause de manière inexacte et manifestement incomplète. Il soutient en
outre que la décision attaquée serait arbitraire.

Le recourant conclut, avec suite de dépens, à l'annulation de l'arrêt
attaqué. Il sollicite, enfin, l'effet suspensif, qui lui a été accordé par
ordonnance du Président de la Cour de cassation du 7 avril 2003.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit administratif au Tribunal fédéral peut être formé pour
violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir
d'appréciation (art. 104 let. a OJ). Le Tribunal n'est pas lié par les motifs
invoqués, mais il ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 114
al. 1 OJ). En revanche, lorsque le recours est, comme en l'espèce, dirigé
contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par
les faits constatés dans l'arrêt attaqué, sauf s'ils sont manifestement
inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles
essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ).

2.
2.1 Le recourant ne conteste pas l'excès de vitesse qui lui est imputé et ne
nie pas avoir dépassé de 58 km/h, marge de sécurité déduite, la vitesse
maximale autorisée. Selon la jurisprudence, lorsque le dépassement de vitesse
commis sur une autoroute atteint 35 km/h, il doit être sanctionné par un
retrait de permis obligatoire, en application de l'art. 16 al. 3 let. a LCR
(ATF 124 II 97 consid. 2b p. 99, 475 consid. 2a p. 477; 123 II 106 consid. 2c
p. 112 s.). L'excès de vitesse ayant été commis dans un délai de deux ans
après la fin d'un précédent retrait, sa durée ne pouvait, conformément à
l'art. 17 al. 1 let. c LCR, être inférieure à six mois.

2.2 Le recourant soutient que l'autorité cantonale aurait dû le mettre au
bénéfice de l'art. 34 CP; il fait valoir que l'autorité administrative s'est
écartée sans motif légitime des faits retenus par le juge pénal, lequel a
admis que le recourant se trouvait dans un état de nécessité putatif, qui
aurait toutefois pu être évité.

Le jugement pénal ne lie en principe pas l'autorité administrative et cette
indépendance des juges pénal et administratif peut conduire à des décisions
contradictoires. Afin d'éviter dans la mesure du possible ces contradictions,
la jurisprudence a admis que l'autorité administrative appelée à se prononcer
sur l'existence d'une infraction ne doit pas s'écarter sans raison sérieuse
des constatations de fait du juge pénal (ATF 106 Ib 398 consid. 2, 105 Ib 19
consid. 1a, 104 Ib 359 consid. 1 et 362 ss consid. 3); en revanche,
l'autorité administrative n'est liée par le jugement pénal en ce qui concerne
l'appréciation juridique que dans la mesure où celle-ci dépend étroitement de
l'appréciation de faits que le juge pénal connaît mieux qu'elle (ATF 119 Ib
158 consid. 3c/bb p. 164). L'autorité administrative ne peut s'écarter du
jugement rendu que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des
constatations de fait inconnues du juge pénal ou qu'il n'a pas prises en
considération, s'il existe des preuves nouvelles dont l'appréciation conduit
à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle s'est livré le juge pénal
se heurte clairement aux faits constatés ou si le juge pénal n'a pas élucidé
toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la
violation des règles de la circulation (ATF 109 Ib 204 consid. 1, 105 Ib 19
consid. 1a).

Il y a lieu de relever tout d'abord que le retrait de permis prononcé à
l'encontre du recourant n'est pas un retrait de sécurité, tel qu'il est
défini par l'art. 16 al. 1 LCR, mais un retrait d'admonestation, auquel
l'art. 34 CP s'applique par analogie (voir Perrin, Délivrance et retrait du
permis de conduire, Fribourg 1982, p. 120 et la référence citée).

Conformément à l'art. 34 ch. 1 al. 1 CP, un acte n'est pas punissable s'il a
été commis pour préserver d'un danger imminent et impossible à détourner
autrement un bien appartenant à l'auteur, notamment sa vie, son intégrité
corporelle, sa liberté ou son patrimoine. Pour que l'acte soit licite, il
faut que le bien protégé soit plus précieux que le bien lésé (ATF 129 IV 6
consid. 3.2 p. 14; 122 IV 1 consid. 2b p. 4 et les références citées). Le
recourant ne peut donc être mis au bénéfice de cette disposition qu'à la
condition que l'on considère que l'excès de vitesse qui lui est reproché
était nécessaire à la sauvegarde du bien menacé et que celui-ci était plus
précieux que celui qui a été compromis par son comportement.

En présence d'un dépassement de vitesse de l'importance de celui commis par
le recourant, savoir 58 km/h après déduction de la marge de sécurité,
l'application de l'art. 34 CP ne peut être envisagée qu'avec une très grande
réserve, même si le bien menacé est aussi précieux que la vie ou l'intégrité
corporelle, tant est considérable le risque d'accident mortel qu'un
conducteur qui circule à une telle vitesse fait courir aux autres usagers de
la route et à lui-même (voir ATF 116 IV 366 consid. 1a et les références
citées).

En l'espèce, il ressort du jugement pénal, dont l'autorité administrative ne
saurait s'écarter sans raison sérieuse en ce qui concerne les constations de
fait, parmi lesquelles ce qui a trait à ce que l'auteur savait, voulait ou
avait l'intention de faire (ATF 119 IV 222 consid. 2; 118 IV 174 consid. 4 et
les arrêts cités), que le recourant n'a pas eu peur pour sa vie, mais a
craint d'être suivi par des personnes mal intentionnées, qui auraient pu, le
cas échéant, l'attaquer. Au surplus, le recourant a lui-même déclaré avoir
réduit sa vitesse à 100 km/h après avoir acquis la certitude d'être suivi.
Cela montre bien qu'il était conscient du fait que l'excès de vitesse qui lui
est reproché n'était pas nécessaire pour se sortir de cette situation. Par
ailleurs, il est notoire qu'en circulant à une vitesse aussi élevée, le
risque est important de causer un accident de nature à provoquer la mort de
plusieurs personnes, de sorte que le bien compromis par le comportement du
recourant était plus précieux que celui qu'il entendait sauvegarder,
puisqu'il a reconnu n'avoir pas craint pour sa vie. Dès lors, c'est à juste
titre que l'autorité cantonale a considéré que le recourant ne pouvait pas
être mis au bénéfice de l'art. 34 CP; cette appréciation repose sur des
constatations de fait qui ne divergent pas de celles retenues par le juge
pénal, de sorte que c'est en vain que le recourant reproche à l'autorité
cantonale de s'être écartée sans motif légitime des faits établis par
celui-ci.

Certes, la motivation de l'arrêt attaqué est difficilement compréhensible et
peu convaincante dans la mesure où elle considère que l'autorité pénale n'a
pas retenu que le recourant se trouvait en état de nécessité, alors que le
jugement pénal note expressément qu'une atténuation de la peine conformément
aux art. 34 ch. 1 al. 2 et 66 CP s'impose. Il n'en demeure toutefois pas
moins, comme cela ressort des considérations qui précèdent, que le jugement
attaqué est conforme au droit, de sorte que le grief tiré par le recourant
d'une violation des art. 19 et 34 CP est mal fondé et doit être rejeté. A
fortiori et pour les mêmes motifs, le reproche d'arbitraire fait à l'autorité
cantonale par le recourant, qui semble y voir non pas un grief distinct mais
un degré particulièrement grave de la violation du droit fédéral examinée
ci-dessus, est mal fondé.

3.
Le recourant se plaint enfin de ce que l'autorité cantonale a omis de
constater qu'il ne disposait pas d'un téléphone cellulaire au moment des
faits, de sorte qu'il n'était pas en mesure d'appeler la police; il nie
également avoir eu la possibilité de s'arrêter sur une aire de repos comme le
suggère l'arrêt attaqué.

Le recourant ne saurait, dans le cadre de la présente procédure, remettre en
question les constatations de fait du jugement pénal; s'il entendait les
contester, il devait utiliser les voies de droit qui lui étaient ouvertes
dans la procédure pénale, ce qu'il n'a nullement fait.
On constate au demeurant, à la lecture du considérant précédent, que ces deux
éléments n'ont pas été pris en considération pour déterminer s'il y avait
lieu de faire application de l'art. 34 CP et n'ont donc aucune incidence sur
le sort de la cause, de sorte que le fait que l'autorité cantonale ne les ait
pas constatés ou l'ait fait de manière erronée est de surcroît totalement
dénué de pertinence.

Mal fondé sur ce point également, le recours doit être rejeté.

4.
Vu l'issue de la procédure, les frais de la cause doivent être mis à la
charge du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et au
Tribunal administratif de la République et canton de Genève ainsi qu'au
Service des automobiles du canton de Genève et à la Division circulation
routière de l'Office fédéral des routes.

Lausanne, le 11 juillet 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: