Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Kassationshof in Strafsachen 6A.16/2003
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6A.16/2003 /mks

Arrêt du 16 mai 2003
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Kolly.
Greffier M. Denys.

Département de justice, police et sécurité du canton de Genève, Service des
automobiles et de la navigation, route de Veyrier 86, case postale 1556, 1227
Carouge GE,
recourant,

contre

X.________,
intimé,
Tribunal administratif du canton de Genève, 2ème section, 3, rue des
Chaudronniers, 1204 Genève.

Infraction à la LCR, avertissement,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de Genève, 2ème section, du 11 février 2003.

Faits:

A.
Le 4 août 2002, à 10 h 45, X.________ circulait au volant d'une voiture à
Collonge-Bellerive, sur un tronçon limité à 50 km/h. Marge de sécurité
déduite, il a dépassé la vitesse maximale autorisée de 18 km/h.

X. ________, né en 1911, est titulaire d'un permis de conduire pour véhicules
automobiles depuis 1933. Il n'a pas d'antécédents en matière de circulation
routière.

B.
Invité par le Service des automobiles et de la navigation du Département de
justice, police et sécurité du canton de Genève (ci-après: SAN) à se
déterminer, X.________ s'est déclaré surpris, relevant qu'après négociation,
l'amende infligée avait été ramenée à 340 francs. Par décision du 25 novembre
2002, le SAN a prononcé un avertissement à l'égard de X.________, en
application de l'art. 16 al. 2 LCR.

X. ________ a recouru contre cette décision. Entendu le 16 janvier 2003, il a
déclaré ne pas contester le dépassement de vitesse, mais estimait être
victime d'un abus de pouvoir.

Par arrêt du 11 février 2003, le Tribunal administratif du canton de Genève a
admis le recours de X.________ et a annulé la décision du 25 novembre 2002.

C.
Le SAN forme un recours de droit administratif au Tribunal fédéral contre cet
arrêt. Il conclut à son annulation et au prononcé d'un  avertissement.

Invité à se déterminer, X.________ n'a pas réagi.

Le Tribunal administratif genevois persiste dans les termes et conclusions de
son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit administratif au Tribunal fédéral est ouvert contre une
décision cantonale de dernière instance en matière de retrait du permis de
conduire (art. 24 al. 2 LCR). Il peut notamment être intenté par l'autorité
qui a pris la décision de première instance, lorsque l'autorité cantonale de
recours est indépendante de l'administration (art. 24 al. 5 let. a LCR). En
l'espèce, la décision attaquée émane d'une autorité judiciaire de sorte que
le SAN est légitimé à recourir.

Le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit
fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 let.
a OJ). Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne
peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 114 al. 1 OJ). En
revanche, lorsque, comme en l'espèce, le recours est dirigé contre la
décision d'une autorité judiciaire, il est lié par les faits constatés dans
l'arrêt attaqué, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou
s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de la procédure (art.
104 let. b et 105 al. 2 OJ).

2.
2.1 L'intimé a dépassé de 18 km/h la vitesse maximale autorisée à l'intérieur
d'une localité. Le Tribunal administratif genevois a exclu le prononcé d'un
avertissement pour le motif que l'intimé jouissait d'une excellente
réputation d'automobiliste, sur une période de près de septante ans.

2.2 L'art. 16 al. 2 LCR prévoit que "le permis d'élève conducteur ou le
permis de conduire peut être retiré au conducteur qui, par des infractions
aux règles de la circulation, a compromis la sécurité de la route ou
incommodé le public. Un simple avertissement pourra être ordonné dans les cas
de peu de gravité". Quant à l'art. 16 al. 3 let. a LCR, il dispose que le
permis de conduire doit être retiré "si le conducteur a compromis gravement
la sécurité de la route".

A partir du texte légal, quatre situations doivent être distinguées (ATF 128
II 86 consid. 2a p. 87/88). D'abord, le cas où le conducteur n'a pas
"compromis la sécurité de la route ou incommodé le public", pour lequel
l'autorité n'ordonnera aucune mesure administrative. Deuxièmement, le cas de
peu de gravité (art. 16 al. 2 2ème phrase LCR), pour lequel l'autorité
donnera un avertissement. En troisième lieu, le cas de gravité moyenne (art.
16 al. 2 1ère phrase LCR), pour lequel l'autorité doit retirer le permis de
conduire; elle ne peut s'en abstenir qu'en présence de circonstances
particulières (ATF 126 II 202 consid. 1a p. 204, 196 consid. 2c p. 200/201).
Enfin, le cas grave, qui implique le retrait du permis de conduire en
application de l'art. 16 al. 3 let. a LCR.

2.3 Selon la jurisprudence, lorsque la vitesse maximale générale de 50 km/h
autorisée dans les localités est dépassée de 25 km/h et plus, il s'agit
objectivement, c'est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes, d'un cas
grave, qui implique un retrait du permis en application de l'art. 16 al. 3
let. a LCR. Pour un dépassement de 21 à 24 km/h, le cas est objectivement de
gravité moyenne, ce qui doit en principe entraîner le retrait du permis de
conduire en application de l'art. 16 al. 2 1ère phrase LCR (ATF 126 II 202
consid. 1a p. 204, 196 consid. 2a p. 199; 124 II 97 consid. 2b p. 101). Par
ailleurs, l'ordonnance du 4 mars 1996 sur les amendes d'ordre (OAO; RS
741.031) prévoit à son annexe I ch. 303.1 que seul un dépassement jusqu'à 15
km/h de la vitesse maximale autorisée dans les localités peut être réprimé
par une amende d'ordre. Un dépassement de la vitesse autorisée de 18 km/h à
l'intérieur d'une localité comme en l'espèce se situe donc au-dessous de la
limite de 21 km/h fixée pour le cas de gravité moyenne et au-dessus de la
fourchette prévue pour les amendes d'ordre. Aussi, un tel dépassement
constitue-t-il objectivement (sans égard aux circonstances concrètes) un cas
de peu de gravité au sens de l'art. 16 al. 2 2ème phrase LCR, impliquant un
avertissement (ATF 128 II 86 consid. 2b p. 88).

2.4 C'est pour des raisons d'égalité de traitement que la jurisprudence a été
amenée à fixer des règles précises en matière d'excès de vitesse. Les
vitesses posées par la jurisprudence à partir desquelles un retrait du
permis, respectivement un avertissement, doit être prononcé ont été
déterminées en partant de l'hypothèse que les conditions de la circulation
étaient favorables et que le conducteur jouissait d'une bonne réputation en
tant qu'automobiliste. Autrement dit, de bons antécédents ne permettent pas
d'appréhender le cas comme  d'une gravité moindre que celle découlant en soi
de l'importance du dépassement de vitesse commis. Ils ne sauraient être
assimilés à une une circonstance spéciale justifiant de renoncer à une mesure
administrative (cf. ATF 124 II 475 consid. 2a p. 477 et 2b p. 478, 97 consid.
2b p. 101).

Parmi les circonstances spéciales justifiant de renoncer à une mesure
administrative, figure l'hypothèse où le conducteur avait des motifs sérieux
de penser qu'il ne se trouvait plus à l'intérieur d'une localité et que la
vitesse n'était donc plus limitée à 50 km/h. La renonciation à une mesure
peut également être envisagée en présence de circonstances analogues à celles
qui justifient d'abandonner toute peine en application de l'art. 66bis CP
(ATF 126 II 202 consid. 1a p. 204, 196 consid. 2a p. 199). En l'espèce, il
n'est pas établi que, pour des raisons compréhensibles, l'intimé aurait pensé
qu'il ne se trouvait pas dans une zone limitée à 50 km/h. L'application
analogique de l'art. 66bis CP apparaît par ailleurs d'emblée exclue: l'intimé
n'a pas été directement et gravement atteint (physiquement ou psychiquement)
par les conséquences de son comportement incorrect au volant, au point qu'une
sanction administrative serait inappropriée.

En conséquence, malgré la bonne réputation d'automobiliste de l'intimé, il
faut admettre que, compte tenu de l'importance du dépassement de vitesse (18
km/h) et de l'absence de circonstances spéciales, le Tribunal administratif
genevois a violé le droit fédéral en renonçant à prononcer un avertissement.

Au demeurant, au travers de ses déclarations en procédure cantonale, l'intimé
semble méconnaître que l'amende qui lui a été infligée représente une
sanction pénale, laquelle n'empêche pas le prononcé d'une sanction
administrative, tel un avertissement, par une autre autorité habilitée (cf.
ATF 125 II 402 consid. 1 p. 403 ss).

3.
Le recours du SAN est donc bien fondé. Lorsque le Tribunal fédéral annule la
décision attaquée, il peut soit statuer lui-même sur le fond soit renvoyer
l'affaire pour nouvelle décision à l'autorité intimée, voire à l'autorité qui
a statué en première instance (cf. art. 114 al. 2 OJ). En l'espèce, il
convient de prononcer un avertissement à l'égard de l'intimé. La cause est
renvoyée à l'autorité cantonale uniquement pour ce qui concerne la
répartition et le règlement des frais et dépens de la procédure cantonale
(cf. art. 157 et 159 al. 6 OJ).

4.
Comme l'intimé ne s'est pas déterminé, il est renoncé à mettre à sa charge
les frais de la procédure devant le Tribunal fédéral. Il n'y a pas lieu
d'allouer des dépens à l'autorité qui obtient gain de cause (art. 159 al. 2
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt rendu le 11 février 2003 par le Tribunal
administratif du canton de Genève, 2ème section, est annulé.

2.
Un avertissement est adressé à l'intimé en raison de l'excès de vitesse
commis le 4 août 2002. La cause est renvoyée au Tribunal administratif du
canton de Genève, 2ème section, en ce qui concerne les frais et dépens de la
procédure cantonale.

3.
Il n'est pas perçu de frais.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Tribunal
administratif du canton de Genève, 2ème section, ainsi qu'à l'Office fédéral
des routes, Division circulation routière.

Lausanne, le 16 mai 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: