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Kassationshof in Strafsachen 6A.15/2003
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6A.15/2003 /rod

Arrêt du 7 juillet 2003
Cour de cassation pénale

MM. et Mme les Juges Schneider, Président,
Kolly et Romy, Juge suppléante.
Greffière: Mme Angéloz.

X. ________,
recourant, représenté par Me James Dällenbach, avocat, case postale 1626,
2002 Neuchâtel 2,

contre

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel,
case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1.

Retrait du permis de conduire,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel du 28 janvier 2003.

Faits:

A.
Le 7 juillet 2000, X.________, né en 1951, chauffeur professionnel, circulait
sur la route cantonale Vaulruz-Vuadens, en direction de Bulle, au volant d'un
convoi routier transportant un pont roulant d'une longueur de 30 mètres et
pesant 10 tonnes. Dans un virage à gauche, la remorque du convoi routier a
empiété sur la voie réservée aux véhicules venant en sens inverse, où
survenait une camionnette avec remorque, conduite par Y.________. Lors du
croisement, la remorque du convoi a heurté le véhicule de Y.________, dont le
flanc a alors touché la glissière de sécurité à droite de la chaussée. Suite
au choc, le pont roulant est tombé en travers de la chaussée.

Par ordonnance pénale du 5 décembre 2000, le Préfet du district de la Gruyère
a condamné X.________ à une amende de 350 francs, pour avoir fait preuve
d'inattention, circulé trop à gauche et assuré insuffisamment son chargement
ainsi que pour n'avoir pas été porteur de l'autorisation spéciale requise
pour un tel convoi dans le canton de Fribourg. X.________ n'a pas fait
opposition à cette ordonnance, selon lui en raison d'une omission de son
assurance de protection juridique.

B.
Le 20 octobre 2000, la Commission administrative du service des automobiles
du canton de Neuchâtel (ci-après: la Commission) a retiré le permis de
conduire de X.________ pour la durée d'un mois. Elle a retenu que, vu les
circonstances particulières de l'accident et un avertissement sévère prononcé
le 16 décembre 1998, la durée du retrait, fixée au minimum légal, tenait
suffisamment compte du besoin professionnel qu'avait le conducteur de son
permis. Elle a imparti à l'intéressé un délai de 6 mois pour déposer son
permis.

Saisi d'un recours de X.________, le Département de la justice, de la santé
et de la sécurité du canton de Neuchâtel (ci-après: le Département) l'a
rejeté par décision du 13 février 2002. S'estimant lié par la qualification
juridique retenue par l'ordonnance pénale du 5 décembre 2000, il a considéré
que X.________ n'avait pas respecté son obligation de rouler à droite de la
chaussée, ne s'était, à tort, pas assuré de l'arrimage de son chargement et
avait mis en danger la sécurité du trafic. Quant à la durée du retrait, elle
était conforme au principe de la proportionnalité.

Par arrêt du 28 janvier 2003, le Tribunal administratif a écarté le recours
interjeté par X.________ contre cette décision. Il a considéré qu'il n'y
avait pas lieu d'examiner si le Département était ou non lié par l'ordonnance
pénale, dès lors que la Commission était fondée à tenir les faits
déterminants comme suffisamment établis pour se prononcer avant l'issue de la
procédure pénale. A l'appui, il a exposé que le rapport de police du 24
juillet 2000, relativement circonstancié et accompagné d'un dossier
photographique, ne permettait raisonnablement pas de douter des circonstances
de l'accident. La remorque du convoi avait clairement empiété sur la voie
réservée aux véhicules venant en sens inverse, le point de choc se situant à
environ 1 mètre du centre de la route, et cela dans un virage qui n'était pas
particulièrement serré, que le conducteur avait donc mal pris. Par ailleurs
le chargement n'avait pas été correctement arrimé selon les constatations de
la police, ce que la chute du pont roulant - fût-ce en raison du choc -
confirmait. X.________ avait ainsi créé un danger tant abstrait que concret
et la faute commise ne pouvait en aucun cas être qualifiée de légère. Le
retrait du permis devait donc être confirmé, pour la durée minimale légale
d'un mois, que le besoin professionnel du permis ne permettait pas de
réduire, le dossier étant toutefois retourné à l'autorité de première
instance afin qu'elle fixe un nouveau délai pour le dépôt du permis.

C.
X.________ forme un recours de droit administratif au Tribunal fédéral.
Soutenant que les faits ont été établis en violation d'une règle essentielle
de procédure, que, sur plusieurs points, ils sont au demeurant manifestement
inexacts ou incomplets et que, sur la base d'un état de fait correctement
établi, une violation des art. 30 et 34 al. 4 LCR ne pouvait être retenue, il
conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué. Il sollicite par ailleurs l'effet
suspensif.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit administratif au Tribunal fédéral est ouvert contre une
décision cantonale de dernière instance en matière de retrait du permis de
conduire (art. 97 al. 1 OJ en relation avec l'art. 5 PA, art. 98 let. g OJ,
art. 24 al. 2 LCR). Il peut être formé pour violation du droit fédéral, y
compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 let. a OJ).
Lorsque, comme en l'espèce, la décision attaquée a été rendue par une
autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés,
sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis
au mépris de règles essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ).

2.
Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir établi les faits en
violation d'une règle essentielle de procédure au sens de l'art. 105 al. 2
OJ, à savoir de la maxime officielle, pour s'en être tenue aux faits
résultant du dossier pénal, sans les vérifier, alors que, sur plusieurs
points, ils seraient manifestement inexacts ou incomplets.

2.1 La maxime officielle ou maxime inquisitoire impose à l'autorité d'établir
d'office les faits pertinents pour assurer une application correcte de la
loi. L'autorité doit procéder à une administration et à une appréciation des
preuves nécessaires, voire à de plus amples investigations si elle conserve
un doute quant au caractère complet et exact de l'état de fait résultant des
preuves déjà administrées. Elle n'a en revanche pas à épuiser toutes les
possibilités d'investigations si l'état de fait lui paraît suffisamment
établi (cf. ATF 128 III 411 consid. 3.2.1 p. 413 et les arrêts cités; ATF 110
V 48 consid. 4a p. 52 et les références).

2.2 L'arrêt attaqué confirme un retrait de permis prononcé, en première
instance, le 20 octobre 2000, soit avant que l'ordonnance pénale, du 5
décembre 2000, n'ait été rendue. Il considère que les faits qu'il retient
sont suffisamment établis par le rapport de police circonstancié du 24
juillet 2000 et le dossier photographique qui l'accompagne, lesquels ne
permettent raisonnablement pas de douter des circonstances de l'accident, à
savoir que le recourant a mal pris son virage à gauche, empiétant sur la voie
de circulation venant en sens inverse, et n'a pas correctement arrimé son
chargement. L'autorité cantonale ne s'est donc pas bornée à reprendre l'état
de fait retenu dans l'ordonnance pénale rendue dans l'intervalle et versée au
dossier. Elle a procédé elle-même à un examen des pièces du dossier et les a
appréciées pour forger sa propre opinion quant à l'état de fait déterminant
pour le prononcé de la mesure administrative. Comme elle a estimé que ces
pièces étaient suffisamment probantes, elle pouvait renoncer, sans violer la
maxime inquisitoire, à d'autres éclaircissements. Au demeurant, le recourant
n'allègue pas avoir requis des mesures d'instruction supplémentaires, telle
que l'audition de témoins, auxquelles l'autorité aurait refusé de donner
suite.
On ne discerne donc pas de violation de la maxime inquisitoire invoquée par
le recourant, dont le grief se confond en réalité avec celui pris d'une
constatation inexacte et incomplète des faits, également soulevé.

3. Le recourant soutient que, sur plusieurs points, l'arrêt attaqué repose
sur un état de fait inexact ou incomplet au vu des pièces du dossier,
notamment du rapport de police et du dossier photographique.

3.1 Il reproche d'abord à l'autorité cantonale d'avoir retenu à tort qu'il
avait clairement empiété sur la voie de circulation réservée aux véhicules
venant en sens inverse, pour s'être basée sur un "point de choc" situé à
environ 1 mètre du centre de la route.

Il est exact que le rapport de police ne fait pas état d'un "point de choc",
mais d'une "zone de choc", située à environ 1 mètre du centre de la route et
que l'endroit précis de la collision latérale n'a donc pas pu être déterminé.
L'inexactitude ainsi alléguée ne suffit cependant pas à faire douter de
l'existence d'un empiétement relativement important sur la voie de
circulation inverse. Le conducteur Y.________ a déclaré que le chargement du
convoi routier se trouvait approximativement au milieu de sa voie de
circulation. Quant au recourant, il a lui-même admis que, dans le virage, sa
remorque avait été déportée sur la voie de circulation inverse en raison de
la longueur du convoi. Il a certes évalué avoir ainsi empiété d'environ 20 cm
sur la chaussée opposée. Compte tenu du fait qu'il est difficile à un
conducteur de camion, à plus forte raison d'un convoi tel que celui conduit
par le recourant, d'apprécier la distance de déplacement de la remorque
attelée à celui-ci, cette estimation approximative n'exclut toutefois pas un
empiétement plus important, tel qu'il a été retenu. Dans ces conditions, il
n'était pas manifestement inexact de retenir un empiétement clair sur la voie
réservée aux véhicules venant en sens inverse.

3.2 Le recourant fait ensuite valoir que le choc latéral ne s'est produit
qu'à l'extrémité du convoi, ce qui établirait que le conducteur Y.________ se
serait en réalité déporté pour une raison inexpliquée.

Cette allégation est démentie par les déclarations faites par le recourant
lui-même lors du constat d'accident, selon lesquelles la remorque de la
camionnette a heurté la roue avant gauche de son camion, ce qui est au
demeurant corroboré par le dossier photographique. Que, sur ce point, les
constatations de fait de l'arrêt attaqué seraient manifestement inexactes ou
incomplètes n'est donc pas établi.

3.3 Le recourant conteste qu'on puisse lui reprocher de n'avoir pas tenu
correctement sa droite, alléguant que le dépassement sur la chaussée opposée
est dû à la longueur du convoi. Il y voit, outre une constatation inexacte
des faits, une violation de la maxime inquisitoire et du principe selon
lequel le doute doit profiter à l'accusé.

3.3.1 L'arrêt attaqué ne dit nulle part qu'il retiendrait que le recourant
n'a pas tenu correctement sa droite parce que celui-ci n'aurait pas apporté
la preuve du contraire, mais se borne à relever que "rien n'indique" qu'il ne
pouvait pas le faire. Autrement dit, il constate qu'aucun élément de preuve
ou indice ne vient étayer l'allégation du recourant selon laquelle un
dépassement sur la chaussée opposée était inévitable dans le cas d'espèce. Le
grief de violation du principe selon lequel le doute doit profiter à l'accusé
est donc dépourvu de fondement.

3.3.2 Que l'on puisse reprocher au recourant de n'avoir pas tenu correctement
sa droite a été déduit d'un examen et d'une appréciation des pièces du
dossier, en particulier du rapport de police et du dossier photographique, et
rien dans l'arrêt attaqué ne donne à penser qu'au terme de cette analyse
l'autorité cantonale aurait conservé des doutes à ce sujet. Le grief de
violation de la maxime inquisitoire est par conséquent infondé.

3.3.3 L'art. 34 al. 1 LCR impose aux véhicules de circuler le plus à droite
possible de la chaussée, c'est-à-dire autant que les circonstances le
permettent, notamment celles de la circulation et de la visibilité (ATF 107
IV 44 consid. 2a p. 46). Savoir si, dans un cas concret, cette règle a été
respectée est une question de droit, non pas de fait, de sorte que le grief
du recourant revient en réalité à se plaindre d'une violation de l'art. 34
al. 1 LCR, et non pas d'une constatation inexacte des faits.

Il est incontesté que le virage n'était pas particulièrement serré, que le
recourant circulait, selon ses dires, à environ 40 km /h, de jour et sur une
route de 8,30 m de large. On ne discerne donc aucune circonstance
particulière qui eût permis de déroger à l'obligation de circuler le plus à
droite possible de la chaussée. Le recourant n'a d'ailleurs invoqué d'autre
justification que celle liée à la longueur de son convoi. Que celle-ci eût
rendu inévitable un dépassement sur la chaussée opposée n'est toutefois pas
établi. Au demeurant, à supposer que la longueur du convoi eût impliqué le
risque d'un empiètement sur la chaussée opposée, il eût appartenu au
recourant de prendre les mesures nécessaires pour éviter la réalisation de ce
risque, notamment en s'assurant l'aide d'un tiers pour le guider. Dans ces
conditions, il pouvait être admis sans violation du droit fédéral que le
recourant n'avait pas tenu correctement sa droite au sens de l'art. 34 al. 1
LCR.

3.4 Le recourant prétend que la constatation selon laquelle il a arrimé son
chargement de manière insuffisante ou inadéquate est manifestement inexacte.
Il fait valoir que l'arrimage d'un chargement doit permettre de stabiliser et
immobiliser ce dernier en prévention d'accidents anodins, non pas de chocs
violents, tel qu'il s'est produit en l'espèce en raison de la vitesse adoptée
par l'automobiliste Y.________.

Ce grief revient en réalité à invoquer une violation de l'art. 30 al. 2 LCR,
qui prévoit notamment que le chargement doit être disposé de telle manière
qu'il ne mette en danger ni ne gêne personne et qu'il ne puisse tomber. Il
est infondé. La jurisprudence relative à l'art. 30 al. 2 LCR, à laquelle se
réfère le recourant, relève certes que la stabilité d'un chargement doit être
assurée non seulement en vue du trafic normal et des freinages subits, qui en
font partie, mais aussi en vue "d'accidents anodins"; parmi les exemples de
tels accidents qu'elle cite, elle mentionne toutefois le cas d'une collision
latérale contre un mur ou une barrière, qui n'affecte pas gravement le
véhicule, lequel reste tout au moins sur ces roues (ATF 97 II 238 consid. 3c
p. 242). Or, en l'espèce, le choc s'est produit latéralement, principalement
entre les roues avant gauche de la remorque du convoi conduit par le
recourant, lequel est resté sur ces roues, et la roue avant gauche de la
remorque du véhicule du conducteur Y.________, dont il n'a pas été constaté
qu'elle se soit renversée. On se trouve donc en présence d'un cas similaire à
la collision latérale évoquée par la jurisprudence, de sorte que l'arrêt
attaqué ne viole pas le droit fédéral en tant qu'il considère que l'arrimage
du chargement était insuffisant ou inadéquat.

4.
Les griefs pris de la violation d'une règle essentielle de procédure ainsi
que d'une constatation manifestement inexacte ou incomplète des faits
pertinents étant infondés, ceux tirés d'une violation des art. 34 al.1 et 30
al. 2 LCR doivent être examinés sur la base des faits retenus dans l'arrêt
attaqué (cf. supra, consid. 1). Or, sur la base de ces faits, une violation
de ces dispositions pouvait être admise sans violation du droit fédéral. Le
recourant n'établit d'ailleurs pas le contraire, mais fonde toute son
argumentation sur les faits qui, selon lui, devaient être retenus. Quant à la
faute commise, elle ne saurait, au vu des constatations de fait cantonales
ainsi que des qualifications professionnelles du recourant et de la mise en
danger objective qu'il a créée, être qualifiée de légère. Comme l'admet
l'arrêt attaqué, il s'agit d'un cas de gravité moyenne, qui, sauf
circonstances particulières, non réalisées en l'espèce, doit entraîner un
retrait du permis de conduire (ATF 126 II 196 consid. 2a p. 199). Au reste,
l'autorité cantonale a suffisamment tenu compte du principe de la
proportionnalité en fixant la durée du retrait au minimum légal d'un mois
(art. 17 al. 1 let. a LCR).

Le retrait de permis litigieux, qu'il appartiendra à l'autorité compétente
d'aménager de manière à ce que le recourant ne soit pas exposé à perdre son
emploi (ATF 126 II 196 consid. 2e p. 202), ne viole donc pas le droit
fédéral.

5.
Le recours doit ainsi être rejeté et le recourant qui succombe, supportera
les frais (art. 156 al. 1 OJ).

La cause étant tranchée, la requête d'effet suspensif devient sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 francs est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et au
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel ainsi qu'à la Commission
administrative du service des automobiles du canton de Neuchâtel et à
l'Office fédéral des routes, Division circulation routière.

Lausanne, le 7 juillet 2003

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: