Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.52/2003
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5C.52/2003 /frs

Arrêt du 11 mars 2004
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Hohl.
Greffière: Mme Mairot.

1. A.________,

2. B.________,

3. C.________,

4. D.________,

5. E.________,

6. F.________,

7. G.________,
demandeurs et recourants,
tous représentés par Me François Besse, avocat,

contre

Fondation Y.________,
défenderesse et intimée,
représentée par Me François Carrard, avocat,

action en nullité de testament, en pétition d'hérédité et en réduction,

recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal
du canton de Vaud du 6 mars 2002.
Faits:

A.
A.a Z.________, de nationalité bulgare, domicilié à Lausanne, y est décédé le
5 décembre 1975. Par testament authentique instrumenté le 9 septembre 1974
par le notaire Samuel Pache, il a notamment légué à son épouse dame
Z.________ une rente annuelle viagère et l'usufruit de son immeuble; il l'a
en outre instituée seule héritière de ses biens, ceux-ci étant toutefois
grevés d'une substitution fidéicommissaire en faveur d'une fondation d'aide
aux personnes nécessiteuses et de bienfaisance à créer sous le nom de
Y.________. Cette fondation a été constituée le 8 mai 1978 et inscrite au
registre du commerce le 6 juin suivant. Dame Z.________, décédée à Lausanne
le 4 mars 1984, avait, par testament authentique du 19 décembre 1977,
institué la Fondation Y.________ unique héritière de ses biens.

A.b Par demande du 30 mai 1985, les héritiers légaux de Z.________, à savoir
H.________, I.________, J.________ (lesquels sont actuellement hors de
cause), A.________, B.________, C.________, K.________ (décédée en cours
d'instance), D.________, E.________, F.________ et G.________ (ci-après: les
demandeurs) ont ouvert action contre la Fondation Y.________ en constatation
de la nullité ou en annulation du testament de Z.________, en pétition
d'hérédité et, subsidiairement, en réduction. En bref, ils ont allégué que le
testament du 9 septembre 1974 n'était pas l'expression de la libre volonté du
de cujus. Celui-ci, âgé à l'époque de quatre-vingt-huit ans, était très
affaibli physiquement et mentalement, si bien que son épouse aurait exercé
des pressions sur lui pour lui dicter ses volontés.

A.c Le 5 mars 1992, les demandeurs ont sollicité l'autorisation de se
réformer pour introduire quatre allégués (419-422) visant à établir la
fausseté de la signature du testateur et compléter les preuves. Par jugement
incident du 4 novembre 1993, le Juge instructeur de la Cour civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté la requête. Statuant le 31 mai
1994, la Chambre des recours du Tribunal cantonal a notamment écarté le
recours des demandeurs, maintenu le jugement incident attaqué et arrêté les
frais de deuxième instance à 8'840 fr. Par arrêt du 21 décembre 1994, le
Tribunal fédéral a admis le recours de droit public des demandeurs en ce qui
concerne les frais. Le 22 juin 1995, la Chambre des recours en a fixé le
montant à 1'500 fr.

A.d Le 13 décembre 1999, les demandeurs ont déposé une seconde requête de
réforme dans le but d'introduire de nouveaux allégués (419-489) et d'offrir
des preuves portant sur la validité du testament. Par jugement incident du 15
juin 2000, le Juge instructeur de la Cour civile a rejeté la requête. La
Chambre des recours a, par arrêt du 11 décembre 2000, écarté le recours des
demandeurs.

B.
Par jugement du 6 mars 2002, communiqué le 10 janvier 2003, la Cour civile a
rejeté les conclusions prises par les demandeurs.

Contre ce jugement, ceux-ci ont déposé à la fois un recours en nullité
cantonal fondé sur l'art. 445 al. 1 ch. 2 CPC/VD, un recours de droit public
(5P.62/2003) et un recours en réforme au Tribunal fédéral.

Par arrêt du 10 octobre 2003, la Chambre des recours a rejeté le recours en
nullité et maintenu le jugement attaqué. Statuant ce jour, la cour de céans a
déclaré irrecevable le recours de droit public formé par les demandeurs
contre cet arrêt (5P.422/2003).

C.
C.aA.________, B.________, C.________, D.________, E.________, F.________ et
G.________ requièrent le Tribunal fédéral de réformer le jugement de la Cour
civile du 6 mars 2002, en reprenant les conclusions formulées en instance
cantonale.

Ils sollicitent en outre l'octroi de l'assistance judiciaire.

Une réponse n'a pas été requise.

C.b Par arrêt de ce jour, la cour de céans a déclaré irrecevable le recours
de droit public formé par les demandeurs contre le même jugement
(5P.62/2003).

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1 p. 174; 129 III 288 consid. 2.1
p 290).

1.1 Déposé en temps utile contre une décision finale prise par l'autorité
suprême du canton, le recours est recevable selon les art. 54 al. 1 et 48 al.
1 OJ. Il l'est aussi au regard de l'art. 46 al. 1 OJ, la valeur litigieuse
étant supérieure à 8'000 fr.

1.2 Le complément des demandeurs au recours de leur avocat, daté du 14
février 2003 et reçu par le Tribunal fédéral le 17 février suivant, n'a pas
été déposé dans le délai de recours de trente jours (art. 54 al. 1 OJ). Il
est par conséquent irrecevable.

1.3 En ce qui concerne la validité du testament, le jugement entrepris repose
sur deux motivations indépendantes. D'une part, la cour cantonale a estimé
que l'action des demandeurs en constatation de la nullité ou en annulation du
testament était prescrite. D'autre part, elle a jugé que cette action devait
de toute façon être rejetée sur le fond. Conformément à la jurisprudence (ATF
115 II 300 consid. 2a p. 302; 111 II 397 consid. 2b, 398 consid. 2b p. 399;
cf. également ATF 122 III 488 consid. 2 p. 489), les demandeurs s'en prennent
à ces deux motivations, de sorte que le recours est recevable sous cet angle.

1.4 Il n'en va pas de même s'agissant de l'action en réduction intentée à
titre subsidiaire. La Cour civile l'a rejetée, d'une part, au motif que les
demandeurs n'avaient pas la légitimation active (ou qualité pour agir), faute
d'être héritiers réservataires; elle a considéré, d'autre part, que leur
action était de toute façon prescrite (art. 533 CC). Devant le Tribunal
fédéral, les demandeurs soutiennent qu'ils ont la légitimation active puisque
leurs réserves ont été ignorées dans leur intégralité. Outre que ce grief
n'apparaît pas suffisamment motivé au sens de l'art. 55 al. 1 let. c OJ (cf.
ATF 116 II 745 consid. 3 p. 748/749; 106 II 175/176), ils ne s'en prennent
pas à la motivation du jugement entrepris relative à la prescription de
l'action de l'art. 522 CC. Il n'y a dès lors pas lieu d'entrer en matière à
ce sujet.

1.5 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur
les faits tels qu'ils ont été constatés par l'autorité cantonale, à moins que
des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées ou que
des constatations ne reposent sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2
OJ). En dehors de ces exceptions, il ne peut être présenté de griefs contre
les constatations de fait - ou l'appréciation des preuves à laquelle s'est
livrée l'autorité cantonale (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277; 127 III
543 consid. 2c p. 547) - et les faits nouveaux sont irrecevables (art. 55 al.
1 let. c OJ).
Dans la mesure où les demandeurs présentent un état de fait qui s'écarte de
celui contenu dans la décision entreprise, sans se prévaloir avec précision
de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible
d'en tenir compte.

2.
La Cour civile considère avec raison que le litige entre les parties présente
un caractère d'extranéité (cf. art. 1er al. 1 de la loi fédérale du 18
décembre 1987 sur le droit international privé [LDIP]). Cette loi détermine
le droit applicable aux actions qui, comme en l'espèce, étaient pendantes en
première instance à la date de son entrée en vigueur (art. 198 LDIP), le 1er
janvier 1989 (RO 1988 1827). Conformément à l'art. 196 al. 1 LDIP, la loi
fédérale sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour,
du 25 juin 1891 (LRDC), est en l'occurrence applicable. Dans ces conditions,
c'est à juste titre que les juridictions cantonales ont soumis l'ensemble de
la succession du défunt au droit suisse (art. 22 LRDC, en relation avec
l'art. 32 LRDC). Par ailleurs, la succession d'une personne décédée avant
l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1988, de la modification du code civil
suisse du 5 octobre 1984 (RO 1986 122) demeure régie par la loi ancienne (FF
1979 II p. 1348). Ces principes ne sont pas remis en cause.

3.
Les demandeurs se plaignent d'une violation de l'art. 8 CC. Ils reprochent à
l'autorité cantonale d'avoir rejeté leurs requêtes de réforme visant à
introduire de nouveaux allégués et offres de preuve, les empêchant ainsi
d'établir que le testament est un faux.

3.1 En vertu de l'art. 48 al. 3 OJ, le recours en réforme dirigé contre la
décision finale se rapporte aussi aux décisions qui l'ont précédée. Au nombre
de ces décisions figurent notamment les décisions incidentes sur une question
de procédure régie par le droit fédéral, hormis celle de la compétence visée
à l'art. 49 OJ, par exemple une décision incidente touchant le droit à la
preuve, telle celle qui écarte une offre de preuve pertinente (Poudret, in
Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, n. 4.1.1 et 4.1.3
ad art. 48).

3.2 Le grief tiré de la violation de l'art. 8 CC ne s'applique pas en matière
d'authenticité de documents. En effet, le litige qui porte sur la
falsification de documents ne concerne pas l'existence ou l'inexistence de
droits, mais bien de faits et relève dès lors de la procédure, soit du droit
cantonal pour les procès qui se déroulent devant les juridictions du canton
(Deschenaux, Le titre préliminaire du Code civil, in Traité de droit privé
suisse, t. II/I, p. 260; Guldener, Beweiswürdigung und Beweislast nach
schweizerischem Zivilprozessrecht, p. 29 n. 10; Kummer, Commentaire bernois,
n. 56 ad art. 8 CC; Guldener, Schweizerisches Zivilprozessrecht, § 38 I n. 3,
p. 333). Le grief de violation de l'art. 8 CC apparaît ainsi irrecevable (cf.
arrêt 5C.70/2000 du 17 juillet 2000, consid. 4). Il est de surcroît mal
fondé, comme il sera exposé ci-après.

3.3 L'art. 8 CC confère à la partie chargée du fardeau de la preuve la
faculté de prouver ses allégations dans les contestations relevant du droit
civil fédéral (ATF 115 II 300 consid. 3 p. 303), pour autant qu'elle ait
formulé un allégué régulier selon le droit de procédure, que les faits
invoqués soient juridiquement pertinents au regard du droit matériel et que
l'offre de preuve correspondante satisfasse, quant à sa forme et à son
contenu, aux exigences du droit cantonal (ATF 126 III 315 consid. 4a p. 317;
122 III 219 consid. 3c p. 223/224 et les références). Cette disposition ne
prescrit cependant pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être
ordonnées, ni ne dicte au juge comment il doit former sa conviction. Ainsi,
il n'y a pas violation de l'art. 8 CC si une mesure d'instruction est refusée
à la suite d'une appréciation anticipée des preuves, le juge pouvant rejeter
les allégations et les offres de preuve d'une partie parce que sa conviction
est déjà assise sur les preuves rassemblées, de manière que le résultat de
leur appréciation ne puisse plus être modifié; seul le moyen tiré d'une
appréciation arbitraire des preuves, à invoquer dans un recours de droit
public, est alors recevable (ATF 129 III 18 consid. 2.6 p. 25 et les arrêts
cités).

3.4 Le juge instructeur de la Cour civile a considéré, tant dans son jugement
incident du 4 novembre 1993 que dans celui du 15 juin 2000, maintenus par
l'arrêt de la Chambre des recours du 10 octobre 2003, que les faits allégués
par les demandeurs dans leur requête de réforme, tendant à mettre en doute
l'authenticité de la signature apposée sur le testament du 9 septembre 1974,
n'étaient pas propres à démontrer leur thèse.  En effet, on ne pouvait
conclure, comme ils le faisaient, qu'une signature apposée sur un testament
authentique est un faux, sans tenter d'établir - ce qui n'était en
l'occurrence pas le cas - que le notaire et les témoins ne connaissaient pas
le testateur ou qu'ils ont sciemment participé à l'établissement d'un faux.
Ce magistrat a dès lors renoncé à ordonner les expertises sollicitées,
estimant que, dans ces conditions, elles ne sauraient emporter la conviction
du juge face aux constatations de l'officier public et des témoins chargés
d'instrumenter l'acte. Or, il s'agit là d'une appréciation anticipée des
preuves, qui ne ressortit pas à l'art. 8 CC. Fût-il recevable, le moyen tiré
de la violation de cette disposition serait de toute façon infondé.

4.
Les demandeurs reprochent en outre à la Cour civile d'avoir enfreint les art.
469 et 519 CC. Ils soutiennent que le testament du 9 septembre 1974 doit être
annulé car le de cujus était incapable de discernement et/ou sous l'emprise
de son épouse lorsqu'il a accompli cet acte.

4.1 Pour être valable, un testament ne peut être rédigé que par une personne
capable de discernement (art. 467 CC). Est capable de discernement toute
personne qui n'est pas privée de la faculté d'agir raisonnablement par la
suite d'une maladie mentale ou de faiblesse d'esprit (art. 16 CC). Une
disposition pour cause de mort faite par une personne incapable de disposer
au moment de l'acte peut être annulée (art. 519 al. 1 ch. 1 CC).

4.1.1 La notion de capacité de discernement contient deux éléments: d'une
part, une composante intellectuelle, soit la capacité de reconnaître le sens,
l'opportunité et les effets d'un acte précis et, d'autre part, une composante
volitive, qui est également en rapport avec le caractère de la personne, soit
sa capacité d'agir librement en fonction d'une compréhension raisonnable et
de pouvoir opposer une résistance suffisante à d'éventuelles influences
extérieures. La capacité de discernement doit être comprise de manière
relative: elle ne doit pas être appréciée dans l'abstrait, mais concrètement,
par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son
importance. La capacité de disposer pour cause de mort doit donc exister eu
égard à l'acte en question et au moment où il est accompli. La capacité de
discernement est la règle; elle est présumée d'après l'expérience générale de
la vie. Partant, il incombe à celui qui prétend qu'elle fait défaut de le
prouver. Une très grande vraisemblance excluant tout doute sérieux suffit, en
particulier quand il s'agit d'une personne décédée, car la situation rend
alors impossible une preuve absolue. Lorsqu'une personne est atteinte de
faiblesse d'esprit due à l'âge, l'expérience générale de la vie amène à
présumer le contraire, à savoir l'absence, en principe, de discernement. La
contre-preuve en incombe à celui qui se prévaut de la validité du testament.
Il devra établir que la faculté d'agir raisonnablement existe malgré la cause
d'altération, en montrant que la personne concernée a accompli l'acte
litigieux dans un moment de lucidité. Dans le cas du testament public, le
juge n'est lié ni par les attestations des témoins qui certifient que le
testateur leur a paru capable de disposer (art. 501 al. 2 CC), lesquelles
constituent simplement un indice en faveur de la capacité de discernement, ni
par les déclarations de l'officier public instrumentant l'acte (ATF 124 III 5
consid. 1 p. 7-9 et les références citées).

Le juge du fait constate souverainement l'état dans lequel se trouvait une
personne au moment où elle a accompli l'acte litigieux, ainsi que la nature
et les effets d'éventuels dérangements. La juridiction fédérale de réforme
peut revoir la conclusion qu'il en a tirée dans la mesure où elle dépend de
la notion même de capacité de discernement ou de l'expérience générale de la
vie et du haut degré de vraisemblance exigé pour exclure cette capacité: en
d'autres termes, elle examine s'il a posé le problème d'une manière conforme
au droit. En revanche, le recours de droit public - et lui seul - est ouvert
pour violation de l'art. 9 Cst. (art. 4 aCst.) lorsque le justiciable prétend
que le juge du fait a apprécié le résultat de l'administration des preuves
d'une manière arbitraire (ATF 117 II 231 consid. 2c p. 235 et les arrêts
mentionnés).

4.1.2 En l'espèce, la Cour civile constate que le de cujus était certes âgé
de quatre-vingt-huit ans lorsqu'il a rédigé le testament en cause. Toutefois,
il est établi qu'il n'était pas atteint durablement et de façon certaine de
faiblesse d'esprit due à l'âge. Au contraire, tous les témoins ont confirmé
qu'il était resté jovial, dynamique et qu'il avait conservé une forte
personnalité. Plus encore, il est démontré qu'il n'a jamais fait preuve de
désorientation, de confusion mentale, de fausses reconnaissances ou
d'incohérences de comportement pouvant faire suspecter une atteinte à sa
santé mentale ou à sa capacité de jugement. Tant le notaire que les deux
témoins instrumentaires ont par ailleurs attesté que le de cujus leur avait
paru capable de disposer à cause de mort. Cette opinion est confirmée par
l'ensemble des personnes qui ont fréquenté le testateur ainsi que par son
médecin traitant, qui ont tous attesté qu'il avait l'esprit clair et qu'il
jouissait d'un plein discernement. Ledit médecin a en outre expressément
déclaré qu'au moment où le de cujus avait effectué son testament, il avait
encore la capacité de rédiger ou de faire établir un tel acte.

Les demandeurs soutiennent qu'au vu du résultat de la procédure probatoire,
l'incapacité de discernement du de cujus ou, du moins, son incapacité de
tester, doit être admise dès lors qu'il a grandement favorisé son épouse et
pris des dispositions allant, selon eux, à l'encontre de sa propre volonté.
Cette thèse est toutefois contredite par les constatations de l'arrêt
entrepris, selon lesquelles le défunt avait prévu la création d'une fondation
caritative dès les années 1960 et envisageait depuis longtemps d'écarter ses
frères et soeurs de sa succession. Le fait qu'il ait favorisé son épouse
n'est en outre pas déraisonnable. Les demandeurs invoquent encore les
déclarations du notaire indiquant que le de cujus avait beaucoup de peine à
prendre des décisions; ils en déduisent qu'il était la proie idéale pour ceux
qui souhaitaient le faire à sa place. Sur ce point, l'autorité cantonale a
expliqué de manière convaincante, en se fondant sur les faits établis (art.
63 al. 2 OJ), que les propos du notaire devaient être replacés dans leur
contexte et qu'ils ne remettaient pas en question la constatation de celui-ci
selon laquelle le défunt lui avait paru capable de disposer, car ils
concernaient uniquement les modalités de création de la fondation.

Vu ce qui précède, la Cour civile n'a pas violé le droit fédéral en refusant
d'annuler le testament public du 9 septembre 1974 pour cause d'incapacité de
discernement du de cujus. En tant qu'il est recevable, le grief est infondé.

4.2 Selon l'art. 469 al. 1 CC, les dispositions pour cause de mort que leur
auteur a faites sous l'empire d'une erreur, d'un dol, d'une menace ou d'une
violence sont nulles; elles peuvent être annulées en vertu de l'art. 519 al.
1 ch. 2 CC. L'acte sur lequel repose la vocation successorale testamentaire
peut en effet être entaché d'un vice de la volonté. L'art. 469 CC déroge, en
partie, aux règles générales des art. 23 ss CC (Guinand/Stettler, Droit civil
II, Successions [art. 457-640 CC], 5e éd., p. 43 n. 76).

4.2.1 La menace ou la violence peuvent prendre n'importe quelle forme, pourvu
qu'elles soient en relation de causalité avec la disposition concernée
(Guinand/Stettler, op. cit., p. 44 n. 78). D'après la jurisprudence, le terme
de "violence" mentionné à l'art. 469 CC ne vise que la violence psychique à
l'exclusion de la violence physique, cette notion correspondant, avec la
menace, à celle de la "crainte fondée" des art. 29-30 CO (ATF 72 II 154
consid. 2 p. 157). L'assistance en écriture (soutien et guidage de la main)
n'implique pas une contrainte (cf. ATF 98 II 73 consid. 2 p. 79).

4.2.2 Le jugement entrepris retient que le de cujus et sa femme formaient un
couple uni et aimant, qui se manifestait réciproquement respect et confiance.
Certes, il est établi que l'épouse n'appréciait guère la parenté bulgare de
son mari. Rien ne permet toutefois d'affirmer qu'elle ait exercé des
violences psychiques sur lui au point de lui faire établir un testament ne
correspondant pas à ce qu'il voulait. Si elle cherchait à influencer son
mari, celui-ci avait une très forte volonté et savait ce qu'il faisait. De
plus, le notaire qui a instrumenté l'acte a mentionné que le disposant lui
paraissait "agir en dehors de toute menace ou contrainte". Le testament ne
fait du reste que concrétiser le souhait du de cujus, datant d'une quinzaine
d'années, de donner toute sa fortune à une fondation caritative.

Dans la mesure où les demandeurs exposent que plus celui-ci avançait en âge,
plus son épouse prenait résolument les choses en mains, se chargeant de tout
et procédant à sa manière, en particulier en ce qui concerne la succession de
son mari, ils s'écartent, de manière irrecevable, des constatations de fait
de l'autorité cantonale. Ainsi que celle-ci le relève à juste titre,
l'institution de l'épouse comme unique héritière, sous réserve de
substitution fidéicommissaire sur les biens résiduels seulement et avec
dispense de sûretés, ne peut pas plus être interprétée comme la marque d'une
emprise totale de cette dernière sur son mari que comme la gratitude d'un
époux envers la femme dont il a partagé l'existence pendant près de trente
ans. Au demeurant, selon le jugement entrepris, il ressort des codicilles
qu'il avait rédigés en 1970 et 1971 qu'il entendait favoriser son épouse.
Enfin, il est établi qu'il était très déçu par sa parenté.

Dans ces conditions, l'autorité cantonale ne peut se voir reprocher d'avoir
violé l'art. 469 CC en niant que le testament litigieux fût  entaché d'un
vice de la volonté. Les demandeurs ne se prévalent du reste que d'une
prétendue influence ou emprise de l'épouse sur son mari, notions qui ne
sauraient être assimilées à la menace ou à la violence.

5.
Il résulte de ce qui précède que la cour cantonale n'a pas méconnu le droit
fédéral en refusant de considérer comme nul ou d'annuler l'acte à cause de
mort litigieux. Cela étant, il n'est pas nécessaire d'examiner les arguments
soulevés par les demandeurs à l'encontre de la motivation du jugement
entrepris consistant à dire que l'action en constatation de la nullité,
respectivement en annulation du testament est prescrite. Il suffit en effet
que l'autre motivation résiste à la critique (cf. ATF 115 II 300 et 111 II
397 précités).

6.
Compte tenu de la validité du testament, la dévolution doit s'opérer
conformément à celui-ci et l'action en pétition d'hérédité des demandeurs,
ainsi qu'en restitution des biens, ne peut par conséquent qu'être rejetée.

7.
En conclusion, le recours se révèle mal fondé et doit donc être rejeté, dans
la mesure où il est recevable. Comme les conclusions des demandeurs étaient
d'emblée vouées à l'échec, leur requête d'assistance judiciaire ne saurait
être agréée (art. 152 OJ). Ceux-ci supporteront dès lors solidairement les
frais de la présente procédure (art. 156 al. 1 et 7 OJ). Il n'y a pas lieu
d'allouer de dépens, une réponse n'ayant pas été requise.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 7'000 fr. est mis à la charge des demandeurs,
solidairement entre eux.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 11 mars 2004

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: