Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.38/2003
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5C.38/2003 /frs

Arrêt du 31 mars 2003
IIe Cour civile

MM. les Juges Raselli, Président,
Escher et Marazzi.
Greffier: M. Abrecht.

X. ________ Assurances,
défenderesse et recourante, représentée par Me Philippe Mercier, avocat,
place St-François 7, case postale 3640, 1002 Lausanne,

contre

Y.________,
demanderesse et intimée, représentée par le Syndicat Suisse des services
publics, Région Vaud, avenue Ruchonnet 45, case postale 1324, 1001 Lausanne.

contrat d'assurance,

recours en réforme contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud du 12 juillet 2002.

Faits:

A.
Y. ________, née en 1955, a été engagée comme enseignante auprès d'une École
de soins infirmiers (ci-après : l'employeur) pour une durée indéterminée
depuis le 1er octobre 1996. En tant que telle, elle était assurée pour une
indemnité journalière en cas de maladie par deux contrats collectifs conclus
par l'employeur avec X.________ Assurances. Ces contrats prévoyaient le
versement, après un délai d'attente de 30 jours, d'allocations journalières
correspondant à respectivement 80% et 20% du salaire assuré (soit 100% entre
les deux contrats) pour une durée maximale de 730 jours dans une période de
900 jours consécutifs.

B.
Le 21 janvier 2000, Y.________ a, dans le cadre de son activité
professionnelle, heurté une porte en verre avec la tête. Elle a été conduite
à l'Hôpital de Morges, où il a été diagnostiqué une contusion nasale et une
légère commotion cérébrale, entraînant une incapacité de travail totale
jusqu'au 30 janvier 2000. Le 25 janvier 2000, l'accident a été annoncé à
X.________ Assurances, qui se trouve être également l'assureur accidents LAA
et complémentaire LAA de l'employeur.

Après être intervenue comme assurance perte de gain en cas d'accidents,
X.________ Assurances a versé dès le 2 mars 2000, soit après le délai
d'attente de 30 jours, des indemnités perte de gain maladie d'un montant
total de 263 fr. 50 — 210 fr. 80 (80%) et 52 fr. 70 (20%) — par jour.

C.
Le 2 mai 2000, X.________ Assurances a mis en oeuvre une expertise auprès du
Dr A.________. Dans son rapport du 31 mai 2000, ce praticien constate
l'absence d'atteinte neurologique consécutive à l'accident; il estime que
c'est la tension psychologique importante dans laquelle la patiente se
trouve, avec l'apparition d'un état anxio-dépressif, qui l'empêche de
reprendre toute activité professionnelle.

Y. ________ ayant été licenciée par son employeur pour le 31 juillet 2000,
X.________ Assurances lui a fait savoir le 26 juin 2000 qu'elle assumerait le
versement du salaire dans les limites contractuelles, durant 180 jours dès la
fin des rapports de travail, soit jusqu'au 27 janvier 2001; elle l'a rendue
attentive au délai de 30 jours suivant la fin des rapports de travail pour
demander le passage en assurance individuelle. Le 7 juillet 2000, Y.________
a demandé son passage dans l'assurance individuelle.

D.
Le 17 juillet 2000, X.________ Assurances a confié une expertise au Dr
B.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, qui a examiné
l'intéressée les 8 et 28 août 2000. Dans son rapport du 15 novembre 2000, ce
praticien indique qu'il existe une relation entre l'accident du 21 janvier
2000 et les troubles psychiques constatés par le Dr A.________, "bien que les
symptômes se greffent sur la personnalité antérieure de l'expertisée"; il
estime que sans une reprise d'activité progressive, "le pronostic est
mauvais". Au vu des éléments contenus dans cette expertise, X.________
Assurances a écrit à Y.________ qu'elle limitait au 31 janvier 2001 la prise
en charge de l'accident.

Le 14 février 2001, le Dr B.________ a de nouveau examiné l'intéressée en
tant qu'expert psychiatre. Dans son rapport adressé à X.________ Assurances,
il a indiqué que la patiente avait retrouvé une pleine capacité de travail
dès le 14 février 2001. Le 13 mars 2001, X.________ Assurances a dès lors
écrit à son assurée qu'elle cessait ses prestations avec effet au 14 février
2001.

Le Dr  C.________, le Dr D.________ et la Doctoresse E.________ ont contesté
le point de vue exprimé le 14 février 2001 par le Dr B.________; au vu du
tableau clinique constaté et de l'évolution de leur patiente, ils réalisent
avec peine comment celle-ci peut présenter une pleine capacité de travail dès
la mi-février 2001.

Dans un nouveau rapport du 9 mai 2001, le Dr B.________ a confirmé que la
capacité de travail de l'intéressée est complète dès le 14 février 2001. En
revanche, dans un certificat médical du 28 juin 2001, la Doctoresse
E.________ estime que l'intéressée est en incapacité totale de travail du 21
janvier 2000 au 15 juillet 2001 et qu'une reprise du travail est possible dès
le 16 juillet 2001; dans un certificat médical du 21 août 2001, elle atteste
que l'intéressée peut reprendre le travail à 40% dès le 21 août 2001.

E.
Le 27 août 2001, Y.________ a saisi le Tribunal des assurances du canton de
Vaud d'une demande tendant à l'allocation d'indemnités fondées sur une
incapacité de travail de 100% du 14 février au 15 juillet 2001, de 80% du 16
juillet au 20 août 2001 et de 60% dès le 21 août 2001.

Dans sa réponse, X.________ Assurances a conclu au rejet de la demande, en
s'appuyant sur les conclusions du Dr B.________, selon lequel la prolongation
de l'incapacité de travail au delà du 14 février 2001 n'est pas justifiée et
serait même contre-indiquée.

Dans sa réplique, la demanderesse a contesté une nouvelle fois le point de
vue du Dr B.________, qui était en contradiction avec celui de l'ensemble des
médecins qu'elle avait consultés, à savoir le Dr C.________, le Dr D.________
et la Doctoresse E.________. Elle a produit un avis établi le 1er janvier
2002 par la Doctoresse E.________, dans lequel celle-ci estime que la
capacité de travail de sa patiente a évolué de la manière suivante : 20% dès
le 16 juillet 2001, 40% dès le 21 août 2001, 60% dès le 1er novembre 2001 et
100% dès le 1er décembre 2001.

Dans sa duplique, la défenderesse a persisté dans sa position et a requis
l'audition de divers témoins.

F.
Par jugement du 12 juillet 2002, le Tribunal des assurances a admis la
demande en ce sens que les indemnités journalières prévues par le contrat
d'assurance collective sont versées à 100% du 14 février 2001 au 15 juillet
2001, à 80% du 16 juillet au 20 août 2001, à 60% du 21 août au 30 octobre
2001 et à 40% du 1er au 30 novembre 2001; il a renvoyé le dossier de la cause
à X.________ Assurances pour que celle-ci calcule le montant mensuel à
allouer à ce titre à la demanderesse.

La motivation de ce jugement est en substance la suivante :
F.a Considérant que la question litigieuse était de savoir si c'est à bon
droit que la défenderesse limite le versement des indemnités journalières
prévues par le contrat au 14 février 2001, la cour cantonale s'est demandée
liminairement si les prestations devaient le cas échéant être allouées par
l'assurance collective ou individuelle. Constatant qu'il n'existait pas en
l'espèce de clause conventionnelle limitant ou supprimant le droit aux
prestations au delà de la période de couverture, elle a retenu que les
prestations éventuellement dues seraient à la charge de l'assurance
collective, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 127 III
106).

F.b  L'autorité cantonale a ensuite exposé que selon la jurisprudence rendue
par le Tribunal fédéral des assurances en matière d'assurance sociale, qui
serait applicable en l'espèce par analogie, le juge peut accorder valeur
probante aux rapports établis par les médecins des assureurs, ou à une
expertise confiée par l'assureur accidents à un médecin indépendant, aussi
longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs
conclusions sont sérieusement motivées et qu'aucun indice concret ne permet
de mettre en doute leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb et 3b/ee).

Or en l'espèce, le Dr B.________ a indiqué le 15 novembre 2000 qu'une reprise
de travail progressive, à 50% dans un premier temps, serait à coup sûr
thérapeutique pour l'expertisée, et que sans reprise progressive, le
pronostic était mauvais. Son revirement consistant à dire, en revoyant
l'intéressée trois mois plus tard, qu'une reprise totale d'activité était
justifiée dès le jour de la consultation, ne saurait tenir. Au demeurant, la
Doctoresse E._________ admet une capacité de travail partielle dès le 16
juillet 2001 et entière dès le 1er décembre 2001, de sorte que le risque de
glissement vers la chronicité et l'assurance invalidité n'est pas réalisé.

Les juges cantonaux relèvent que l'avis de la Doctoresse E.________ va dans
le sens de celui exprimé initialement par le Dr B.________ selon lequel une
reprise de travail progressive était souhaitable; il rejoint celui des autres
praticiens qui se sont exprimés dans ce dossier. En outre, les prises de
position de cette praticienne sont cohérentes, exemptes de contradictions,
motivées de manière claire et complète et dénuées d'indices de partialité. Il
convient dès lors de leur reconnaître force probante et de s'y rallier,
l'avis exprimé le 14 février 2001 par l'expert B.________ devant être écarté.

G.
Agissant par la voie du recours en réforme au Tribunal fédéral, la
défenderesse conclut principalement à la réforme du jugement cantonal en ce
sens que la demande est rejetée, la décision de la défenderesse de mettre un
terme à ses prestations avec effet au 14 février 2001 étant confirmée; à
titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation du jugement du Tribunal des
assurances et au renvoi de la cause à cette autorité pour nouvelle
instruction et nouveau jugement dans le sens des considérants.

Une réponse au recours n'a pas été demandée.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Contrairement à ce que prescrit l'art. 51 al. 1 let. a OJ, le jugement
attaqué ne constate pas si la valeur litigieuse exigée par l'art. 46 OJ est
atteinte. Cette omission n'affecte toutefois pas la recevabilité du recours;
en effet, la défenderesse a mentionné dans son recours, conformément à l'art.
55 al. 1 let. a OJ, que la valeur litigieuse était atteinte, et il résulte du
dossier et n'est pas contesté que celle-ci dépasse 8'000 fr. (ATF 81 II 413
consid. 1; cf. ATF 109 II 491 consid. c/ee). Le recours est donc recevable du
chef de l'art. 46 OJ, s'agissant d'une contestation civile portant sur des
droits de nature pécuniaire au sens de cette disposition. Formé en temps
utile, il est également recevable au regard de l'art. 54 al. 1 OJ.

2.
La recourante reproche d'abord à la cour cantonale d'avoir abusé de son
pouvoir d'appréciation en écartant l'opinion de l'expert B.________ pour se
rallier à l'avis de la Doctoresse E.________ et des autres praticiens qui se
sont exprimés dans ce dossier. Elle soutient que si les juges cantonaux
avaient procédé conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral des
assurances qu'ils ont citée, ils auraient nécessairement été appelés à se
rallier aux conclusions de l'expert B.________, en écartant l'opinion des
médecins traitants de l'intimée. La recourante expose ainsi en détail, en se
référant abondamment à des faits qui ne ressortent pas du jugement attaqué,
en quoi les avis exprimés par les divers médecins traitants de l'intimée ne
seraient pas objectifs, au contraire de l'opinion du Dr B.________ qui serait
fortement motivée, cohérente et impartiale. Au surplus, les juges cantonaux
auraient également abusé de leur pouvoir d'appréciation en se ralliant sans
aucun examen critique à l'avis non motivé de la seule Doctoresse E.________
pour fixer dans leur jugement les degrés et les périodes d'incapacité de
travail qu'ils prêtent à l'assurée.

Ces griefs sont irrecevables dans un recours en réforme. En effet,
contrairement au Tribunal fédéral des assurances, qui, dans la procédure de
recours de droit administratif qui lui est propre, n'est pas lié par la
constatation de l'état de fait (art. 132 let. b OJ), le Tribunal fédéral,
dans la procédure de recours en réforme, est lié par les faits tels qu'ils
ont été constatés par la dernière autorité cantonale (art. 63 al. 2 OJ). Si
l'abus du pouvoir d'appréciation dans l'application du droit fédéral peut
être invoqué par la voie du recours en réforme, cette voie de droit ne permet
pas de critiquer l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée
l'autorité cantonale pour établir l'état de fait (art. 55 al. 1 let. c, 3e
phrase OJ; ATF 122 III 26 consid. 4a/aa p. 32). Or les constatations touchant
la mesure et la durée de l'incapacité de travail relèvent du fait et lient le
Tribunal fédéral en vertu de l'art. 63 al. 2 OJ (ATF 111 II 295 consid. 3).

3.
Selon la recourante, le jugement attaqué serait erroné en ce qu'il reconnaît
à l'assurée des indemnités journalières fondées sur l'assurance collective et
non sur l'assurance individuelle, car les conditions générales d'assurance
applicables en l'espèce contiendraient des clauses limitant ou supprimant le
droit aux prestations au delà de la période de couverture de l'assurance
collective (cf. ATF 127 III 106).

Force est toutefois de constater que le jugement attaqué ne contient aucune
constatation sur l'existence de telles clauses dans les conditions générales
d'assurance. Or comme on l'a vu (cf. consid. 2 supra), le Tribunal fédéral,
lorsqu'il est saisi d'un recours en réforme, doit conduire son raisonnement
sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, le recours en
réforme ne permettant de présenter ni griefs contre les constatations de
fait, ni faits nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Dès lors, le moyen de la
recourante, fondé sur un fait qui ne trouve aucune assise dans le jugement
attaqué, ne peut être pris en considération.

4.
La recourante se plaint ensuite d'une violation de l'art. 47 al. 2 de la loi
fédérale sur la surveillance des institutions d'assurance privées (LSA; RS
961.01), dont il résulte que dans les contestations relatives aux assurances
complémentaires à l'assurance maladie sociale, le juge établit d'office les
faits. La recourante en déduit que si la cour cantonale estimait ne pas
pouvoir se rallier d'emblée aux conclusions de l'expert B.________, elle
aurait dû provoquer d'office une expertise judiciaire permettant de trancher
médicalement sur les divergences d'opinion entre les médecins traitants et
l'expert commis par l'assurance.

Ce grief tombe à faux. Dès lors que la cour cantonale s'estimait en mesure,
sur la base des rapports du Dr B.________, des avis de la Doctoresse
E.________ et des opinions des autres praticiens qui s'étaient exprimés dans
ce dossier, de trancher les questions de fait relatives à l'incapacité de
travail de l'intimée — ce qu'elle a fait d'une manière qui ne peut pas être
revue en instance de réforme (cf. consid. 2 supra) —, il ne saurait lui être
reproché de ne pas avoir établi d'office les faits.

5.
La recourante se plaint enfin d'une violation de son droit à la preuve
découlant de l'art. 8 CC, du fait que la cour cantonale n'a pas entendu les
quatre témoins dont elle avait requis l'audition avec sa duplique du 12 mars
2002. Elle soutient que, la question débattue étant "de savoir s'il y avait
lieu de mettre ou non un terme au paiement des indemnités journalières, et à
quelle date", l'audition du Dr B.________ et de la Doctoresse E.________, de
même que celle des deux collaborateurs de la recourante cités comme témoins
par celle-ci, constituait sans aucun doute un élément nécessaire pour que
l'autorité cantonale puisse se forger une conviction.

L'art. 8 CC, dont la jurisprudence a déduit le droit à la preuve, ne dicte
pas sur quelles bases et comment le juge peut forger sa conviction (ATF 128
III 22 consid. 2d et les arrêts cités). Cette disposition n'empêche en
particulier pas le juge de procéder à une appréciation anticipée des preuves
qui lui sont offertes (ATF 114 II 289 consid. 2a; 109 II 26 consid. 3b; 87 II
218 consid. 2 p. 232 et les arrêts cités), lorsqu'il s'est forgé une
conviction sur la base des preuves déjà administrées et peut admettre sans
arbitraire que l'administration des preuves supplémentaires offertes ne
pourrait l'amener à modifier son opinion (ATF 124 I 208 consid. 4a; 122 II
464 consid. 4a). Ainsi, lorsque le juge renonce à administrer une preuve sur
la base d'une appréciation anticipée des preuves, seule la voie du recours de
droit public est ouverte pour se plaindre du caractère arbitraire d'une telle
appréciation (ATF 114 II 289 consid. 2a et les arrêts cités).

En l'occurrence, l'autorité cantonale s'est estimée en mesure, sur la base
des preuves déjà administrées, de trancher les questions de fait relatives à
l'incapacité de travail de l'intimée (cf. consid. 4 supra), qui étaient au
coeur du litige. Ce faisant, elle a implicitement renoncé à administrer les
preuves supplémentaires offertes par la recourante en procédant à une
appréciation anticipée de ces preuves, qui n'aurait pu être critiquée que par
la voie du recours de droit public. Le grief de violation du droit à la
preuve soulevé par la recourante — laquelle affirme par ailleurs elle-même
dans son recours que les informations fournies par l'expert B.________
étaient suffisantes pour retenir qu'il avait été mis à juste titre un terme
aux prestations le 14 février 2001 — ne peut dès lors qu'être écarté.

6.
Il résulte de ce qui précède que le recours, mal fondé, doit être rejeté dans
la mesure où il est recevable, aux frais de son auteur (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et au Tribunal des
assurances du canton de Vaud.

Lausanne, le 31 mars 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: