Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.29/2003
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5C.29/2003 /frs

Arrêt du 9 mai 2005
IIe Cour civile

MM. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann, Escher, Meyer et Marazzi.
Greffière: Mme Mairot.

A. ________,
défenderesse et recourante, représentée par
Me Jean-Marie Favre, avocat,

contre

État de Fribourg, demandeur et intimé,
représenté par Me Jacques Meyer, avocat,
12, Boulevard de Pérolles, case postale,
1701 Fribourg.

action en contestation d'un droit de préemption légal
(art. 42 al. 2 LDFR),

recours en réforme contre le jugement de la Ie Cour d'appel du Tribunal
cantonal de l'État de Fribourg du
14 novembre 2002.
Faits:

A.
B. ________ était propriétaire d'une entreprise agricole d'environ 74 poses,
avec rural et habitation, située sur la commune de C.________. A la suite de
la faillite du prénommé, ces immeubles ont été adjugés, le 12 mars 1999, à
l'État de Fribourg pour le prix de 940'000 fr., le droit de préemption légal
exercé par A.________, la soeur du failli, et contesté par l'adjudicataire,
étant réservé.

B.
Le 31 mars 1999, l'État de Fribourg a ouvert devant le Tribunal civil de la
Glâne une action en contestation du droit de préemption contre A.________.

Par jugement du 2 octobre 2001, notifié le 22 octobre suivant, cette autorité
a, notamment, admis l'action et, partant, constaté que le droit de préemption
exercé par la défenderesse n'était pas valable.

L'appel interjeté par celle-ci contre ce jugement a été rejeté le 14 novembre
2002 par la Ie Cour d'appel de l'État de Fribourg.

C.
La défenderesse demande au Tribunal fédéral de réformer cet arrêt, en ce sens
que, principalement, son droit de préemption a été valablement exercé,
l'action en contestation de ce droit introduite par le défendeur étant
rejetée. Elle conclut de plus, en substance, à ce que l'entreprise agricole
litigieuse lui soit attribuée en pleine propriété, une prétention en
dommages-intérêts de sa part contre le défendeur étant réservée. A titre
subsidiaire, elle demande que, l'existence d'un cas de préemption étant
avérée, la cause soit renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle se
prononce sur la validité de son droit de préemption.

Une réponse n'a pas été requise.

D.
Par décision du 3 février 2003, le président de la cour de céans a suspendu
la procédure du recours en réforme en raison d'un recours pendant devant la
IIIe Cour administrative du Tribunal administratif fribourgeois et dirigé
contre une décision de l'Autorité foncière cantonale du 30 mars 1999,
accordant à l'État de Fribourg l'autorisation d'acquérir l'entreprise
agricole  concernée.
Par arrêt du 12 août 2004, la IIIe Cour administrative du Tribunal
administratif de l'État de Fribourg a rejeté le recours.

Statuant ce jour, la cour de céans a également rejeté, dans la mesure où il
était recevable, le recours de droit administratif déposé par la défenderesse
contre cet arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté en temps utile contre une décision finale rendue dans une
contestation civile (arrêt 5C.5/1998 du 12 février 1998, consid. 1a) par le
tribunal suprême du canton, le recours est recevable sous l'angle des art. 48
al. 1 et 54 al. 1 OJ. La valeur litigieuse (cf. ATF 109 II 245 consid. 1 p.
248/249) étant clairement atteinte, il l'est aussi au regard de l'art. 46 OJ.

2.
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les
faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées, qu'il n'y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille renvoyer la
cause à l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits
pertinents et régulièrement allégués (art. 64 al. 1 OJ; ATF 130 III 102
consid. 2.2 p. 106). En dehors de ces exceptions, il ne peut être présenté de
griefs contre les constatations de fait - ou l'appréciation des preuves à
laquelle s'est livrée l'autorité cantonale (ATF 130 III 136 consid. 1.4 p.
140; 129 III 320 consid. 6.3 p. 327, 618 consid. 3 p. 620 et les arrêt cités)
-, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Dans la mesure où la recourante s'écarte des constatations de fait de l'arrêt
entrepris, les complète ou les modifie sans pouvoir se prévaloir valablement
de l'une des exceptions précitées, son recours est irrecevable.

3.
3.1 Selon l'art. 681 al. 1 CC, les droits de préemption légaux peuvent aussi
être exercés en cas de réalisation forcée, mais seulement lors des enchères
mêmes et aux conditions de l'adjudication; au demeurant, les droits de
préemption légaux peuvent être invoqués aux conditions applicables aux droits
de préemption conventionnels. Cette disposition renvoie ainsi aux art. 216a
ss CO et, en particulier, à l'art. 216c CO. Aux termes de l'art. 682a CC, les
droits de préemption sur les entreprises et les immeubles agricoles sont en
outre régis par la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural.

L'art. 42 al. 1 ch. 2 LDFR prévoit le droit de préemption des frères et
soeurs et de leurs enfants. La définition du cas de préemption mentionnée à
l'art. 216c CO s'applique au droit foncier rural, comme le confirme le
message à l'appui des projets de loi fédérale sur le droit foncier rural
(LDFR) et de loi fédérale sur la révision partielle du code civil (droits
réels immobiliers) et du code des obligations (vente d'immeubles), du 19
octobre 1988 (FF 1988 III 889, spéc. p. 960). Aux termes de l'art. 216c al. 1
CO, le droit de préemption peut être invoqué en cas de vente de l'immeuble
ainsi qu'à l'occasion de tout autre acte juridique équivalant économiquement
à une vente (cas de préemption). L'alinéa 2 de cette disposition précise
toutefois que ne constituent notamment pas des cas de préemption
l'attribution à un héritier dans le partage, la réalisation forcée et
l'acquisition pour l'exécution d'une tâche publique. Ainsi qu'il a été relevé
précédemment, les droits de préemption légaux peuvent cependant aussi être
exercés en cas d'exécution forcée (art. 681 al. 1 CC). Dans la mesure où il
s'agit de tels droits, seules l'attribution à un héritier dans le partage et
l'acquisition pour l'exécution d'une tâche publique ne donnent pas lieu à des
cas de préemption. En pratique, la notion d'acquisition pour l'exécution
d'une tâche publique au sens de l'art. 216c al. 2 CO coïncide avec celle de
l'art. 65 LDFR (Reinhold Hotz, in Le droit foncier rural, Commentaire de la
loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991, Brugg 1998, n. 12
ad Remarques préalables aux art. 42-46).

3.2 En l'espèce, il résulte de la procédure que l'entreprise agricole en
question a été acquise par l'État de Fribourg selon l'art. 65 al. 1 let. b
LDFR. Cette disposition permet à la collectivité publique d'acquérir une
entreprise ou un immeuble agricole en remploi, c'est-à-dire en vue d'un
échange ultérieur destiné à permettre la réalisation d'un ouvrage d'intérêt
général (cf. notamment: Yves Donzallaz, Commentaire de la loi fédérale du 4
octobre 1991 sur le nouveau droit foncier rural, 1993, n. 618 ss, spéc. 623
ad art. 65). La notion d'ouvrage est ici identique à celle de tâche publique
mentionnée par l'art. 65 al. 1 let. a LDFR (Christoph Bandli, in Le droit
foncier rural, op. cit., n. 9 ad art. 65). Le recours interjeté par la
défenderesse contre la décision de l'Autorité foncière cantonale du 30 mars
1999 autorisant cette acquisition a été rejeté par le Tribunal administratif
de l'État de Fribourg le 12 août 2004. Par arrêt de ce jour, la cour de céans
a également rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours de droit
administratif déposé par la recourante (5A.33/2004). L'autorité cantonale n'a
donc pas violé le droit fédéral en considérant que le transfert intervenu
tombait sous le coup de l'art. 216c al. 2 CO.

4.
En conclusion, le recours apparaît mal fondé et doit être rejeté, dans la
mesure où il est recevable. Les frais judiciaires seront mis à la charge de
la recourante (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer
des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge de la défenderesse.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Ie Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg.

Lausanne, le 9 mai 2005

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: