Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.262/2003
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5C.262/2003 /frs

Arrêt du 8 avril 2004
IIe Cour civile

Mme et MM. les Juges Nordmann, Juge présidant,
Meyer et Marazzi.
Greffière: Mme Bendani.

A. ________,
recourant, représenté par Me Lisa Zaugg, avocate,

contre

Autorité tutélaire de La Heutte, case postale,
2604 La Heutte,
intimée.

retrait de l'autorité parentale,

recours en réforme contre le jugement de la IIème Chambre civile de la Cour
d'appel du canton de Berne du 14 novembre 2003.

Faits:

A.
Le 8 septembre 1998, A.________ et son fils, B.________, alors âgé de 9 ans,
sont entrés clandestinement en Suisse en provenance de la République
Démocratique du Congo dont ils sont ressortissants. Ils ont été enregistrés
comme requérants d'asile et attribués, dès le 1er décembre 1998, à la commune
de C.________ qui se chargeait de leur hébergement et de leur encadrement. Le
30 août 1999, l'Office fédéral des réfugiés a rejeté la demande d'asile du
père et du fils.

Le 19 juillet 1999, A.________ a été arrêté et placé en détention préventive.
Par jugement du 18 février 2000, le Tribunal pénal de Bâle-Ville l'a condamné
à quatre ans et demi de réclusion et quinze ans d'expulsion du territoire
suisse pour viol, contrainte sexuelle, actes d'ordre sexuel commis sur une
personne incapable de discernement ou de résistance et actes d'ordre sexuel
avec des enfants, infractions commises à réitérées reprises dans les trois
derniers cas.

Dès l'arrestation de son père, B.________ a été placé en urgence chez
D.________, puis officiellement, à partir du 30 juillet 1999, dans la famille
de E.________ à C.________ et, enfin, dans la famille F.________ dès le 1er
juillet 2003. Le 13 décembre 1999, l'autorité tutélaire de La Heutte a nommé
G.________ curatrice de l'enfant au sens de l'art. 392 ch. 3 CC. Les
recherches menées avec l'aide du service social international n'ont pas
permis de vérifier si la mère de B.________ avait été assassinée par l'armée,
comme le prétend le père de l'enfant, ni si ce dernier avait encore de la
famille dans son pays d'origine. Par décision du 10 juillet 2002, entrée en
force, l'autorité tutélaire a retiré au père le droit de garde sur son fils
en application de l'art. 310 al. 3 CC et le 19 septembre 2002, G.________ a
été nommée curatrice de l'enfant au sens des art. 307 et 308 CC.

B.
Le 30 mai 2002, la Direction de la police et des affaires militaires du
canton de Berne a saisi l'Office fédéral des réfugiés d'une demande
d'admission provisoire en faveur de B.________. Le 5 juillet 2002, le
directeur de cet Office a répondu qu'une admission provisoire serait
problématique dans la mesure où le père souhaiterait exercer son autorité
parentale à la sortie de prison. Il recommandait de retirer son autorité
parentale au père, afin d'être en mesure de délivrer une admission provisoire
à l'enfant, puis une autorisation de séjour dans le cadre de l'Ordonnance sur
le placement d'enfant. Dans une lettre du 18 novembre 2002 adressée au
service des migrations du canton de Berne, l'Office fédéral des réfugiés a
confirmé qu'il était prêt à délivrer une admission provisoire en faveur de
B.________, à condition que l'autorité parentale soit retirée au père. Cela
permettrait ensuite de délivrer une autorisation de séjour dans le cadre d'un
placement d'enfant, une telle autorisation ne pouvant être délivrée
directement à l'issue de la procédure d'asile. L'Office a encore précisé que
l'admission provisoire se justifierait par le fait que le renvoi d'un enfant
seul ne pourrait être raisonnablement exigé, mais qu'elle ne saurait servir
de prétexte à un séjour du père en Suisse à l'issue de l'exécution de sa
peine.

C.
Suite à la demande du 25 novembre 2002 de l'Autorité tutélaire de La Heutte,
le Préfet du district de Courtelary a retiré, par décision du 18 septembre
2003, à A.________ l'autorité parentale sur son fils B.________.

Le 14 novembre 2003, la IIème Chambre civile de la Cour d'appel du canton de
Berne, statuant en qualité d'autorité tutélaire de surveillance, a rejeté le
recours déposé par A.________ contre la décision précitée.

D.
A. ________ interjette un recours en réforme contre le jugement de la Cour
d'appel du 14 novembre 2003. Il conclut, avec suite de dépens, à son
annulation, demande au Tribunal fédéral de constater qu'il est détenteur de
l'autorité parentale sur son fils B.________ et requiert l'assistance
judiciaire.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1 p. 174; 129 II 225 consid. 1 p.
227).

Le recours en réforme est recevable contre une décision de retrait de
l'autorité parentale (art. 44 let. d OJ). Interjeté en temps utile - compte
tenu de la suspension des délais prévus à l'art. 34 al. 1 let. c OJ - contre
une décision finale rendue par l'autorité suprême du canton, le recours est
recevable au regard des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.

2.
Selon l'arrêt attaqué, l'autorité tutélaire de La Heutte a retiré au
recourant le droit de garde sur son fils, au motif qu'il est incarcéré pour
une longue durée et qu'il ne s'est jamais sérieusement soucié de B.________.

Le Préfet a destitué le recourant de l'autorité parentale étant donné qu'il
ne s'est jamais soucié sérieusement de B.________, ni avant, ni pendant son
incarcération, que le garçon s'est bien intégré en Suisse, qu'il y a trouvé
un bon équilibre, qu'il a exprimé le souhait de rester en Suisse et que, dans
la mesure où le père souhaite quitter notre pays à sa sortie de prison,
l'intérêt de l'enfant commande clairement le retrait de l'autorité parentale.
La cour cantonale a rejeté le recours de A.________ aux motifs que le père ne
s'est jamais sérieusement soucié de son fils, qu'il l'a bien souvent laissé
seul, que B.________ a déclaré vouloir vivre en Suisse, qu'au vu des art. 133
al. 2, 144 al. 2 et 273 à 275a CC il y a lieu de tenir compte de cet avis,
que l'intérêt du garçon est de rester en Suisse vu son excellente intégration
et le fait qu'il n'a pas de famille dans son pays d'origine. Par ailleurs, la
gravité et la nature des infractions pour lesquelles le recourant a été
condamné font douter qu'il soit capable de tenir compte de façon adéquate du
bien et de l'intérêt de son enfant. La cour cantonale a encore relevé que
B.________ ne peut rester en Suisse que si son père se voit retirer
l'autorité parentale. En effet, d'une part, la demande d'asile pour le père
et son fils a été rejetée et, d'autre part, le recourant a été condamné à
quinze ans d'expulsion, de sorte que ce dernier ne pourra pas rester en
Suisse à sa sortie de prison prévue pour janvier 2004 et qu'il amènera son
fils à l'étranger, malgré les désirs de ce dernier. Sur ce point, l'Office
fédéral des réfugiés s'est déclaré prêt à délivrer à l'enfant une admission
provisoire pour autant que l'autorité parentale soit retirée au père, sans
quoi ce dernier pourrait se prévaloir des art. 13 Cst. et 8 CEDH pour
demander à rester en Suisse avec son fils, ce qui n'est pas souhaitable. Sur
la base de ces éléments, la cour cantonale a estimé que l'intérêt de l'enfant
à pouvoir rester en Suisse, comme il le souhaite, et à ne pas être à nouveau
déraciné, doit être protégé, que si le garçon devait suivre son père, il
serait à l'évidence à nouveau exposé à de très grands risques, que son
intérêt et son besoin de protection commandent que tout soit entrepris pour
lui permettre de bénéficier d'une admission provisoire, qu'au surplus, le
recourant ne s'est pas sérieusement soucié de son fils, ni avant, ni pendant
son incarcération, et qu'il y a dès lors lieu de lui retirer l'autorité
parentale sur son fils et de désigner un tuteur à celui-ci.

3.
Invoquant une violation de l'art. 311 CC, le recourant soutient que le
retrait de la garde sur son enfant est une mesure de protection amplement
suffisante et qu'il n'est pas nécessaire de prendre d'autres mesures. Il fait
valoir que le retrait de l'autorité parentale ne peut remédier au reproche
selon lequel il ne se serait pas sérieusement soucié de B.________ avant et
pendant son séjour carcéral et que le retrait de la garde sur l'enfant suffit
pour remédier à cette prétendue carence. Il souligne que le véritable motif
pour le retrait de l'autorité parentale est le soucis d'obtenir un permis de
séjour pour B.________ et que l'Office fédéral des réfugiés force ainsi
quasiment l'autorité tutélaire à retirer l'autorité parentale.

3.1  La nationalité étrangère du recourant et de son enfant constitue
l'élément d'extranéité de ce conflit, qui est dès lors régi par le droit
international privé suisse. En matière de tutelle et d'autres mesures
protectrices, l'art. 85 LDIP renvoie, en ce qui concerne notamment la
compétence des autorités judiciaires ou administratives suisses et la loi
applicable, à la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 concernant la
compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des
mineurs (RS 0.211.231.01). Selon cette convention,   les autorités
administratives ou judiciaires de l'Etat de la résidence habituelle d'un
mineur sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de
sa personne (art. 1). Ces autorités prennent des mesures prévues par leur loi
interne (art. 2). Partant, les autorités suisses sont compétentes pour
prendre les mesures de protection de l'enfant prévues par le droit suisse.

3.2  Par le retrait du droit de garde, le détenteur de l'autorité parentale
perd la compétence de déterminer le lieu de résidence et le mode de prise en
charge de l'enfant (ATF 128 III 9 consid. 4a p. 9 s. et les références
citées). L'autorité tutélaire peut compléter cette mesure par une curatelle
d'éducation (cf. art. 308 CC). Elle peut notamment charger le curateur de
représenter l'enfant ponctuellement, par exemple pour signer un contrat
d'apprentissage (cf. art. 308 al. 2 CC; Meier/Stettler, Droit civil VI/2, Les
effets de la filiation, 2ème éd., n° 690). L'autorité parentale peut être
limitée en conséquence (art. 308 al. 3 CC). Lorsque des mesures combinées
sont pratiquement équivalentes au retrait de l'autorité parentale, il y a
lieu d'y procéder formellement (Hegnauer, Grundriss des Kindesrechts und des
übrigen Verwandtschaftsrechts, 5ème éd., n° 27.41).
Aux termes de l'art. 311 al. 1 CC, lorsque d'autres mesures de protection de
l'enfant sont demeurées sans résultat ou paraissent d'emblée insuffisantes,
l'autorité tutélaire de surveillance prononce le retrait de l'autorité
parentale lorsque, pour cause d'inexpérience, de maladie, d'infirmité,
d'absence ou d'autres motifs analogues, les père et mère ne sont pas en
mesure d'exercer correctement l'autorité parentale (chif. 1) ou lorsque les
père et mère ne se sont pas souciés sérieusement de l'enfant ou qu'ils ont
manqué gravement à leurs devoirs envers lui (ch. 2). Il faut se montrer
particulièrement rigoureux dans l'appréciation des circonstances, puisque le
retrait de l'autorité parentale, qui équivaut à la perte d'un droit
élémentaire de la personnalité, n'est admissible que si d'autres mesures pour
prévenir le danger que court l'enfant - soit les mesures protectrices (art.
307 CC), la curatelle d'assistance (art. 308 CC) et le retrait du droit de
garde (art. 310 CC) - sont d'emblée insuffisantes. Le principe de la
proportionnalité de l'intervention commande une attention particulière (ATF
119 II 9 consid. 4a p. 11 et les références citées). Lorsque les parents
n'arrivent pas à remplir leurs devoirs découlant des art. 301 à 306 CC, il
suffit de leur retirer la garde sur l'enfant; pour le retrait de l'autorité
parentale, il faut en revanche un motif supplémentaire, telle que
l'incapacité de participer à l'éducation donnée à l'enfant par des tiers en
raison d'absence sans possibilités de contacts réguliers (Breitschmid,
Commentaire bâlois, 2ème éd., ad. art. 311/312 n° 7). Lorsque les
circonstances changent, les mesures de protection de l'enfant doivent être
adaptées (art. 313 al. 1 CC).

Le retrait de l'autorité parentale est une mesure de protection de l'enfant.
Cette mesure ne peut être mise au service de la politique de migration en ce
sens qu'elle est prise pour empêcher le recourant de se prévaloir des art. 13
Cst. et 8 CEDH et de demander à rester en Suisse avec son fils. En revanche,
elle entre en ligne de compte lorsqu'elle est indispensable à la protection
de l'enfant et lorsque le retrait de la garde n'est pas suffisant pour la
protection efficace de celui-ci. Hegnauer a examiné les mesures à prendre
dans un cas de jumelles turques nées en Suisse que leur père voulait,
lorsqu'elles avaient environ 15 ans, rapatrier en Turquie contre leur volonté
et intérêt bien compris, alors que lui-même avait l'intention de continuer à
travailler en Suisse pour un certain temps. Cet auteur a conclu qu'il y avait
lieu de retirer la garde aux parents, de nommer aux mineures un curateur au
sens de l'art. 308 CC, de limiter l'autorité parentale en conséquence (art.
308 al. 3 CC) et d'obliger le père de remettre les passeports des enfants à
l'autorité tutélaire (art. 307 al. 3 CC; Hegnauer, Schutz von ausländischen
Kindern vor Umplazierung in die ihnen fremde Heimat durch die Eltern, in
Revue du droit de tutelle, 1997 p. 88 ss).

3.3  En l'espèce, le père a été destitué du droit de garde sur l'enfant à qui
l'autorité tutélaire a nommé une curatrice au sens des art. 307 et 308 CC et
qui a été placé dans une famille (cf. supra consid. A). Ces mesures donnent
de bons résultats en ce sens qu'elles ont permis de remédier à satisfaction
aux carences reprochées au recourant (cf. supra consid. 2) et que l'enfant
est équilibré et bien intégré malgré l'absence du père incarcéré. Le principe
de la proportionnalité prévu à l'art. 311 al. 1 CC empêche qu'un éventuel
retrait de l'autorité parentale puisse être motivé par les carences
mentionnées. Une telle mesure n'est d'ailleurs pas nécessaire pour empêcher
le recourant d'amener son enfant à l'étranger. En effet, le retrait du droit
de garde suffit pour faire obstacle à un tel danger, dès lors qu'il prive le
recourant du droit de déterminer le lieu de résidence de son enfant (cf.
supra consid. 3.2).
Il ressort de l'arrêt attaqué que le recourant a été condamné à quinze ans
d'expulsion du territoire suisse et que sa demande d'asile a été
définitivement rejetée. La Direction de la police et des affaires militaires
du canton de Berne lui avait même imparti un délai au 15 novembre 1999 pour
quitter la Suisse (art. 64 al. 2 OJ; pièce 11). Le recourant doit donc, en
principe, partir dès sa sortie de prison et sera absent de notre pays les
quinze prochaines années. Cette absence prolongée l'empêchera de participer
et de surveiller, de façon suivie,  l'éducation de son enfant par des tiers
et de prendre à son sujet les décisions exigées par les circonstances. Ces
éléments justifient le retrait de l'autorité parentale en application de
l'art. 311 al. 1 ch. 1 CC. Le recours doit donc être rejeté par substitution
de motif (art. 63 al. 1 et 3 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252).

4.
En conclusion, le recours est rejeté aux frais de son auteur (art. 156 al. 1
OJ). La situation financière du recourant est toutefois précaire et ses
conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, de sorte qu'il
convient d'accéder à sa requête d'assistance judiciaire (art. 152 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La requête d'assistance judiciaire du recourant est admise et Me Lisa Zaugg,
avocate à Zurich, est désignée comme conseil d'office.

3.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant, mais
il est provisoirement supporté par la Caisse du Tribunal fédéral.

4.
La Caisse du Tribunal fédéral versera au conseil du recourant une indemnité
de 2'000 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la IIème Chambre
civile de la Cour d'appel du canton de Berne.

Lausanne, le 8 avril 2004

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

La juge présidant:  La greffière: