Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.228/2003
Zurück zum Index II. Zivilabteilung 2003
Retour à l'indice II. Zivilabteilung 2003


5C.228/2003 /frs

Arrêt du 6 janvier 2004
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Hohl.
Greffière: Mme Krauskopf.

A. ________, Compagnie d'assurances SA,
défenderesse et recourante, représentée par Me Philippe Mercier, avocat,

contre

B.________,
demanderesse et intimée.

contrat d'assurance,

recours en réforme contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud du 15 août 2002.

Faits:

A.
B. ________, née en 1960, est originaire de Bosnie-Herzégovine. Du 26 août
1999 au 31 juillet 2001, elle a travaillé auprès de C.________ SA à Orbe.
Cette société a conclu avec la A.________, Compagnie d'assurances SA
(ci-après: l'assurance) un contrat collectif d'assurance pour perte de gain
en cas de maladie. L'art. 4 let. c des conditions générales d'assurance
prévoit que les incapacités de travail provoquées par des maladies dues aux
suites directes ou indirectes d'événements de guerre ne donnent pas droit au
versement d'indemnités journalières.
A partir du 22 décembre 2000, B.________ a subi des arrêts de travail dus à
des céphalées et des états anxieux. Le 3 avril 2001, le Dr. D.________ a
diagnostiqué un trouble dépressif récurrent dans le cadre d'un probable
stress post-traumatique survenu au début de l'année 2001. Mis en oeuvre par
l'assurance, le Dr E.________ a indiqué dans son rapport du 21 mai 2001 que
l'état psychologique de la patiente ne paraissait pas compatible avec la
reprise d'une activité dans l'entreprise et qu'elle était réellement victime,
à distance, des conséquences du conflit qu'elle avait vécu dans son pays.
Le 15 août 2001, l'assurance a mis fin à ses prestations avec effet au 28
février 2001. Elle considérait que l'affection dont souffrait l'assurée était
liée à des événements de guerre vécus en ex-Yougoslavie et que ces
circonstances excluaient le paiement d'indemnités.

B.
Par requête du 16 octobre 2001, adressée au Tribunal des assurances du canton
de Vaud, B.________ a conclu au paiement par l'assurance de la somme de 3'100
fr. pour le mois de juillet "et tous autres droits dans les limites du droit
aux indemnités journalières". L'assurance a conclu au rejet de la demande et
au remboursement des indemnités journalières versées à hauteur de 5'735 fr.
20.
Par jugement du 15 août 2002, le Tribunal des assurances a admis la requête
en ce sens que le droit aux indemnités journalières est prolongé jusqu'au 27
janvier 2002, à raison de 153 indemnités pour la période du 1er mars au 31
juillet 2001, soit 13'069 fr. 80, et de 167 indemnités journalières pour la
période du 1er août 2001 au 14 janvier 2002, soit 14'295 fr. 20.

C.
Le 27 mars 2003, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de
Vaud a rejeté le recours en nullité interjeté par l'assurance contre le
jugement du 15 août 2002. Par arrêt de ce jour, la Cour de céans a déclaré
irrecevable le recours de droit public formé par l'assurance contre l'arrêt
de la Chambre des recours.

D.
L'assurance exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral contre le
jugement du 15 août 2002.

L'intimée n'a pas été invitée à déposer une réponse.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1 p. 174; 129 II 225 consid. 1 p.
227).
Déposé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance
cantonale, le recours est recevable sous l'angle des art. 54 al. 1 et 48 al.
1 OJ.

2.
2.1 La défenderesse reproche au Tribunal des assurances d'avoir abusé de son
pouvoir d'appréciation en admettant que la guerre en Bosnie se serait
terminée il y a plus de dix ans, que seul le Dr E.________ parlait d'un
syndrome post-traumatique causé par la guerre et que, partant, la guerre
n'était pas la cause prépondérante des troubles de santé de la demanderesse.

2.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées, qu'il n'y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents, en violation de la maxime inquisitoire (art. 64 al. 1
OJ; ATF 122 III 404 consid. 3d p. 408). Dans la mesure où un recourant
présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision
attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui
viennent d'être rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Il ne peut
être présenté de grief contre les constatations de fait, ni de faits ou
moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). L'appréciation des
preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale ne peut être remise en
cause (ATF 126 III 189 consid. 2a p. 191; 125 III 78 consid. 3a p. 79 s.).
2.3 Au vu de ce qui précède, le grief de la défenderesse est irrecevable.
D'une part, il est partiellement fondé sur des faits qui ne ressortent pas de
l'arrêt attaqué sans qu'elle se prévale d'une des exceptions mentionnées
ci-dessus. D'autre part, il est dirigé contre l'état de fait de l'arrêt
attaqué. La défenderesse ne prétend pas - ce qui serait admissible dans un
recours en réforme - que le Tribunal des assurances aurait méconnu le concept
même de la causalité naturelle. Le constat de la causalité naturelle est
toutefois une question de fait, qui ne peut être critiquée que par la voie du
recours de droit public (ATF 128 III 22 consid. 2d p. 25 et les références).

3.
3.1 La défenderesse fait valoir que l'autorité cantonale aurait violé l'art.
47 al. 2 de la loi fédérale du 23 juin 1978 sur la surveillance des
institutions d'assurances privées (ci-après: LSA). Elle soutient que, la cour
cantonale ayant douté que la maladie de la demanderesse trouve son origine
dans la guerre de Bosnie, elle se devait, en application de la maxime
d'office, de nommer un expert médecin qui, sous son autorité, aurait eu pour
mandat de définir l'affection de la demanderesse et d'en expliquer les
causes.

3.2 En vertu de l'art. 47 al. 2 LSA, pour des contestations relatives aux
assurances complémentaires à l'assurance maladie sociale, les cantons doivent
prévoir une procédure dans laquelle le juge établit d'office les faits. En
prévoyant cet allégement de procédure, le législateur s'est inspiré des
dispositions de droit fédéral motivées par des buts de politique sociale en
matière de baux à loyer (art. 274 d CO), de baux à ferme (art. 301 CO) et de
contrats de travail (art. 343 CO) (ATF 127 III 421 consid. 2 p. 423 et les
références citées).

Selon la jurisprudence en matière de contrat de travail et de bail, le juge
doit établir d'office les faits, mais les parties sont tenues de lui
présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Ce
principe n'est pas une maxime d'office absolue, mais une maxime inquisitoire
sociale. Le juge ne doit pas instruire d'office le litige lorsqu'une partie
renonce à expliquer sa position. En revanche, il doit interroger les parties
et les informer de leur devoir de collaboration et de production de pièces;
il est tenu de s'assurer que les allégations et offres de preuve sont
complètes uniquement lorsqu'il a des motifs d'éprouver des doutes sur ce
point. L'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux
parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter. La maxime
inquisitoire sociale ne permet pas d'étendre à bien plaire l'administration
des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles. Par ailleurs, la
maxime inquisitoire laisse le juge libre dans sa manière d'apprécier les
preuves et ne lui interdit pas de renoncer à un moyen de preuve par
appréciation anticipée des preuves. Enfin, la maxime inquisitoire n'impose
pas au juge d'administrer un genre de preuve déterminé, comme une expertise
judiciaire, sous réserve des cas dans lesquels la loi le prévoit expressément
(arrêt 5C.97/2003 du 16 juin 2003, consid. 4.1; cf. ATF 125 III 231 consid.
4a p. 238).

3.3 En affirmant que le Tribunal des assurances aurait dû ordonner une
expertise médicale puisqu'il n'était pas convaincu que la guerre de Bosnie
était à l'origine de la maladie de la demanderesse, la défenderesse critique
en réalité l'appréciation des preuves effectuée par l'autorité cantonale, ce
qui est inadmissible dans le cadre du recours en réforme (cf. supra consid.
2). Pour le surplus, vu son obligation de collaborer à la procédure, il
incombait à la défenderesse d'alléguer les faits et d'offrir les preuves
permettant d'établir un lien de causalité naturelle entre la guerre de Bosnie
et la maladie de la demanderesse, voire de requérir une expertise médicale
judiciaire de l'assurée. Or, elle ne l'a pas fait ni ne prétend avoir proposé
ce moyen de preuve. La maxime inquisitoire sociale n'imposait pas à
l'autorité cantonale d'ordonner une expertise, alors qu'aucune des parties ne
l'avait requise.

4.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. La
défenderesse, qui succombe, supportera les frais de justice (art. 156 al. 1
OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens, la demanderesse n'ayant pas été
invitée à déposer une réponse.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et au Tribunal des
assurances du canton de Vaud.

Lausanne, le 6 janvier 2004

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: