Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.217/2003
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5C.217/2003 /frs

Arrêt du 29 décembre 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Hohl.
Greffière: Mme Mairot.

X. ________,
recourant, représenté par Me Diane Schasca, avocate,

contre

Dame X.________,
intimée, représentée par Me Jean-Marc Froidevaux, avocat,

divorce,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève du 2 septembre 2003.
Faits:

A.
X. ________, né le 16 juillet 1959, originaire de Genève, et dame X.________,
ressortissante marocaine née le 14 février 1962, se sont mariés le 27 avril
1990 sans conclure de contrat de mariage. Deux enfants sont issus de cette
union: A.________, née le 17 janvier 1991, et B.________, née le 30 avril
1993.
Les époux se sont séparés en août 2000.
Le 17 juillet 2001, ils ont saisi le Tribunal de première instance du canton
de Genève d'une requête commune de divorce selon l'art. 112 CC; conformément
à ce que prévoit cette disposition, ils ont laissé au juge le soin de régler
les questions sur lesquelles ils étaient encore en désaccord, à savoir,
notamment, celle de l'indemnité, au sens de l'art. 165 al. 2 CC, réclamée par
le mari en compensation d'une créance de récompense de l'épouse, d'un montant
de 69'000 fr., pour ses biens propres investis dans l'appartement conjugal.

B.
Par jugement du 23 janvier 2003, le Tribunal de première instance a notamment
prononcé le divorce des parties, en reprenant les conclusions concordantes de
celles-ci. Considérant que le mari n'avait pas établi son droit à une
indemnité fondée sur l'art. 165 al. 2 CC, il a en outre condamné celui-ci à
payer à l'épouse la somme de 69'000 fr., plus intérêts à 5% dès le prononcé
du divorce (chiffre 8), et donné acte aux parties de ce qu'elles avaient
liquidé à l'amiable leur régime matrimonial, moyennant l'exécution de
certains points du dispositif   (chiffre 11).
Le 2 septembre 2003, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève a notamment confirmé le jugement de première instance sur ces
questions et débouté les parties de toutes autres conclusions.

C.
X.________ exerce un recours en réforme contre l'arrêt du 2 septembre 2003,
concluant à son annulation uniquement en tant qu'il confirme les chiffres 8
et 11 du dispositif du jugement de première instance. Il demande en substance
au Tribunal fédéral de constater qu'il détient à l'encontre de l'épouse une
créance, fondée sur l'art. 165 al. 2 CC, s'élevant à 79'390 fr., de sorte que
la créance de récompense de celle-ci, d'un montant de 69'000 fr., est
entièrement compensée. Il requiert par conséquent que l'intimée soit
condamnée à lui verser la somme de 10'390 fr., plus intérêts à 5% dès le
prononcé du divorce. Subsidiairement, il sollicite le renvoi de la cause à la
Cour de justice pour qu'elle statue dans le sens des considérants.
L'intimée n'a pas été invitée à répondre.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1 p. 174, 185 consid. 1 p. 188;
129 II 225 consid. 1 p. 227 et les références).

1.1 Interjeté en temps utile contre une décision finale rendue par l'autorité
suprême du canton, dans une contestation civile dont la valeur litigieuse
atteint au moins 8'000 fr., le présent recours est recevable au regard des
art. 46, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.

1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43
al. 1 OJ). En revanche, il ne permet pas de soulever la violation directe
d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ni la
violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).
En tant que le recourant reproche à la Cour de justice d'avoir commis un déni
de justice en omettant de se prononcer sur l'un de ses chefs de conclusions,
son recours est irrecevable.

1.3 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur
les faits tels qu'ils ont été constatés par l'autorité cantonale, à moins que
des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, que des
constatations ne reposent sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ)
ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents régulièrement allégués et
prouvés (art. 64 al. 2 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252 et l'arrêt
cité). En dehors de ces hypothèses, il ne peut être présenté de griefs contre
les constatations de fait ou l'appréciation des preuves à laquelle s'est
livrée l'autorité cantonale (ATF 127 III 543 consid. 2c p. 547), ni de faits
ou moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).
Dans la mesure où le recourant présente un état de fait qui s'écarte de celui
retenu dans l'arrêt entrepris sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions susmentionnées, il n'est pas possible d'en tenir compte.

2.
Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir enfreint les art. 8 et
165 al. 2 CC, en retenant qu'il n'avait pas établi avoir contribué à
l'entretien de la famille dans une mesure notablement supérieure à ce qu'il
devait et en considérant, par conséquent, qu'il n'avait pas droit à une
indemnité équitable de ce fait.

2.1 L'art. 8 CC règle, pour tout le domaine du droit civil fédéral, la
répartition du fardeau de la preuve et, partant, les conséquences de
l'absence de preuve. Il confère en outre le droit à la preuve et à la
contre-preuve, mais non le droit à des mesures probatoires déterminées. Cette
disposition ne s'oppose ni à une appréciation anticipée des preuves, ni à la
preuve par indices (ATF 129 III 18 consid. 2.6 p. 24/25 et les arrêts cités).
Le juge cantonal viole l'art. 8 CC s'il omet ou refuse d'administrer des
preuves sur des faits pertinents et régulièrement allégués ou s'il tient pour
exactes les allégations non prouvées d'une partie, nonobstant leur
contestation par l'autre (ATF 114 II 289 consid. 2a p. 291). L'art. 8 CC ne
dicte cependant pas au juge comment il doit former sa conviction; ainsi,
lorsque l'appréciation des preuves le convainc qu'une allégation de fait a
été établie ou réfutée, la question de la répartition du fardeau de la preuve
ne se pose plus (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277 et la jurisprudence
mentionnée). L'art. 8 CC ne saurait être invoqué pour faire corriger
l'appréciation des preuves, qui ressortit au juge du fait (ATF 128 III 22
consid. 2d p. 25; 127 III 248 consid. 3 p. 253; 117 III 609 consid. 3c p.
613).

2.2 En l'espèce, la Cour de justice a considéré que le Tribunal de première
instance avait écarté à juste titre l'application de l'art. 165 al. 2 CC,
dont les conditions n'étaient pas établies. De 1995 à 1997, le mari avait
certes assumé la charge hypothécaire grevant l'appartement conjugal, mais
l'épouse avait couvert d'autres dépenses relatives au ménage, notamment en
continuant de travailler en 1997, durant la période de chômage de son
conjoint. En 1999, les époux avaient, pendant quelques mois, respectivement
versé mensuellement 3'500 fr. et 2'300 fr. sur un compte bancaire joint; il
n'avait cependant pas été démontré qu'un accord sanctionnant de manière
permanente ces modalités aurait été conclu entre les intéressés; d'ailleurs,
le couple connaissait déjà des dissensions à ce moment-là. L'épouse avait en
outre expliqué avoir continué à prendre en charge diverses dépenses pour la
nourriture, les enfants et les loisirs, ce qui n'avait pas été contesté par
le mari de manière précise et documentée. Enfin, les enquêtes n'avaient
apporté aucun élément utile en la matière.

2.3 Il appert ainsi que la cour cantonale a procédé à une appréciation des
preuves au regard de l'ensemble des éléments dont elle disposait, ce qui l'a
conduite à retenir qu'il n'était pas établi que le mari aurait contribué plus
qu'il ne devait aux charges du ménage. Le recourant affirme, s'agissant de la
période antérieure à 1999, que l'autorité cantonale a violé son droit à la
preuve en omettant de retenir ses allégations, selon lesquelles il avait non
seulement assumé le coût des hypothèques grevant l'immeuble des époux, mais
encore la quasi-totalité des charges du ménage, comme le démontreraient les
pièces versées au dossier. Il soutient en outre qu'il n'est pas démontré que
l'épouse aurait assumé l'entretien de la famille de manière prépondérante
quand il était au chômage. Enfin, il prétend avoir prouvé l'existence d'un
accord conclu avec sa femme en 1999 concernant la répartition des frais du
ménage. Ce faisant, il critique, sous le couvert du grief de violation de
l'art. 8 CC, l'état de fait retenu par l'autorité cantonale et s'en prend à
l'appréciation des preuves effectuée par celle-ci, ce qui est inadmissible en
instance de réforme. Ses griefs ne peuvent dès lors être admis. Dans la
mesure où il reproche à la Cour de justice d'avoir retenu sans preuve les
explications de l'épouse, selon lesquelles elle aurait continué, à partir de
1999, d'assumer diverses dépenses pour la nourriture, les enfants et les
loisirs, sa critique est également mal fondée. L'autorité cantonale a en
effet constaté souverainement qu'il n'avait pas contesté de manière précise
les affirmations de l'épouse sur ce point; au demeurant, la Cour de justice
ne s'est pas exclusivement fondée sur cette constatation pour conclure que la
contribution du mari à l'entretien de sa famille ne dépassait pas notablement
ce qu'il devait, mais elle a au contraire forgé sa conviction à partir des
indices recueillis. Il s'ensuit que cette autorité n'a pas non plus violé le
droit fédéral en considérant que le recourant n'avait droit à aucune
indemnité au sens de l'art. 165 al. 2 CC.

3.
En conclusion, le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté, dans la
mesure de sa recevabilité. Les frais judiciaires seront dès lors supportés
par le recourant (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à
l'intimée, qui n'a pas été invitée à répondre.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'500 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 29 décembre 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: