Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.180/2003
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5C.180/2003 /sch

Arrêt du 24 novembre 2003
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Hohl.
Greffière: Mme Krauskopf.

A. C.________,
B.C.________,
demandeurs et recourants,
tous les deux représentés par Me Alain Ribordy,
avocat, rue St-Pierre-Canisius 1, case postale 1304, 1701 Fribourg,

contre

Protection juridique X.________ SA,
défenderesse, intimée et recourante par voie de jonction, représentée par Me
Jean-Yves Hauser, avocat, avenue de Tivoli 3, 1701 Fribourg.

contrat d'assurance,

recours en réforme contre l'arrêt de la Ie Cour d'appel du Tribunal cantonal
de l'État de Fribourg du 14 avril 2003.

Faits:

A.
A. C.________ et B.C.________ ont conclu avec Protection juridique X.________
SA un contrat d'assurance de protection juridique. Le 23 avril 1997,
l'assurance a accepté de prendre en charge, aux côtés de Y.________, les
honoraires de l'avocat des époux C.________ relatifs à un litige qui les
opposaient à leurs bailleurs, D.G.________ et E.G.________, et ayant
notamment trait à l'entretien des abords extérieurs de la maison louée.
Protection juridique X.________ SA a résilié le même jour le contrat
d'assurance. Le 25 juin 1998, bailleurs et locataires ont conclu une
transaction judiciaire, qui prévoit notamment que les époux C.________
doivent, à leur départ, remettre en état l'objet loué en le débarrassant de
tout ce qui a été apporté par eux et ensemencer du gazon.

Les époux C.________ ont quitté les locaux loués le 31 janvier 1999. Le 18
février 2000, les bailleurs ont requis une poursuite à leur encontre pour un
montant de 18'541 fr. 40 concernant, à concurrence de 9'132 fr. 15, des
travaux d'aménagement extérieur commandés par les bailleurs après le départ
des locataires. La procédure au fond a été introduite le 1er septembre 2000.

Arguant du fait que le sinistre est survenu après la résiliation du contrat
d'assurance, Protection juridique X.________ SA a refusé sa couverture
d'assurance.

B.
A.C.________ et B.C.________ ont ouvert action contre Protection juridique
X.________ SA le 19 septembre 2000. Par jugement du 22 février 2002, le
Tribunal civil de l'arrondissement de la Gruyère a débouté les époux
C.________ de leurs conclusions tendant à astreindre l'assurance à leur
donner sa garantie de couverture pour la procédure les opposant à leurs
anciens bailleurs en tant qu'elle porte sur les frais de réfection des
aménagements extérieurs.

La Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a rejeté le 14
avril 2003 le recours formé par les époux C.________.

C.
Ceux-ci exercent un recours en réforme dans lequel ils reprennent leurs
conclusions de première instance et concluent par ailleurs à ce que les
dépens tant de la procédure cantonale que fédérale soient mis à la charge de
la défenderesse, qui doit être condamnée à leur verser une indemnité de
partie de 2'000 fr. pour la procédure fédérale et un montant à fixer par le
Tribunal cantonal pour la procédure cantonale. Ils requièrent en outre
l'octroi de l'assistance judiciaire. Parallèlement, ils interjettent un
recours de droit public dont l'objet porte uniquement sur la répartition des
dépens de la procédure cantonale.

Invitée à répondre au recours, la défenderesse conclut formellement au rejet
du recours en réforme, sous suite de frais et dépens. Elle fait également
valoir l'irrecevabilité du recours au motif que les demandeurs n'y auraient
aucun intérêt juridique puisqu'une autre assurance de protection juridique
(Y.________) a accepté de donner sa garantie de couverture pour le litige en
question et que les demandeurs seraient alors surindemnisés.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 En cas d'admission du recours en réforme, la Cour de céans pourrait
répartir différemment les dépens fixés par le Tribunal cantonal de Fribourg
(cf. art. 157 et 159 al. 6 OJ) ou renvoyer la cause à celui-ci pour nouvelle
décision. Le recours de droit public, qui porte uniquement sur la répartition
des dépens de la procédure cantonale, deviendrait alors sans objet. Partant,
il se justifie de déroger à l'ordre de priorité institué par l'art. 57 al. 5
OJ et de traiter le recours en réforme avant le recours de droit public.

1.2 Interjeté contre une décision finale rendue par le tribunal suprême du
canton dans une contestation civile de nature pécuniaire, le recours est
recevable au regard des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. Comme la valeur
litigieuse devant la dernière instance cantonale atteint 8'000 fr., il l'est
aussi selon l'art. 46 OJ.

1.3 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il n'y ait lieu à rectification de constatations reposant sur
une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter
les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu
compte de faits pertinents, régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III
248 consid. 2c p. 252). Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55
al. 1 let. c OJ; ATF 126 III 189 consid. 2a p. 191).

2.
2.1 Les premiers juges ont comparé les prétentions en jeu dans le premier et
le second litige et constaté que le conflit qui a surgi le 1er février 1999
porte sur d'autres prétentions, à l'exception de celle relative à la
réfection des aménagements extérieurs. Ils ont néanmoins estimé que la
nouvelle procédure n'est pas couverte pour ce nouveau sinistre survenu deux
ans après la fin du contrat.

Procédant par substitution de motifs, la Cour d'appel considère que le
sinistre - et partant la réalisation du risque - correspond à l'apparition du
besoin d'assistance juridique. Le sinistre actuel est né du fait que les
bailleurs exigent la réparation des dommages constatés à la fin du bail, les
locataires n'ayant prétendument pas restitué la chose dans l'état qui résulte
d'un usage conforme au contrat (art. 267 CO). Selon la Cour d'appel, ce
sinistre est survenu après la résiliation du contrat d'assurance en avril
1997; par conséquent, la défenderesse n'a pas à le couvrir.

2.2 Dans leur recours en réforme, les demandeurs invoquent une violation de
l'art. 33 LCA et des art. 3, 7 ch. 4 et 16 ch. 3 des Conditions générales
d'assurance (CGA). Ils soutiennent qu'il ne s'agit pas d'un nouveau besoin de
protection juridique, mais du prolongement de la protection accordée en 1997,
ce qui implique d'interpréter la notion de risque assuré. Selon eux, il
résulte des constatations de fait que le litige de 1997 a divisé les
bailleurs et locataires au sujet de l'entretien des abords extérieurs,
problème pour lequel la couverture a été acceptée le 23 avril 1997. La clause
de la transaction prévoyant la remise en état à l'échéance du bail a reporté
l'exigibilité de leur obligation correspondante; la prétention que les
bailleurs ont fait valoir en 2000 pour la réfection des aménagements
extérieurs relève de l'exécution et de l'interprétation de la clause
précitée. La cour cantonale serait donc partie de l'idée erronée que la
naissance du besoin de protection était déterminante, au lieu d'examiner
quand le premier besoin de protection a pris fin: celui-ci n'a pas pris fin
avec la transaction de 1998, mais se poursuit dans le litige actuel sur les
aménagements extérieurs.

2.3 Dans sa réponse, la défenderesse relève que les demandeurs cherchent à
tort à remettre en question la transaction judiciaire de 1998. Elle souligne
que la transaction judiciaire a mis un terme au litige survenu en 1998.
Celle-ci est entrée en force et n'a pas été invalidée pour vice du
consentement. Elle est de ce fait inattaquable. La nouvelle procédure
opposant les parties au bail constitue donc bel et bien un nouveau litige.

3.
Les demandeurs se prévalent donc de ce que la défenderesse a accepté sa
couverture le 23 avril 1997, notamment pour l'entretien des abords extérieurs
et que c'est précisément sur cet objet que porte le procès actuel avec leurs
bailleurs. Sous le couvert de la violation de la notion de sinistre ou de
risque assuré au sens de l'art. 33 LCA et des CGA, ils font en réalité valoir
que leur action a un autre fondement juridique que celui envisagé par la cour
cantonale (i.e. le contrat d'assurance), soit l'accord de prise en charge de
la défenderesse du 23 avril 1997.
Il résulte effectivement des faits constatés, qui lient le Tribunal fédéral
(art. 63 al. 2 OJ), qu'un litige a divisé les locataires et les bailleurs
notamment quant à l'entretien des abords extérieurs et que le 23 avril 1997,
la défenderesse a accepté de prendre en charge, conjointement avec
Y.________, ce différend. En revanche, l'arrêt querellé ne contient aucune
constatation de fait de laquelle il ressortirait que la défenderesse a
accepté de couvrir les demandeurs pour tout litige en relation avec la remise
en état de l'objet loué à l'échéance du bail. La cour cantonale ne constate
pas non plus que le problème d'entretien des abords extérieurs - sur lequel
portait l'accord de couverture donné en 1997 - et celui de la réfection des
aménagements extérieurs à l'échéance du bail - objet du nouveau litige -
seraient identiques.

Par conséquent, sur la base des constatations de fait de l'arrêt attaqué, on
ne décèle aucune violation du droit fédéral.

4.
La défenderesse a conclu en première instance à l'irrecevabilité de la
demande, subsidiairement à son rejet. En procédure d'appel, elle a conclu au
rejet de l'appel et fait valoir l'irrecevabilité de la demande. Dans sa
réponse au recours en réforme, elle conclut au rejet du recours en réforme et
demande implicitement, dans ses motifs, pour le cas où le recours principal
serait admis l'admission de son recours joint et le prononcé d'une nouvelle
décision déclarant la demande principale irrecevable. Un tel recours joint
formé à titre subsidiaire pour le cas où le recours principal serait admis en
tout ou en partie est admissible (cf. Poudret, Commentaire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire, n. 2.4.3 ad art. 59 et 61, p. 481). Dès lors qu'en
l'espèce le recours principal est rejeté, le recours joint devient toutefois
sans objet. Il n'y a donc pas lieu de l'examiner.

5.
En résumé, le recours principal doit être rejeté et le recours joint est sans
objet. Comme le recours principal était d'emblée voué à l'échec, l'assistance
judiciaire ne peut être accordée (art. 152 al. 1 OJ). Les demandeurs, qui
succombent, en supporteront les frais (art. 159 al. 1 OJ), dont le montant
sera fixé en tenant compte de leur situation financière. Ils verseront une
indemnité de partie à la défenderesse dans la mesure où celle-ci s'est
déterminée sur leur recours. Un émolument judiciaire de 800 fr. est mis à la
charge de la recourante par voie de jonction.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Le recours joint est sans objet.

3.
La demande d'assistance judiciaire des recourants principaux est rejetée.

4.
Un émolument judiciaire de 500 francs est mis à la charge des recourants
principaux.

5.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge de la recourante
par voie de jonction.

6.
Les recourants principaux verseront une indemnité de 1'000 francs à l'intimée
à titre de dépens.

7.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Ie Cour d'appel
du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg.

Lausanne, le 24 novembre 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: