Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.167/2003
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5C.167/2003 /frs

Séance du 23 septembre 2004
IIe Cour civile

MM. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann, Meyer, Hohl et Marazzi.
Greffière: Mme Krauskopf

Elie Mizrahi, avenue Eugène-Pittard 3, 1206 Genève,
demandeur et recourant, représenté par Me Soli Pardo, avocat, case postale
147, 1211 Genève 12,

contre

Ringier SA, Pont-Bessières 3, 1002 Lausanne,
Emmanuelle Marendaz Colle, rue Etraz 2,
1003 Lausanne,
Daniel Pillard, avenue du Léman 5, 1005 Lausanne,
défendeurs et intimés,
tous les trois représentés par Me Charles Poncet,
avocat, cours des Bastions 14, case postale 18, 1211 Genève 12.

action en protection de la personnalité,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice
du canton de Genève du 13 juin 2003.

Faits:

A.
A.a Elie Mizrahi était administrateur de la société Montebello Finance SA,
actuellement en liquidation. Il s'est porté candidat de l'Union Démocratique
du Centre (ci-après: UDC), en deuxième tête de liste, lors des élections au
Grand Conseil genevois qui se sont tenues le 7 octobre 2001.

A.b Le 18 août 2001, le journal dominical "dimanche.ch" a publié un article
rédigé par la journaliste Emmanuelle Marendaz Colle intitulé "Un juif et un
musulman candidats UDC" contenant les passages suivants:

"Qui a dit que l'UDC était raciste? Pas sa section genevoise en tout cas, qui
a présenté une liste de 22 candidats mâtinée de quelques noms aux consonances
juive, musulmane et orthodoxe pour les élections d'octobre au Grand Conseil.
Parmi eux, Ali Benouari et Elie Mizrahi (...). L'autre [Elie Mizrahi] avait
été vaguement impliqué dans le scandale de l'Irangate, il y a de cela quinze
ans (...). Son ton baisse de plusieurs crans quand on lui demande des
explications sur son implication dans l'Irangate. Selon le rapport final du
juge américain Lawrence E. Walsh, qui a enquêté huit ans sur ce scandale de
vente d'armes à l'Iran par l'administration Reagan, un compte intitulé
'Codelis' et 'contrôlé par deux frères, Edgar et Elie Mizrahi' à la Banque de
Commerce et de Développement de Genève avait été utilisé pour des
transactions. Aujourd'hui, Mizrahi assure que 'cette erreur a été corrigée
par les autorités américaines et n'a débouché sur aucune poursuite'. Une
version tempérée par le juge à Oklahoma City: 'Personne n'a jamais été
blanchi et les autorités suisses n'ont d'ailleurs pas été très coopératives.'
Secret bancaire oblige."
A.cUn second article, rédigé par la même journaliste, est paru dans l'édition
du 16 septembre 2001 de "dimanche.ch". Cet article occupait une page entière.
Y figurait également une grande photographie de Gertrude Allegra et deux
textes encadrés consacrés à la "Chronologie Elie Mizrahi" et aux tentatives
de la journaliste pour joindre celui-ci ("Elie Mizrahi se défile"). Intitulé
"Esclave d'un candidat UDC, son cas ira devant la justice", l'article
contenait notamment les passages suivants:
"La tête de liste n° 2 de l'UDC aux élections cantonales a longtemps employé
une secrétaire au noir, qu'il battait et à qui il doit des années de salaire.
Aujourd'hui, il l'accuse de diffamation. Elle contre-attaque... le calvaire
qu'elle a enduré pendant plus de quatre ans, depuis que son patron a cessé de
la payer et commencé de la battre régulièrement... son patron ayant fini par
la licencier sans préavis... elle a appris que son bourreau était candidat au
Grand Conseil genevois... Le monsieur en question se nomme Elie Mizrahi... il
est décrit par de nombreuses personnes ayant eu à le fréquenter comme un
individu incapable de se contrôler, tenant des propos violents à l'égard de
ses contradicteurs... il a engagé Gertrude Allegra, en 1987, en tant que
secrétaire et bonne à tout faire, puisqu'elle s'occupait aussi de ses courses
et de son linge. ... La vie de Gertrude Allegra  bascule dans une horreur
banalement quotidienne, faite de sévices et d'humiliations. Il l'insulte, la
séquestre dans les toilettes, lui interdit de boire de l'eau au bureau,
s'énerve à la moindre erreur, se met en colère au moindre retard, la prive de
vacances et de congés. Elle doit parfois travailler tard dans la soirée, être
à la disposition totale de cet homme qui se défoule sur elle en la frappant à
maintes reprises. En quatre ans, il lui a cassé quatre dents, le nez, a
failli l'étrangler, lui a brisé une phalange et démis l'épaule. Il utilisait
de lourds livres de lois pour la frapper et elle avait les bras
continuellement couverts de bleus... Il va sans dire que Mizrahi n'a
remboursé aucun des frais médicaux et dentaires de son employée, s'élevant à
quelques dizaines de milliers de francs. Quant à ses rentes AVS, elles
souffrent de quatre années d'absence de cotisations."

B.
Le 29 octobre 2002, Elie Mizrahi a été débouté par le Tribunal de première
instance du canton de Genève de son action en protection de la personnalité
ouverte contre Emmanuelle Marendaz Colle, Daniel Pillard, rédacteur en chef
de "dimanche.ch", et les Editions Ringier SA, par laquelle il sollicitait la
constatation du fait que les deux articles de presse constituaient une
atteinte illicite à sa personnalité, demandait que le jugement constatatoire
soit publié dans "dimanche.ch" au même emplacement et avec la même dimension
que les articles incriminés et concluait à la condamnation des défendeurs à
lui payer, au titre de réparation du tort moral subi, une indemnité de 25'000
fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 19 août 2001.

C.
Sur appel d'Elie Mizrahi, la Cour de justice a annulé le 13 juin 2003 le
jugement de première instance et constaté l'existence d'une atteinte illicite
aux droits de la personnalité de celui-ci dans la mesure où l'article du 18
août 2001 qualifiait la liste des candidats de l'UDC au Grand Conseil sur
laquelle se présentait également Elie Mizrahi de "mâtinée de quelques noms
aux consonances juive, musulmane et orthodoxe". L'illicéité de l'atteinte a
également été admise en ce que l'article du 16 septembre 2001 comportait
qu'Elie Mizrahi aurait exigé de sa secrétaire Gertrude Allegra qu'elle lui
fasse ses courses et son linge, qu'il l'aurait séquestrée, qu'il lui aurait
continuellement causé des hématomes aux bras, qu'il lui aurait fracturé le
nez, une phalange et quatre dents, qu'il lui aurait démis l'épaule et failli
l'étrangler, et, enfin, que ces lésions auraient causé à Gertrude Allegra des
frais médicaux et dentaires de plusieurs milliers de francs, jamais
remboursés par Elie Mizrahi. La Cour de justice a condamné les Editions
Ringier SA à publier dans "dimanche.ch", à la première page de la partie
"Suisse et Sport", sur un quart de page, à ses frais, la constatation de ces
atteintes illicites, en indiquant qu'elles résultent du dispositif de
l'arrêt.

D.
Elie Mizrahi interjette un recours en réforme. Il conclut à l'annulation de
l'arrêt cantonal et reprend ses conclusions de première instance, souhaitant
cependant que le jugement constatatoire ne soit pas publié dans
"dimanche.ch", mais dans un périodique dominical suisse romand de son choix
ou, subsidiairement, dans "dimanche.ch". Plus subsidiairement, il sollicite
l'annulation de l'arrêt et le renvoi de la cause aux juges cantonaux pour
nouvelle instruction. Il demande que les griefs qu'il fait valoir et qui ne
seraient pas recevables dans un recours en réforme soient traités dans le
recours de droit public.

Les intimés ont répondu, concluant à l'irrecevabilité, voire au rejet du
recours. Ils ont également formé un recours joint, concluant matériellement
au rejet de la demande.

E.
Par arrêt de ce jour, le recours de droit public d'Elie Mizrahi a été rejeté
dans la mesure de sa recevabilité (5P.299/2003).

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Lorsque le litige porte sur la constatation d'une atteinte aux droits de la
personnalité et sur l'allocation d'une indemnité pour tort moral, il est de
nature non pécuniaire (ATF 110 II 411 consid. 1 p. 413). Interjeté en temps
utile contre une décision finale prise par le tribunal suprême du canton, le
recours principal est recevable au regard des art. 44, 48 al. 1 et 54 al. 1
OJ.

Formé dans le délai imparti, le recours joint est également recevable (art.
59 al. 1 OJ).

2.
A titre de "remarque préliminaire", le demandeur mentionne que la frontière
entre la violation des règles fédérales en matière de preuve et
l'appréciation arbitraire des faits est incertaine. Il sollicite que les
griefs irrecevables de son recours en réforme soient convertis en griefs de
recours de droit public; il indique avoir annexé son recours en réforme au
recours de droit public dans ce but. La conversion ne peut cependant
concerner que le moyen de droit dans son ensemble (Messmer/Imboden, Die
eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, Zurich 1992, p. 30 n° 24). La
conversion sollicitée par le demandeur est donc exclue.

3.
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à
moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été
violées, qu'il n'y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248
consid. 2c p. 252). Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55
al. 1 let. c OJ). L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée
l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 126 III 189 consid. 2a
p. 191; 125 III 78 consid. 3a p. 79).

Dans la mesure où le demandeur se fonde sur des faits non constatés, soit
ceux qu'il aurait voulu voir admettre par son recours de droit public, et
s'écarte ainsi de l'état de fait contenu dans la décision attaquée, ses
griefs sont irrecevables.

1.  Article du 18 août 2001

4.
En ce qui concerne ce premier article, le demandeur reproche aux juges
cantonaux une violation des art. 28 al. 1, 28a al. 1 et 28a al. 2 CC. Les
défendeurs leur font grief d'une violation de l'art. 28 CC.

4.1 Aux termes de l'art. 28 CC, celui qui subit une atteinte illicite à sa
personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne
qui y participe (al. 1); une atteinte est illicite, à moins qu'elle ne soit
justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant
privé ou public, ou par la loi (al. 2).

Selon la jurisprudence, la presse peut porter atteinte à la personnalité de
deux manières: d'une part, en relatant des faits et, d'autre part, en les
appréciant. Si les faits sont vrais, leur diffusion est couverte par le
mandat d'informer de la presse, à moins qu'il ne s'agisse de faits faisant
partie de la sphère secrète ou privée, ou que la personne ne soit rabaissée
de manière inadmissible parce que la forme de la description est inutilement
blessante (ATF 129 III 529 consid. 3.1 p. 531 et les arrêts cités). Lorsque
les faits diffusés relèvent de la sphère secrète ou privée, l'intérêt du
public à être informé peut, dans certains cas, l'emporter sur l'intérêt du
particulier au respect de sa sphère privée; cela dépend de la relation que le
particulier entretient avec le public (ATF 122 III 449 consid. 3a p. 456 et
la référence). Une pesée des intérêts en présence est indispensable; une
atteinte ne peut être justifiée que dans la mesure où il existe un besoin
d'informer. La mission d'information de la presse n'est donc pas un motif
justificatif absolu; celle-ci doit avoir un motif pertinent de porter
atteinte à la personnalité (ATF 126 III 209 consid. 3a p. 212 et les arrêts
cités). On admet que, lorsque le lésé est une personnalité publique (tels le
membre d'un organe législatif ou d'un gouvernement, un haut fonctionnaire ou
un dirigeant politique), l'opinion publique a un intérêt prépondérant à être
renseignée sur cette personne en qui elle place sa confiance (ATF 111 II 209
consid. 3c p. 213 in fine; 109 II 353 consid. 3 p. 356; 52 I 263 consid. 1 p.
265; cf. Deschenaux/Steinauer, Personnes physiques et tutelle, 4e éd., n.
561a p. 180).

Le juge doit donc peser l'intérêt du lésé et l'intérêt du public à être
informé. Il doit examiner si les buts poursuivis par l'auteur, de même que
les moyens qu'il utilise, sont dignes de protection. Il dispose à cet égard
d'un certain pouvoir d'appréciation (art. 4 CC; ATF 126 III 209 consid. 3a p.
212 et l'arrêt cité). En règle générale, le Tribunal fédéral ne substitue pas
sa propre appréciation à celle de l'instance cantonale. Il n'intervient que
si la décision s'écarte sans raison sérieuse des règles établies par la
jurisprudence ou s'appuie sur des faits qui, en l'occurrence, ne devaient
jouer aucun rôle ou encore ne tient, au contraire, pas compte d'éléments qui
auraient absolument dû être pris en considération; le Tribunal fédéral
sanctionnera, en outre, les décisions rendues en vertu d'un pouvoir
d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste
ou à une iniquité choquante (ATF 126 III 305 consid. 4a p. 306, 209 consid.
3a p. 212; 121 III 64 consid. 3c p. 68 et les références).

4.2 L'art. 28a CC énumère les actions défensives appartenant au demandeur
(al. 1), prévoit qu'il peut en outre demander la communication à des tiers ou
la publication d'une rectification ou du jugement (al. 2) et réserve les
actions en dommages-intérêts et en réparation du tort moral, ainsi qu'en
remise du gain (al. 3).

5.
Le demandeur reproche à la cour cantonale de ne pas avoir vu une atteinte
illicite dans le fait que l'article prétend qu'il a été impliqué dans le
scandale de l'"Irangate".

5.1 D'après la cour cantonale, l'affirmation de l'article selon laquelle le
demandeur a été associé au scandale de l'"Irangate", la journaliste laissant
entendre qu'il n'aime pas évoquer ces faits, puisque "son ton baisse de
plusieurs crans quand on lui demande des explications sur son implication",
et qu'il n'a jamais été "blanchi" en raison d'un manque de coopération des
autorités suisses et du secret bancaire, constitue une certaine atteinte à
l'honneur. Toutefois, comme le fait reproché ("vague implication dans
l'«Irangate»") est exact et bien que la présentation en soit tendancieuse (en
raison des termes de "scandale" et de "blanchir"), la cour cantonale a
considéré que cette manière partisane de présenter les faits était encore
acceptable eu égard à la liberté de la presse, et ceci surtout dans le cadre
d'une campagne électorale.

5.2 Lorsqu'il soutient implicitement que l'affirmation susmentionnée repose
sur des faits inexacts, qui n'ont jamais été prouvés, le demandeur s'écarte
des faits constatés (art. 63 al. 2 OJ; consid. 3). Son grief est donc
irrecevable. D'ailleurs, contrairement à ce qu'il croit, la cour cantonale a
admis que cette affirmation constitue une atteinte à sa personnalité.
Dans la mesure où le demandeur se fonde sur un autre état de fait que celui
retenu par la cour cantonale pour affirmer que la publication ne trouve
aucune justification dans la liberté de la presse et que le principe de la
proportionnalité n'a pas été respecté, son grief est irrecevable.

5.3 Subsidiairement, pour le cas où les faits seraient exacts, le demandeur
invoque qu'aucun intérêt public ne justifiait une publication.

Le demandeur ne prétend pas que la cour cantonale n'aurait pas tenu compte
d'un fait important ou, au contraire, qu'elle s'appuierait sur des faits qui
ne devaient jouer aucun rôle. Il se borne à soutenir que les faits datent de
15 ans et que, vu l'ATF 122 III 449, il ne pouvait en être fait état, ce
d'autant qu'il n'occupait pas de fonction publique importante, n'étant pas un
personnage célèbre, mais seulement candidat au parlement cantonal.

Dès lors que le fait reproché au demandeur est exact, en ce sens qu'il a été
impliqué dans l'affaire de l'"Irangate", qu'il était candidat à une fonction
officielle, à savoir celle de membre du parlement cantonal, et que l'article
litigieux a été publié dans le cadre de la campagne électorale,
l'appréciation de la cour cantonale ne peut être taxée d'abusive et, partant,
elle ne viole pas le droit fédéral.

6.
De leur côté, les défendeurs reprochent à la cour cantonale d'avoir violé
l'art. 28 CC en voyant une atteinte illicite dans le fait que l'article
litigieux qualifie de "mâtinée de quelques noms aux consonances juive,
musulmane et orthodoxe", les candidatures - dont celle d'Elie Mizrahi - de la
liste UDC pour les élections au Grand Conseil.

6.1 Selon l'arrêt attaqué, l'article qualifie de "mâtinée", par les candidats
juif et musulman, la liste présentée par l'UDC. La cour cantonale considère
que ce terme de "mâtinée" sert à désigner ce qui n'est pas de race pure et
qu'associé à un candidat juif (comme aussi musulman) a indiscutablement une
acception raciste, donc insultante. L'emploi de ce terme serait inutilement
blessant et l'atteinte qui en découle ne serait pas justifiée par la liberté
d'opinion de la presse, même dans le cadre d'une campagne électorale.

6.2 Pour les défendeurs, le terme "mâtiné" signifie, au figuré, "mêlé (de)",
comme dans la phrase "il parle un français mâtiné d'espagnol". Ils
soutiennent que l'utilisation de ce terme n'avait que pour but de mettre en
évidence que la liste UDC contenait des noms provenant d'horizons divers et
variés, ce qui méritait d'être relevé compte tenu de la position de ce parti
à l'égard des étrangers. De plus, ce terme ne visait pas le demandeur
personnellement, mais la liste UDC. Il ne portait pas atteinte à la
considération de celui-ci.

6.3 Cette interprétation est convaincante. Le terme "mâtinée" se rapporte en
effet à la liste UDC. Après avoir posé la question de savoir si l'UDC pouvait
se voir reprocher d'être raciste, la journaliste répond par la négative en
soulignant que la liste des candidats UDC genevois au Grand Conseil
comportait des noms indiquant des provenances de religions ou cultures
différentes. En qualifiant cette liste de "mâtinée", la journaliste tend à
faire ressortir le contraste entre, d'une part, les prises de position
sévères de l'UDC en matière de politique des étrangers et, d'autre part, une
certaine ouverture de ce parti aux personnes de culture ou religion
différentes, ce dont témoigne sa liste électorale. Le terme "mâtinée" (qui
signifie dans son acceptation première, selon le Petit Robert, "qui n'est pas
de race pure") se rapporte ainsi en premier lieu à la liste de l'UDC et ne
tend pas à dénigrer les candidats y figurant. C'est donc à tort que
l'autorité cantonale a retenu que ce terme portait atteinte aux droits de la
personnalité du demandeur. Le grief des défendeurs est donc bien fondé.

2.  Article du 16 septembre 2001

7.
Le demandeur se plaint de plusieurs violations de l'art. 8 CC. Les défendeurs
invoquent de leur côté une violation des art. 28 et 8 CC.

7.1 L'art. 8 CC règle notamment, pour tout le domaine du droit civil fédéral
(ATF 123 III 35 consid. 2d p. 45; 115 II 300 consid. 3 p. 303), la
répartition du fardeau de la preuve et, partant, les conséquences de l'échec
de la preuve (ATF 126 III 189 consid. 2b p. 201; 125 III 78 consid. 3b p. 79;
122 III 219 consid. 3c p. 223). Il y a échec de la preuve lorsque
l'appréciation des preuves ne convainc pas le juge qu'un fait allégué a été
établi ou réfuté. S'il parvient à une conviction sur ce point, il n'y a pas
échec de la preuve et il n'y a donc pas place pour une violation de l'art. 8
CC (ATF 128 III 22 consid. 2d p. 25; 119 II 114 consid. 4c p. 117; 118 II 142
consid. 3a p. 147). L'art. 8 CC ne peut être invoqué pour tenter de faire
corriger l'appréciation des preuves, qui ressortit au juge du fait (ATF 128
III 22 consid. 2d p. 25; 127 III 248 consid. 3a p. 253 et les arrêts cités).

7.2 S'agissant du degré de la preuve, le Tribunal fédéral peut uniquement
contrôler, sur recours en réforme, si le juge cantonal est parti d'une juste
conception du degré de certitude ou de vraisemblance exigé par le droit
fédéral. Savoir si le degré de la preuve exigé - dont le juge a une juste
conception - est atteint dans un cas concret relève de l'appréciation des
preuves, laquelle ne peut être critiquée que par la voie du recours de droit
public pour arbitraire (ATF 130 III 321 consid. 5 p. 327; 117 II 231 consid.
2c p. 235; arrêt 5P.150/1996 du 21 mai 1996, consid. 1 paru in SJ 1996 p.
687/688; arrêts non publiés 5C.64/2003 du 18 juillet 2003, consid. 2.2;
5C.162/2001 du 21 août 2001, consid. 2c).

8.
8.1 Le demandeur reproche d'abord à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 8
CC car elle s'est basée sur des certificats médicaux et sur le témoignage de
Suzanne Brunner pour retenir qu'il se serait livré à des actes de violence
physique sous forme de coups sur la personne de Gertrude Allegra, alors que
ces moyens de preuve ne démontrent en aucun cas les faits retenus. Ce
faisant, il critique l'appréciation des preuves effectuée par l'autorité
cantonale. Son grief de violation de l'art. 8 CC est par conséquent infondé.

8.2 De même, lorsque le demandeur prétend que la cour cantonale ne pouvait
déduire, par un raisonnement par exclusion, qu'il était l'auteur des lésions
subies par Gertrude Allegra et qu'elle aurait dû retenir une absence de
preuve, il critique l'appréciation des preuves.

8.3 Pour retenir que le demandeur était l'auteur des lésions, la cour
cantonale s'est fondée sur les déclarations de Suzanne Brunner. Comme elle
n'indique pas avoir statué selon la vraisemblance, il n'est pas possible d'en
conclure, comme le voudrait le demandeur, qu'elle serait partie d'une fausse
conception du degré de la preuve et, partant, aurait violé l'art. 8 CC. A
nouveau, le demandeur s'en prend à l'appréciation des preuves. Il en va de
même en ce qui concerne les griefs - qu'il fonde sur le même motif - en
relation avec l'interdiction de se rendre aux toilettes et avec les insultes.

8.4 La cour cantonale a considéré que les termes de "bourreau" et d'"esclave"
expriment l'appréciation faite par la journaliste de la relation du demandeur
avec Gertrude Allegra; elle estime qu'ils sont encore admissibles sous
l'angle de la liberté d'expression. Lorsqu'il soutient que le terme de
"bourreau" qui le qualifie et celui d'"esclave" qui désigne Mme Allegra ne
sont pas prouvés, le demandeur s'en prend également, sous le couvert de
l'art. 8 CC, à l'appréciation des preuves.

8.5 Le demandeur fait en outre valoir une violation des art. 28a al. 1 ch. 3
et 28a al. 2 CC, reprochant à la cour cantonale de n'avoir pas signalé qu'il
y a absence de preuve quant à l'affirmation contenue dans l'article selon
laquelle il a été décrit par de nombreuses personnes ayant eu à le fréquenter
comme un individu incapable de se contrôler, tenant des propos violents à
l'égard de ses contradicteurs.

Ce faisant, le demandeur critique en réalité les constatations de fait de
l'autorité cantonale, ce qu'il ne peut faire dans son recours en réforme et
qu'il a fait, sans succès, dans son recours de droit public.

9.
De leur côté, les défendeurs reprochent à la cour cantonale d'avoir violé les
art. 28 et 8 CC en retenant une atteinte illicite parce que l'article
litigieux "comporte des faits inexacts".

9.1 Selon l'arrêt attaqué, le recourant s'est livré à plusieurs reprises à
des actes de violence physique sur la personne de Gertrude Allegra, mais sans
lui infliger les blessures assez sérieuses indiquées dans l'article (fracture
du nez, fracture d'une phalange, dents cassées, épaule démise, tentative
d'étranglement) ou des hématomes en permanence. De même, la séquestration de
Gertrude Allegra, son occupation comme "bonne" à faire les courses et la
lessive, de même que les frais médicaux pour les blessures infligées n'ont
pas été établis. L'exactitude de nombreux faits contenus dans l'article n'a
ainsi pas été démontrée et, dans cette mesure, l'atteinte est illicite.

9.2 Les défendeurs soutiennent que le journaliste doit faire preuve d'esprit
critique, mais que l'on ne peut exiger de lui de fournir des preuves
formelles pour chaque information qui lui est donnée par une personne. Dès
lors, dans la mesure où la journaliste a relaté sans le déformer le récit de
Gertrude Allegra, qu'elle a effectué des recherches très fouillées et
complètes quant à la véracité des propos de celle-ci, que l'image donnée du
demandeur aux lecteurs n'est pas faussée par la publication de quelques faits
"inexacts", il n'y a pas illicéité.

Le fait que le journaliste rapporte sans le déformer le récit d'un tiers,
dont il aurait vérifié seulement certains éléments, ne saurait exclure
l'illicéité de l'atteinte causée par la publication de faits "inexacts".
Compte tenu de la gravité des violences physiques rapportées sans preuve et
de l'importance des frais qu'elles étaient censées avoir entraînés, on ne
saurait considérer qu'il ne s'agit que de quelques faits inexacts sans
importance, qui n'altèrent en rien l'image du demandeur aux yeux du lecteur.
C'est donc à raison que la cour cantonale a examiné séparément la véracité
des différentes catégories de faits en cause.

9.3 Les défendeurs soutiennent encore que le fait de n'avoir pas pu prouver
certains faits ne signifierait pas pour autant qu'ils seraient faux. Partant,
la cour cantonale a violé l'art. 8 CC en retenant qu'en l'absence de preuve
formelle ils seraient inexacts.

Force est tout d'abord de constater que, dans les motifs de son arrêt,  la
cour cantonale a retenu que l'exactitude de ces faits n'a pas été établie,
démontrée ou encore prouvée. Dans la mesure où il incombe au média de prouver
que les faits attentatoires aux droits de la personnalité sont vrais pour
échapper, dans certains cas, au reproche d'illicéité (art. 28 al. 2 CC et 8
CC; Deschenaux/Steinauer, op. cit., n. 672 p. 230; Meili, Basler Kommentar,
n. 56 ad art. 28 CC), le fait que le juge ne soit pas convaincu que ces faits
soient vrais a pour conséquence juridique que l'atteinte est illicite et que
l'action en constatation doit être admise en ce qui les concerne. Dans la
rédaction du dispositif de son arrêt, la cour cantonale a mal traduit ses
motifs en parlant de faits "inexacts", inadvertance dont la rectification
devait être demandée par la voie de l'interprétation (art. 153 LPC/GE; cf.
art. 57 al. 1 OJ).

3. Publication

10.
Le demandeur invoque que le journal "dimanche.ch" a cessé de paraître le 22
juin 2003, soit après le prononcé de l'arrêt de la Cour de justice du 13 juin
2003, que ce fait n'a donc pas pu être allégué en instance cantonale et que
le Tribunal fédéral doit le prendre en considération puisqu'il s'agit d'un
fait notoire. Il modifie également ses conclusions pour en tenir compte et
conclut principalement à la publication de la constatation des atteintes
illicites dans un périodique dominical suisse romand de son choix, aux frais
des défendeurs, à un emplacement similaire à celui des articles incriminés et
dans les mêmes dimensions.

10.1 En vertu de l'art. 55 al. 1 let. b et c OJ, il ne peut être présenté de
conclusions nouvelles, ni de faits et preuves nouveaux devant la juridiction
de réforme. Selon la jurisprudence, le recours en réforme est dévolutif, mais
pas complètement ordinaire: d'une part, il suspend l'exécution de la décision
attaquée (art. 54 al. 2 OJ) et, d'autre part, il ne permet de revoir que les
questions de droit (art. 43 OJ). Sauf exception, le Tribunal fédéral
n'examine donc la décision attaquée que sous l'angle juridique et, plus
précisément, vérifie que le droit fédéral a été bien appliqué, tout en étant
lié par les faits constatés par la dernière autorité cantonale (art. 63 al. 2
OJ; ATF 123 III 213 consid. 4 p. 216 s.). L'exclusion des moyens nouveaux
découle ainsi de la nature du recours en réforme, qui est une "revisio in
iure" sur la base du dossier, tel que constitué en dernière instance
cantonale (Poudret, COJ II, n. 1.5.3 ad art. 55 OJ p. 435).

10.2 La cessation de parution du journal "dimanche.ch" est dès lors un fait
nouveau irrecevable en vertu de l'art. 55 al. 1 let. c OJ. Quant au nouveau
chef de conclusions, il est irrecevable selon l'art. 55 al. 1 let. b OJ. La
disparition du journal "dimanche.ch" pose certes un problème d'exécution,
mais elle ne rend pas toute exécution absolument impossible. Elle ne saurait
justifier une entorse à l'OJ dès lors que le problème peut être résolu en
utilisant les voies de droit cantonales à disposition.

11.
Dans leur recours joint, les défendeurs soutiennent que leur condamnation à
publier ces constatations est infondée et demandent qu'elle soit annulée.

11.1 D'après l'art. 28a al. 2 CC, le demandeur, qui agit notamment en
constatation du caractère illicite de l'atteinte, peut en particulier
demander qu'une rectification ou que le jugement soit communiqué à des tiers
ou publié.

Cette disposition n'institue pas une action spécifique, mais énonce deux
mesures particulières - la communication à des tiers ou la publication d'une
rectification ou du jugement - qui peuvent être liées à l'une ou l'autre des
trois actions défensives de l'art. 28a al. 1 CC (Tercier, Le nouveau droit de
la personnalité, Zurich 1984, n. 1000; Deschenaux/Steinauer, op. cit., n.
597c p. 202). Le juge prononce l'une ou l'autre de ces mesures sur requête du
demandeur lorsque l'atteinte a été portée à la connaissance de tiers
(principe de l'adéquation) et que la mesure est de nature à réaliser
l'objectif visé (principe de la proportionnalité; Tercier, op. cit., n. 1003
ss; cf. ATF 106 II 92 consid. 4 p. 101 ss). Selon la jurisprudence, la
publication a pour but de faire cesser les conséquences de l'atteinte à la
personnalité; en raison de ce but, elle doit, dans la mesure du possible,
parvenir aux mêmes personnes que celles qui en ont eu connaissance, et le
texte doit être rédigé et présenté de telle sorte qu'il soit propre à écarter
l'impression que l'atteinte a produite sur les lecteurs (ATF 126 III 209
consid. 5a p. 216 et les références).

11.2 La Cour de justice a considéré que le trouble créé par l'atteinte
illicite à la personnalité du demandeur subsiste puisque l'image trop
négative de celui-ci n'a pas encore été corrigée. Un article du quotidien
"Tribune de Genève" a certes informé le public des dénégations et
explications du demandeur, mais il n'a pas tranché entre la position de
celui-ci et celle de "dimanche.ch". La Cour de justice a donc condamné les
Editions Ringier SA à publier dans "dimanche.ch", à la première page de la
partie "Suisse et Sport", sur un quart de page, à ses frais, les atteintes
illicites qu'elle a constatées, avec indication qu'elles résultent du
dispositif de l'arrêt. Elle a estimé que la taille d'un quart de page était
un minimum nécessaire pour attirer l'attention du lecteur moyen, auquel le
journal concerné avait présenté une page entière sur le même sujet.

11.3 Dans la mesure où le premier article litigieux ne comportait pas
d'atteinte aux droits de la personnalité du demandeur, il n'y a pas lieu de
publier une quelconque rectification à cet égard. En ce qui concerne le
second article, les défendeurs se limitent à soutenir que l'image du
demandeur décrite dans l'article serait en substance conforme à la vérité. Ce
faisant, les défendeurs contestent en réalité l'admission de l'atteinte à la
personnalité et non l'aptitude de la publication à écarter l'impression
laissée par cette atteinte. Leur grief est irrecevable dès lors qu'il ne
satisfait pas aux exigences de motivation de l'art. 55 al. 1 let. c OJ (ATF
116 II 745 consid. 3 p. 749).

4. Tort moral

12.
Le demandeur reproche aux juges cantonaux d'avoir violé l'art. 49 CO en
refusant de lui allouer une indemnité pour tort moral de 25'000 fr.

12.1 L'action en réparation du tort moral pour atteinte à la personnalité est
régie par l'art. 49 CO (cf. art. 28a al. 3 CC). Aux termes de cette
disposition, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit
à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité
de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction
autrement (al. 1); le juge peut substituer ou ajouter à l'allocation de cette
indemnité un autre mode de réparation (al. 2). Pour qu'une indemnité pour
tort moral soit due, il faut donc que la victime ait subi un tort moral, que
celui-ci soit en relation de causalité adéquate avec l'atteinte, que celle-ci
soit illicite et qu'elle soit imputable à son auteur, que la gravité du tort
moral le justifie et que l'auteur n'ait pas donné satisfaction à la victime
autrement (cf., entre autres, Deschenaux/Steinauer, op. cit., n. 620 p. 210).

Le lésé, qui peut agir contre toute personne qui participe à l'atteinte (art.
28 al. 1 CC), dispose d'un cumul d'actions pour tort moral contre l'auteur,
le rédacteur responsable, l'éditeur ou toute autre personne qui a participé à
la diffusion du journal (ATF 126 III 161 consid. 5a/aa p. 165; 113 II 213
consid. 2b p. 216). Les responsables sont tenus solidairement de réparer le
tort moral (art. 50 al. 1 CO; ATF 126 III 161 consid. 5b/aa p. 166). A
l'égard de celui qui est responsable en vertu de l'art. 41 al. 1 CO, une
faute doit être établie; depuis l'entrée en vigueur du nouvel art. 49 CO le
1er juillet 1985 (loi fédérale du 16 décembre 1983 modifiant les art. 28 CC
et 49 CO), il n'est plus nécessaire que cette faute soit particulièrement
grave. Pour celui qui encourt une responsabilité objective (principalement
l'art. 55 CO), il suffit que les conditions de sa responsabilité objective
soient remplies (ATF 126 III 161 consid. 5b/aa p. 167).

12.2 L'application de l'art. 49 al. 2 CO présuppose que les conditions de
l'art. 49 al. 1 CO soient réalisées: si une indemnité pour tort moral est
due, le juge peut notamment lui substituer un autre mode de réparation.

12.2.1 Par le passé, la publication du jugement a été considérée comme un
autre mode de réparation au sens de l'art. 49 al. 2 CO (cf. notamment les ATF
58 II 290 p. 311; 60 II 399 consid. 7 p. 412; 63 II 185 consid. 7 p. 189; 64
II 14 consid. 4 p. 23; cf. Brehm, Berner Kommentar, n. 102 ad art. 49 CO;
Tercier, op. cit., n. 998). Dans l'ATF 95 II 481 consid. 10, le Tribunal
fédéral a jugé que seule la publication du jugement était apte à faire cesser
le trouble causé par un article de presse, que cette mesure pouvait être
prononcée en vertu de l'art. 28 CC, qu'elle n'avait donc pas le caractère
d'un autre mode de réparation du tort moral au sens de l'art. 49 al. 2 CO et
ne devait être subordonnée ni à une faute ni à une gravité particulière du
préjudice subi. Cette dernière considération émise à propos de l'action en
cessation de l'atteinte fondée sur les art. 28 ss CC (et simplement reprise
dans l'ATF 104 II 1 consid. 4a) ne saurait avoir une portée décisive
s'agissant de l'interprétation de l'art. 49 al. 2 CO. La révision du droit de
la protection de la personnalité du 16 décembre 1983 n'a pas apporté de
modification à l'art. 49 al. 2 CO; le Message du Conseil fédéral du 5 mai
1982 précise simplement que cette disposition n'a qu'une portée pratique
limitée (FF 1982 II 704 n. 273). Par la suite, le Tribunal fédéral a
incidemment admis que la publication du jugement pouvait aussi assumer une
fonction réparatrice (ATF 118 II 369 consid. 4c p. 374); dans un autre arrêt,
il n'a pas eu à trancher la question de la possibilité d'allouer une
indemnité pour tort moral en sus de la publication (ATF 120 II 97 consid. 2d
p. 99).

Se référant notamment à l'ATF 95 II 481, une partie de la doctrine est d'avis
que la publication du jugement n'est pas un moyen de réparer le tort moral
(notamment Tercier, op. cit., n. 998 p. 136; Deschenaux/ Tercier, La
responsabilité civile, 2e éd., Berne 1982, p. 261 n. 7; Werro, Commentaire
romand, 2003, n. 14 ad art. 49 CO; Rey, Ausservertragliches Haftpflichtrecht,
3e éd., Zurich 2003, n. 508 ss, en particulier, n. 512). En revanche,
d'autres auteurs estiment, à juste titre, que la publication du jugement peut
poursuivre différents buts, comme la cessation de l'atteinte et la réparation
du tort moral, et qu'elle peut être ajoutée ou peut même remplacer
l'indemnité en argent allouée pour réparer le tort moral (notamment Brehm,
op. cit., n. 103 ad art. 49 CO; Gauch/Aepli/Stöckli, Präjudizienbuch zum OR,
Zurich 2002, n. 14 ad art. 49 CO; A.K. Schnyder, Basler Kommentar, n. 17 ad
art. 49 CO; Keller/Schmied-Syz, Haftpflicht, 5e éd., Zurich 2001, p. 113 et
120).

12.2.2 L'art. 49 al. 2 CO n'a certes qu'une portée pratique limitée (cf. FF
1982 II 704 n. 273). Il joue toutefois un rôle lorsqu'une indemnité en argent
ne serait pas le moyen adéquat pour réparer le tort moral causé. Il en va
ainsi en matière d'atteintes à l'honneur (Brehm, op. cit., n. 99 ad art. 49
CO). Dans ce domaine, le lésé a moins besoin d'être consolé que vengé. Le
tort qu'il a subi sera mieux réparé par la constatation formelle de
l'illicéité de l'atteinte et la publication de cette constatation que par
l'allocation d'une somme d'argent (Kummer, Der zivilprozessrechtliche Schutz
des Persönlichkeitsrechtes, in RSJB 1967 p. 106 et 109).

Comme l'art. 49 al. 2 CO laisse au juge la faculté de substituer ou d'ajouter
un autre mode de réparation (Kannvorschrift; Meier-Hayoz, Berner Kommentar,
n. 72 ad art. 4 CC), la détermination de ce mode relève du pouvoir
d'appréciation du juge, qui applique les règles du droit et de l'équité (art.
4 CC). Le fait que le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation ne signifie
pas qu'il peut décider à sa guise; il doit motiver son choix et exposer dans
son jugement les motifs qui ont emporté sa conviction. Les exigences de
motivation des décisions en équité sont élevées (cf. arrêts non publiés du 11
juillet 2002, 5C.100/2002, consid. 3.1, et du 4 avril 2001, 5C.278/2000,
consid. 3b). Si le Tribunal fédéral ne revoit en principe qu'avec réserve la
décision d'équité motivée prise en dernière instance cantonale (ATF 130 III
504 consid. 4.1 p. 508; 129 III 380 consid. 2 p. 382; 128 III 428 consid. 4
p. 432; 127 III 153 consid. 1a p. 155 et les arrêts cités), il n'en va pas de
même lorsque cette décision n'est pas motivée. Dans ce cas, la juridiction de
réforme, comme juge de l'action, exerce librement son pouvoir d'appréciation.
Un renvoi à la cour cantonale pour remédier au défaut de motivation n'est pas
nécessaire (art. 52 OJ).

12.3 D'après les constatations de fait de l'arrêt attaqué, qui lient le
Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ) - le recours de droit public ayant été
rejeté dans la mesure où il était recevable -, l'exactitude des affirmations
de l'article du 16 septembre 2001, selon lesquelles le demandeur aurait exigé
de sa secrétaire qu'elle lui fasse ses courses et son linge, l'aurait
séquestrée, lui aurait continuellement occasionné des hématomes aux bras, lui
aurait fracturé le nez, une phalange et quatre dents, lui aurait démis
l'épaule et failli l'étrangler, ce qui lui aurait occasionné des frais
médicaux et dentaires de plusieurs milliers de francs, n'a pas été prouvée.
Sur cette base, la cour cantonale a retenu qu'il y avait atteintes illicites
à la personnalité au sens de l'art. 28 CC. Puis, après avoir exposé en droit
que la réparation du tort moral était subordonnée à la preuve d'une faute et
que "pour réparer le tort moral, le juge pouvait opter tant pour le versement
d'une somme d'argent que, cumulativement ou alternativement, pour un autre
mode de réparation susceptible de procurer à la victime une satisfaction
comparable à celle que lui vaudrait le versement d'une somme d'argent", la
cour cantonale a qualifié la faute de la journaliste de négligence légère et
a estimé que la publication des constatations des atteintes illicites
suffisait pour réparer le tort moral et qu'il n'était pas nécessaire d'y
ajouter le paiement d'une somme d'argent, ces considérations valant également
à l'égard du rédacteur en chef et de l'éditeur.

Par cette motivation, la cour cantonale a implicitement admis que toutes les
conditions d'une réparation du tort moral au sens de l'art. 49 al. 1 CO
étaient remplies, se limitant à motiver l'une d'elles, à savoir la faute de
la journaliste. En l'absence de toute critique des défendeurs quant à
l'application de l'art. 49 al. 1 CO, la juridiction de réforme n'a pas à en
vérifier le bien-fondé (art. 55 al. 1 let. c, en relation avec l'art. 59 al.
3 OJ; ATF 116 II 745 consid. 3 p. 748/749; 106 II 175).

Appliquant ensuite implicitement l'art. 49 al. 2 CO, la cour cantonale a opté
pour la seule publication du jugement, considérant que la réparation du tort
moral était suffisamment assurée par ce moyen. Faute de plus ample
motivation, on ignore quels éléments elle a retenus pour substituer la
publication à l'allocation d'une indemnité en argent. La cour de céans est
donc habilitée à revoir librement l'appréciation juridique des faits sur ce
point.

12.4 Au vu de la nature des atteintes illicites, mentionnées plus haut, la
publication du jugement constatant l'illicéité de celles-ci est le moyen le
plus approprié pour réparer le tort moral subi par le demandeur. Dans la
mesure où celui-ci insiste sur le préjudice causé à sa bonne réputation et à
sa considération morale et sociale et sur le fait qu'il était déterminé à
faire corriger cette atteinte, il ne le conteste manifestement pas. Lorsqu'il
fait valoir qu'une indemnité en argent doit s'y ajouter en raison des graves
souffrances morales subies, qui n'ont pas été constatées, et de la faute
grave de la journaliste, qui n'a à tort pas été admise, son argumentation ne
convainc pas. D'une part, tant la gravité du tort moral que la faute, exigées
par l'art. 49 al. 1 CO, ont été admises; d'autre part, il n'est pas allégué
et on ne voit pas quel tort moral subsisterait encore après la publication
des constatations des atteintes illicites. Il s'ensuit que la cour cantonale
n'a pas violé le droit fédéral en rejetant le chef de conclusions du
demandeur tendant à l'allocation d'une indemnité en argent.

13.
En conclusion, le demandeur n'obtient gain de cause sur aucun des griefs
qu'il a soulevés. Le recours joint est partiellement admis dans la mesure où
il est recevable. Il se justifie donc de répartir les frais judiciaires entre
les parties et de condamner le demandeur à verser aux défendeurs une
indemnité (art. 156 al. 1 et 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours principal est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Le recours joint est partiellement admis dans la mesure où il est recevable
et l'arrêt attaqué est annulé en tant qu'il constate que l'article paru le 18
août 2001 dans "dimanche.ch" porte atteinte aux droits de la personnalité du
demandeur.

3.
Un émolument judiciaire de 6'000 fr. est mis pour ¾ à la charge du demandeur
et pour ¼ à la charge des défendeurs.

4.
Le demandeur versera une indemnité de 3'000 fr. aux défendeurs à titre de
dépens.

5.
La cause est renvoyée à l'autorité cantonale afin qu'elle statue à nouveau
sur les dépens de la procédure cantonale.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Lausanne, le 23 septembre 2004

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: