Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5C.113/2003
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5C.113/2003 /dxc

Séance du 13 novembre 2003
IIe Cour civile

MM. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Escher, Meyer, Hohl et Marazzi.
Greffière: Mme Krauskopf.

X. ________,
demandeur et recourant, représenté par Me Jacques Micheli, avocat, place
Pépinet 4, case postale 3309,
1002 Lausanne,

contre

A.________, Société suisse d'assurances sur la vie,
défenderesse et intimée.

Contrat d'assurance,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud du
27 mars 2003.

Faits:

A.
Le 28 mai 1992, X.________, chauffeur-livreur de profession, a été victime
d'un accident de la circulation en Espagne lors duquel il a subi un
traumatisme cranio-cérébral, un syndrome cervical post-traumatique et des
contusions de la paroi thoracique antérieure gauche. Son état de santé a
nécessité une hospitalisation de quatre jours et un traitement
physiothérapeutique de quatre mois. X.________ a été en incapacité de travail
entière pendant trois semaines.

Le 17 février 1994, X.________ et son épouse en tant que coassurée ont signé
une proposition de souscription à une assurance-vie auprès de A.________
Société suisse d'assurances sur la vie. Parallèlement, X.________ a signé un
formulaire relatif à son état de santé. Ces documents ont été remplis par un
agent de l'assurance sur la base des indications données par X.________. A la
question numéro 1a du formulaire "Avez-vous été examiné ou soigné par un
médecin ces trois dernières années?", il a été répondu sous la colonne
"Nature de l'affection, résultat de l'examen etc." "accident voiture,
contrôle", sous la colonne "Quand" "5.92", sous celle intitulée "Durée" "1
sem." et sous la colonne "Suites" "aucune". X.________ a par ailleurs répondu
négativement à la question 13c de savoir s'il avait déjà été soigné dans un
hôpital, un sanatorium, une clinique ou un établissement de cure.

L'assurance a accepté la proposition le 2 mars 1994. Le contrat d'assurance
prévoit le versement d'un montant de 50'000 francs à X.________ en cas de vie
le 1er mars 2018 ou à son épouse en cas de décès avant cette date ainsi
qu'une dispense du versement des primes de 2'180 francs par année en cas
d'incapacité de gain.

En raison de douleurs à la nuque, au dos et dans la région lombaire,
X.________ a été en incapacité de travail à 100 % du 11 au 31 janvier 2000 et
l'est à 50 % depuis le 1er février 2000.

Le 28 avril 2000, son médecin traitant a signalé dans un rapport le
diagnostic posé en 1992 à la suite de l'accident et l'incapacité de travail
de trois semaines s'en étant suivie.

Le 12 mai 2000, l'assurance s'est départie du contrat pour cause de
réticence.

B.
X.________ a ouvert action le 31 janvier 2001 devant le Tribunal civil de
l'arrondissement de Lausanne concluant à la constatation que la police
d'assurance n'a pas été valablement résolue et à la libération du paiement
des primes à raison de 100 % pour la période du 11 au 31 janvier 2000 et à
raison de 50 % dès le 1er février 2000. Par jugement du 9 novembre 2001, le
Président du Tribunal d'arrondissement a fait droit aux conclusions de
X.________.

La Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a admis le 27 mars 2003
le recours formé par l'assurance et rejeté l'action de X.________.

C.
Ce dernier interjette un recours en réforme. Concluant à la réformation du
jugement attaqué, il reprend ses conclusions de première instance. Il
requiert en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.

Le Tribunal cantonal se réfère à son jugement. Invitée à répondre, la
défenderesse conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Compte tenu de la suspension des délais prévue à l'art. 34 al. 1 let. a OJ,
le recours est formé en temps utile. Interjeté contre une décision finale
rendue par le tribunal suprême du canton dans une contestation civile de
nature pécuniaire, le recours est recevable au regard des art. 48 al. 1 et 54
al. 1 OJ. Comme les droits contestés devant la dernière instance cantonale
atteignent 8'000 fr., il l'est aussi selon l'art. 46 OJ.

2.
Dans la mesure où le demandeur s'écarte des constatations de fait de
l'autorité cantonale sans se prévaloir valablement d'une violation des
dispositions fédérales en matière de preuve ou d'une inadvertance manifeste
(art. 55 al. 1 let. c et 63 al. 2 OJ), son recours est irrecevable. Tel est
notamment le cas lorsqu'il soutient que sa proposition a été acceptée selon
une procédure simplifiée. L'autorité cantonale a retenu que l'agent
d'assurance avait déclaré que son rôle consistait à remplir une proposition
d'assurance complète. L'autorité cantonale a également retenu que le
demandeur n'avait pas prouvé qu'il n'avait pas à répondre à la question 13 du
formulaire. Dans la mesure où le demandeur s'écarte de ces constatations, son
grief est irrecevable.

3.
Le demandeur fait valoir que l'autorité cantonale aurait violé l'art. 8 CC en
écartant, sans même l'entendre, le témoignage de son épouse, selon lequel il
avait signalé à l'agent d'assurance qu'il avait été brièvement hospitalisé.

3.1 L'art. 8 CC désigne celui qui, du titulaire du droit ou de sa partie
adverse, doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve d'un fait.
L'art. 8 CC confère également à la partie chargée du fardeau de la preuve la
faculté de prouver ses allégations dans les contestations relevant du droit
civil fédéral, pour autant qu'elle ait formulé un allégué régulier selon le
droit de procédure, que les faits invoqués soient juridiquement pertinents au
regard du droit matériel et que l'offre de preuve correspondante satisfasse,
quant à sa forme et à son contenu, aux exigences du droit cantonal. La
question de savoir si le juge s'est convaincu à tort ou à raison de
l'existence d'un fait après avoir apprécié les preuves, ne relève plus de
l'application de l'art. 8 CC. Cette disposition ne peut être invoquée pour
tenter de faire corriger l'appréciation des preuves, qui ressortit au juge du
fait (ATF 128 III 22 consid. 2d p. 25; 127 III 248 consid. 3a p. 253 et les
arrêts cités).

3.2 En l'espèce, l'autorité cantonale n'a pas refusé d'administrer une
preuve. Elle a au contraire procédé à l'appréciation du témoignage  figurant
déjà au dossier de l'épouse du demandeur. Elle a écarté ce témoignage au
motif que, émanant d'un proche intéressé au sort du litige, il n'était
corroboré par aucun autre élément du dossier. Partant, elle a retenu que le
demandeur n'avait pas signalé son hospitalisation lors de la souscription de
la proposition d'assurance. Ce faisant, l'autorité cantonale a procédé à
l'appréciation des preuves; elle n'a pas violé l'art. 8 CC. Le grief est par
conséquent mal fondé.

4.
Le demandeur se plaint d'une violation des articles 4 et 6 LCA. Aucune
réticence en relation avec les réponses données sous chiffres 1a et 13c du
formulaire accompagnant la proposition d'assurance ne saurait lui être
reprochée.

4.1 Aux termes de l'art. 4 LCA, le proposant doit déclarer par écrit à
l'assureur suivant un questionnaire ou en réponse à toutes autres questions
écrites, tous les faits qui sont importants pour l'appréciation du risque
tels qu'ils lui sont ou doivent lui être connus lors de la conclusion du
contrat (al. 1). Sont importants tous les faits de nature à influer sur la
détermination de l'assureur de conclure le contrat ou de le conclure aux
conditions convenues (al. 2). Sont réputés importants les faits au sujet
desquels l'assureur a posé par écrit des questions précises, non équivoques
(al. 3). Si, lors de la conclusion du contrat d'assurance, celui qui devait
faire la déclaration a omis de déclarer ou inexactement déclaré un fait
important qu'il connaissait ou devait connaître (réticence), l'assureur n'est
pas lié par le contrat, à condition qu'il s'en soit départi dans les quatre
semaines à partir du moment où il a eu connaissance de la réticence (art. 6
LCA).

Les faits en question sont tous les éléments qui doivent être pris en
considération lors de l'appréciation du risque et qui peuvent éclairer
l'assureur sur l'étendue du risque à couvrir; il ne s'agit donc pas seulement
des facteurs de risque, mais aussi des circonstances qui permettent de
conclure à l'existence de facteurs de risque. D'après la jurisprudence, il
résulte clairement du texte des art. 4 et 6 LCA qu'il ne faut adopter ni un
critère purement subjectif, ni un critère purement objectif pour juger si le
proposant a rempli ou non ses obligations quant aux déclarations à faire. Ce
qui est décisif, c'est de juger si et dans quelle mesure le proposant pouvait
donner de bonne foi une réponse déterminée à une question de l'assureur,
selon la connaissance qu'il avait de la situation (ATF 118 II 333 consid. 2a
p. 336; 116 V 218 consid. 5a et b p. 226).

4.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que la défenderesse a agi dans le
délai de quatre semaines prévu par l'art. 6 LCA. Le litige porte uniquement
sur le point de savoir si le demandeur a ou non commis une réticence.

4.2.1 L'autorité cantonale a retenu une réticence sur deux points: d'une
part, du fait que le demandeur avait omis d'indiquer à la question 1a qu'à la
suite de l'accident de voiture en 1992, il avait subi une incapacité de
travail de trois semaines et un traitement physiothérapeutique de quatre mois
environ. Le fait de ne pas indiquer sous chiffre 13c qu'il avait été
hospitalisé était, d'autre part, également constitutif de réticence.

4.2.2 Le demandeur objecte qu'il pouvait de bonne foi considérer que la
question de la durée des examens ou des soins reçus par un médecin les trois
dernières années (question 1a) se rapportait aux contrôles médicaux à
l'exclusion de tout autre traitement, physiothérapeutique notamment. La
colonne intitulée "Suites" pouvait laisser penser que seules des séquelles
durables devaient être mentionnées, la formule ne posant aucune question
quant à une incapacité de travail passée ou un suivi physiothérapeutique. Par
ailleurs, la notion de soins reçus dans un hôpital (question 13c) suppose, de
l'avis du demandeur, une intervention ou un traitement. Dès lors qu'il n'a
subi ni intervention ni traitement lors de son séjour à l'hôpital en 1992, il
n'avait pas à mentionner son hospitalisation.

4.3 La question 13c du formulaire interroge le proposant sur le point de
savoir s'il a été soigné dans un hôpital, un sanatorium, une clinique ou un
établissement de cure. Cette question est claire; contrairement à ce que
soutient le demandeur, il n'est pas besoin de l'interpréter. Il n'est pas
nécessaire de subir une intervention ou un traitement particulier pour être
"soigné" dans un établissement médical. Le patient qui est en observation à
l'hôpital est également soigné, les soins consistant précisément dans
l'examen attentif du malade, de son comportement, de ses réactions, de
l'évolution de son état, tous renseignements qui sont notés dans son dossier
et qui sont exploités pour poser le diagnostic. Ce qui importe est que l'état
de santé du proposant ait nécessité une hospitalisation. Appelé à répondre à
la question d'un assureur, dans le cadre de la conclusion d'un contrat
d'assurance, de savoir s'il a été soigné dans un hôpital, le proposant doit
par conséquent, sous peine de commettre une réticence, indiquer toute
hospitalisation, même s'il n'y a pas subi d'intervention ou de traitement
médical particulier (ATF 110 II 499 consid. 4d p. 503).

L'autorité cantonale a retenu de manière à lier le Tribunal fédéral (cf. art.
63 al. 2 OJ) que le demandeur avait été hospitalisé pendant quatre jours à la
suite de son accident en 1992. Elle a également constaté qu'il avait subi, en
raison de l'accident, une incapacité de travail de trois semaines et qu'il
avait dû suivre un traitement de physiothérapie pendant quatre mois. Le
demandeur n'a signalé aucun de ces éléments à la défenderesse. Il a au
contraire laissé entendre en réponse à la question 1a que l'accident de
voiture de 1992 était resté sans conséquences. La défenderesse l'a
expressément interrogé au chiffre 13c du questionnaire quant à un éventuel
séjour en milieu hospitalier. La question était claire et, comme le demandeur
n'a signalé en réponse aux autres questions du formulaire ni son
hospitalisation ni les autres conséquences subies lors de son accident de
1992, il ne pouvait, de bonne foi, passer son hospitalisation sous silence.

4.4
4.4.1Le demandeur soutient qu'une réponse affirmative à la question 13c
n'aurait pas exercé d'influence sur la décision de la défenderesse de
conclure un contrat avec lui.

4.4.2 L'autorité cantonale a retenu que l'annonce de l'hospitalisation aurait
été de nature à provoquer une autre détermination de la part de l'assurance.
Dans la mesure où l'autorité cantonale ne fonde pas la détermination de la
volonté hypothétique de l'assurance sur des indices concrets, mais
exclusivement sur l'expérience générale de la vie, le Tribunal fédéral peut
revoir cette détermination dans le recours en réforme (ATF 126 III 10 consid.
2b p. 12; 118 II 365 consid. 1 p. 366).

4.4.3 En l'espèce, selon l'expérience, l'assurance n'aurait pas contracté de
la même manière avec le demandeur si elle avait eu connaissance de son
hospitalisation et des affections la justifiant. Elle aurait, à tout le
moins, émis une réserve quant à une incapacité de gain future liée à des
troubles en relation avec les lésions subies lors de l'accident. Il est en
effet courant que des personnes ayant subi notamment un traumatisme
cranio-cérébral et un syndrome cervical post-traumatique souffrent par la
suite d'affections invalidantes touchant les cervicales et les lombaires.
L'hospitalisation et les circonstances l'ayant rendue nécessaire étaient
ainsi de nature à permettre à la défenderesse d'apprécier différemment les
facteurs du risque qu'elle allait assurer. C'est donc à juste titre que
l'autorité cantonale a estimé que la réticence du demandeur portait sur un
fait important de nature à susciter une autre détermination de la part de
l'assurance.

4.5 Dès lors que l'autorité cantonale a retenu sans violer le droit fédéral
que le demandeur avait commis une réticence en omettant d'indiquer son
hospitalisation au chiffre 13c du formulaire, il est superflu d'examiner si
elle a retenu à bon droit que le fait d'avoir tu l'incapacité de travail et
le traitement physiothérapeutique subis en 1992 était également constitutif
d'une réticence.

5.
Infondé, le recours doit être rejeté aux frais de son auteur (art. 156 al. 1
OJ). Ce dernier requiert l'assistance judiciaire. Il ne joint cependant
aucune pièce attestant de sa situation financière. En outre, selon ses
propres indications ressortant du dossier, son épouse et lui réalisent
ensemble un revenu mensuel brut de 9'975 fr., allocations familiales
incluses, et ont des charges mensuelles de 4'488 fr. (loyer 1'995 fr.,
assurances maladie 893 fr., frais de transport 100 fr., alimentation 1'500
fr.). Le couple disposant ainsi d'un montant de plus de 5'000 fr. par mois,
le recourant ne peut être considéré comme indigent au sens de l'art. 152 OJ.
Partant, la requête d'assistance judiciaire doit être rejetée. Il n'y a pas
lieu d'allouer de dépens, la défenderesse n'étant pas représentée par un
mandataire professionnel (art. 159 al. 1 OJ; arrêt 4C.269/2002 du 17 décembre
2002, consid. 4).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours en réforme est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 1'500 francs est mis à la charge du demandeur.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre des
recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 13 novembre 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: