Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5A.6/2003
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5A.6/2003 /svc

Arrêt du 24 juillet 2003
IIe Cour civile

Mmes et M. les Juges Nordmann, juge présidant,
Meyer et Hohl.
Greffier: M. Fellay.

A. ________,
recourant, représenté par Me Alex Wagner, avocat,
rue de l'Eglise-Catholique 6, case potale 215,
1820 Montreux 2,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

annulation de la naturalisation facilitée,

recours de droit administratif contre la décision
du Département fédéral de justice et police
du 21 février 2003.

Faits:

A.
Le recourant A.________ séjourne en Suisse depuis le 5 décembre 1989, date de
son mariage, célébré à O.________, avec B.________, ressortissante suisse. Le
7 septembre 1996, il a déposé une demande de naturalisation facilitée fondée
sur ce mariage, conformément à l'art. 27 de la loi fédérale sur l'acquisition
et la perte de la nationalité suisse (ci-après: LN), naturalisation que le
Département fédéral de justice a accordée par décision du 14 mai 1997.

Les époux A.________ et B.________ ont divorcé en février 2000.

B.
Le 2 novembre 2001, le recourant a déposé, auprès de l'autorité compétente du
canton de Bâle-Campagne, une demande d'autorisation de séjour par
regroupement familial en faveur de son épouse algérienne, C.________, et de
leurs deux enfants D.________ et E.________. A l'appui de sa requête, il a
produit la copie d'une fiche familiale d'état civil établie à Alger le 17
juin 2001 et confirmant qu'il avait épousé C.________ le 19 août 1981 et que
les deux enfants précités étaient nés de leur union le 4 juin 1986 et le 5
mai 1989.

Par décision du 3 mai 2002, l'Office fédéral des étrangers a, conformément à
l'art. 41 al. 1 LN et avec l'assentiment des autorités cantonales
compétentes, prononcé l'annulation de la naturalisation facilitée accordée au
recourant. Il a retenu en substance que celui-ci avait dissimulé aux
autorités de naturalisation le fait qu'il était l'époux d'une ressortissante
algérienne et qu'il était le père de deux enfants issus de cette union, faits
essentiels qui auraient entraîné le refus de sa demande de naturalisation si
les autorités compétentes en avaient eu connaissance.

Saisi d'un recours de l'intéressé, le Département fédéral de justice et
police l'a rejeté par décision du 21 février 2003.

C.
Agissant le 26 mars 2003 par la voie du recours de droit administratif,
A.________ requiert le Tribunal fédéral de prononcer le maintien de sa
nationalité suisse, avec suite de frais et dépens.

Des réponses n'ont pas été requises.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a; 128 II 66 consid. 1).

1.1 La décision d'annulation de naturalisation en cause est susceptible de
faire l'objet d'un recours de droit administratif au regard des art. 51  de
la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (LN;
RS 141.0), 97 et 98 let. b OJ, le motif d'exclusion de l'art. 100 al. 1 let.
c OJ n'entrant pas en ligne de compte, dès lors qu'il s'agit en l'occurrence
de naturalisation facilitée et non pas de naturalisation ordinaire (cf. ATF
105 Ib 154 consid. 1; arrêt non publié 5A.4/1994 du 6 juillet 1994, consid.
1b).

1.2 Déposé dans les délai et forme requises (art. 106 al. 1 et 108 OJ), le
présent recours est recevable.

2.
Le recourant soutient que la décision prise à son encontre consacre un
mauvais usage du pouvoir d'appréciation et une violation du principe de la
proportionnalité: elle constituerait, en effet, une atteinte exagérée, non
justifiée par un intérêt public, dès lors que son mariage avec la
ressortissante suisse, contrairement à celui contracté antérieurement en
Algérie, a constitué une véritable communauté conjugale, que résidant en
Suisse depuis plus de treize ans, il y est parfaitement assimilé, jouit d'une
situation convenable et n'a pas de casier judiciaire; en outre, un refus du
regroupement familial sollicité aurait suffi à sanctionner son comportement
répréhensible; enfin, l'annulation de naturalisation en cause serait une
mesure inutile et tracassière, attendu qu'il serait fondé à obtenir la
naturalisation ordinaire.

3.
Une naturalisation facilitée ne peut être révoquée qu'aux conditions posées à
l'art. 41 LN (ATF 120 Ib 193). En vertu de cette disposition, l'Office
fédéral des étrangers peut, dans les cinq ans et avec l'assentiment du canton
d'origine, annuler la naturalisation obtenue par des déclarations mensongères
ou par la dissimulation de faits essentiels.

3.1 L'autorité compétente jouit ainsi, aux termes mêmes de la loi, d'une
liberté d'appréciation qui lui permet d'annuler ou non la naturalisation en
cause, à l'exclusion de toute autre mesure. Dans l'usage de cette faculté,
elle doit toutefois éviter l'excès et l'abus de pouvoir, assimilés par les
art. 49 let. a PA et 104 let. a OJ à une violation du droit fédéral (cf.
Pierre Moor, Droit administratif, vol. I, 2e éd. 1994, § 4.3.2; André Grisel,
Traité de droit administratif, vol. I, p. 332 s.).

Commet un abus ou un excès de son pouvoir d'appréciation l'autorité qui
retient des critères inappropriés, ne tient pas compte de circonstances
pertinentes ou rend une décision tout simplement arbitraire, contraire au but
de police de la loi ou violant le principe de la proportionnalité (ATF 123
III 274 consid. 1a/cc p. 279/280; 98 Ib 465 consid. 4a p. 468/469; Moor et
Grisel, loc. cit.).
3.2 Pour qu'une naturalisation puisse être annulée selon l'art. 41 LN, elle
doit avoir été obtenue "frauduleusement", c'est-à-dire par un comportement
déloyal et trompeur (ATF 128 II 97 consid. 4a p. 101).

Ainsi qu'il ressort de la décision attaquée, le recourant a, une première
fois, dissimulé aux autorités suisses son mariage contracté en 1981 en
Algérie et dont étaient issus deux enfants; grâce à cette manoeuvre déloyale,
il a pu contracter son second mariage en Suisse, mariage qui constituait une
situation contraire à l'ordre public suisse (bigamie) et aurait dû être
déclaré nul sous l'ancien droit (art. 120 ch. 1 et art. 121 aCC),
respectivement annulé selon le nouveau droit (art. 105 ch. 1 et art. 106 CC),
si la bigamie avait été découverte avant le divorce. Le recourant a trompé
une seconde fois les autorités suisses lorsqu'il a sollicité sa
naturalisation facilitée, violant alors à nouveau son devoir d'information et
de loyauté en cachant l'existence de son premier mariage et le fait qu'il
était père de deux enfants, en dépit de l'invitation qui lui avait été faite
de mentionner ces derniers dans le formulaire de demande de naturalisation;
et il a obtenu ainsi sa naturalisation alors qu'une des conditions requises
n'était pas remplie, à savoir celle de l'art. 26 al. 1 let. b LN (obligation
du requérant de se conformer à l'ordre juridique suisse), sa bigamie
l'exposant de surcroît  à des poursuites pénales (art. 215 CP).

Dans ces circonstances, l'annulation de la naturalisation en cause ne
consacre ni un excès ou abus du pouvoir d'appréciation, ni une violation du
principe de la proportionnalité. Conformément à ce que retient la décision
attaquée, le fait que le recourant aurait formé une véritable communauté
conjugale avec son épouse suisse est sans pertinence pour l'examen de la
question de savoir s'il y a eu obtention frauduleuse de naturalisation au
sens de l'art. 41 LN, soit comportement déloyal et trompeur. Il en va de même
des circonstances de vie actuelles du recourant (assimilation, situation
convenable, absence de casier judiciaire).

Au demeurant, contrairement à ce que semble croire le recourant, un étranger
n'a pas automatiquement droit à une naturalisation ordinaire après 12 ans de
résidence en Suisse (cf. art. 14 et 15 LN).
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, aux frais de
son auteur (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et au
Département fédéral de justice et police.

Lausanne, le 24 juillet 2003

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

La juge présidant:  Le greffier: