Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5A.26/2003
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5A.26/2003 /frs

Arrêt du 17 février 2004
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Meyer.
Greffier: M. Braconi.

Dame X.________,
recourante, représentée par Me Odile Roullet, avocate,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

naturalisation facilitée,

recours de droit administratif contre la décision
du Département fédéral de justice et police du
7 novembre 2003.

Faits:

A.
Dame X.________ a résidé en Suisse du 17 septembre 1985 au 30 octobre 1993 au
bénéfice d'autorisations de séjour et de travail à l'année. Le 25 septembre
1993, elle a épousé à Bellevue (Genève) le ressortissant suisse B.________.
Les époux se sont installés à Ferney-Voltaire (France). L'épouse a continué
de travailler à Genève dans le cadre d'une autorisation frontalière.

B.
Le 19 juin 2002, dame X.________ a déposé une demande de naturalisation
facilitée au sens de l'art. 28 de la loi sur l'acquisition et la perte de la
nationalité suisse du 29 septembre 1952 (LN; RS 141.0); dans la lettre
accompagnant cette requête, elle a précisé qu'elle avait  introduit une
action en divorce à la fin de l'année 2001 en raison des violences de son
époux, qu'elle avait noué d'étroites attaches avec la Suisse durant son
séjour entre 1985 et 1993, et que les deux enfants issus de son mariage avec
B.________ étaient suisses.

Le 12 juillet 2002, l'Office fédéral de l'immigration, de l'intégration et de
l'émigration (IMES) a attiré l'attention de la requérante sur le fait que
l'octroi de la naturalisation facilitée était subordonné à l'existence d'une
communauté conjugale étroite et effective entre les époux; étant en instance
de divorce, elle ne satisfaisait dès lors pas aux réquisits légaux. Invitée
par l'office à se déterminer, dame X.________ a répondu, le 9 septembre
suivant, que l'exigence d'une communauté conjugale effective et stable
n'était pas absolue, et qu'il convenait de l'assouplir compte tenu des
circonstances particulières dans lesquelles elle s'était séparée de son mari
(violences conjugales); elle a réaffirmé qu'elle remplissait bien la
condition «des liens étroits» avec la Suisse, puisqu'elle avait vécu pendant
huit ans dans ce pays, qu'elle parlait couramment le français et que ses deux
enfants étaient suisses.

Le 20 novembre 2002, l'IMES a débouté dame X.________ de sa requête de
naturalisation facilitée.

C.
Par décision du 7 novembre 2003, le Département fédéral de justice et police
a rejeté le recours interjeté par dame X.________ contre ce refus.

D.
Dame X..________ interjette un recours de droit administratif au Tribunal
fédéral, concluant à ce que cette décision soit annulée et à ce qu'il soit
fait droit à sa demande de naturalisation facilitée.

Des observations n'ont pas été requises.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 337 consid. 1 p. 339; 129 II 453 consid. 2 p.
456 et les arrêts cités).

1.1 La décision refusant la naturalisation facilitée est susceptible d'un
recours de droit administratif au regard des art. 51 al. 1 LN, 97 et 98 let.
b OJ. Le motif d'exclusion prévu par l'art. 100 al. 1 let. c OJ n'entre pas
en ligne de compte, la présente cause ne portant pas sur le refus de
l'autorisation pour la naturalisation ordinaire (cf. ATF 105 Ib 154 consid. 1
p. 156).

1.2 Déposé à temps et dans les formes requises, le présent recours est
également recevable sous l'angle des art. 106 al. 1 et 108 OJ.

2.
2.1 La loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse
prévoit, à certaines conditions déterminées, la naturalisation facilitée de
l'époux étranger d'un conjoint suisse (art. 26 à 28), de l'étranger qui a été
traité par erreur comme un ressortissant suisse pendant cinq ans au moins, de
la personne qui a perdu la nationalité suisse à la suite de l'annulation du
lien de filiation à l'égard de son parent suisse (art. 29), de l'étranger
qui, en vertu d'un traité, aurait pu acquérir la nationalité suisse par
option et a omis d'opter à temps et dans les formes voulues pour des raisons
excusables (art. 30) et de l'enfant étranger d'un père suisse qui n'est pas
marié avec la mère si l'établissement du lien de filiation intervient alors
qu'il est mineur (art. 31). Le législateur n'a ainsi pas prévu la
naturalisation facilitée du parent étranger d'enfants ayant la nationalité
suisse.

2.2 En vertu de l'art. 28 al. 1 LN, l'époux étranger d'un ressortissant
suisse qui vit ou a vécu à l'étranger peut présenter une demande de
naturalisation facilitée s'il vit depuis six ans en communauté conjugale avec
le ressortissant suisse (let. a) et s'il a des liens étroits avec ce pays
(let. b). D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, la notion de
«communauté conjugale» au sens de la disposition précitée implique non
seulement l'existence formelle d'une union conjugale, mais encore une
véritable communauté de vie entre les époux; tel n'est pas le cas lorsqu'une
procédure de divorce est pendante, ou que les époux sont séparés de corps ou
de fait au moment du dépôt de la requête ou de la décision de naturalisation
(ATF 128 II 97 consid. 3a p. 99; 121 II 49 consid. 2b p. 51 et les
références).

3.
En l'espèce, le Département a considéré que, au regard des principes posés
par la jurisprudence (cf. supra, consid. 2.2), la requérante ne remplissait
pas les conditions de l'art. 28 al. 1 LN. Le Tribunal fédéral a certes relevé
qu'on pouvait admettre dans certains cas exceptionnels la persistance d'une
communauté de vie même lorsque les époux ont cessé d'avoir un domicile
unique, mais pour autant que la création de domiciles séparés repose sur des
raisons plausibles (p. ex. contraintes professionnelles ou état de santé) et
que la stabilité du mariage ne soit manifestement pas en cause, hypothèse qui
n'est pas réalisée dans le cas particulier. Enfin, par l'octroi de la
naturalisation facilitée à l'époux étranger d'un ressortissant suisse, le
législateur avait pour objectif de faciliter l'avenir commun des époux en
leur permettant d'avoir la même nationalité.

La recourante se plaint d'une «insuffisance d'appréciation». En bref, elle
fait valoir qu'elle se sent suisse après tant d'années passées dans notre
pays, et énumère les inconvénients qu'elle rencontre lorsqu'elle voyage en
compagnie de ses enfants. Elle invoque en outre l'«unité de nationalité de la
famille», qui est un principe de base du droit suisse de la nationalité; s'il
n'existe plus de communauté conjugale, il subsiste une «communauté familiale»
(i.e. mère-enfants), qui doit être prise en considération et mérite
protection.

3.1 A l'appui de son argumentation, la recourante se fonde sur l'arrêt publié
aux ATF 120 Ib 193 ss. Toutefois, cette jurisprudence ne lui est d'aucun
secours; dans cette affaire, le Tribunal fédéral avait annulé la révocation
de la naturalisation facilitée du mari, nonobstant le divorce des parties,
parce que l'intéressé n'avait pas obtenu la naturalisation à la suite de
déclarations mensongères, de sorte que les conditions de l'art. 41 LN
n'étaient pas remplies.

3.2 S'appuyant sur l'avis de Roland Schärer (in: Revue de l'état civil 1993
p. 359 ss, spéc. 361), la recourante se prévaut de la pratique de
l'administration fédérale d'après laquelle la naturalisation facilitée peut
être obtenue, malgré le décès du conjoint suisse, lorsque des enfants sont
issus du mariage, et que le refus d'accorder la nationalité suisse serait
choquant.

Cette analogie n'est pas pertinente. Le législateur a renoncé à légiférer sur
les conséquences du décès du conjoint suisse d'une personne qui sollicite la
naturalisation facilitée, laissant à l'autorité le soin de trouver une
solution adéquate de cas en cas (Schärer, loc. cit.; ATF 129 II 401 consid.
2.3 et 2.5 p. 403 et 404/405). En revanche, il a expressément réglé les
conséquences d'une séparation ou d'un divorce en cours de procédure de
naturalisation facilitée; il découle en effet de l'art. 28 al. 1 let. a LN
que celle-ci est exclue si la communauté conjugale n'existe plus par suite
d'une séparation ou d'un divorce (cf. supra, consid. 2.2; ATF 129 II 401
consid. 2.3 p. 403). Il s'ensuit que l'autorité ne dispose d'aucun pouvoir
d'appréciation lorsque la demande de naturalisation facilitée est formée par
une personne qui ne vit plus en communauté conjugale avec son conjoint
suisse; elle ne saurait accueillir une telle requête, lors même que ce
résultat lui paraîtrait choquant. La pratique dont se réclame la recourante
n'est donc pas applicable ici.

4.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté, avec suite de frais à la
charge de son auteur (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante et au
Département fédéral de justice et police.

Lausanne, le 17 février 2004

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  Le Greffier: