Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.63/2003
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2P.63/2003 /sch

Arrêt du 29 juillet 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Betschart, Hungerbühler, Yersin et Merkli.
Greffier: M. Addy.

X.________,
recourant, représenté par Maîtres Michel A. Halperin et Matteo Inaudi,
avocats, av. Léon-Gaud 5, 1206 Genève,

contre

Conseil d'Etat du canton de Vaud, 1014 Lausanne, représenté par Maîtres
Christian Bettex et Yves Burnand, avocats, 1002 Lausanne.

art. 29 al. 2 Cst. (révocation immédiate),

recours de droit public contre la décision du Conseil d'Etat du canton de
Vaud du 5 février 2003.

Faits:

A.
Le 15 janvier 1996, X.________ est entré au service de la Banque cantonale
vaudoise (ci-après: la Banque) en qualité de Directeur général, responsable
de la Division internationale. Les conditions de son engagement étaient
fixées dans un «contrat de travail» conclu en novembre 1995 avec la Banque
«sous réserve de l'accord définitif du Conseil d'Etat».

A la suite de lourdes pertes commerciales qui ont nécessité une importante
augmentation du capital social souscrite par l'Etat de Vaud, la Banque et le
Conseil d'Etat ont commandé un rapport d'expertise afin d'identifier les
causes et d'établir les éventuelles responsabilités pénales et
administratives à l'origine de ces difficultés. Déposé le 28 janvier 2003, le
rapport dressé par Me Paolo Bernasconi (ci-après: le rapport Bernasconi)
révèle certains dysfonctionnements internes ainsi que l'existence de
«manipulations  comptables» commises en 1997 par des organes de la Banque,
dont trois membres sont nommément désignés; X.________ n'en fait pas partie.
L'expert précise que seule une enquête judiciaire sera à même d'établir
d'autres possibles responsabilités au sein du Conseil d'administration ou de
la Direction générale.

Le lendemain de la remise du rapport Bernasconi, soit le 29 janvier 2003, la
Banque a signifié par écrit à X.________ la «résiliation immédiate pour
justes motifs de (son) contrat de travail». Le même jour, l'expert
Bernasconi, des organes de la Banque, ainsi qu'un membre du Conseil d'Etat
ont participé à une conférence de presse détaillant le contenu du rapport et
annonçant, entre autres mesures, le licenciement immédiat de X.________ et de
deux autres responsables de la Banque.

B.
Le 7 février 2003, le Conseil d'Etat a adressé au prénommé une lettre ainsi
libellée:

«Par la présente, nous vous informons que dans sa séance du 5 février 2003,
le Conseil d'Etat a révoqué votre nomination au poste de membre de la
Direction générale de la BCV, avec effet au 29 janvier 2003.

Les motifs justifiant cette révocation vous ont déjà été communiqués par le
Conseil d'administration de la banque, qui nous en a fait part. Nous nous y
référons.»
Le 17 février 2003, en réponse à une lettre de X.________ dans laquelle ce
dernier contestait les faits qui lui étaient reprochés, la Banque lui a fait
savoir qu'elle maintenait sa position et qu'elle refusait de revenir sur son
licenciement. Dans une lettre du 10 mars 2003 adressée en copie au Conseil
d'Etat, X.________ a derechef réfuté les manquements reprochés. Le Conseil
d'Etat lui a répondu qu'il ne pouvait que confirmer sa décision du 5 février
2003 et le relever de ses fonctions dans la Banque à compter du 29 janvier
2003 (lettre du mandataire du Conseil d'Etat du 28 mars 2003).

C.
Parallèlement à la lettre précitée du 10 mars 2003 remise en copie au Conseil
d'Etat, X.________ a interjeté le même jour un recours de droit public auprès
du Tribunal fédéral. Invoquant la violation de son droit d'être entendu (art.
29 al. 2 Cst.), il demande, sous suite de frais et dépens, l'annulation de la
décision de révocation prise à son encontre le 5 février 2003 par le Conseil
d'Etat.

Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours dans la mesure où il est
recevable. Pour l'essentiel, il soutient qu'en vertu de la loi vaudoise du 20
juin 1995 organisant la Banque Cantonale Vaudoise (ci-après citée: LBCV ou
loi organisant la BCV), il n'avait aucune emprise sur la décision du Conseil
d'administration de licencier X.________ et ne pouvait que ratifier cette
décision; aussi bien renvoie-t-il l'intéressé à agir contre la Banque par la
voie du droit civil.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 177 consid. 1 p. 179, 46 consid. 1a p. 48 et
la jurisprudence citée).

1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est notamment ouvert
contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des
citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). Sauf exceptions non réalisées en l'espèce
(cf. art. 86 al. 2 OJ), il n'est recevable qu'à l'encontre d'une décision
prise en dernière instance cantonale (principe de l'épuisement des instances;
art. 86 al. 1 OJ).

En vertu de l'art. 4 al. 2 de la loi vaudoise du 18 décembre 1989 sur la
juridiction et la procédure administratives (ci-après citée: LJPA), les
décisions du Conseil d'Etat ne sont pas susceptibles de recours au Tribunal
administratif. La décision attaquée respecte donc le principe de l'épuisement
des instances. Certes peut-on se demander si, compte tenu de la nature de
l'affaire, le recourant n'aurait pas pu solliciter l'accès à un tribunal
indépendant et impartial au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH (cf. ATF 129 I 207
consid. 4 p. 211-215 et les références citées); la question souffre toutefois
de demeurer indécise, dès lors que l'intéressé a expressément renoncé à la
protection de cette disposition conventionnelle, comme il le mentionne dans
son recours.

1.2 Pour le surplus, déposé en temps utile contre une décision finale qui ne
peut être attaquée que par la voie du recours de droit public et qui touche
le recourant dans ses intérêts personnels et juridiquement protégés, le
présent recours est recevable au regard des art. 87 ss OJ.

2.
2.1 Selon le recourant, la décision du Conseil d'Etat de le relever de ses
fonctions au sein de la Banque équivaut à une décision administrative qui,
comme telle, doit être prise dans le respect des principes constitutionnels.
Or, la décision attaquée a été rendue sans qu'il soit invité à exercer son
droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst.

Le Conseil d'Etat réfute ce point de vue. Il soutient que la décision par
laquelle il a nommé X.________ au poste de Directeur général de la Banque
n'emportait pas la création d'un rapport de droit public entre ce dernier et
l'Etat, car cet acte, tout comme sa révocation, ne feraient en réalité que
ratifier des décisions du Conseil d'administration de la Banque. Le recourant
ne peut donc, selon le Conseil d'Etat, contester son licenciement que par la
voie du droit civil, en agissant directement contre la Banque.

2.2 L'engagement de X.________ par la Banque en novembre 1995 s'est fait sur
la base d'un contrat de travail «valable sous réserve de l'accord définitif
du Conseil d'Etat.» On ignore sous quelle forme et en quels termes exacts le
Conseil d'Etat a donné cet «accord». Peu importe toutefois, car ce qui est
décisif pour qualifier et apprécier la nature des relations nouées entre le
Conseil d'Etat et X.________, c'est d'abord le contenu des dispositions
légales applicables.

La composition et les compétences de la Direction générale de la Banque sont
définies aux art. 16 et 17 LBCV qui ont respectivement la teneur suivante:

«Art. 16.- La Direction générale est composée d'un président, d'un
vice-président et de membres nommés par le Conseil d'Etat sur proposition du
Conseil d'administration.
Le président, le vice-président et les membres de la direction générale sont
tenus de se démettre de leurs fonctions à la fin de l'année civile au cours
de laquelle ils atteignent 65 ans.

Art. 17.- La Direction générale assume la gestion de la Banque, dans les
limites de ses compétences.
Son président et ses membres doivent tout leur temps à la Banque. Avec
l'accord du Conseil d'administration, ils peuvent accepter des mandats ou des
fonctions dans des sociétés à but économique, lorsque les intérêts de la
Banque l'exigent.»

A rigueur de sa lettre, il apparaît que, contrairement à l'opinion de
l'intimée, l'art. 16 al. 1 LBCV ne confine pas le Conseil d'Etat dans le
simple rôle d'une autorité d'homologation (pour comp. art. 13 al. 3 de la loi
du 30 juin 1994 du canton de Bâle-ville sur la banque cantonale bâloise; Jürg
Bühlmann, Privatisierung von Kantonalbanken, thèse Zurich 1996, p. 189); il
lui confère au contraire la compétence pleine et entière de nommer les
membres de la Direction générale, à l'exclusion du Conseil d'administration
de la Banque qui n'a qu'un droit de proposition. Vaud serait d'ailleurs,
semble-t-il, le seul canton où les membres de la direction sont nommés par le
Conseil d'Etat (cf. Gaudenz Schwitter,  Die  Privatisierung  von
Kantonalbanken, thèse

Fribourg 2000, p. 151). Cette particularité résulte d'un choix clairement
exprimé par le législateur cantonal en 1995, comme cela ressort de l'exposé
des motifs de la loi organisant la BCV:

«Les articles 16 et 17 reprennent les dispositions actuelles sur la
composition, le mode de nomination et les compétences de la direction
générale. La Commission fédérale des banques aurait toutefois préféré une
nomination de la direction générale par le Conseil d'administration plutôt
que par le Conseil d'Etat. Elle soulignait que le Conseil d'administration
connaît mieux la banque et ses exigences que le Conseil d'Etat et que la
direction doit être subordonnée à l'organe qui la nomme et la révoque, ce qui
assure au conseil une position plus forte. Le comité de pilotage, à
l'unanimité, soutenait également cette solution en insistant sur l'image
professionnelle à donner de la banque fusionnée et sur l'assouplissement à
apporter dans la nomination ou la révocation des directeurs généraux. Le
Conseil d'Etat considère néanmoins qu'il doit donner suite au souhait exprimé
par les députés de ne pas se désengager des organes de la Banque à l'occasion
de la fusion»
(Bulletin du Grand Conseil, juin 1995, p. 753 ss, 763).

2.3 Il appert donc que c'est dans le cadre de l'exercice de la puissance
publique que le Conseil d'Etat a nommé X.________ au poste de Directeur
général de la Banque en janvier 1996. Du reste, la nomination d'une personne
au moyen d'un acte unilatéral est généralement l'expression caractéristique
d'un rapport de droit public (cf. Peter Hänni, Das öffentliche Dienstrecht
der Schweiz, Zurich 2002, p. 26 ss; François Bellanger, L'évolution du statut
de la fonction publique dans l'administration décentralisée, in: Le droit du
travail en pratique, vol. 20, Zurich 2000, p. 43 ss, 53; Felix Hafner,
Rechtsnatur der öffentlichen Dienstverhältnisse, in: Peter Helbing/Thomas
Poledna, Personalrecht des öffentlichen Dienstes, Berne 1999, p. 181 ss, 188;
Matthias Michel, Beamtenstatus im Wandel, thèse Zurich 1998, p. 224 ss;
Pierre Moor, Droit administratif, vol. III, Berne 1992, p. 210 et 214 ss;
Georg Rudolf Vischer, Privatrechtliche Arbeitsverhältnisse bei staatlichen
Organisationen, thèse Bâle 1989, p. 19).

Conformément au principe du parallélisme des formes, qui consiste à soumettre
la révision d'un acte à la même procédure que son adoption (cf. ATF 126 V 183
consid. 5b p. 191; 112 Ia 136 consid. 3c p. 139; 108 Ia 178 consid. 3d p.
184), la compétence reconnue au Conseil d'Etat de nommer les membres de la
direction implique également, nonobstant l'absence de disposition légale
expresse à ce sujet, la compétence de les révoquer, le cas échéant sur
proposition du Conseil d'administration de la Banque. C'est donc, là encore,
bien en qualité d'autorité investie de la puissance publique que le Conseil
d'Etat a relevé de ses fonctions le recourant par sa décision du 5 février
2003. A cet égard, le «contrat de travail» conclu entre le Conseil
d'administration et le recourant complète et précise l'engagement de principe
décidé par le Conseil d'Etat; il ne saurait avoir de portée autonome dans la
mesure où il contient des éléments essentiels de cet engagement, même si le
Conseil d'administration semble jouir de ce point de vue d'une grande
liberté. En effet, fondée sur la loi, la relation nouée entre le recourant et
l'Etat relève du droit public et la référence aux art. 335 ss CO contenue
dans le «contrat de travail» conclu en novembre 1995 pour régler la fin des
rapports de travail ne peut se comprendre que comme un renvoi à appliquer ces
dispositions à titre de droit supplétif (cf. Bellanger, op. cit., p. 52/53;
René Rhinow, Grundfragen des öffentlichen Personalrechts, in: Modernisation
du statut de la fonction publique, Berne 2000, p. 11 ss, 29; Moor, op. cit.,
p. 208). L'application du droit public a notamment pour corollaire que l'Etat
est tenu de respecter les principes constitutionnels régissant l'ensemble de
son activité, tels la légalité, l'égalité de traitement, l'interdiction de
l'arbitraire ou encore le droit d'être entendu. Selon la doctrine
majoritaire, ces principes s'imposeraient du reste à l'Etat même s'il
décidait de soumettre la relation avec ses agents au droit privé (cf.
François Bellanger, op. cit., p. 56 ss; dans le même volume, cf. aussi
Thierry Tanquerel, L'évolution du statut de la fonction publique dans
l'administration centrale, p. 7 ss, 10 et Gabriel Aubert, Le contentieux, p.
63 ss, 65 et les nombreuses références citées par ces auteurs).

Il reste à examiner si, au cas particulier, le Conseil d'Etat a violé le
droit d'être entendu du recourant, comme ce dernier le soutient.

3.
3.1 Le contenu du droit d'être entendu et les modalités de sa mise en oeuvre
sont déterminés en premier lieu par les dispositions cantonales de procédure,
dont le Tribunal fédéral ne revoit l'application et l'interprétation que sous
l'angle restreint de l'arbitraire; il examine en revanche librement si les
garanties minimales consacrées par le droit constitutionnel fédéral sont
respectées (ATF 127 III 193 consid. 3 p. 194; 125 I 257 consid. 3a p. 259).

En l'espèce, le recourant n'invoque pas la violation d'une disposition
cantonale relative au droit d'être entendu, si bien que le grief doit être
examiné exclusivement à la lumière de l'art. 29 al. 2 Cst.

3.2 Tel qu'il est garanti par la Constitution fédérale, le droit d'être
entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé de prendre connaissance
du dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision
ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves
pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves
pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à
tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à
influer sur la décision à rendre (ATF 127 III 576 consid. 2c p. 578s.; 127 V
431 consid. 3a p. 436; 124 II 132 consid. 2b p. 137 et la jurisprudence
citée).

Lorsqu'il contrôle l'application du droit d'être entendu sous l'angle de
l'art. 29 al. 2 Cst., le Tribunal fédéral en détermine le contenu et la
portée en fonction de la situation concrète et des intérêts en présence (cf.,
au sujet de l'art. 4 al. 2 aCst., ATF 123 I 63 consid. 2d p. 68; 111 Ia 273
consid. 2b). Doivent en particulier être prises en considération, d'une part,
l'atteinte aux intérêts de l'administré, telle qu'elle résulte de la décision
à prendre et, de l'autre, l'importance et l'urgence de l'intervention
administrative (Moor, Droit administratif, vol. II, Berne 2002, p. 277).
D'une manière générale, plus la décision envisagée est de nature à porter
gravement atteinte aux intérêts de l'administré, plus le droit d'être entendu
de ce dernier doit être accordé et reconnu largement (cf. ATF 105 Ia 193
consid. 2b/cc p. 197; Ulrich Häfelin/ Georg Müller, Allgemeines
Verwaltungsrecht, 4ème éd. Zurich 2002, no 1677; sur la manière de peser les
intérêts en présence, cf. Michele Albertini, Der verfassungsmässige Anspruch
auf rechtliches Gehör im Verwaltungsverfahren des modernen Staates, thèse
Berne 2000, p. 281 ss). En outre, il y a également lieu de tenir compte des
garanties que la procédure offre globalement à l'intéressé pour sa défense;
en particulier, l'on se montrera généralement moins exigeant avec le strict
respect du droit d'être entendu si la possibilité existe de porter la
contestation devant une autorité de recours disposant d'un libre pouvoir
d'examen (cf. ATF 123 I 63 consid. 2d p. 69/70; 111 Ia 273 consid. 2b et les
arrêts cités; Albertini, op. cit., p. 316/317; Moor, op. cit. p. 277; Benoît
Bovay, Procédure administrative, Berne 2000, p. 200/ 201).

3.3 En l'espèce, il est constant que le Conseil d'Etat n'a pas accordé au
recourant la possibilité de s'exprimer sur les faits qui lui étaient
reprochés avant de le relever de ses fonctions avec effet rétroactif au 29
janvier 2003, par décision du 5 février 2003. Une telle omission constitue
une violation manifeste du droit d'être entendu. Certes, la relation de
l'intéressé à l'égard du Conseil d'Etat ne ressortit nullement au statut des
fonctionnaires et la mesure prise à son encontre n'est, à proprement parler,
pas assimilable à une procédure disciplinaire ou à un renvoi pour justes
motifs; elle s'inscrit au contraire dans le cadre d'une procédure sui
generis. Il n'en demeure pas moins que, comme on l'a vu (supra consid. 2.3),
la mesure litigieuse trouve son fondement dans le droit public. Or, au regard
de sa nature et des graves conséquences qu'elle entraînait pour l'intéressé,
cette mesure ne pouvait être prononcée qu'après que ce dernier eut été dûment
informé des raisons qui la justifiaient et qu'il eut pu s'expliquer sur
celles-ci et se défendre. Seules des circonstances exceptionnelles auraient
en réalité permis de faire l'économie du droit d'être entendu, telle que, par
exemple, la nécessité d'agir rapidement afin de sauvegarder un intérêt public
important gravement menacé (cf. ATF 99 Ia 22 consid. c p. 24/25; Albertini,
op. cit., p. 208). Mais de telles circonstances n'existaient pas en
l'occurrence.

3.4 Certes peut-on concevoir qu'à la suite de la publication du rapport
Bernasconi, qui dénonçait de graves dysfonctionnements au sein de la Banque
si ce n'est des agissements pénalement répréhensibles (des manipulations
comptables constitutives de faux dans les titres, faux renseignements sur des
entreprises commerciales et gestion déloyale des intérêts publics), le
Conseil d'Etat ait entendu réagir rapidement afin de rétablir au plus vite la
confiance dans le public et de rassurer la clientèle et les relations
d'affaires de la Banque. Il s'agit toutefois là d'une préoccupation qui ne
dispensait pas le Conseil d'Etat d'entendre le recourant avant de le révoquer
avec effet immédiat, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas.

En particulier, il y avait lieu de prendre en compte le caractère définitif
et les conséquences dommageables de la mesure en cause sur la situation
personnelle de l'intéressé qui, non seulement se trouvait ainsi du jour au
lendemain privé d'emploi et de salaire, mais encore risquait de subir une
atteinte sérieuse et difficilement réparable à sa réputation professionnelle,
si l'on considère la nature et la gravité des faits reprochés et l'écho
médiatique qui ne manquerait pas - et qui n'a pas manqué - de leur être
donné, surtout après la conférence de presse du 29 janvier 2003 à laquelle a
participé un membre du Conseil d'Etat. En outre, on ne voit pas en quoi la
relative urgence de la situation, fût-elle avérée, empêchait le Conseil
d'Etat de donner au recourant l'occasion de s'exprimer sur les manquements
reprochés: simple et soumise à aucune forme, une telle démarche pouvait être
rapidement accomplie. A tout le moins le Conseil d'Etat avait-il la
possibilité de suspendre immédiatement de ses fonctions l'intéressé à titre
provisoire - le cas échéant sans traitement -, le temps de procéder à son
audition et, si nécessaire, d'élucider les faits au vu de ses déclarations,
comme cela se fait ordinairement (cf. ATF 99 Ia 22; Albertini, op. cit., p.
309/310; Moor, op. cit., p. 284). Une telle précaution s'imposait d'autant
plus en l'espèce que la mesure envisagée n'était pas susceptible d'être
attaquée devant une autorité de recours douée d'un plein pouvoir d'examen en
fait et en droit (sous réserve de ce qui a été dit supra consid. 1.1) et que
le rapport Bernasconi ne mettait pas directement en cause l'intéressé, mais
soulignait au contraire la nécessité d'une enquête judiciaire pour établir
d'éventuelles autres responsabilités parmi les organes de la Banque.

3.5 Le Conseil d'Etat fait observer que «c'est bien à la banque que le
recourant s'est adressé pour contester les motifs de son licenciement (et
que) c'est toujours à elle qu'il s'adresse le 10 mars 2003 pour renouveler
ses explications dans un long courrier qu'il se contente d'adresser en copie
à l'intimé en même temps qu'il recourt pour une prétendue violation du droit
d'être entendu.»

On cherche vainement ce que le Conseil d'Etat cherche à exciper de ces
circonstances: comme la lettre de licenciement que lui avait notifiée la
Banque ne mentionnait même pas que cette mesure devait encore recevoir l'aval
du Conseil d'Etat pour prendre effet, on peut comprendre qu'avant de
s'adresser à cette autorité, le recourant ait d'abord cherché à contester son
renvoi directement auprès de la Banque. Au surplus, dans sa lettre du 10 mars
2003 adressée en copie au Conseil d'Etat, l'intéressé n'a pas manqué
d'émettre expressément des réserves sur la «procédure adoptée à (son) égard»
(cf. p. 1 de la lettre précitée ainsi que son post-scriptum).

Il est vrai qu'un administré peut renoncer à son droit d'être entendu, le cas
échéant par actes concluants. Mais son comportement doit alors refléter sans
équivoque son choix (cf. Moor, op. cit. p. 285) et ce n'est qu'avec
circonspection qu'on admettra une renonciation implicite (cf. ATF 101 Ia 309
consid. 2b/2c p. 313/314; Bovay, op. cit., p. 243). Or, en l'espèce, il ne
s'est écoulé qu'une semaine entre le moment où la Banque a signifié au
recourant son licenciement (le 29 janvier 2003) et celui où le Conseil d'Etat
a décidé de le révoquer de ses fonctions (le 5 février 2003); en outre, le
procédé suivi par la Banque pour le licencier, consistant à se placer sur le
seul terrain du droit privé sans réserver les compétences du Conseil d'Etat,
était de nature à le mettre dans l'erreur sur sa situation juridique
vis-à-vis de cette autorité, comme la présente procédure en est la parfaite
illustration; enfin, il y a également lieu de tenir compte de ce que
l'intéressé n'était pas assisté d'un avocat lorsqu'il a été licencié par la
Banque (cf. ATF 101 Ia 309 consid. 2b et c p. 313/314; 111 Ib 294 consid. 2b
p. 299; voir aussi Albertini, op. cit., p. 333 ss). Par conséquent, son
comportement, et notamment le fait qu'il n'ait pas immédiatement interpellé
le Conseil d'Etat à la suite de son licenciement, ne saurait être interprété
comme le signe qu'il aurait renoncé à exercer son droit d'être entendu.

4.
Il suit de ce qui précède que le Conseil d'Etat a violé le droit d'être
entendu du recourant. Le recours est dès lors bien fondé et la décision
attaquée doit être annulée.

Succombant, le Conseil d'Etat supportera les frais de justice (art. 156 al. 1
OJ) et versera au recourant une indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et la décision prise par le Conseil d'Etat du canton de
Vaud le 5 février 2003 est annulée.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du canton de Vaud.

3.
Le canton de Vaud versera à X.________ une indemnité de 2'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires du recourant et du
Conseil d'Etat du canton de Vaud.

Lausanne, le 29 juillet 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:   Le greffier: