Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.315/2003
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2P.315/2003/RED/elo
Arrêt du 29 janvier 2004
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Betschart et Merkli.
Greffière: Mme Revey.

A. X.________ et B.X.________,
et leurs enfants C.________, D.________, E.________ et F.________,
recourants,
tous représentés par Alexis Turin.

contre

Conseil d'Etat du canton du Valais,
Palais du Gouvernement, 1950 Sion,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais de
Justice, 1950 Sion 2.

art. 29 al. 2 et 3 Cst. (refus de prolongation de l'autori- sation de séjour
et refus de l'assistance judiciaire),

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de droit public du Tribunal
cantonal du canton du Valais, du 24 octobre 2003, et contre l'ordonnance du
Président de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du
Valais, du 24 octobre 2003.

Faits:

A.
A. X.________, ressortissant de Serbie-et-Monténégro (province du Kosovo) né
en 1960, a obtenu le 12 décembre 1992 la transformation de son autorisation
de séjour saisonnière en autorisation de séjour annuelle. Par la suite, son
épouse B.X.________ et leurs enfants C.________, D.________, E.________ et
F.________ l'ont rejoint en Suisse en vertu du regroupement familial.

En 1997, A.X.________ a déposé une demande de prolongation d'autorisation de
séjour pour lui-même et sa famille.

Par décision du 11 janvier 2001, le Service valaisan de l'état civil et des
étrangers a écarté la requête, considérant notamment que la famille
X.________ bénéficiait de l'assistance sociale depuis de nombreux mois.

Statuant le 16 octobre 2002 sur recours des intéressés, le Conseil d'Etat a
confirmé la décision du Service cantonal.

Par arrêt du 24 octobre 2003, la Cour de droit public du Tribunal cantonal
valaisan a rejeté le recours déposé le 20 novembre 2002 par la famille
X.________ contre le prononcé du Conseil d'Etat, au motif que les intéressés
se trouvaient à la charge de l'assistance publique - dont ils avaient déjà
reçu des montants importants - et que l'on ne discernait aucune perspective
d'amélioration. Par ordonnance séparée du même jour, le Président de la cour
cantonale précitée a de même refusé la requête d'assistance judiciaire
présentée par la famille X.________.

B.
Agissant le 5 décembre 2003 par la voie du recours de droit public,
A.X.________, B.X.________ et leurs enfants demandent au Tribunal fédéral
d'annuler l'arrêt au fond rendu par la Cour de droit public du Tribunal
cantonal le 24 octobre 2003, ainsi que l'ordonnance sur l'assistance
judiciaire prononcée le même jour par le Président de ladite cour cantonale.
Ils invoquent respectivement le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), à
savoir plus précisément le droit de prendre connaissance des pièces du
dossier et de s'exprimer à leur égard, ainsi que le droit à l'assistance
judiciaire (art. 29 al. 3 Cst.).

Les intéressés sollicitent en outre l'octroi de l'assistance judiciaire pour
le présent recours et demandent que celui-ci soit assorti de l'effet
suspensif. Ils déposent de plus trois nouvelles pièces datées des 10
septembre, 22 septembre et 21 novembre 2003. Enfin, ils requièrent une copie
de toutes les pièces du dossier cantonal postérieures au 16 janvier 2003,
date du dernier document dont ils disposent.

C.
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer, tant sur le recours que sur la
requête d'effet suspensif. Le Conseil d'Etat propose de déclarer le recours
irrecevable et la requête d'effet suspensif sans objet.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le présent recours est dirigé contre deux actes distincts, soit un arrêt au
fond et une ordonnance sur l'assistance judiciaire. Ces actes ayant toutefois
été rendus le même jour par la même instance dans la même procédure, il
convient de statuer à leur égard par un seul arrêt.

I.  Recours contre l'arrêt au fond

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1, 185 consid. 1, 302 consid. 1;
129 II 225 consid. 1).

2.1 Compte tenu de la nature subsidiaire du recours de droit public (art. 84
al. 2 OJ), il convient d'examiner en premier lieu si le présent recours est
recevable comme recours de droit administratif. Peu importe à cet égard son
intitulé (cf. ATF 122 I 351 consid. 1a; 121 I 173 consid. 3a; 120 Ib 379
consid. 1a et les arrêts cités).

Selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le recours de droit administratif
est irrecevable en matière de police des étrangers contre le refus d'une
autorisation, à moins que ne puisse être invoquée une disposition
particulière du droit fédéral ou d'un traité, accordant le droit à la
délivrance d'une telle autorisation (ATF 128 II 145 consid. 1.1.1; 127 II 60
consid. 1a, 161 consid. 1a; 126 I 81 consid. 1a et 7a). En l'espèce, les
recourants ne peuvent se prévaloir d'aucune disposition de ce type, si bien
que le présent recours est irrecevable comme recours de droit administratif.

Lorsque le recours de droit administratif est irrecevable faute d'un droit à
l'octroi d'une autorisation de séjour, le recourant n'a pas davantage qualité
pour former un recours de droit public sur le fond au sens de l'art. 88 OJ
(ATF 122 I 267 consid. 1a et la jurisprudence citée). Il peut toutefois se
plaindre de la violation de ses droits de partie équivalant à un déni de
justice formel, à condition qu'il ne mette pas en cause, même de façon
indirecte, la décision sur le fond (ATF 129 I 217 consid. 1.4; 122 I 267
consid. 1b; 120 Ia 227 consid. 1 et les arrêts cités). En l'occurrence, les
recourants se prévalent du droit d'être entendu, au sens du droit de prendre
connaissance des pièces du dossier et de s'exprimer à leur égard, de sorte
que le recours de droit public est recevable.

2.2 Les recourants ont déposé de nouvelles pièces devant le Tribunal fédéral.
La question de leur recevabilité peut demeurer indécise, dès lors que le
recours doit de toute façon être admis.

3.
3.1 Invoquant leur droit d'être entendu, les recourants relèvent que l'arrêt
attaqué mentionne deux lettres dont ils ignoraient jusque-là l'existence,
l'une du 2 octobre 2003 de leur commune de domicile, l'autre du 12 octobre
2003 du Service cantonal de l'état civil et des étrangers. Ces pièces ne leur
ont ainsi pas été soumises - pas plus que l'écriture du Tribunal cantonal du
18 septembre 2003 ordonnant ce complément d'instruction - alors qu'elles sont
essentielles à la résolution du litige. De leur avis, le Tribunal cantonal a
dès lors violé l'art. 29 al. 2 Cst. en omettant de leur présenter ces
documents.

3.2 Le contenu du droit d'être entendu est déterminé en premier lieu par les
dispositions cantonales de procédure, dont le Tribunal fédéral ne contrôle
l'application et l'interprétation que sous l'angle de l'arbitraire; dans tous
les cas, l'autorité cantonale doit cependant respecter les garanties
minimales déduites directement de l'art. 29 al. 2 Cst. (cf. art. 4 aCst.),
dont le Tribunal fédéral examine librement le respect (ATF 126 I 15 consid.
2a; 125 I 257 consid. 3a). En l'espèce, les recourants n'invoquent aucune
disposition cantonale, de sorte que le grief soulevé doit être examiné
exclusivement à la lumière des principes déduits directement de l'art. 29 al.
2 Cst. (ATF 126 I 15 consid. 2a; 125 I 257 consid. 3a).
Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu
comprend le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier (ATF
126 I 7 consid. 2b), de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une
décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des
preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves
pertinentes et de participer à l'administration des preuves essentielles ou à
tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à
influer sur la décision à rendre (ATF 127 III 576 consid. 2c; 126 I 15
consid. 2a/aa; 124 II 132 consid. 2b et la jurisprudence citée).

Le droit d'être entendu est de nature formelle, de sorte que sa violation
entraîne en principe l'annulation de la décision entreprise sans qu'il soit
nécessaire de vérifier si, au fond, la décision apparaît justifiée (ATF 127 V
431 consid. 3d/aa p. 437; 126 V 130 consid. 2b; 122 II 464 consid. 4a; 121 I
230 consid. 2a; 120 Ib 379 consid. 3b et les références citées).

3.3 La lecture de l'arrêt attaqué et du dossier confirme les éléments
soulevés par les recourants.

Le 18 septembre 2003, le Tribunal cantonal a requis du Service de l'état
civil et des étrangers "un bref rapport complémentaire visant à établir la
situation de fait actuelle et à compléter l'instruction". Donnant suite à
cette demande par courrier du 2 octobre 2003, le Service cantonal l'a
renseigné sur la quotité des prestations sociales allouées aux recourants, en
annexant une lettre de la commune du 30 septembre 2003, elle-même assortie de
pièces attestant du déroulement des périodes d'emploi et de chômage des
époux. Toutefois, rien n'indique que le Tribunal cantonal aurait averti les
recourants du dépôt de ces pièces, ni qu'il les aurait informés avoir ordonné
un complément d'instruction.

Encore peut-on préciser que les lettres du "2 octobre 2003 de la commune" et
du "12 octobre 2003 du Service cantonal", dont les recourants indiquent avoir
découvert l'existence à la lecture du jugement attaqué, sont effectivement
expressément citées aux consid. 3b p. 10 et 4b p. 10 du jugement. Elles sont
toutefois absentes du dossier, si bien que leur mention semble résulter d'une
erreur de plume, soit d'une confusion avec l'écriture du 2 octobre 2003 du
Service cantonal.

Dans ces circonstances, il sied de retenir que les recourants n'ont pas pu
prendre connaissance de l'écriture et des pièces transmises par le Service
cantonal le 2 octobre 2003, encore moins s'exprimer à leur égard avant que le
Tribunal cantonal ne statue. Or, il est indéniable que ces documents ont
contribué à fonder le jugement attaqué, puisque celui-ci en tient
explicitement compte pour statuer sur un élément déterminant du refus de
l'autorisation de séjour, à savoir la situation financière actuelle et future
des intéressés (cf. consid. 3b p. 9 s. et 4b p. 10 du jugement). Par
conséquent, le Tribunal cantonal a clairement violé le droit d'être entendu
des recourants, de sorte que le recours doit être admis sur ce point et
l'arrêt querellé annulé.

Il appartiendra dès lors au Tribunal cantonal de porter à la connaissance des
recourants les pièces du dossier postérieures au 16 janvier 2003, en leur
donnant la possibilité de se déterminer à ce propos. La requête des
recourants visant à obtenir du Tribunal fédéral une copie de ces pièces
devient ainsi sans objet.

II. Recours contre l'ordonnance sur l'assistance judiciaire

4.
Selon la jurisprudence, la voie du recours de droit public est ouverte contre
une décision de refus d'assistance judiciaire fondée sur le droit cantonal,
lorsque le litige sur le fond ne peut faire l'objet d'un recours de droit
administratif (ATF 123 I 275 consid. 2a-2e).

En l'espèce, l'ordonnance litigieuse refusant l'assistance judiciaire repose
sur la loi valaisanne du 29 janvier 1988 sur l'assistance judiciaire et
administrative et l'arrêt au fond ne peut être attaqué par un recours de
droit administratif (cf. consid. 2.1 supra). Le recours de droit public est
ainsi recevable.

5.
Les recourants reprochent au Président de la Cour de droit public du Tribunal
cantonal d'avoir violé leur droit à l'assistance judiciaire garanti par
l'art. 29 al. 3 Cst. en refusant à tort de reconnaître tant leur indigence
que les chances de succès de leur recours, ce dernier point souffrant en
outre à leurs yeux d'une motivation insuffisante.

Conformément au consid. 3.3 supra, le jugement au fond a été annulé en raison
d'une violation du droit d'être entendu. Il convient ainsi d'annuler
également l'ordonnance rejetant la demande d'assistance judiciaire et de
renvoyer la cause au Président de la Cour de droit public du Tribunal
cantonal pour qu'il rende une nouvelle ordonnance en conséquence. Il n'est
dès lors pas nécessaire de traiter les griefs susmentionnés des recourants.

6.
Vu ce qui précède, le recours doit être admis. L'arrêt de la Cour de droit
public du Tribunal cantonal et l'ordonnance du Président de ladite cour
cantonale doivent être annulés. Le canton, qui succombe, n'a pas à supporter
d'émolument judiciaire (art. 156 al. 2 OJ), mais doit en revanche verser aux
recourants une indemnité à titre de dépens. La requête d'assistance
judiciaire au sens de l'art. 152 OJ présentée par les recourants devient
ainsi sans objet. Avec le prononcé au fond, la demande d'effet suspensif,
accordée à titre superprovisoire, devient de même sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt de la Cour de droit public du Tribunal cantonal
et l'ordonnance du Président de la Cour de droit public du Tribunal cantonal
du 24 octobre 2003 sont annulés.

2.
Il n'est pas prélevé d'émolument judiciaire.

3.
Il est mis à la charge du canton du Valais une indemnité de 1'500 fr. à
verser à titre de dépens aux recourants, solidairement entre eux.

4.
Il est constaté que la demande d'assistance judiciaire est devenue sans
objet.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, ainsi
qu'au Conseil d'Etat et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de
droit public.

Lausanne, le 29 janvier 2004

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: