Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.30/2003
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2P.30/2003 /svc

Arrêt du 2 juin 2003
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président,
Yersin et Merkli.
Greffière: Mme Kurtoglu-Jolidon.

E. ________,
recourante, représentée par Me Gisèle de Benoit, avocate, rue du Lion-d'Or 2,
case postale 2588,
1002 Lausanne,

contre

Administration cantonale des impôts
du canton de Vaud, route de Chavannes 37,
1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.

art. 29 al. 2 Cst., impôts cantonal et communal
de la période fiscale 1989-1990,

recours de droit public contre l'arrêt du
Tribunal administratif du canton de Vaud
du 20 décembre 2002.

Faits:

A.
D'après les art. 1 et 2 de ses statuts du 17 juillet 1989, E.________  est
une association au sens des art. 60 ss CC qui se consacre essentiellement à
la propagation de ses principes.

B.
Le 15 novembre 1991, à la suite d'un contrôle périodique, l'Administration
cantonale des impôts du canton de Vaud (ci-après: l'Administration cantonale
des impôts) a notamment fixé à 340'300 fr. le revenu annuel imposable de
E.________ pour l'impôt fédéral direct ainsi que pour l'impôt cantonal et
communal de la période de taxation 1989-1990.

C.
Statuant le 18 décembre 1992, l'Administration cantonale des impôts et la
Commission cantonale des personnes morales du canton de Vaud (ci-après: la
Commission cantonale) ont rejeté les réclamations de E.________, la première
en matière d'impôt fédéral direct, la seconde d'impôt cantonal et communal.

D.
Par arrêt du 10 octobre 2000, le Tribunal administratif du canton de Vaud
(ci-après: le Tribunal administratif) a rejeté les recours de E.________
contre les décisions prises le 18 décembre 1992 par l'Administration
cantonale des impôts et par la Commission cantonale. E.________ soutenait que
les recettes provenant des cotisations des membres ne devaient pas être
prises en compte pour le calcul du revenu imposable, que la dîme versée à
N.________ en Californie, en vertu d'un accord de licence et d'assistance
technique, les versements des membres pour les frais de participation aux
séminaires et autres cours auxquels ils entendaient participer et,
finalement, les frais pour la campagne de promotion de ses livres devaient
être déduits du revenu.

E.
Par arrêt du 27 août 2001, la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a
annulé l'arrêt rendu le 10 octobre 2000 par le Tribunal administratif en
raison de la composition irrégulière dudit tribunal au moment où il a rendu
son arrêt.

F.
La cause a alors été reprise par le Tribunal administratif. Il a tenu une
audience le 9 avril 2002 durant laquelle il a entendu les parties ainsi que
des témoins. Par arrêt du 20 décembre 2002, il a partiellement admis les
recours de E.________, fixant le revenu imposable pour l'impôt fédéral direct
et les impôts cantonal et communal de la période fiscale 1989-1990 à 58'800
fr.

G.
Agissant par la voie du recours de droit public, E.________ demande au
Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt rendu le
20 décembre 2002 par le Tribunal administratif et de renvoyer la cause à
l'autorité cantonale pour une nouvelle décision. Elle précise que le recours
ne porte que sur l'impôt cantonal et communal. Elle invoque la violation de
son droit d'être entendue, son droit à une décision motivée n'ayant pas été
respecté (art. 29 al. 2 Cst.). Elle demandait, entre autres choses, dans son
recours au Tribunal administratif, que les frais de la campagne de promotion
de ses livres soient admis en déduction de son revenu imposable pour les
impôts cantonal et communal de la période fiscale 1989/1990, ce sur quoi
l'arrêt attaqué ne s'est pas prononcé.

Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours. L'Administration
cantonale des impôts conclut au rejet du recours dans la mesure où il est
recevable.

H.
Par ordonnance du 6 mars 2003, le Président de la IIe Cour de droit public a
admis la demande d'effet suspensif.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 128 I 177 consid. 1 p. 179, 46 consid. 1a p. 48; 128
II 66 consid. 1 p. 67, 56 consid. 1 p. 58 et les arrêts cités).

1.1 En vertu de l'art. 89 al. 1 OJ, le recours doit être déposé devant le
Tribunal fédéral dans les trente jours dès la communication, selon le droit
cantonal, de l'arrêté ou de la décision attaqués. Conformément à l'art. 34
al. 1 let. c OJ, les délais fixés par la loi ou le juge ne courent pas du 18
décembre au 1er janvier inclusivement. En outre, lorsque la notification de
l'acte sujet à recours a lieu durant les féries judiciaires, le premier jour
suivant celles-ci n'est pas compté dans la computation du délai (cf. art. 32
al. 1 OJ; ATF 79 I 245; 122 V 60).

En l'occurrence, l'arrêt du Tribunal administratif a été rendu le 20 décembre
2002 et a été notifié à la recourante durant les féries. Le délai de recours
a donc commencé à courir le 3 janvier 2003. Le délai de recours de 30 jours
est ainsi venu à échéance le samedi 1er février 2003 et devait être reporté
au premier jour utile, soit le 3 février 2003, date à laquelle le recours a
été posté. Celui-ci a donc été déposé en temps utile.

1.2 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit
public est de nature purement cassatoire (ATF 128 III 50 consid. 1b p. 53;
126 II 377 consid. 8c p. 395; 125 II 86 consid. 5a p. 96 et la jurisprudence
citée). Dans la mesure où la recourante demande autre chose que l'annulation
de l'arrêt attaqué, soit que la cause soit renvoyée à l'autorité cantonale
pour une nouvelle décision, ses conclusions sont irrecevables.

1.3 Pour le surplus, déposé dans les formes prescrites par la loi contre une
décision finale prise en dernière instance cantonale, qui ne peut être
attaquée que par la voie du recours de droit public et qui touche la
recourante dans ses intérêts juridiquement protégés, le présent recours est
recevable au regard des art. 84 ss OJ, étant précisé que la recourante ne
s'en prend qu'aux impôts cantonal et communal de la période fiscale
1989/1990.

2.
La recourante invoque l'art. 29 al. 2 Cst., estimant que son droit à une
décision motivée a été violé. Elle considère que le Tribunal administratif
devait, dans l'arrêt qu'il a rendu, se prononcer sur la demande relative à la
déduction des frais de la campagne de promotion de ses livres.
L'Administration cantonale des impôts reconnaît que l'arrêt entrepris ne
mentionne pas la question de la déduction des frais en question. Toutefois,
selon elle, le Tribunal administratif a adhéré aux arguments développés dans
les écritures de cette administration du 5 avril et 6 octobre 1993 qui
examinaient le point en question. C'est ainsi que doit être compris l'arrêt
lorsqu'il déclare que "les décisions de taxation confirmées par les décisions
sur réclamation litigieuses doivent être corrigées dans ce sens", ce qui
impliquerait le refus de la déduction des frais de la campagne de promotion
de ses livres.

2.1 Le contenu du droit d'être entendu est déterminé en premier lieu par les
dispositions cantonales de procédure, dont le Tribunal fédéral ne contrôle
l'application et l'interprétation que sous l'angle de l'arbitraire; dans tous
les cas, l'autorité cantonale doit cependant respecter les garanties
minimales déduites directement de l'art. 29 al. 2 Cst. (art. 4 aCst.), dont
le Tribunal fédéral examine librement le respect (ATF 127 III 193 consid. 3
p. 194; 125 I 257 consid. 3a p. 259). En l'espèce, la recourante n'invoquant
pas la violation d'une disposition cantonale relative au droit d'être
entendu, les griefs soulevés doivent être examinés exclusivement à la lumière
des principes déduits directement de l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 125 I 257
consid. 3a p. 259).

2.2 Selon la jurisprudence relative à l'art. 4 aCst., qui garde toute sa
valeur pour l'art. 29 al. 2 Cst., la motivation d'une décision est suffisante
lorsque l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont
guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que
l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en
connaissance de cause. L'autorité ne doit toutefois pas se prononcer sur tous
les moyens des parties; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 126
I 97 consid. 2b p. 102/103; 125 II 369 consid. 2c p. 372; 122 IV 8 consid. 2c
p. 14/15; 121 I 54 consid. 2c p. 57 et les arrêts cités).

2.3 La recourante a soulevé quatre griefs dans son recours du 20 janvier 1993
au Tribunal administratif. Elle soutenait que les recettes provenant des
cotisations des membres ne devaient pas être prises en compte pour le calcul
du revenu imposable pour les impôts cantonal et communal de la période
1989/1990, et que la dîme versée à N.________ en Californie, en vertu d'un
accord de licence et d'assistance technique, les versements des membres pour
les frais de participation aux séminaires et autres cours auxquels ils
entendaient participer et, finalement, les frais pour la campagne de
promotion de ses livres devaient être déduits de ce revenu. L'arrêt du 10
octobre 2000 du Tribunal administratif, qui a été annulé par le Tribunal
fédéral, se prononçait sur les quatre griefs, dont les frais pour la campagne
de promotion des livres. Il en avait refusé la déduction au motif qu'aucun
élément ne permettait de les qualifier de dépenses nécessaires à
l'acquisition des recettes. Lorsque l'autorité intimée a repris la cause
après l'annulation de son arrêt, la recourante, dans son courrier du 30
janvier 2002 à ladite autorité, a mentionné à nouveau la question de la
déduction des frais en cause. Elle requérait, en effet, l'audition de
différents témoins pour "apporter tout éclaircissement jugé utile" sur, entre
autres points, le "caractère effectif des dépenses comptabilisées au titre de
"campagne livres"". En outre, d'après le procès-verbal de l'audience du 9
avril 2002, un témoin a expliqué plus précisément de quel genre de frais il
s'agissait. Toutefois, l'arrêt du 20 décembre 2002 du Tribunal administratif
ne les mentionne ni dans les faits, ni dans sa partie en droit. En effet, sur
les quatre points litigieux, l'autorité intimée n'en évoque que trois.

L'argument de l'Administration cantonale des impôts qui revient à dire que le
Tribunal administratif a adopté sa position sur le point en question paraît
erroné. Si celui-ci mentionne effectivement, dans la partie en fait de son
arrêt, "l'autorité intimée s'est déterminée en date du 5 avril 1993,
concluant au rejet du recours", puis "l'autorité intimée a pris position dans
une écriture complémentaire du 6 octobre 1993, sans modifier ses
conclusions", il n'a pas suivi l'Administration cantonale des impôts dans
toutes ses conclusions. Il a notamment admis la déduction de la dîme et des
versements faits par les membres de la recourante en anticipation de leur
participation à des cours et autres séminaires. Le Tribunal administratif a
ainsi conclu, se référant à la dîme et aux versements pour les frais de
formation dont il venait d'accepter la déduction: "Il résulte de ce qui
précède que la moyenne des excédents de recettes pour les années 1987 et 1988
s'élève à 289'046 fr., dont il convient de déduire la perte reportée de la
période précédente (230'240 fr.), ce qui fixe le revenu moyen imposable à
58'800 francs. Les décisions de taxation confirmées par les décisions sur
réclamation litigieuses doivent ainsi être corrigées dans ce sens."
L'autorité intimée parle alors uniquement des déductions qu'elle a admises.
On ne peut donc rien déduire de son silence qui peut résulter d'un oubli
aussi bien que du rejet du grief concernant la déduction des frais de
campagne pour la promotion de livres. Ce d'autant plus que le Tribunal
administratif n'a pas suivi l'Administration cantonale des impôts sur deux
des trois griefs examinés dans l'arrêt et qu'il ne mentionne ces frais de
promotion nulle part dans son arrêt, pas même dans la partie en fait.

Dans un arrêt non publié, 2A.407/1993, le Tribunal fédéral avait jugé comme
conforme au droit un jugement du Tribunal administratif relatif à l'impôt
fédéral direct qui rejetait un recours sur le fond en se référant uniquement
à la décision sur réclamation attaquée et à la décision sur réclamation
relative à l'impôt cantonal et en en approuvant implicitement la motivation.
Toutefois, dans ce cas, la recourante n'avait pas soulevé d'autres moyens au
fond que la péremption et la prescription. Il en va différemment dans la
présente cause, puisque la recourante a soulevé des moyens relatifs à la
détermination du revenu imposable. En se prononçant seulement sur trois des
quatre griefs soulevés dans le recours, l'autorité intimée a violé l'art. 29
al. 2 Cst.

2.4 Le Tribunal fédéral admet à certaines conditions la possibilité de
réparer après coup une violation du droit d'être entendu, en particulier
lorsque la décision entachée est couverte par une nouvelle décision qu'une
autorité supérieure - jouissant d'un pouvoir d'examen au moins aussi étendu -
a prononcée après avoir donné à la partie lésée la possibilité d'exercer
effectivement son droit d'être entendu (ATF 124 II 132 consid. 2d p. 138; 118
Ib 111 consid. 4b p. 120/121; 116 Ia 94 consid. 2 p. 95). Le Tribunal fédéral
examine librement l'interprétation du droit constitutionnel; en revanche, il
ne vérifie l'application des règles de rang inférieur à la constitution
cantonale que sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 122 I 279 consid.
8c p. 291; 120 Ia 203 consid. 2a p. 204 et la jurisprudence citée). Le
tribunal de céans ne jouissant pas d'un pouvoir d'examen en fait et en droit
aussi étendu que celui du Tribunal administratif (cf. art. 201 de la loi
vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux, entrée en
vigueur le 1er janvier 2001), la violation du droit d'être entendu ne peut
pas être guérie dans la présente procédure. Il y a lieu, par conséquent,
d'annuler l'arrêt attaqué.

3.
Vu ce qui précède, le recours doit être admis dans la mesure où il est
recevable. L'arrêt entrepris doit être annulé en tant qu'il concerne l'impôt
cantonal et communal et les frais de justice. Succombant, le canton de Vaud,
dont l'intérêt pécuniaire est en cause, doit supporter les frais judiciaires
(art. 156 al. 2, 153 et 153a OJ). Obtenant gain de cause, E.________ a droit
à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable.

2.
L'arrêt rendu le 20 décembre 2002 par le Tribunal administratif du canton de
Vaud est annulé en ce qui concerne les impôts cantonal et communal de la
période fiscale 1989/1990 et les frais de justice.

3.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du canton de Vaud.

4.
Le canton de Vaud versera une indemnité de 1'500 fr. à la recourante à titre
de dépens.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire de la recourante, à
l'Administration cantonale des impôts et au Tribunal administratif du canton
de Vaud.

Lausanne, le 2 juin 2003

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: