Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.282/2003
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2P.282/2003 /svc

Arrêt du 6 février 2004
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Wurzburger, Président,
Betschart et Meylan, Juge suppléant.
Greffier: M. Vianin.

R. ________, recourant,
représenté par Me Marino Montini, avocat,

contre

Conseil communal de T.________, représenté par
Me François Bohnet, avocat,

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel,
case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1.

art. 9 Cst. (licenciement),

recours de droit public contre l'arrêt du
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel
du 7 octobre 2003.

Faits:

A.
R. ________ a été engagé par la commune de T.________ en qualité de chef
cantonnier à la fin 1994. Il est entré en fonction le 1er janvier 1995 et sa
nomination a été confirmée le 24 janvier 1996. Il a bénéficié d'une
augmentation de traitement avec effet au 1er janvier 1999, dès lors qu'il
accomplissait ses tâches à l'entière satisfaction de son employeur.

En avril 2003, la commune de T.______ a été informée par un tiers de la
présence dans une forêt privée dont il était propriétaire d'un véhicule du
Service des travaux publics, à raison d'une à deux heures en matinée, une à
deux fois par semaine et cela depuis deux ou trois ans. R.________ a reconnu
les faits, mais il a fait valoir que les heures en question, consacrées à des
occupations d'ordre privé, avaient été compensées par des périodes
quotidiennes de trois quarts d'heure à une heure accomplies en fin de
journée, en dehors de l'horaire de travail.

Par décision du 26 mai 2003, le Conseil communal de T.________ a prononcé le
renvoi avec effet immédiat de R.________ de son poste de chef cantonnier. Il
a considéré que celui-ci avait violé de manière grave et répétée ses devoirs
de fonction, de sorte que le lien de confiance avec lui se trouvait
irrémédiablement rompu.

B.
R.________ a déféré cette décision au Tribunal administratif du canton de
Neuchâtel qui, par arrêt du 7 octobre 2003, a rejeté le recours. L'autorité
cantonale a considéré que le recourant devait respecter un horaire de travail
précis et ne pouvait ainsi prétendre qu'il était libre de gérer son temps
comme bon lui semblait. A supposer qu'il ait travaillé en dehors de ces
heures, cela ne le dispensait pas de se plier à l'horaire en question ou, à
tout le moins, d'annoncer ses absences et de les justifier. Par ailleurs, les
absences qui lui étaient reprochées avaient été régulières et avaient duré
plus de deux ans. Dans ces circonstances, il était « logique » que la
relation de confiance fût rompue; or, celle-ci avait d'autant plus
d'importance que le recourant, en tant que chef du Service des travaux
publics, avait six personnes sous ses ordres. Le Conseil communal n'avait
donc nullement outrepassé son pouvoir d'appréciation en considérant qu'il
s'agissait là de manquements graves justifiant un renvoi avec effet immédiat
sans avertissement préalable, de sorte que sa décision était exempte
d'arbitraire.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, R.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué, sous suite de frais et dépens. Il
se plaint d'une violation de l'art. 9 Cst.

Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours en renvoyant à son
arrêt. Le Conseil communal de T.________ conclut, sous suite de frais et
dépens, principalement à l'irrecevabilité du recours et subsidiairement à son
rejet.

D.
Par courrier du 12 janvier 2004, la Caisse cantonale neuchâteloise
d'assurance-chômage a exposé qu'elle avait versé des indemnités à R.________
sur la base de l'art. 29 de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur
l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (LACI;
RS 837.0). Elle a demandé au Tribunal fédéral, pour le cas où celui-ci
condamnerait la commune de T.________ à verser des salaires au recourant, de
tenir compte dans le dispositif de son arrêt de la subrogation en sa faveur.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 129 II 453 consid. 2 p. 456; 129 I 173 consid. 1 p.
174 et la jurisprudence citée).

1.1 Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance cantonale, qui ne peut être attaquée que par la voie du recours de
droit public, le présent recours satisfait aux conditions de recevabilité des
art. 84, 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.

1.2 En tant qu'il met fin au statut de fonctionnaire conféré au recourant par
sa nomination au poste de cantonnier chef de la commune de T.________,
l'arrêt attaqué affecte celui-ci dans ses intérêts juridiquement protégés au
sens de l'art. 88 OJ; partant, le recourant a qualité pour former le présent
recours de droit public.

1.3 En vertu de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit, à peine
d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou
des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation.
Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a
donc pas à vérifier de lui-même si l'arrêt entrepris est en tous points
conforme au droit et à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre
constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours. Le
recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer
aux actes cantonaux (ATF 129 III 626 consid. 4 p. 629; 129 I 113 consid. 2.1
p. 120, 185 consid. 1.6 p. 189). En outre, dans un recours pour arbitraire
fondé sur l'art. 9 Cst. (cf. art. 4 aCst.), l'intéressé ne peut se contenter
de critiquer l'arrêt attaqué comme il le ferait dans une procédure d'appel où
l'autorité supérieure peut revoir librement l'application du droit. Il doit
préciser en quoi cet arrêt serait arbitraire, ne reposerait sur aucun motif
sérieux et objectif, apparaîtrait insoutenable ou heurterait gravement le
sens de la justice (ATF 128 I 295 consid. 7a p. 312; 125 I 492 consid. 1b p.
495 et la jurisprudence citée).

Le Conseil communal de T.________ soutient précisément que le recourant se
borne à opposer sa propre version des faits à celle retenue par l'autorité
intimée, de sorte que le recours serait irrecevable faute de satisfaire aux
exigences de motivation susmentionnées.

Il est en effet douteux que le recours, exclusivement formé pour arbitraire,
satisfasse aux exigences accrues en matière de motivation propres à ce type
de moyen de droit. La question souffre toutefois de demeurer indécise, vu le
sort qui doit de toute manière lui être réservé.

1.4 Le courrier que la Caisse cantonale neuchâteloise d'assurance-chômage a
adressé au Tribunal fédéral le 12 janvier 2004 ne saurait être interprété
dans le sens d'une requête tendant à pouvoir se déterminer sur le recours,
conformément à l'art. 93 al. 1 OJ. Il n'y a pas non plus lieu d'impartir
d'office à cette autorité un délai pour déposer une détermination, car, au vu
de la nature cassatoire du recours de droit public, même s'il admettait le
recours, le Tribunal fédéral ne pourrait se prononcer sur le droit au salaire
du recourant.

2.
2.1 L'autorité intimée a considéré que le recourant avait la qualité de
fonctionnaire communal et était ainsi soumis, outre aux dispositions du
cahier des charges, à la loi neuchâteloise du 28 juin 1995 sur le statut de
la fonction publique (RS/NE 152.510; ci-après: LSt), applicable par analogie.
Cela n'est pas contesté par le recourant.
L'art. 45 al. 1 LSt dispose que « si des raisons d'inaptitude, de prestations
insuffisantes, de manquements graves ou répétés aux devoirs de service ou
d'autres raisons graves ne permettent plus la poursuite des rapports de
service, l'autorité qui a nommé peut ordonner le renvoi d'un titulaire de
fonction publique ». Si l'autorité de nomination estime que la poursuite des
rapports de service n'est pas possible, elle « prononce le renvoi du
titulaire de fonction publique et lui notifie la décision moyennant un
préavis de trois mois pour la fin d'un mois » (art. 48 al. 2 LSt). Toutefois,
« en cas de violation grave des devoirs de service, l'autorité de nomination
peut procéder au renvoi du titulaire de fonction publique avec effet
immédiat, cas échéant sans avertissement préalable » (art. 48 al. 3 LSt).

L'autorité intimée a considéré que l'hypothèse visée par l'art. 48 al. 3 LSt
était réalisée lorsque l'autorité de nomination pouvait, sans excéder les
bornes de son pouvoir d'appréciation, admettre que les violations des devoirs
commises avaient entraîné la rupture du lien de confiance entre elle et son
agent.

Le recourant ne soutient pas qu'une telle interprétation de l'art. 48 al. 3
LSt serait arbitraire. Il se limite bien plutôt à contester la gravité des
faits qui lui sont reprochés.

2.2 Le recourant fait valoir que c'est « en pleine contradiction avec le
dossier » que l'autorité intimée a retenu qu'il était soumis à un horaire de
travail précis et n'avait aucune latitude de s'absenter comme il l'a fait.

L'autorité intimée s'est fondée notamment sur un document de la commune de
T.________ intitulé « Horaire travaux publics » et qui fixe un horaire
journalier précis. Le document ne mentionne certes pas que l'horaire soit
contraignant aussi pour le chef du Service des travaux publics, mais le
contraire n'est pas mentionné non plus et il n'est assurément pas arbitraire
d'interpréter ce silence dans le sens où le chef de ce service est lui-même
astreint à l'horaire en question.
Par ailleurs, le recourant se prévaut vainement du fait que l'annonce de mise
au concours du poste de chef cantonnier, en 1994, posait comme exigence que
le candidat fût capable de s'adapter à un horaire irrégulier: ce passage ne
pouvait raisonnablement s'entendre que dans le sens où les besoins du service
pouvaient, selon les cas, exiger la fourniture de travail en dehors des
heures normales; il est spécieux d'en déduire, comme le fait le recourant,
qu'il disposait « d'une certaine liberté à cet égard ». De même, le recourant
ne saurait tirer argument du fait que la commune de T.________ ne lui a «
jamais fait le grief d'oeuvrer avant et après l'horaire de référence ni
durant la nuit et le week-end lorsque cela était nécessaire pour assurer les
impératifs » du Service des travaux publics pour affirmer qu'elle avait ainsi
« à tout le moins toléré, durant ces neuf ans d'activité une liberté dans
l'organisation personnelle du travail du recourant ».

Dès lors que l'autorité intimée pouvait ainsi admettre sans arbitraire que le
recourant était astreint à des heures de travail précises, elle pouvait, sans
encourir davantage ce grief, en déduire que le recourant était tenu
d'annoncer préalablement ses absences pour des raisons étrangères au service.

Dans ces conditions, il n'était pas davantage arbitraire d'admettre que la
commune de T.________ pouvait, sans excéder les limites de son pouvoir
d'appréciation, considérer que le rapport de confiance avait été rompu par
les agissements du recourant, consistant à dissimuler sur une période de plus
de deux ans des absences régulières et importantes. Il n'en va pas
différemment même à supposer que lesdites absences aient été entièrement
compensées, ce qui est au reste loin d'être établi. Partant, l'autorité
intimée n'est pas tombée dans l'arbitraire en confirmant la décision de
renvoi avec effet immédiat.

3.
Vu ce qui précède, le recours apparaît manifestement mal fondé et doit être
rejeté dans la mesure où il est recevable, en suivant la procédure simplifiée
de l'art. 36a OJ. Succombant, le recourant doit supporter les frais
judiciaires et n'a pas droit à des dépens (art. 156 al. 1 OJ, 159 al. 1 OJ a
contrario).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 6 février 2004

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: