Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2P.157/2003
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2P.157/2003 /svc

Séance du 17 décembre 2004
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Wurzburger, Président, Betschart, Hungerbühler, Müller
et Yersin.
Greffière: Mme Revey.

La société A.________ Sàrl,
recourante,
représentée par Me Olivier Jornot, avocat,
Etude Alves de Souza, Houman & Collart,

contre

Ville de Genève, Département des finances
et de l'administration générale, rue du Grand-Pré, case postale 2495, 1211
Genève 2,
représentée par Me Saverio Lembo, avocat,
Etude Bär & Karrer,
Tribunal administratif du canton de Genève,
rue du Mont-Blanc 18, case postale 1956,
1211 Genève 1.

art. 9 et 29 al. 2 Cst. (adjudication),

recours de droit public contre l'arrêt du
Tribunal administratif du canton de Genève
du 29 avril 2003.

Faits:

A.
Les sociétés A.________ Sàrl, à X.________ (ci-après: A.________), et
B.________ SA, à Y.________ (ci-après: B.________), se sont réunies en
consortium (ci-après: le Consortium) pour présenter une soumission commune
dans le cadre d'un appel d'offres public lancé par la Ville de Genève. Soumis
à la procédure sélective, le marché portait sur l'acquisition de licences
d'utilisation d'un progiciel financier et sur les prestations nécessaires à
son implémentation. Après avoir passé avec succès la procédure de
présélection aux côtés de deux autres candidats, le Consortium a déposé son
offre proprement dite le 24 septembre 2002, en y joignant une lettre
d'accompagnement contenant les lignes suivantes:
«(...) D'autre part et comme vous l'avez demandé, vous serez en liaison avec
un chef de file unique, en l'occurrence B.________, qui sera votre
interlocuteur unique pour tout le projet et en assumera l'entière
responsabilité contractuelle. De plus, il s'engage à mobiliser les ressources
les plus pertinentes en provenance soit de A.________ soit de B.________, et
ceci de manière transparente pour la Ville de Genève. (...)»
Après l'ouverture des offres, le 25 septembre 2002, et l'audition des
soumissionnaires, la Ville de Genève a prononcé la décision d'adjudication le
22 octobre 2002. Le choix ne s'est pas porté sur le Consortium, mais sur l'un
des deux autres candidats.
Le 24 octobre 2002, la Ville de Genève a communiqué au Consortium une
décision l'informant que son offre n'avait pas été retenue et qu'il disposait
d'un délai de dix jours, dès réception de la décision, pour recourir auprès
du Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal
administratif). Cette décision a été notifiée par courrier séparé, adressé à
leur nom, à chacune des deux sociétés composant le Consortium.

B.
Le 28 octobre 2002, B.________ a fait parvenir au pouvoir adjudicateur un
courrier, dans lequel, «tout en respectant» la décision d'adjudication, elle
exprimait le désir de «connaître plus de détails sur les points négatifs»
concernant la soumission qu'elle avait déposée en commun avec A.________; à
cette fin, elle sollicitait la possibilité de consulter le tableau comparatif
des offres et d'obtenir un rendez-vous.
Estimant, pour sa part, que le marché n'avait pas été adjugé conformément aux
principes et aux règles applicables en matière de marchés publics, A.________
a recouru le 4 novembre 2002 contre la décision d'adjudication. Sous suite de
frais et dépens, elle a conclu, à titre principal, à l'annulation de cette
décision et au renvoi de la cause à la Ville de Genève pour nouvelle
adjudication et, subsidiairement, à la constatation du caractère illicite de
cette décision et à la condamnation de la Ville de Genève à lui payer 350'000
fr. «au moins» à titre de dommages et intérêts pour les dépenses qu'elle
avait engagées pour établir la soumission. Ayant appris que la Ville de
Genève avait déjà signé, le 7 novembre précédent, le contrat avec
l'adjudicataire, A.________ a abandonné sa conclusion principale. De son
côté, la Ville de Genève a conclu à l'irrecevabilité du recours, au motif que
A.________ n'avait pas la qualité pour recourir au sens de l'art. 60 de la
loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative (ci-après:
LPA/GE ou loi sur la procédure administrative), faute de procéder
conjointement avec B.________ avec laquelle elle s'était constituée en
consortium pour déposer son offre. A cette argumentation, A.________ a
objecté qu'elle était en mesure d'honorer seule le marché en cas d'admission
de son recours et que, de toute façon, dans la mesure où l'objet de la
contestation se limitait à faire constater le caractère illicite de la
procédure d'adjudication en vue d'obtenir la réparation de son dommage
personnel, elle pouvait agir seule.
Par arrêt du 29 avril 2003, le Tribunal administratif a déclaré irrecevable
le recours dont il était saisi, motif pris de l'absence de qualité pour
recourir de A.________.

C.
A.________ forme recours de droit public et demande au Tribunal fédéral
d'annuler, sous suite de frais et dépens, l'arrêt précité du Tribunal
administratif. Invoquant l'art. 9 Cst., elle se plaint d'arbitraire dans
l'application de l'art. 60 lettres a et b LPA/GE (relatif à la qualité pour
recourir) et de violation du principe de la protection de la bonne foi mis en
relation avec l'art. 46 al. 1 LPA/GE (relatif au contenu des décisions
administratives). Elle fait également valoir que son droit d'être entendue
(29 al. 2 Cst.) a été violé, car le Tribunal administratif n'a pas tenu
compte des objections qu'elle avait opposées aux arguments de la Ville de
Genève tendant à faire admettre qu'elle n'avait pas la qualité pour recourir.
La Ville de Genève conclut au rejet du recours avec suite de frais et dépens,
tandis que le Tribunal administratif renonce à se déterminer.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 130 II 65 consid. 1, 388 consid. 1 et les
références).

1.1 Formé pour violation des droits constitutionnels (art. 84 al. 1 lettre a
OJ), le présent recours de droit public n'est recevable, en principe, qu'à
l'encontre des décisions prises en dernière instance cantonale qui revêtent
un caractère final (cf. art. 86 al. 1 et 87 OJ). Tel est bien le cas de la
décision attaquée (cf. art. 3 de la loi genevoise du 12 juin 1997 autorisant
le Conseil d'Etat à adhérer à l'Accord intercantonal sur les marchés publics
[ci-après: la loi cantonale sur les marchés publics], en relation avec l'art.
15 de cet accord, conclu le 25 novembre 1994 [AIMPu; RS 172.056.4]).

1.2 En vertu de l'art. 88 OJ, le recours de droit public exige, en principe,
un intérêt juridique actuel et pratique à l'annulation de la décision
attaquée, respectivement à l'examen des griefs soulevés. L'intérêt au recours
doit encore exister au moment où statue le Tribunal fédéral, lequel se
prononce sur des questions concrètes et non théoriques (ATF 127 III 41
consid. 2b p. 42; 125 I 394 consid. 4a p. 397; 125 II 86 consid. 5b p. 97 et
les références citées). Cette exigence vaut aussi lorsqu'est invoqué, comme
en l'espèce, un déni de justice formel: en ce cas, le recourant doit au moins
justifier d'un intérêt actuel à ce que son grief (formel) soit examiné; cet
intérêt s'apprécie en fonction des effets et de la portée d'une éventuelle
admission du recours (cf. ATF 118 Ia 488 consid. 2a p. 492). En l'espèce,
A.________ a incontestablement intérêt à ce que l'autorité intimée entre en
matière sur son recours, car même si le pouvoir adjudicateur a déjà conclu le
contrat avec l'adjudicataire, elle dispose encore d'un intérêt juridiquement
protégé à faire constater l'illicéité de la décision d'adjudication afin de
pouvoir, le cas échéant, agir en dommages-intérêts contre l'adjudicateur (cf.
ATF 125 II 86 consid. 5b p. 97).

1.3 Pour le surplus, déposé en temps utile dans les formes prescrites par la
loi, le recours est recevable (cf. art. 89 et 90 OJ), sous réserve que les
griefs soulevés répondent aux exigences de motivation découlant de l'art. 90
al. 1 lettre b OJ.

2.
En vertu de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit, à peine
d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou
des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation.
Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a
donc pas à vérifier de lui-même si l'arrêt entrepris est en tous points
conforme au droit et à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre
constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours. Le
recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer
aux actes cantonaux (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31; 129 III 626 consid. 4 p.
629 et les arrêts cités). Dans un recours pour arbitraire fondé sur l'art. 9
Cst., le recourant ne peut se limiter à critiquer l'arrêt attaqué comme il le
ferait dans une procédure d'appel où l'autorité de recours peut revoir
librement l'application du droit. Il doit préciser en quoi cet arrêt serait
arbitraire, ne reposerait sur aucun motif sérieux et objectif, apparaîtrait
insoutenable ou heurterait gravement le sens de la justice (ATF 128 I 295
consid. 7a p. 312; 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités).
Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situation de
fait, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté, ou lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la
justice et de l'équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la
solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle
apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation
effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain.
De plus, il ne suffit pas que les motifs de l'arrêt attaqué soient
insoutenables; il faut encore que ce dernier soit arbitraire dans son
résultat. Il n'y a en outre pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution
que celle de l'autorité intimée paraît concevable, voire préférable (cf. ATF
129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 173 consid. 3.1 p. 178; 128 I 273 consid. 2.1 p.
275 et les références citées).

3.
La recourante reproche au Tribunal administratif de n'avoir pas cherché à
vérifier si, comme elle l'avait prétendu en procédure cantonale, en cas
d'admission de son recours et d'adjudication du marché, elle disposait du
personnel et du savoir-faire requis pour mener à chef seule le mandat mis en
soumission, sans l'aide de B.________. Elle se plaint d'une violation de son
droit d'être entendue tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2 Cst.
Cette garantie constitutionnelle comprend effectivement le droit pour le
justiciable d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves (cf. ATF
127 I 54 consid. 2b p. 56; 127 III 576 consid. 2c p. 578). Le juge peut
cependant renoncer à l'administration de certaines preuves, notamment lorsque
les faits dont les parties veulent rapporter l'authenticité ne sont pas
importants pour la solution du litige. Ce refus d'instruire ne viole leur
droit d'être entendues que si l'appréciation anticipée de la pertinence du
moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée
d'arbitraire (cf. ATF 130 I 425 consid. 2.1 p. 428; 125 I 127 consid. 6c/cc
in fine p. 135, 417 consid. 7b p. 430; 124 I 208 consid. 4a p. 211 et les
arrêts cités).
En l'espèce, du moment que, au stade de la procédure cantonale, le contrat
avait déjà été conclu entre une société tierce et l'adjudicateur, le marché
ne pouvait plus être attribué à A.________. Les premiers juges pouvaient
donc, sans arbitraire, considérer que le fait allégué, soit la possibilité
pour cette dernière d'exécuter seule le marché litigieux en cas d'admission
du recours, n'était pas un élément décisif pour apprécier sa qualité pour
recourir et n'avait, par conséquent, pas à être instruit. Au surplus, ce fait
était destiné à étayer un argument qui, ainsi qu'on le verra, n'est
juridiquement pas fondé (cf. consid. 5.7 infra).
Le grief tiré de la violation du droit d'être entendu est ainsi mal fondé.

4.
La recourante soutient également qu'en vertu du droit à la protection de la
bonne foi, inscrit à l'art. 9 Cst., le justiciable qui se fie à une
indication erronée des voies de droit ne doit en subir aucun préjudice. Cette
assertion est exacte (cf. ATF 124 I 255 consid. 1a/aa p. 258). On ne discerne
cependant pas, en l'espèce, l'erreur qu'aurait commise la Ville de Genève en
indiquant à A.________ qu'elle pouvait recourir contre la décision
d'adjudication dans un délai de 10 jours dès sa notification. Cette
indication apparaît au contraire conforme à ce que prévoit l'art. 46 al. 1
LPA/GE.
Certes, la précision que le recours devait être exercé conjointement avec
B.________ est absente de la décision. Elle n'avait cependant pas à y
figurer, car il appartient au destinataire d'une telle décision de
déterminer, à la lumière de la loi et de la jurisprudence, si et dans quelle
mesure il a la qualité (la légitimation) pour la contester devant l'autorité
de recours (cf. arrêt 2P.176/2003 du 6 février 2004 consid. 3.1) et,
notamment, s'il peut recourir seul et en son propre nom ou s'il doit le faire
conjointement avec les autres membres du consortium auquel il appartient ou,
du moins, au nom de ceux-ci. A.________ était d'autant plus tenue d'examiner
avec soin ce problème qu'elle n'ignorait rien des difficultés de
représentation qui pouvaient survenir, ayant cosigné la lettre du 24
septembre 2002, jointe à la soumission, par laquelle B.________ était
désignée comme «le chef de file unique» et «l'interlocuteur unique pour tout
le projet».

Quoi qu'il en soit, la recourante ne prétend pas - et a fortiori n'établit
pas - que, si le Tribunal administratif lui avait donné l'occasion de réparer
le vice de procédure prétendument causé par une mauvaise indication des voies
de droit, B.________ se serait jointe à son recours ou lui aurait donné le
pouvoir de la représenter. Du reste, comme l'a constaté le Tribunal
administratif, cette dernière a expressément indiqué qu'elle entendait
respecter la décision d'adjudication (cf. son courriel du 28 octobre 2002).

Le grief s'avère donc également mal fondé.

5.
Dans un dernier moyen, la recourante fait valoir que le Tribunal
administratif lui a dénié de manière arbitraire la qualité pour recourir.

5.1 Notion fondamentale de la procédure contentieuse, la qualité pour
recourir ne fait pas l'objet d'une réglementation particulière dans l'Accord
intercantonal sur les marchés publics, mais relève du droit cantonal de
procédure. Aussi bien le Tribunal fédéral ne peut revoir l'interprétation de
cette notion que sous l'angle restreint de l'arbitraire, à moins que ne soit
en jeu sa conformité avec les principes et les règles applicables en matière
de marchés publics (cf. arrêt 2P.261/2002 du 8 août 2003 consid. 4.1 et 4.2,
résumé in: DC 4/2003, p. 158 ad S58); en cette dernière éventualité, le
Tribunal fédéral peut, en principe, examiner librement l'interprétation et
l'application des dispositions concordataires faites par les autorités
cantonales (cf. ATF 125 II 86 consid. 6 p. 98 in initio et les références).

5.2 Conformément à l'art. 3 al. 4 de la loi cantonale sur les marchés
publics, la procédure en matière de marchés publics est réglée, dans le
canton de Genève, dans la loi sur la procédure administrative, dont l'art. 60
a la teneur suivante:
«Ont qualité pour recourir:
a) les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée;
b) toute personne qui est touchée directement par une décision et a un
intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée;
(...).»
5.3 Selon le Tribunal administratif, les lettres a et b de l'art. 60 al. 1
LPA/GE doivent se lire en parallèle, en ce sens que la seule qualité de
partie à la procédure ayant abouti à la décision attaquée n'est pas
suffisante pour conférer la qualité pour recourir; il faut encore que la
partie concernée soit touchée directement par la décision attaquée et qu'elle
ait un intérêt personnel digne de protection à ce que cette décision soit
annulée ou modifiée. A cet égard, les premiers juges relèvent que l'art. 60
lettre b LPA/GE a la même portée que l'art. 103 lettre a OJ. Citant un arrêt
rendu sur la base de cette disposition du droit fédéral (ATF 111 Ib 159), ils
exposent que, pour être recevable à recourir, un justiciable doit être touché
dans une mesure et avec une intensité plus grande que quiconque, de façon
spéciale et directe, et avoir un intérêt étroitement lié à l'objet du litige.
A la lumière de ces principes, le Tribunal administratif a dénié la qualité
pour recourir à A.________, au motif que le consortium qu'elle formait avec
B.________, bien que dépourvu de la personnalité juridique en sa qualité de
société simple au sens des art. 530 ss CO, n'en créait pas moins «un rapport
de consorité nécessaire entre les associés au point que les consorts ne
peuvent agir ou être actionnés qu'ensemble» (arrêt attaqué, consid. 3). Or,
constatent les premiers juges, B.________ a expressément déclaré à la Ville
de Genève qu'elle acceptait la décision d'adjudication, tandis que, de son
côté, A.________ n'a nullement prétendu agir au nom et pour le compte de son
associée, mais a, au contraire, procédé seule, en son propre nom, sans même
faire référence au consortium qu'elle formait avec cette dernière.

5.4 D'après la recourante, la référence des premiers juges à la notion de
consorité nécessaire est «sans pertinence» et donc arbitraire, car cette
notion n'est connue qu'en procédure civile.
Il est vrai que la notion n'existe pas, à proprement parler, en procédure
administrative. Il n'empêche que les principes qui la fondent jouent
également, dans une certaine mesure, un rôle dans cette matière, notamment
sous l'angle de la qualité pour recourir (cf. Benoît Bovay, Procédure
administrative, Berne 2000, p. 138 ss; Alfred Kölz/Isabelle Häner,
Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, Zurich 1998, n°
533; voir aussi ATF 116 Ib 447 consid. 2 p. 449 ss; 119 Ib 56 consid. 1a p.
58).
En particulier, il est généralement admis, en matière de marchés publics, que
les membres d'un consortium, propriétaires en main commune des créances de la
société envers les tiers (art. 544 al. 1 CO), sont touchés non pas
individuellement par une décision de non-adjudication, mais uniquement en
leur qualité d'associés. Aussi bien, le droit de recourir contre une telle
décision afin d'obtenir le marché ne leur appartient qu'en commun et doit
être exercé conjointement, à l'instar de consorts nécessaires dans un procès
civil (cf. Denis Esseiva, in: DC 4/1999, p. 149 ad S52, DC 4/2000, p. 127 ad
S37 et DC 4/2001, p. 161 ad S52; Peter Galli/André Moser/Elisabeth Lang,
Praxis des öffentlichen Beschaffungsrechts: eine systematische Darstellung
der Rechtsprechung des Bundes und der Kantone, Zurich 2003, n° 640 p. 330 s.;
Vincent Carron/Jacques Fournier, La protection juridique dans la passation
des marchés publics, Fribourg 2002, p. 65 s.; Jean-Baptiste Zufferey/Corinne
Maillard/Nicolas Michel, Droit des marchés publics, Présentation générale,
éléments choisis et code annoté, Fribourg 2002, p. 135). Rien n'empêche
cependant les membres d'un consortium, conformément aux règles de la
représentation (cf. art 543 al. 2 CO), de donner une procuration à l'un
d'entre eux pour agir seul, au nom et pour le compte de tous (Esseiva, DC
4/2000 p. 127 ad S37). Contrairement à ce que laisse entendre l'auteur
précité (Esseiva, DC 4/1999, p. 149 ad S52), cette faculté n'a pas valeur
d'exception, mais n'est qu'une conséquence de la règle voulant que les
associés doivent entreprendre conjointement une décision d'adjudication.

5.5 Pour l'essentiel, la recourante cherche à démontrer que cette règle n'est
pas absolue mais souffre d'exceptions, en se référant à la jurisprudence de
la Commission suisse de recours en matière de marchés publics (ci-après: la
Commission), ainsi qu'à un avis de doctrine (Zufferey/Maillard/Michel, op.
cit., p. 135) qui refléterait la jurisprudence du Tribunal fédéral.

5.6 Il est exact que la Commission estime qu'un soumissionnaire peut recourir
seul contre une décision d'adjudication rejetant l'offre du consortium dont
il est partie, motif pris qu'il a un intérêt digne de protection à obtenir
l'annulation ou la modification de cette décision afin de sauvegarder les
droits et les intérêts de la société simple, et que son recours, s'il est
admis, bénéficie directement à tous les autres membres du consortium
(décision du 16 août 1999 consid. 1b, publiée in: JAAC 2000 II 392, confirmée
en dernier lieu par décision du 8 janvier 2004 consid. 1e/bb, publiée in:
JAAC 2004 III 834. Ce point de vue semble s'inspirer de la doctrine et de la
jurisprudence qui reconnaissent aux membres d'une hoirie la qualité pour agir
seuls contre des mesures imposant des charges ou créant des obligations à
l'égard de la communauté. Une décision d'adjudication n'entraîne cependant
aucune conséquence de cet ordre pour le consortium évincé; elle lui donne au
contraire un avantage, consistant dans l'obtention de l'adjudication ou dans
le droit de participer à la suite de la procédure sélective (cf. Esseiva, in:
DC 4/2000, p. 127 ad S37; arrêt du Tribunal administratif zurichois du 1er
février 2000 consid. 3c, publié in: BEZ 2000 p. 22, lequel relève encore la
nature "indivisible" de cette prestation). Il ne se justifie donc pas de
transposer en droit cantonal la jurisprudence de la Commission. Du moins les
premiers juges pouvaient-ils sans arbitraire s'en écarter.
Dans ses décisions précitées au reste, la Commission réserve le cas où un ou
plusieurs associés auraient quitté le consortium, auraient expressément
approuvé la décision d'adjudication litigieuse et se seraient à ce point
distancés du recourant qu'ils auraient ainsi manifesté ne plus avoir
l'intention d'exécuter le marché en consortium si celui-ci devait leur être
attribué à l'issue du recours. De l'avis de la Commission en effet, une
admission du recours reviendrait alors à adjuger le marché à un nouveau
soumissionnaire, différent de celui ayant pris part à la procédure de
passation par le dépôt d'une offre. Dans son résultat, la pratique de la
Commission n'est donc pas si éloignée de la solution choisie par le Tribunal
administratif (cf. Robert Wolf, Die Beschwerde gegen Vergabeentscheide - Eine
Übersicht über die Rechtsprechung zu den neuen Rechtsmitteln, in: ZBl
104/2003 p. 1 ss, spéc. p. 16).

5.7 Contrairement à l'opinion exprimée par la doctrine (Zufferey/
Maillard/Michel, op. cit., p. 135) à laquelle la recourante se réfère en
croyant qu'elle reproduit la jurisprudence du Tribunal fédéral (alors qu'il
s'agit de celle de la Commission; cf. sa décision du 1er septembre 2000
consid. 1b/cc, publiée in: JAAC 2001 III 825), un soumissionnaire ayant
déposé une offre commune ne doit pas être admis à recourir seul et en son
propre nom sous prétexte qu'il pourrait accomplir le marché sans le concours
de ses associés. Comme les auteurs précités en conviennent (op. cit., p.
113), une modification de la composition d'un consortium s'apparente en effet
à un changement essentiel de la soumission qui n'est, en principe, plus
admissible après le délai imparti pour déposer les offres (cf.
Carron/Fournier, op. cit., p. 66; voir aussi la décision précitée de la
Commission du 16 août 1999 et l'arrêt du Tribunal cantonal valaisan du 9
juillet 1998, publié in: RVJ 1999 p. 83). Il n'est certes pas exclu que des
circonstances tout à fait exceptionnelles puissent, au regard notamment du
principe de la proportionnalité, justifier une autre solution dans certains
cas, par exemple si une entreprise soumissionnaire ne jouant qu'un rôle
marginal au sein d'un grand consortium n'est, pour une raison ou une autre,
plus en mesure d'exécuter le mandat ou se retire du consortium (dans ce sens,
cf. Zufferey/Maillard/Michel, op. cit., p. 113). La recourante n'a toutefois
invoqué aucune circonstance de cette nature; au demeurant, aussi bien la
taille réduite du Consortium que le rôle important dévolu à B.________ («chef
de file unique» et «interlocuteur unique pour tout le projet») excluent
d'envisager une telle hypothèse qui n'a dès lors pas à être examinée plus
avant ici.

5.8 En résumé, aussi longtemps que le contrat entre le pouvoir adjudicateur
et l'adjudicataire n'est pas conclu, les membres d'un consortium sont tenus
d'entreprendre de manière conjointe une décision d'adjudication qui leur est
défavorable, car ils ne peuvent faire valoir qu'un droit indivisible de la
société, soit celui d'obtenir l'attribution du marché (cf. arrêt 2P.111/2003
du 21 janvier 2004 consid. 1.1 in medio).

6.
Une fois le contrat entre le pouvoir adjudicateur et l'adjudicataire conclu,
les choses se présentent sous un jour sensiblement différent, car le recours
ne tend alors plus à l'attribution du marché, mais à la constatation de
l'illicéité de la décision d'adjudication et à l'obtention de dommages et
intérêts (cf. art. 9 al. 3 de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le marché
intérieur [LMI; RS 943.02] et art. 18 al. 2 AIMPu; voir aussi art. 32 al. 2
de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics (LMP; RS
172.056.1). A cette fin, il va de soi que les membres d'un consortium peuvent
procéder ensemble ou se faire représenter par l'un d'eux pour faire valoir
leurs droits. Est plus délicate la question de savoir si l'un d'entre eux
dispose encore de la qualité pour recourir devant la juridiction cantonale
lorsqu'il agit isolément et en son propre nom. Pour les motifs qui suivent,
la décision du Tribunal administratif, consistant à dénier cette qualité à un
tel associé, ne souffre pas d'arbitraire.

6.1 Certes, le Tribunal fédéral a-t-il considéré qu'un soumissionnaire
évincé, bien qu'ayant déposé une offre commune avec des associés, pouvait
néanmoins, après la conclusion du contrat, recourir seul contre un arrêt
cantonal confirmant la décision d'adjudication qu'il contestait, aux fins
d'obtenir la constatation de l'illicéité de celle-ci (arrêt 2P.111/2003 du 21
janvier 2004 consid. 1.1 in fine et arrêt 2P.4/2000 du 26 juin 2000 consid.
1c, publié in: ZBl 102/2001 p. 217 et SJ 2001 I p. 172. Cette jurisprudence
concernait toutefois la qualité pour recourir au sens de l'art. 88 OJ; elle
n'empêche pas, à elle seule, les cantons d'adopter des solutions plus
restrictives à l'échelle de leurs propres juridictions. Contrairement au cas
d'espèce de surcroît, le contrat avait déjà été passé au moment du dépôt du
recours (cf. consid. 6.5 infra).

6.2 Les avis de doctrine ne suffisent pas davantage à dénoncer un arbitraire
dans l'obligation faite aux membres d'un consortium d'entreprendre
conjointement une décision d'adjudication en vue de faire constater son
illicéité. En effet, si certains auteurs considèrent que les associés
disposent individuellement de la qualité pour recourir sur ce point (Esseiva,
loc. cit., selon lequel l'intérêt des recourants se fonde sur une créance en
dommages et intérêts divisible; Zufferey/Maillard/Michel, op. cit., p. 135),
un auteur au moins penche vers une opinion opposée, motif pris que l'action
en dommages et intérêts appartient à la société simple, et non à ses membres
isolés (Wolf, op. cit., p. 16 et note 87).

6.3 Par ailleurs, la restriction en cause demeure compatible avec la
protection juridique voulue et garantie tant par l'art. 9 LMI que par l'art.
15 AIMPu. Ces dispositions se bornent en effet à obliger les cantons à
prévoir une voie de recours contre les décisions prises en matière de marchés
publics, y compris lorsque le contrat a déjà été passé. Elles ne dictent pas,
en revanche, de conditions relatives à la qualité pour agir des recourants,
qui demeure régie par le droit cantonal de procédure (arrêt 2P.42/2001 du 8
juin 2001 consid. 2d, publié in: ZBl 103/2002 p. 146; Galli/Moser/Lang, op.
cit., n° 634 p. 327). Ainsi, elles n'empêchent pas les cantons de limiter
cette qualité, pour autant que ces restrictions ne reviennent pas à paralyser
l'exercice du droit de recours. Une obligation d'agir conjointement
n'entraîne toutefois pas d'effet aussi radical.

6.4 Le fait que le Tribunal administratif calque la qualité pour recourir
prévue à l'art. 60 LPA/GE sur celle découlant de l'art. 103 lettre a OJ et de
la jurisprudence y relative (supra consid. 5.3), ne rend pas davantage
insoutenable la limitation litigieuse. Certes, l'art. 103 lettre a OJ se
satisfait d'un simple intérêt de fait, y compris lorsque celui-ci est, comme
en l'espèce, d'ordre purement économique ou financier (cf. ATF 121 II 39
consid. 2c/aa p. 43, 171 consid. 2b p. 174 et les arrêts cités). Cela ne
signifie toutefois pas encore qu'un associé soit habilité à agir seul pour
obtenir la constatation de l'illicéité de la décision d'adjudication.

6.5 Enfin, accorder aux membres d'un consortium la qualité pour recourir
isolément en leur nom propre en vue d'obtenir de la juridiction cantonale la
constatation de l'illicéité d'une décision d'adjudication se heurte à un
obstacle non négligeable:
Lorsqu'un soumissionnaire évincé saisit l'autorité cantonale de recours, la
conclusion du contrat n'est en principe pas encore survenue. En effet, le
maître d'ouvrage est tenu d'attendre l'écoulement du délai de recours avant
d'y procéder (art. 14 AIMPu). Le contrat n'étant pas passé, le recours doit
tendre à l'annulation de la décision d'adjudication; le soumissionnaire
évincé n'est pas autorisé, si ce n'est à titre subsidiaire, à requérir
d'emblée la constatation de l'illicéité de celle-ci (cf. Evelyne Clerc, in:
Pierre Tercier/Christian Bovet, Droit de la concurrence, Commentaire romand,
Bâle 2002, n° 92 ad art. 9 LMI). Or, une telle requête en annulation doit
être formulée conjointement par tous les membres du consortium, sauf
circonstances exceptionnelles (cf. consid. 5.8 supra). Par conséquent, si le
recourant consiste en un membre isolé, son recours est irrecevable au moment
du dépôt, faute de légitimation suffisante. Autoriser un tel recourant, une
fois le contrat conclu, à agir seul en constatation de l'illicéité de la
décision d'adjudication reviendrait ainsi, d'une part, à admettre que la
qualité pour agir peut être acquise subséquemment au dépôt du recours et,
d'autre part, qu'elle dépend finalement de l'éventuelle passation du contrat
pendant la procédure de recours. Or, si le premier point suscite déjà
quelques doutes (cf. Wolf, op. cit., p. 16), le second prête plus encore le
flanc à la critique, puisqu'il suffit alors au maître de l'ouvrage, pour
éviter la procédure, d'attendre la décision de non-entrée en matière avant de
passer le contrat.

6.6 Vu ce qui précède, le Tribunal administratif n'est pas tombé dans
l'arbitraire en déclarant irrecevable le recours formé isolément par la
recourante en son nom propre aux fins d'obtenir l'annulation de la décision
d'adjudication, subsidiairement la constatation de l'illicéité de celle-ci.

7.
Il s'ensuit que le recours est mal fondé. Succombant, la recourante doit
supporter un émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ). Bien que représentée
par un mandataire professionnel, la Ville de Genève n'a pas droit à des
dépens (art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au
mandataire de la Ville de Genève, Département des finances et de
l'administration générale, ainsi qu'au Tribunal administratif du canton de
Genève.

Lausanne, le 17 décembre 2004

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:   La greffière: